À syrinx déployées !

© Michel Arnould – Avec Dall-e

Pour peu que nous y soyons attentifs, en ville comme à la campagne, en forêt comme en bord de mer, dans les prés comme dans les roselières, et de jour comme de nuit, les oiseaux occupent avec efficacité l’espace sonore de nos paysages. Ils vocalisent comme bien des mammifères, des amphibiens et même des poissons. Si, si, les poissons aussi vocalisent, j’ai écrit un article sur ce sujet, mais les oiseaux sont à l’évidence de bien meilleurs chanteurs que les poissons, grâce à un organe vocal étonnant, la syrinx, leur permettant de proférer gazouillis, sifflements, trilles, croassements et tambourinades !

Etymologie d’un organe et anatomie d’un chant

Syrinx, nom féminin, est un emprunt (1752) au latin syrinx, syringis « roseau » et « flûte de Pan », lui-même emprunté au grec surinx désignant des objets longs et étroits, « flûte de berger », « étui », « galerie, couloir » et, chez les médecins, « trachée, veine ». Le mot désigne toute flûte de la Grèce ancienne et, spécialement, la flûte de Pan. Par analogie, syrinx est en zoologie (1904) le nom du larynx inférieur des oiseaux leur permettant de se faire entendre (source : dictionnaire étymologique de la langue française, Alain Rey).

La syrinx des oiseaux est un organe complexe situé entre la trachée et l’embranchement des deux bronches souches. Elle est constituée de membranes disposées sur la trachée et sur chaque bronche. Au passage de l’air, ces membranes vibrent et produisent les sons. L’oiseau peut ensuite moduler ce son en contrôlant la tension de muscles spécialisés qui modifient la tension des membranes, faisant varier l’espace entre celles-ci et produisant un large panel de sonorités. Les membranes peuvent vibrer indépendamment et émettre deux sons simultanés, permettant des chants à deux voix. La syrinx produit ainsi des sons complexes et mélodieux.

Les sacs aériens des oiseaux sont appendices à paroi mince des poumons, qui, comme des soufflets, accroissent les flux d’air dirigés vers les poumons et permettent ainsi une oxygénation accrue du sang des oiseaux. Cependant, aucun échange de gaz n’a lieu dans ces sacs dont la fonction est essentiellement mécanique.
Les sacs aériens participent également à la vocalisation. Les expirations à haute fréquence sont modulées dans la syrinx par un flux d’air continu, unidirectionnel et persistant pendant l’inspiration et l’expiration. Ainsi les oiseaux peuvent-ils chanter, fort, parfois très fort et surtout pendant longtemps, parfois très longtemps. La troisième fonction importante des sacs d’air est leur participation à la thermorégulation , mais c’est un autre sujet.

Tout ceci est expliqué clairement dans cette vidéo en 🇬🇧, sous-titrée, dont je vous recommande chaleureusement la lecture car elle montre avec une extraordinaire clarté le fonctionnement conjoint de la syrinx et des sacs aériens lors des vocalisations.

Oyez, oyez ces chants mélodieux !

Les chants sont en général constitués de plusieurs unités sonores — souvent des sons purs — enchaînées dans une séquence. Ils sont produits par les mâles durant la saison de reproduction, bien que dans certaines espèces, les femelles puissent également chanter. Ces vocalisations sont complexes, mélodiques, et souvent de longue durée. Elles peuvent être comparées à une forme d’art, chaque espèce possédant son propre «répertoire» qui peut inclure une variété de motifs mélodiques, de tessitures et d’intensités. Certains de ces chants sont des ritournelles, successions inlassables de répétitions (Pouillot véloce, Pigeon ramier), d’autres en revanche sont des improvisations, longues et talentueuses, dignes des meilleurs jazzmen (Merle noir, Grive musicienne, Rouge-gorge familier) !

Le chant a plusieurs fonctions :

  • Le chant est un moyen par lequel les mâles séduisent les femelles. Un chant complexe et particulièrement soigné témoigne du fait que le chanteur est manifestement un partenaire sain et génétiquement supérieur.
  • Les chants permettent également de délimiter et de défendre le territoire. Un mâle chantant vigoureusement incite ses rivaux à tenir leurs distances.
  • Le chant est enfin un moyen pour les partenaires de se reconnaître, notamment dans les zones densément peuplées, car chaque individu a une signature vocale qui lui est propre.

Les chants requièrent un apprentissage, par imitation d’un ou plusieurs tuteurs. Les jeunes oiseaux doivent s’entraîner avec opiniâtreté avant de devenir des maestros aptes à impressionner et séduire les femelles !

Les chants d’une espèce peuvent se décliner en dialectes locaux, avec des variations notables d’une région à l’autre comme nos accents provinciaux  !  Ainsi, l’analyse récente de plus de 2700 enregistrements d’échanges entre perruches à collier a montré que ces oiseaux communautaires développent des dialectes et des cultures distinctes à mesure que leurs populations s’éloignent. Et ce en quelques décennies seulement, car, figurez-vous, venues d’Amérique en cages, elles ne volent en liberté dans les villes d’Europe que depuis 1975. [2]

Pourquoi crier de la sorte ?

Les cris des oiseaux sont des vocalisations de courte durée, de structure souvent complexe – c’est-à-dire qu’ils sont constitués par plusieurs fréquences produites en même temps, ayant ou non un rapport harmonique entre elles. Les cris ont plusieurs fonctions :

  • Alertes de danger : Les cris peuvent indiquer la présence d’un prédateur, permettant aux autres oiseaux de réagir rapidement, que ce soit par le camouflage ou la fuite.
  • Coordination sociale : Dans le cas des espèces grégaires, les cris facilitent la coordination du groupe lors des déplacements ou lors de l’alimentation. Aaaah, le cri déchirant des oisillons affamés dans le nid !
  • Localisation : Les cris permettent aux oiseaux de se localiser mutuellement dans des environnements vastes ou visuellement obstrués.

La plupart des cris sont produits sans apprentissage préalable, et sont donc majoritairement innés. Contrairement aux chants, les cris sont utilisés toute l’année et ne sont pas limités à la saison des amours.

Phénologie des chants d’oiseaux : les 4 saisons de Vivaldi

Au printemps, l’air se remplit de mélodies complexes et mélodieuses, car c’est la saison des amours. Les mâles déploient leurs plus beaux chants pour tenter de séduire une belle et/ou pour défendre leur territoire. Au lever du jour, ce sont de véritables concerts matinaux, connus sous le nom de « chœur de l’aube« , un spectacle sans pareil, si bien décrit par Emily Dickinson :

The Birds begun at Four o’clock
Their period for Dawn
A Music numerous as space
But neighboring as Noon

L’été voit une légère diminution de l’intensité des chants. Beaucoup d’oiseaux sont occupés à nourrir leurs jeunes et se font plus discrets pour ne pas attirer l’attention sur leur nid. Cependant, certaines espèces, comme le Rossignol philomèle, continuent leurs sérénades nocturnes, profitant de la douceur des nuits estivales.

À l’automne, le paysage sonore change de nouveau. Si les chants se font plus rares, ils n’en disparaissent pas pour autant. Certains oiseaux migrateurs annoncent leur départ ou leur arrivée par des appels spécifiques, tandis que d’autres, qui restent tout l’hiver, commencent à modifier leur répertoire en prévision de la saison froide.

L’hiver semble à première vue silencieux, mais si l’on prête attention, on peut entendre des chants d’oiseaux, plus simples et moins fréquents certes, mais toujours présents. Ces chants, souvent émis par les espèces qui ne migrent pas, servent à maintenir le lien social au sein du groupe ou à revendiquer un territoire en vue du printemps suivant.

Chronologie des chants d’oiseau : jour et nuit

Les chants d’oiseaux varient non seulement selon les saisons, mais également selon l’heure de la journée, chacun suivant son propre rythme dans le grand concert de la nature. Cette variation circadienne reflète les comportements adaptatifs des oiseaux en réponse à leurs besoins écologiques, sociaux et de reproduction. Voici quelques éléments clés à considérer :

Le chœur de l’aube. Période de grande activité, juste avant et pendant les premières lumières de l’aube, de nombreux oiseaux entament leur « concert de l’aube ». Ce phénomène est particulièrement marqué au printemps et en été. 

