Grenouilles congelées !

Photographie de Ken Storey

La Grenouille des bois (Lithobates sylvaticus) est la plus nordique des amphibiens d’Amérique du Nord, vivant même à l’extrême nord du Québec et du Canada, où les hivers sont des plus rigoureux. Elle aime les forêts de feuillus et de conifères. Si d’ordinaire les grenouilles hibernent au fond des mares, notre Grenouille des bois hiberne cachée sous une litière de feuilles ou enterrée dans le sol.

À l’automne, la Grenouille des bois mange beaucoup plus qu’à son habitude, pour emmagasiner de l’amidon dans son foie. Cet amidon se transformera ensuite en glucose, un sucre qui se déversera dans les vaisseaux sanguins de l’animal avec une glycémie qui atteindra 50 fois celle d’un diabétique. Le glucose, une fois dans les cellules, abaissera le point de congélation de ces dernières. Même si les cristaux de glace se forment dans son corps, l’intérieur des cellules demeurera liquide.

Les travaux de Ken Storey ont montré le rôle cryoprotecteur du glucose chez Lithobates sylvatica, mais ont également révélé que le niveau de glucose dans les tissus est un déterminant essentiel de la capacité de tolérance à la congélation chez cette espèce.

La température corporelle de ce petit amphibien nord-américain peut descendre jusqu’à-5 °C. Entre 40 et 70 % de l’eau de son corps se transforme en glace. Le sang gèle dans ses veines. Son cœur, ses poumons et même son cerveau cessent de fonctionner. Il est techniquement mort. La seule trace d’activité se situe dans ses cellules, qui puisent dans le sucre qu’elles ont stocké pour se maintenir en vie. cet état léthargique peut se prolonger près de huit mois. Puis la machine repart d’elle-même quand les températures remontent . Tout juste vingt minutes après qu’elles ont commencé à dégeler, certaines fibres musculaires recommencent à se contracter automatiquement et font repartir le cœur. Il ne lui faut qu’une ou deux heures pour sortir de sa torpeur. 

Des chercheurs de Harvard se sont inspirés de cette incroyable stratégie : en 2022, ils sont parvenus à congeler des foies de rats cinq fois plus longtemps que ce qui était possible jusque-là. Un espoir pour les greffes d’organes ? [4]

BIBLIOGRAPHIE

  1. Glucose Concentration Regulates Freeze Tolerance In the Wood Frog Rana Sylvatica. Voir ici
  2. La Grenouille des bois. Wikipedia
  3. Epsiloon, Hors série n°7, page 84
  4. Partial freezing of rat livers extends preservation time by 5-fold. Voir ici