À la mi-journée. Durant la journée, surtout aux heures les plus chaudes, l’activité de chant diminue. Les oiseaux sont alors plus occupés à se nourrir et peuvent chercher à éviter la chaleur excessive. Certaines espèces, notamment celles qui vivent dans des habitats très denses comme les forêts, peuvent continuer à chanter pour maintenir la communication au sein de l’habitat complexe où la visibilité est réduite.

Au crépuscule, comme au lever du jour, l’activité de chant augmente. C’est un moment pour réaffirmer sa présence sur le territoire ou pour un dernier appel à un potentiel partenaire avant la nuit.

La nuit, bien que la plupart des oiseaux soient silencieux, les chouettes, les hiboux et les rossignols sont actifs et chantent.

De l’influence de la pollution lumineuse et sonore sur les chants d’oiseaux

La thèse de Guillaume Corbeau [3] montre que lorsque le bruit anthropique (des moteurs thermiques essentiellement: camions, voitures, deux-roues, aéronefs) et les lumières artificielles augmentent, les oiseaux ont tendance à chanter plus tôt et plus intensément, ce qui est le cas les jours de semaine, en comparaison des week-ends. 

Où l’on apprend qu’il existe des imitateurs !

Jean Boucault et Johnny Rasse [4]  ont commencé à imiter les chants d’oiseaux pendant leur enfance. Ils en ont fait leur métier et savent imiter au moins 500 espèces d’oiseaux. Il se dit, sur la lande, que parfois les oiseaux leur répondent !

Il est également des oiseaux imitateurs :  en France, le roi des imitateurs est l’Etourneau sansonnet. Il imite d’autres oiseaux, mais peut aussi apprendre à imiter des grenouilles, chiens, chats,  bruits d’appareils et voix humaine quand il est dressé [5]. L’Hypolaïs polyglotte (qui porte bien son nom !), le Tarier des prés, la Fauvette des jardins et le Verdier d’Europe seraient également des imitateurs talentueux ! On ne peut s’empêcher de penser que ces imitateurs compliquent quelque peu la tâche des ornithologues débutants tentant, laborieusement, d’identifier les oiseaux, souvent cachés, par leur chant!

Tous les téléphones modernes, pour peu qu’ils soient équipés du bon logiciel, peuvent chanter et crier comme des milliers d’oiseaux. Attention cependant, cette opération ne doit être exécutée que dans le salon, jamais dans le jardin, dans la forêt ou dans les prés, le dérangement sonore des oiseaux, comme le dérangement physique, pouvant occasionner à ces oiseaux bien des misères !

Nous verrons, dans un prochain article comment apprendre à identifier les oiseaux par leur chant ou leur cri. En attendant, lors de chaque sortie dans la nature, apprenons à écouter, en faisant silence et en bougeant peu. La richesse sonore de nos paysages ne manquera pas, chaque fois, de nous étonner et de nous émerveiller! Non contents d’enchanter nos yeux de leurs plumages chatoyants, les oiseaux enchantent également nos oreilles, et avec quel talent !

Ecoutez-en quelques uns ici, si le cœur vous en dit, bien sûr !

BIBLIOGRAPHIE

  1. Comment et pourquoi les oiseaux chantent-ils ? Fanny Rybak. Planet vie
  2. Multilevel Bayesian analysis of monk parakeet contact calls shows dialects between European cities Simeon Q Smeele, Stephen A Tyndel, Lucy M Aplin, Mary Brooke McElreath. Behavioral Ecology, Volume 35, Issue 1, January/February 2024
  3. Phénologie du chant des oiseaux le long d’un gradient de pollutions sonores et lumineuses. G. Corbeau. Univ. Rennes
  4. Jean Boucault et Johnny Rasse : Les chanteurs d’oiseaux
  5. Vidéo de l’étourneau sansonnet imitateur.

Pollution : revers des feuilles urbaines

© Michel Arnould avec Dall-e

Une équipe de chercheurs norvégiens [1] vient de montrer que les arbres ne réduisent que très modestement (0,8%) la pollution en milieu urbain; ils pourraient même l’aggraver dans certains quartiers.

L’hypothèse selon laquelle la végétation améliore la qualité de l’air est très répandue dans les discours scientifiques, populaires et politiques. Cependant, des études expérimentales et de modélisation montrent que l’effet des espaces verts sur les concentrations de polluants atmosphériques en milieu urbain est très variable et lié au contexte.

Le lien entre la végétation et la qualité de l’air a été réexaminé en analysant les changements d’espaces verts urbains et les concentrations de polluants atmosphériques provenant de 2 615 stations de surveillance établies en Europe et aux États-Unis.

Entre 2010 et 2019, les stations ont enregistré une baisse des concentrations ambiantes de NO2, particules PM10 et PM2.5 (moyenne de -3,14 % par an), mais pas de O3 (+0,5 % par an), ce qui indique le succès général des récentes interventions politiques visant à restreindre les émissions anthropiques. 

L’effet de l’ensemble des espaces verts sur la pollution atmosphérique est faible et très variable, en particulier à l’échelle de la rue (rayon de 15 à 60 m) où la végétation peut restreindre la ventilation. Cependant, en analysant séparément les changements dans le couvert végétal, nous avons trouvé une une majoration de la pollution de l’air à l’échelle de l’arrondissement et de la ville (120 à 16 000 m), en particulier pour l’O3 et les PM. 

L’effet des espaces verts était plus faible que les effets de dépôt et de dispersion des polluants des facteurs météorologiques, notamment les précipitations, l’humidité et la vitesse du vent. Lorsque l’on fait la moyenne des échelles spatiales, une augmentation d’une SD des espaces verts a entraîné une diminution de 0,8 % (IC à 95 % : -3,5 à 2 %) de la pollution de l’air. 

Ces résultats suggèrent que si la végétalisation urbaine peut améliorer la qualité de l’air à l’échelle d’un quartier ou d’une ville, l’impact est modéré et peut même avoir des effets néfastes au niveau de la rue en fonction de facteurs aérodynamiques tels que le type de végétation et l’architecture urbaine.

Il faudra sans doute repenser les modalités de la végétalisation des villes : des plantes plus basses que les arbres seraient probablement plus efficaces, d’après Zander Venter et son équipe. L’idéal serait de planter des haies denses et continues, au milieu des rues (et pas sur les bords) ce qui posera, à l’évidence, de délicats problèmes d’aménagement urbain…

Il ne faut pas, cependant, jeter l’arbre avec l’eau de la forêt. L’arbre réduit efficacement la chaleur urbaine; il absorbe une partie de l’eau des fortes pluies, et il est excellent pour le moral du citadin. [2]

Bibliographie

  1. Reassessing the role of urban green space in air pollution control Zander S. Venter, Amirhossein Hassani , Erik Stange, Núria Castell. PNAS. Vol. 121 | No. 6
  2. https://www.treecitiesoftheworld.org/benefits.cfm

Quand la nature murmure…


Nous étions 15, ce matin, à nous élancer sur ce joli petit chemin de la rive droite du Frémur.
Le temps était beau, il faisait doux, la lumière était idéale, et les premiers paysages nous ravissaient déjà.
Nous entamions d’un pas alerte notre première randonnée furtive, curieux d’une expérience nouvelle.

Nous marchâmes deux heures durant, dans le plus complet silence, à l’affût des sons qui nous seraient offerts. La première impression ressentie fut celle de la singularité, pour ne pas dire de l’étrangeté, de la situation.

Tandis que nous avancions à pas de loup, nous perçûmes le clapotis de la mer sur les rochers en contrebas, le vent chuinter à nos oreilles, ou bruisser dans les grands arbres et les buissons. Quelques petits rus et le Frémur nous régalèrent de leurs gouleyants écoulements. Nous entendîmes, étonnés, le va-et-vient de notre souffle et le bruit cadencé de nos pas. Premiers étonnements. Un sentiment de sérénité et de bien-être.

Nous entendîmes les bourdonnements des premiers insectes volants de la saison, enjambâmes deux planquées silencieuses de chenilles processionnaires du pin sur le chemin, et nous nous délectâmes des concerts vocaux que nous offrirent les oiseaux. Les plus enthousiastes furent les pouillots véloces, les rouges-gorges, les mésanges et les troglodytes. Mais plus de 20 espèces de ces joyeux volatiles entonnèrent leurs mélodie au sein de l’orchestre symphonique, sous l’apparente direction, tout là-haut, de l’alouette des chants champs.

Le cliquetis des drisses sur les mâts des voiliers, puis la cloche de Lancieux qui nous rappela l’heure avec douceur et élégance, furent les premières notes de la partition de l’Homme. Espoir…
Las, ne lésinant pas sur les moyens, comme à son habitude,  Sapiens enchaîna avec conviction et opiniâtreté de ses instruments favoris: hélicoptère, avion, voitures, camions, camionnettes et outils de jardin nous firent un tonitruant tintamarre, manière polie de ne pas évoquer une abominable cacophonie. Nous n’en fûmes pas surpris…

Nous sûmes apprécier non seulement les magnifiques paysages que cette promenade nous offrit, mais également et pour la 1re fois sans doute, les paysages sonores qui nous furent généreusement offerts.

Cette expérience de marche en silence fut un vrai moment de joie, amplifiée par la présence silencieuse des autres marcheurs, une manière inédite de savourer l’instant présent avec une acuité rare, et surtout d’apprécier la nature mieux que nous ne le faisons jamais lors de nos balades habituelles, pendant lesquelles nos discussions nous égarent si loin de ce présent que nous ne goûtons que trop peu.

Ceux et celles d’entre vous qui marchèrent en silence au bord du Frémur ce matin sont chaleureusement invités à laisser leurs commentaires personnels ci-dessous afin de diversifier les témoignages.

Documentation

  1. Histoire naturelle du silence. Jérôme Sueur. Actes Sud
  2. Qui donc chante ici ? Article de ce blogue pour identifier les oiseaux qui chantent

Une randonnée furtive, dites-vous ?

© Michel Arnould- avec Dall-e

Le vendredi 15 mars, la section « randonnée » de l’association des Corsaires Malouins organisera une première randonnée furtive. C’est nouveau. C’est à ma connaissance inédit. C’est bigrement étrange. C’est à l’évidence expérimental.

Non, il ne s’agit pas de préparer les marcheurs à un quelconque stage commando non plus qu’à une improbable retraite dans un monastère. Mais alors, de quoi s’agit-il, se demandent les lecteurs intrigués?

C’est un livre —  Histoire naturelle du silence — qui inspira cette idée que d’aucuns ont trouvée saugrenue, idée résumée dans un article publié sur ce blogue le 11 janvier 2024 ➜ Silence, je marche !

En pratique, il s’agira de parcourir 8 km dans le plus grand silence, en ne parlant pas, certes, mais aussi en prenant garde aux bruits de ses vêtements et de son équipement (les bâtons de marche sont fort bruyants), avec l’idée de percevoir et d’apprécier les sons que le vent, la mer, les ruisseaux, les arbres, les insectes, les animaux… et les hommes distilleront sur notre parcours. Il s’agira, une fois n’est pas coutume, de savourer, en complément des paysages visuels, les paysages sonores que cette promenade nous offrira, autour de l’estuaire du Frémur, entre Lancieux et Saint-Briac.

Le parcours de la randonnée furtive

À l’issue de cette balade, les avis et les ressentis des participants seront analysés par les organisateurs avant qu’ils ne décident s’il convient de renouveler l’expérience ou s’il convient d’y renoncer.

© Michel Arnould- avec Dall-e

Niches-tu par ici, toi là-bas ?

© Michel Arnould- avec Dall-e


Eh, toi, le Hibou des marais, là-bas, sur le schorre, niches-tu dans la baie du Mont-Saint-Michel ?
Eh, toi, Goéland brun, sur ton rocher battu par les flots, n’es-tu que de passage en Bretagne nord, ou te reproduis-tu chez nous ?

Des questions de ce genre, les ornithologues débutants se les posent fréquemment. Ils cherchent alors les réponses dans des ouvrages comme  l’atlas des oiseaux nicheurs de Bretagne  ou l’atlas des oiseaux de France métropolitaine. L’inconvénient majeur de ces livres d’ornithologie est que les données qu’ils proposent sont vite obsolètes. Ce qui était vrai hier ne l’est plus forcément aujourd’hui, tout change si vite ma pov’ Ginette !

Il est néanmoins un site — encore en construction — qui permet de répondre à ces questions : oiseaux de France compile les données issues des dispositifs de surveillance nationaux : STOC, SHOC, STOM, Observatoire Rapaces, comptage Wetlands, et, apparemment, il est mis à jour au fur et à mesure de la disponibilité des données issues de ces comptages. Et ça change tout !

GOÉLAND BRUN
Nous nous sommes demandé si le Goéland brun était nicheur par chez nous.
Saisissons « goéland brun » dans la fenêtre de saisie du site oiseaux de France et cliquons sur la fiche proposée : Goéland brun (Larus fuscus).
Cette page s’affiche et montre les sites de France où le Goéland brun a été observé.
Cliquons ensuite sur le menu « Toutes saisons » en haut et à droite de la fenêtre pour choisir « Période de reproduction ». La page affiche les sites où l’oiseau est  répertorié comme nicheur possible, nicheur probable, et nicheur certain

© Atlas des Oiseaux de France – 2024


➜ le Goéland brun est nicheur certain chez nous, en Bretagne nord.
➜ Il est des Goélands bruns qui hibernent chez nous (Menu Période d’hivernage).
Réponse en 3 clics et 3 minutes, avec des données récentes.

HIBOU DES MARAIS
On peut ensuite effectuer la recherche avec le Hibou des marais (Asio flammeus). La page propose les informations concernant cette espèce.
On constate que le Hibou des marais ne niche pas dans la baie du Mont Saint-Michel, mais qu’il est nicheur possible en Manche, et nicheur certain en Loire-Atlantique.

© Atlas des oiseaux de France

LE SITE « OISEAUX DE FRANCE »
Oiseaux de France est un ambitieux projet de science participative sur les oiseaux. Il permet de mettre à jour et diffuser l’état des connaissances de l’avifaune française en période de nidification et d’hivernage, en France métropolitaine et en Outre-Mer.

POUR ALLER PLUS LOIN
Pour étudier la distribution des populations d’oiseaux nicheurs en Europe, ses variations, ainsi que les migrations de ces oiseaux, vous pour utilement consulter mon article de décembre 2022 sur le sujet.

Je serais heureux de lire vos commentaires et suggestions éventuels sur ce sujet. 

Silence, là-dessous !


En 1956 sortait le 2e film sous-marin de l’histoire, produit par J-Y Cousteau, et intitulé « le Monde du silence ». On a appris depuis que ce Monde du silence est bien loin d’être silencieux. Depuis des décennies en effet, des chercheurs « écoutent » sous la surface des océans pour détecter la présence d’animaux, étudier leurs comportements et leur cohabitation – souvent difficile – avec l’Homme. Baleines, cachalots, orques, dauphins, phoques, morses… autant de mammifères dont la signature sonore est bien connue. Néanmoins, comme sur terre, les paysages sonores des mondes sous-marins se décomposent en 3 catégories : la géophonie, l’anthropophonie et la « biophonie »

L’eau de mer est 1000 fois plus dense que l’air, et les sons s’y propagent plus vite et plus loin. La vitesse du son dans l’air à 15 °C au niveau de la mer est d’environ 1224 km/h. Dans l’eau, le son se propage près de quatre fois plus vite, à environ 5400 km/h. La surface de l’eau renvoie presque tous les sons, comme un miroir acoustique. Le son est comme canalisé et se propage plus loin dans l’eau.

La géophonie est l’ensemble des sons produits par la planète, comme le vent, les vagues se brisant sur les rochers ou déferlant lors des tempêtes, les craquements de la banquise, les orages, les volcans…

L’anthopophonie est l’ensemble des sons, ou plutôt des bruits, produits par Homo sapiens avec ses navires de surface, ses sous-marins, ses aéronefs, ses installations pétrolières, ses activités minières, ses sonars civils et militaires et toutes sortes d’activités industrielles ou touristiques. Cette pollution sonore sous-marine constitue une menace grave pour la vie marine, impactant toutes les espèces marines et perturbant radicalement le comportement des animaux dans leurs communications, leur navigation, leur alimentation, leur sécurité et leur reproduction.

La biophonie est l’ensemble sons générés par la faune sous-marine : cétacés, crustacés et poissons principalement.

Pour communiquer, les espèces sous-marines se partagent l’espace acoustique pour mieux se faire entendre, se répartissant les fréquences, dans le temps et dans l’espace, pour éviter qu’elles ne chevauchent celles des autres. Pour cela, elles utilisent des fenêtres temporelles où leur son est dominant et où peu d’espèces risquent d’interférer avec elles. Et cette répartition de la fréquence vaut d’ailleurs sous la mer mer comme sur terre.

On pourrait presque constituer un orchestre symphonique sous-marin, sans y inviter les cétacés célèbres pour leurs vocalises (qui sont de véritables langages) !

  • Les sciénidés (maigres et corbs) jouent du tambour avec leur vessie natatoire. Les maigres de nos eaux font tant de bruit qu’ils peuvent être pêchés « à l’oreille » dans le Sud-Ouest entre avril et septembre. En posant la tête sur le fond d’une barque, le pêcheur détecte leurs grognements caractéristiques. Leurs cousins méditerranéens, les corbs sont plus petits mais tout aussi bavards
  • Les poissons-chats jouent de leurs nageoires et déclenchent de véritables stridulations (vibration de lames grattées avec une râpe) comme les crécelles ; ils jouent également du tambour avec leur vessie natatoire.
  • Les carangues et les perches soleil font grincer leurs mâchoires.
  • Le poisson-clown, la morue, le grondin, le Saint-Pierre sont également capables d’émettre des sons
  • L’hippocampe joue du xylophone avec les plaques osseuses de son cou.
  • Le gobie est un joueur d’instrument à vent qui siffle sous l’eau des flaques d’eau sur l’estran, on ignore encore comment il procède.
  • Les rascasses jouent de la guitare, faisant vibrer des tendons jouant le rôle de cordes.
  • La seule violoniste de la bande est la langouste, qui frotte ses antennes sur deux pièces de sa carapace sur sa tête, comme on frotte l’archet sur les cordes d’un violon, produisant des sons allant jusqu’à 167 décibels pour les plus gros spécimens, et perceptibles jusqu’à 3 kilomètres, estiment des chercheurs dans leur étude publiée dans le journal Scientific Reports.
  • Les crevettes émettent des cliquetis, discrets mais audibles ! Et je ne parle pas de la percussionniste en chef qu’est la crevette pistolet !

La mer serait le Monde du silence ? Quelle blague !

Bibliographie

  1. Pollution sonore des océans : les mammifères marins menacés par le bruit des activités minières. Géo
  2. Bill François. Les génies des mers. Ed. Flammarion
  3. Jézéquel, Y., Chauvaud, L. & Bonnel, J. Spiny lobster sounds can be detectable over kilometres underwater. Sci Rep 10, 7943 (2020)
  4. Evolutionary Patterns in Sound Production across Fishes Aaron N. Rice, Stacy C. Farina, Andrea J. Makowski, Ingrid M. Kaatz, Phillip S. Lobel, William E. Bemis, Andrew H. Bass. Ichthyology & Herpetology, 110(1):1-12 (2022).

L’élégante voleuse ailée


Avez-vous jamais rencontré Elysia ? Elle est très étonnante ! J’en ai déjà parlé, sur ce blogue, mais je souhaitais y revenir tant elle mérite l’attention des naturalistes et des curieux. Je me demande parfois si, sur l’estran, elle n’est pas ma chouchoute. Bref…

Elysia n’est pas l’une de ces charmantes exploratrices de l’estran qui, à l’étale de basse mer, retournent les rochers, fouillent les failles et soulèvent les algues. Elysia est une adorable limace de mer — c’est presque un oxymore — qui vit sur l’estran jusqu’à une profondeur d’environ 5 m.

Elysia viridis, c’est son nom scientifique, est un mollusque gastéropode comme les limaces de nos jardins, mais elle vit dans l’eau.  Elle se drape le plus souvent d’une élégante livrée vert émeraude du plus bel effet, mais elle peut  également s’habiller de couleurs plus chaudes, rougeâtres voire brunâtres, tandis que son manteau est toujours parsemé de taches iridescentes lui conférant un aspect étoilé, comme les paillettes du costume de scène d’Elvis Presley

Une limace de mer élégante. Premier étonnement.

Elysia possède des parapodes larges, au bord ondulé, qui, lorsqu’ils sont déployés la font paraître ailée; elle nage avec des ailes, comme une raie, et elle prend alors, vue de dessus, l’aspect d’une feuille, du fait de ses nombreux vaisseaux dorsaux parfaitement dessinés. 

Une limace de mer ailée ! Deuxième étonnement !

Elysia est friande de Codium fragile, une algue verte; mais elle peut aussi se nourrir d’algues rouges ou brunes d’où la coloration variable de ses habits. Une limace herbivore, rien de bien étonnant, me direz-vous ! Et pourtant  Elysia va encore vous étonner. Elle ponctionne, sans les endommager, les chloroplastes des algues qu’elle a mangées et les accumule dans des cellules spécialisées de ses  glandes digestives. On parle de kleptoplastie (un vol de plastes, quoi !). Ces chloroplastes, véritables usines fabriquant des glucides à partir du CO2 par photosynthèse, poursuivent leur travail durant une quinzaine de jours, nourrissant ainsi Elysia, avant de cesser de fonctionner. Visibles par transparence, ces chloroplastes colorent la belle en vert. Elysia — un animal — a donc des capacités de photosynthèse, comme une plante, lui permettant de se nourrir partiellement grâce à la lumière du soleil. !  

Une limace de mer élégante et ailée doublée d’une voleuse dont le butin lui confère les capacités de photosynthèse d’une plante !  Troisième étonnement !
L’estran nous en réserve bien d’autres.

Documentation

  1. Elysia viridis. Doris
  2. Elysia viridis; INPN

Mathématiques subaquatiques

Une image dessinée par l’IA, avec un « prompt » personnel !



Trop souvent, un petit cafard ou un irrépressible chagrin étreint le lecteur achevant de parcourir un livre avant de le ranger dans sa bibliothèque. Ce fut le cas pour « Les génies des mers » de Bill François [1] aux éditions Flammarion, livre dans lequel ce jeune biophysicien, naturaliste et écrivain plein d’humour (oui, oui, tout ça !) nous raconte des histoires extraordinaires et nous explique les compétences stupéfiantes des habitants du monde du silence, dont il révèle en passant qu’il est un monde plutôt bruyant !  Nous y reviendrons probablement dans un prochain article.

Une des histoires extraordinaires racontée Bill François est celle du mathématicien Alan Turing, génie au destin tragique, qui conceptualisa un algorithme mathématique, la réaction-diffusion, pour expliquer les motifs (rayures, celles, taches) des robes des poissons ou du pelages des mammifères. Voici ce qu’il nous dit : 

En 1952, le mathématicien anglais Alan Turing, un des pères fondateurs de l’informatique, réfléchissait intensément au monde vivant. Il cherchait à expliquer par la science l’émergence des motifs observés dans la nature. Pour cela, il eut une idée plutôt originale : il imagina que les cellules portant les pigments colorés sur la peau des animaux se comportaient comme des proies et des prédateurs, les unes cherchant sans cesse à dévorer les autres. 
Tous les Hurons vous le diront : dans les forêts du Canada, les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Il y a des années à lynx et des années à lièvres. En l’absence de prédateurs, c’est la proie qui abonde. Puis, fort de l’abondance des proies, le prédateur revient petit à petit. Il se met à proliférer et à dévorer les lièvres, jusqu’à ce que sa proie régresse à nouveau. Et ce cycle éternel se perpétue, année après année, depuis des temps immémoriaux. Au fil des ans, des zones peuplées majoritairement de lièvres et d’autres infestées de lynx se déplacent, au fur et à mesure des mouvements des populations animales, et forment. . . des motifs!  L’idée inspira Turing : et si les couleurs sur la peau d’un animal faisaient entre elles comme les lynx et les lièvres de la baie d’Hudson?
Ainsi, au cours de la croissance d’un animal, les couleurs qui apparaissent puis se diffusent sur sa peau se livreraient à une prédation sans merci. La couleur prédatrice dévorant la couleur proie, et la couleur proie nourrissant la couleur prédatrice, il s’instaurerait, comme dans un écosystème, un équilibre entre les différentes teintes. Et ces dernières se répartiraient sur la peau de la bête selon des motifs. Des ilots où les couleurs « proies» prospèrent en paix, des zones our les couleurs « prédateurs » abondent, des frontières entre les deux… Voilà comment se formeraient rayures, ocelles et taches. Turing prédit que ce mécanisme était à l’œuvre dans la peau des animaux. Il postula que celle-ci devait comporter des entités colorées qui jouaient le rôle de proies et d’autres celui de prédateurs, et que leurs interactions formeraient les dessins qu’arbore la faune : les stries du zèbre, les pois des panthères…
C’était là pure supposition. Mais Turing y croyait fermement. Selon lui, en interagissant comme des proies et des prédateurs, les couleurs pouvaient dessiner tous ces motifs. De fait, une autre invention du grand homme, l’informatique, corrobora quelques décennies plus tard son hypothèse. On simula par des calculs numériques le phénomène qu’il avait imaginé. Il suffisait de saisir les paramètres régissant le système – la voracité des « prédateurs », la fécondité des « proies », la taille de la peau de l’animal -, puis l’ordinateur calculait le résultat et affichait les dessins obtenus. Stupeur : selon les valeurs des paramètres apparaissaient à l’écran des taches, des rayures, des ocelles, des mailles… bref, tous les motifs du règne animal, au grand émerveillement de la communauté scientifique internationale.

Un article  [2] précise  : 
Alan Turing ne prétend pas qu’il s’agit du seul mécanisme possible de morphogenèse, ni même qu’il est effectivement à l’œuvre dans tel ou tel système vivant – il est conscient du manque de preuves expérimentales. Son but est davantage de proposer un mécanisme plausible et de montrer tout ce qu’il permet déjà d’expliquer, malgré sa simplicité. Il souligne que le modèle est une « simplification » et une « idéalisation » et par conséquent, une « falsification », mais il fait la pétition de principe que les quelques mécanismes retenus sont effectivement les mécanismes dominants.
…/…
Il a fallu quarante ans avant que les premières structures de Turing soient mises en évidence expérimentalement. Il faut en effet des situations assez particulières où le coefficient de diffusion de l’espèce inhibitrice est beaucoup plus grand que celui de l’espèce activatrice. Il est possible que le mécanisme proposé par Alan Turing ne fournisse qu’un principe directeur de la formation des motifs observés chez les êtres vivants et que d’autres mécanismes plus fins et plus spécifiques s’y ajoutent. En effet, la similitude des motifs observés ne fournit pas la preuve que le mécanisme proposé par Alan Turing est réellement à l’œuvre. Ce piège de l’analogie se rencontre par exemple avec la structure en bandes d’un embryon de drosophile, tout à fait similaire à une structure de Turing mais où, comme l’a montré John Maynard Smith, chaque bande est en fait contrôlée individuellement par un mélange de morphogènes qui lui est spécifique. Pour obtenir des arguments supplémentaires en faveur d’un mécanisme de Turing ou pour le rejeter, on étudie les défauts et la réponse à des perturbations, par exemple la régénération ou non des motifs lors de la cicatrisation après une blessure. Cette étude permet de mieux révéler les mécanismes à l’œuvre et de préciser le niveau auquel ils entrent en jeu lors de l’embryogenèse ou bien en continu lors de la croissance de l’animal.

Un article du Muséum National d’Histoire Naturelle [3] complète les développements en apportant un peu de complexité (c’est de la biologie, hein !) : 
Si la proposition de Turing a mis du temps à être mise en évidence chez un être vivant – le poisson-zèbre dans les années 90, depuis une vingtaine d’années de nombreux exemples sont décrits régulièrement. En vrac, les rides de votre palais, la formation de vos doigts, les rayures du poisson-zèbre ou les pois de la fleur de Mimulus, les motifs des vaisseaux racinaires des plantes sont tous des exemples de structures produites par des « systèmes de Turing ».
On soupçonne en fait cette famille de systèmes d’être apparue des centaines de fois au cours de l’évolution, et d’intervenir dans toutes sortes de processus biologiques.
Briser les symétries pour créer des motifs de couleurs répétés
Les systèmes de Turing sont-ils les seuls moyens retenus au cours de l’évolution pour peindre les espèces vivantes ? Cela serait surprenant, car certains motifs répétés ne correspondent pas tout à fait aux caractéristiques de ceux produits par Turing, en particulier concernant la périodicité ou la géométrie des motifs, comme par exemples les taches des dalmatiens.

Une récente publication [5] propose pas moins de sept mécanismes expliquant la formation de motifs colorés répétés chez les eucaryotes — Turing(-like), automate cellulaire, multi-induction, fissuration physique, aléatoire, neuromusculaire et impression — et six modificateurs de motifs, agissant en synergie avec ces mécanismes primaires pour améliorer le spectre des motifs de couleurs répétés.

Les motifs, souvent spectaculaires qui ornent les coquilles des palourdes, cônes, et autres coquillages artistes, pour la plus grande joie des collectionneurs, relèvent d’un autre modèle mathématique, celui des automates cellulaires. Mais c’est là une autre histoire que Bill François dans son livre [3], et Jean-Paul Delahaye dans son article [6]nous ’expliquent avec talent.

On savait qu’il était sous la surface des mers et des océans des artistes et des architectes brillants, mais qui eût cru qu’il existât aussi des mathématiciens, maîtrisant la réaction-diffusion et les automates cellulaires ? 

Quoi qu’il en soit, ne ratez pas la vidéo ci-dessous. Elle explique bien le principe de réaction-diffusion, en anglais, certes, mais sous titré.

Bibliographie

  1. Turing, A.M. The chemical basis of morphogenesis, Bltn Mathcal Biology 52, 153-197 (1990)
  2. Alan Turing, les motifs et les structures du vivant. Voir ici
  3. Les génies des mers. Bill François. Ed. Flammarion
  4. D’où viennent les rayures et les autres motifs des animaux ? Muséum National d’Histoire Naturelle
  5. Les sept façons dont les eucaryotes produisent des motifs colorés répétés sur les tissus externes.Pierre Galipo, Catherine Damerval, Florian Jabbour 
  6. L’algorithme des coquillages. Jean-Paul De la Haye

Nourrices piégeuses de carbone

Herbier de zostères, à l’étale de basse mer. © Michel Arnould


Les zostères ne sont pas des algues mais bien des plantes à fleurs qui forment des herbiers marins, parfois très denses. Les zostères sont présentes dans les mers de tous les continents, en particulier le long des côtes de la Manche et de l’Atlantique. Ce sont des concentrés de biodiversité, des nurseries, pouvant accueillir jusqu’à 500 espèces différentes qui s’y reproduisent, s’y alimentent ou s’y abritent des prédateurs !  On les trouve dans les sédiments sableux ou dans les estuaires (étage infralittoral), entièrement submergées ou partiellement flottantes.

Les herbiers de zostères tiennent de nombreux rôles écologiques : 

  • Ils participent à la clarification de l’eau en fixant les sédiments en suspension
  • Ils stabilisent les fonds et protègent contre l’érosion du littoral en fixant le sédiment par les racines et en atténuant la houle et le courant par les feuilles ;
  • Ils constituent des réservoirs naturels de carbone, se développant à des profondeurs où ils disposent de suffisamment lumière pour réaliser la photosynthèse. L’enfouissement rapide de la matière organique et l’absence d’oxygène dans les sédiments permettent au carbone d’être séquestré rapidement, pour des milliers d’années. Puits de carbone très efficaces, ces herbiers peuvent stocker jusqu’à 18 % du carbone océanique mondial.
  • À marée basse ils sont une zone d’alimentation privilégiée pour de nombreux oiseaux (la Bernache cravant consomme feuilles et rhizomes, le Canard siffleur, quant à lui, ne consomme que les feuilles).

Ces herbiers sous-marins font face à de nombreuses menaces : les ruissellements urbain, industriel et agricole, sources de nombreuses pollutions, l’aménagement du littoral, le dragage, les activités de pêche et de navigation ainsi que le changement climatique. Ils sont en déclin au niveau mondial depuis les années 1930. Selon des données récentes, 21 % des espèces d’herbiers marins sont classées dans les catégories quasi menacées, vulnérables et en danger de la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature.

En mai 2022 et face à l’urgence de préserver ces habitats fragiles, l’Assemblée Générale des Nations Unies a décidé de proclamer le 1er mars « Journée mondiale des herbiers marins ». Cette résolution souligne l’urgente nécessité de susciter une prise de conscience à tous les niveaux, et de promouvoir et de faciliter les initiatives en faveur de la conservation des herbiers marins, afin de contribuer à leur santé et à leur développement, en gardant à l’esprit que l’amélioration des services et fonctions écosystémiques est importante pour la réalisation des objectifs de développement durable.

Le littoral du futur Parc naturel régional Vallée de la Rance Côte d’Emeraude a la chance d’abriter bon nombre d’herbiers de zostères (cartographie disponible ici), de surfaces différentes mais tous soumis à des pressions comme le piétinement, la pratique de la plaisance et des sports nautiques ou encore le ratissage par la pêche à pied de loisir.  Ces habitats sont protégés au niveau européen ainsi qu’au niveau national. Le ratissage des herbiers pour la pêche à pied des coquillages fouisseurs (palourdes, coques, amandes, couteaux…) est strictement interdit.

Documentation

  1. Les herbiers marins : des prairies sous-marines au rôle écologique considérable. OFB 👍
  2. Les zostères. Wikipedia
  3. Journée mondiale des herbiers marins. ONU

Les pionniers de l’extrême !


Ils sont partout. Ni plantes, ni animaux, ils ne possèdent ni racines, ni feuilles, ni tiges. Leurs formes, leurs couleurs, et leurs habitats sont innombrables. Ils sont là depuis la nuit des temps. Ce sont des pionniers d’une exceptionnelle résistance. Ascétiques, ils se nourrissent de trois fois rien. Mais qui sont-ils donc ? 

Lichens, qu’êtes-vous donc ?

Les lichens sont des organismes formés par la symbiose entre un champignon et une algue. Ils génèrent un appareil végétatif composé à 90 % par le champignon, le thalle, qui se développe lentement à la surface de supports variés, y compris dans des milieux souvent hostiles, sols, rochers, branches, murs, tuiles, où ils peuvent être exposés à la sécheresse et souvent à de fortes températures. En fait les lichens poussent dans tous les milieux (sauf en haute mer), sur les tissus des animaux vivants, et même en zones très polluées. Par leur capacité à vivre en conditions extrêmes, les lichens peuvent coloniser des substrats pauvres en substances nutritives et sont considérés comme de véritables pionniers.

La symbiose lichénique est plus complexe que ce que l’on croyait jusqu’alors : la structure du thalle montre non seulement la présence de deux partenaires de base (un champignon + une algue verte ou/et une cyanobactérie) mais aussi celle de nombreuses bactéries et d’un champignon unicellulaire découverts récemment.

Pour faire simple, disons que le champignon fournit le support et la protection, les sels minéraux (extraits de l’eau atmosphérique ou de l’eau de ruissellement), et la réserve d’humidité qui limite la dessiccation du thalle; l’algue fournit les nutriments carbonés issus de la photosynthèse chlorophyllienne (des sucres, de l’amidon chez la plupart des espèces, réserve lipidique chez les Trentepohliales), 20 à 30 % des nutriments étant en moyenne rétrocédés au champignon.  Cet échange de bons procédés pourrait être trivialement résumé d’une phrase : « Passe-moi le sel, je te passe le sucre ». Les lichens ont aussi la possibilité de dissoudre des éléments minéraux du substrat en excrétant, par l’intermédiaire du champignon, des acides organiques.

Il existe plus de 20 000 espèces de lichens, qui résultent de l’association de plus de 1 500 espèces de champignons et de 100 espèces d’algues. Les champignons impliqués dans la symbiose lichénique appartiennent principalement à la division des ascomycètes, mais aussi à celle des basidiomycètes. Les algues sont soit des algues vertes, soit des cyanobactéries, soit les deux. 

Lichens, il paraît que vous savez évaluer la pollution de l’air ?

  • Nylander, lichénologue finlandais, dès la fin du XIXe siècle, par des observations réalisées à Paris sur les arbres du Jardin du Luxembourg fut le premier à émettre l’idée que les lichens étaient sensibles à la pollution atmosphérique. La disparition des lichens s’est avérée être le résultat de la présence du dioxyde de soufre (SO2), émis par la combustion du charbon et le développement industriel de l’époque.
  • Diverses méthodes basées sur l’observation de lichens ont vu le jour permettant de détecter l’effet de la pollution atmosphérique et d’en cartographier les effets.
  • Depuis les années 89-90, la diminution des émissions de SO2 a permis le retour des lichens sensibles à ce polluant. Mais d’autres polluants persistent comme les oxydes d’azote qui entraînent la propagation d’espèces lichéniques dites nitrophiles.
  • Les lichens sont capables d’accumuler divers polluants tels que les métaux, des éléments organiques, des radioéléments, etc. et peuvent être utilisés comme capteurs de polluants de l’atmosphère, de l’eau ou du sol pour des analyses.
  • Des normes ont été mises au point pour la bioindication lichénique et la préparation des échantillons à des fins d’analyse.
  • Les lichens constituent d’excellents modèles biologiques pour l’évaluation des risques environnementaux et sanitaires.

Lichens  ! Que savez-vous faire d’autre ? 

  • Les lichens produisent également des molécules ayant des propriétés antibactériennes, antifongiques, antivirales, antitumorales et immunomodulatrices. Ces molécules sont donc potentiellement utiles pour la médecine et la pharmacologie.
  • Les lichens, déjà connus comme fixateurs de parfum depuis le Moyen-Age, sont encore très utilisés en parfumerie. Deux espèces corticoles, Pseudevernia furfuracea, Evernia prunastri (appelées improprement « mousse de chêne »), qui doivent leurs propriétés de fixateurs à leur forte teneur en acide atranorique, sont récoltées en grande quantité, essentiellement en Europe centrale et importées à Grasse. Les parfumeries locales en extraient un concentré appelé « absolu mousse de chêne » qui entre dans la constitution de nombreux parfums. Chaque année, 6000 à 8000 tonnes de lichens sont récoltés dans le sud de la France, au Maroc et dans d’autres pays. Ces prélèvements intensifs menacent la survie des espèces. L’idéal serait de les remplacer par des produits de synthèse mais jusqu’à présent nul n’a su reproduire leur nature biochimique complexe.
  • Dès l’Antiquité, divers colorants ont été extraits de lichens comme les orseilles tirés des Roccella qui donnent des teintes rouges. D’autres lichens donnent des teintes brunes à rouges (Umbilicaria pustulata), jaunes (Letharia vulpina, Flavoparmelia caperata), jaune orangé à roses (Xanthoria parietina…), vertes (divers Cladonia)… Rappelons que la liqueur dite de « tournesol » qui vire au rouge ou au bleu selon l’acidité ou la basicité de la solution à tester est extraite de différents lichens (Roccella, Dendrographa…). Malgré l’usage de colorants chimiques, certains tweeds irlandais sont encore colorés à l’aide de lichens.

Il est tant de choses à raconter sur les lichens ! Si vous désirez faire plus ample connaissance avec ces organismes étonnants, je vous propose 3 documents ci-dessous ! Bonne lecture !

Documentation

  1. Lichens, de surprenants organismes pionniers. Encyclopédie de l’environnement
  2. Lichens et qualité de vie de l’environnement. Encyclopédie de l’environnement
  3. Les lichens. Wikipédia

Manger des épinards ? Faux le fer !


Pendant une randonnée, une amie nous expliqua que pour lutter contre sa fatigue hivernale, elle consommait beaucoup d’épinards, réputés, nous rappela-t-elle, pour leur teneur en fer. 

Or l’on sait, en 2024, que les épinards sont à peine plus riches en fer (1,3 g/100 ml) que la laitue (0,98 gl) et qu’ils le sont deux fois moins que l’oseille (2,4 g) !  Il est possible de confirmer ces informations sur l’excellente base de données Ciqual, de l’ANSES,  qui donne 3,61 mg de fer pour 100 g d’épinards crus. Il semble, si l’on est végétarien et que l’on a besoin de fer, qu’il vaille mieux manger du thym séché qui contient 234 mg de fer pour 100 g voire du basilic ou de la menthe séchés !  Vérifier ici

Comment le mythe selon lequel les épinards sont riches en fer est-il devenu une légende académique et urbaine ? Trois hypothèses principales prévalent dans la littérature : 

  1. Gustav von Bunge (1844-1920), un scientifique suisse de la fin du XIXe siècle, aurait commis une erreur de décimale qui a conduit à une surestimation décuplée de la teneur en fer. 
  2. Emil von Wolff (1818-1896), scientifique allemand, aurait commis une erreur décimale dans sa compilation des teneurs en minéraux des légumes et des plantes, ce qui a conduit à une surestimation décuplée de la teneur en fer des épinards. 
  3. Dans les premiers travaux de biochimie, la teneur en fer présentée en poids sec a été confondue avec le poids frais des plantes.

L’affaire paraissait complexe, presque inextricable, jusqu’à la publication d’un article magistral, s’appuyant sur de nombreuses références de la littérature, tentant d’expliquer la construction du mythe et sa pérennité. [1]. En voici, ci-après, quelques extraits.

L’affirmation selon laquelle les épinards contiennent beaucoup de fer est l’un des mythes les plus célèbres de la science. Au cours des dernières décennies, cette erreur précoce est devenue largement connue du public et plusieurs théories ont été avancées pour expliquer la naissance de cette idée fausse. La plus célèbre, connue sous de nombreuses formes et rapportée dans de nombreux livres et revues scientifiques, est qu’une simple erreur décimale s’est produite. Plus récemment, on a prétendu que l’histoire de l’erreur décimale était elle-même un mythe et que Popeye, contrairement à la croyance populaire, ne mangeait pas d’épinards en raison de leur teneur en fer.

Malheureusement, on ne sait pas grand-chose sur la manière dont les légendes universitaires urbaines et les croyances populaires erronées en médecine et en sciences naturelles se développent et sur la manière dont les faits et les erreurs sont popularisés. 

C’est pourquoi une recherche bibliographique intensive a été effectuée, couvrant tous les articles scientifiques, de magazines et de journaux, les manuels, les encyclopédies et la littérature grise liés au sujet et pouvant être localisés. 

Les résultats de cette recherche bibliographique ont révélé un puzzle de citations d’une histoire complexe sur la façon dont le mythe des épinards riches en fer est né bien plus tôt qu’on ne le pensait et comment il a été rapporté et popularisé dans la littérature. Il s’agissait au départ d’une simple note secondaire dans l’une des disputes scientifiques, culturelles, philosophiques et religieuses les plus virulentes du XIXe siècle. Elle a également révélé une série d’erreurs aux multiples facettes et une série d’interactions à plusieurs niveaux entre des scientifiques de différentes disciplines et des journalistes, qui ont finalement conduit à promouvoir les épinards comme étant riches en fer après que l’on ait découvert que c’était exagéré, et plus tard à déboulonner ce mythe, tout en introduisant simultanément de nouvelles couches à la légende

Bref, il est clair que les épinards ne sont pas riches en fer, et l’origine de cette légende relève d’une association d’erreurs, d’approximations, et de manipulations. La base de données CIQUAL de l’ANSES permet de déterminer la composition précise d’un grand nombre d’aliments, et de rechercher les aliments les plus riches en fer, en calcium, en vit C, etc. Un outil fort utile !

Documentation

  1. Spinach in Blunderland: How the myth that spinach is rich in iron became an urban academic legend. Mielewczik, Michael & Moll, Janine. (2019). Voir l’article en 🇬🇧
  2. Ciqual, LA base de données de composition des aliments de l’ANSES. Voir ici

Ortie subvertie !



Elle est de toutes nos sorties dans la nature, randonnées, ou observations naturalistes. Qu’il fasse beau ou qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, elle est présente, dans les fossés ou sur les talus, dans les friches, les parcs et les jardins. Nous avons tous, une fois dans notre vie, expérimenté son brûlant contact. Vous aurez deviné que nous brosserons aujourd’hui, à gros traits malhabiles, le portrait de l’ortie. 

En Europe de l’Ouest, les deux espèces les plus courantes de ces plantes de la famille des Urticacées, et du genre Urtica, sont la grande ortie (Urtica dioica, cinquante centimètres à un mètre, vivace) et l’ortie brûlante (Urtica urens, moins de cinquante centimètres, annuelle).

Loin de se résumer à ses compétences urticantes, l’ortie est une plante qui mérite notre considération, car elle est à bien des égards fort étonnante, pour ne pas dire épatante.

En préambule, je la trouve élégante, ses feuilles dentelées et élancées composant de luxuriants tapis végétaux. Maquillée de givre, par les frais matins d’hiver, elle brille de de mille feux !

Ses pouvoirs urticants sont connus de tous. Les poils urticants, qui recouvrent presque toutes les feuilles et la tige contiennent un mélange d’histamine, d’acétylcholine et de sérotonine qui irrite la peau au moindre contact de la plante. De l’acide formique (l’arme de défense des fourmis et des abeilles) est également présent dans ce cocktail chimique, mais il joue un rôle mineur dans la réaction cutanée de l’agresseur agressé.

Les propriétés nutritionnelles de l’ortie sont moins connues. La soupe d’ortie était, autrefois, un mets de choix pour les plus modestes, mais n’est plus guère consommée de nos jours. L’ortie n’est pas référencée dans la base Ciqual de l’ANSES, mais différentes sources laissent à penser que l’ortie contient de nombreux nutriments intéressants  :

  • Des minéraux et oligo-éléments (silice, potassium, calcium, fer, magnésium, manganèse, soufre, zinc, etc.).
  • Des vitamines (vitamine A, vitamines du groupe B, vitamine C, vitamine E, vitamine F, vitamine K, vitamine P).
  • Des protéines (30 % de sa masse sèche) composées de 18 acides aminés différents (sur les 20 existants), dont les 8 acides aminés essentiels (isoleucine, leucine, lysine, méthionine, phénylalanine, thréonine, tryptophane et valine). A titre de comparaison, les céréales sont toutes déficientes en lysine (certaines également en tryptophane), tandis que les légumineuses sont déficientes en méthionine.

L’ortie a des compétences écosytémiques : sur les sols retournés, certains gravats et sédiments riches en matière organique, sur les sols violemment remués, très déstructurés et sur les sols et friches pollués par les nitrates, les orties, après les coquelicots, comptent parmi les toutes premières plantes à couvrir le sol, et jouent un rôle important dans le cycle de l’azote en prélevant une partie des nitrates.

⚠️ Mais ATTENTION, il arrive qu’elles accumulent, dans leurs tissus, les polluants dont l’homme arrose les campagnes, les métaux lourds en particulier. Par conséquent, pour confectionner une délicieuse soupe d’ortie, évitons de faire notre marché au bord d’une route ou d’une décharge.

Les massifs d’orties constituent un habitat propice aux insectes et contribuent à la biodiversité. Protégés par leur petite taille et leur carapace, les insectes sont nombreux à apprécier les orties. Une trentaine d’espèces ne vivent quasiment qu’à ses côtés, notamment les paons du jour, vulcains, petites tortues, cartes géographiques ou robert-le-diable. Les chenilles de ces papillons se nourrissent de feuilles d’orties. Les dégâts occasionnés sont, modérés, et ne menacent aucunement la plante.

L’ortie est une des alliées du jardinier : quand elle se décompose, elle libère de l’azote, le fer et le potassium, les mettant à disposition des micro-organismes du sol et des végétaux. Ainsi, l’ortie constitue-t-elle un précieux engrais (purin d’ortie ou broyât séché).

Verrez-vous, comme ce fut le cas pour moi, l’ortie d’un œil nouveau, après avoir pris connaissance des vertus de cette plante ? Elle est, certes, brûlante, mais elle est aussi épuratoire, nourrissante et fertilisante ! Vos commentaires seront les bienvenus !

Sources

  1. La Grande ortie. BNF – Gallica
  2. Petite ethnobotanique de l’ortie. Aymeric de Kérimel
  3. L’herbier d’Halbran. Les poils urticants de l’ortie
  4. Les nombreuses vertus de l’ortie. Salamandre
  5. Mise en valeur du potentiel nutritionnel et thérapeutique de l’ortie dioïque. Hegel, 2016

Anthropophonie marine


Nous avons vu, dans un article précédent, que le randonneur curieux et avisé pouvait entendre 3 partitions dans un paysage sonore, pour peu qu’il se donne la peine de prêter l’oreille :

  1. la partition de la « géophonie », entonnée par la planète (le vent, la pluie, les ruisseaux, les vagues, les chutes de pierre)
  2. la partition de la « biophonie », chantée par les animaux (mammifères, oiseaux, insectes)
  3. et la partition de l’anthropophonie » jouée par Homo sapiens avec ses aéronefs, ses automobiles, ses tronçonneuses, ses tondeuses, ses cris, et ses chiens…). Source : Histoire naturelle du silence

Biophonie et géophonie sont volontiers inscrites dans le registre du silence de la nature et l’anthropophonie dans celui du bruit ou de la cacophonie.
Il est cependant des exceptions !
Le chant des hirondelles peut gêner l’endormissement du travailleur de nuit et le bruit de l’orage réveiller les dormeurs quand la musique et les chants, qu’ils soient d’un soliste ou d’un chœur, peuvent enchanter les oreilles et enflammer les esprits et les cœurs .

C’est ainsi qu’un soir de janvier, j’entendis un concert des musiciens et choristes du groupe vocal des Corsaires Malouins interprétant des chants de marins: j’en fus tout retourné  et voulus en savoir davantage!

C’est une grande chose pour un marin que de savoir bien chanter, car il s’attire ainsi la considération des officiers et une grande popularité parmi ses compagnons d’équipage écrivit Herman Melville.

Du temps de la marine à voile, rude était la vie des matelots, qu’ils soient embarqués sur des vaisseaux de guerre, des bâtiments de commerce ou de pêche. Longtemps éloignés de leur foyer, ils subissaient canicules et froids polaires, tempêtes et calmes plats, hiérarchie et discipline, et le travail était aussi éreintant que dangereux. La plupart de ces chants ont eu pour vocation de donner du cœur à l’ouvrage lors des innombrables manœuvres physiques, de rythmer et synchroniser ces manœuvres et de détendre les matelots lors des rares moments de repos, dans le gaillard d’avant ou au port. Ces chants s’inscrivent pour la plupart dans une tradition orale, aussi nombre d’entre eux auraient sombré dans l’oubli avec la fin de la marine à voile.

Pour arriver à recueillir, à reconstituer les survivantes des chansons de bord, les vraies, les pures – qui ne sont ni des chants de marins en bordée, ni des complaintes de la côte, ni de ces compositions où il est question de Neptune, de son trident et des flots en courroux, que l’on extrait de vieux ouvrages bien sages et qui firent toutes leurs campagnes par le travers d’un clavecin dans les calmes parages des salons du XVIIIe siècle – ma peine a été grande, je l’ai déjà dit, puisque je n’avais à compter que sur ma mémoire et sur celle de mes compagnons du long-cours, officiers et matelots. Armand Hayet.

Les chants de marins était entonnés par des matelots ayant peu ou pas de formation musicale. Leur structure est donc simple (une suite de couplets entrecoupés d’un refrain ou d’une phrase reprise en leitmotiv), la mélodie est facile à mémoriser et les paroles font explicitement référence au milieu maritime. L’instrument essentiel était la voix. Quelques instruments étaient utilisés pour les chants de détente : accordéon, violon, parfois accordéon.

La typologie des chants de marins est divisée en deux grands chapitres : les chants de travail et les chants de détente.

Chants de travail

  • Chants à hisser : pour rythmer la montée des voiles hissées à la force des bras par un jeu de drisses sur poulie
    • Les chants à hisser « à grands coups » sont utilisés notamment pour hisser le grand hunier volant, la plus lourde des voiles.
    • Les chants à hisser « à courir » servent pour l’envoi des cacatois, voiles plus légères que les autres. Le chant est rapide et saccadé et les refrains sont très courts.
    • Les chants à hisser « main sur main » permettent de hisser les voiles d’étai et les focs qui montent facilement. Les refrains sont courts et répétitifs, la chanson est rythmée et scandée.
  • Chants à virer
    • Les chants à virer au guindeau. Les chants à virer retentissent quand la force de l’homme doit être démultipliée par un treuil afin d’exercer une traction supplémentaire qui ralentit cependant les mouvements. Ils sont notamment utilisés pour virer l’ancre, mais aussi sur les baleiniers lors de la longue opération qu’est le dépeçage. C’est sur les terre-neuviers que ces chants ont été le plus utilisés. Le virage au guindeau « à brimbales » est utilisé fréquemment jusqu’en 1920. Les hommes appuient alternativement sur la barre horizontale du treuil à balancier. Le chant était scandé et très rythmé.
    • Les chants à virer au cabestan. C’est cette manœuvre qui a suscité le plus grand répertoire de chants de travail dans la marine française. Ici, l’axe du treuil vertical est actionné au moyen de barres sur lesquelles les matelots poussent tout en marchant. Dans la Royale aux XVIIIe et XIXe siècle, les marins poussent en marchant en cadence au son du fifre et du tambour. Le grand cabestan sert à hisser le grand hunier ou à déraper l’ancre. Ces chants ont un rythme de marche. Quand la chaîne est raide, afin d’arracher l’ancre du fond, la chanson s’arrête et des cris et exclamations prennent le relais afin d’impulser l’énergie suffisante à cette opération.
  • Chants à pomper : Pour rythmer le travail sur la pompe chargée d’évacuer l’eau de mer infiltrée au cours de la traversée.
  • Chants à relever les filets. Ils résonnent notamment sur les harenguiers naviguant en Manche ou en mer du Nord. La manœuvre se fait en halant le filet « main sur main ». Le travail est long et éreintant.
  • Chants à nager : Pour rythmer et coordonner le mouvement des avirons.
  • Chants à déhaler : Pour déplacer un navire en halant sur les amarres.
  • Chants à curer les runs : entonnés successivement par des équipes composées d’une dizaine de marins – les pelletas – creusant chaque nuit des tranchées (runs chez les marins bretons au moins) dans la cargaison de sel des bateaux morutiers en vue d’y ranger la pêche du lendemain.

Chants de détente

  • Chants de gaillard d’avant : C’est sur le gaillard d’avant que les bons chanteurs improvisent sur la vie à bord ou entonnent des complaintes évoquant un naufrage ou la triste vie de matelot. C’est l’occasion de créer de nouveaux chants.
  • Complaintes : Ces chants très anciens sont les témoins de la vie des matelots bien avant le XIXe. Certaines complaintes évoquent ainsi des combats de la guerre de Sept Ans (1756-1763) opposant la France à l’Angleterre, de hauts faits de corsaires, mais aussi des techniques de pêche ou de navigation.
  • Chants à danser : Certaines périodes d’inactivité (manque de vent, etc.) étaient propices aux querelles. Une des solutions pour occuper les marins consistait à les faire danser.
  • Chansons des ports
  • Charivari : Jadis, sur les vaisseaux du roi, le charivari consistait en un chant improvisé, stimulant  l’énergie des matelots durant un travail de force, principalement, virer au cabestan. Profitant de l’impunité que leur donne cette tâche décisive et urgente, ils moquent gaillardement leurs supérieurs selon un protocole bien établi.
    • A un moment quelconque, un homme, n’importe lequel,  crie « charivari ! » ;  les autres répondent « pour qui ? » ; suit alors le nom ou le grade de la victime, dont les manies, les travers et les excès sont raillés avec verdeur. Méchant, cocu, buveur, avare… tout y passe, à la rigueur on en rajoute un peu. Mais le travail se fait, et aucun officier ne se risquerait à l’interrompre. Pour faire durer le plaisir chaque énumération  rime avec la précédente et se termine par le mot « aussi ». Charivari pour le premier lieutenant ! Menteur, voleur, avare, aussi,Pouilleux, crasseux, morveux, aussi ! Ivrogne et paresseux aussi !…

Il faut avoir entendu ces chants de marin une fois dans sa vie, de préférence dans un port ou sur un bateau. Ils fleurent bon le sel, le goémon et la morue, ils nous font entendre le vent rugir dans les hunes et les vagues déferler sur les ponts, claquer les écoutes, hurler les boscos; ils nous font deviner les splendeurs des couchers de soleil des tropiques, les soleils de minuit et la Croix du Sud scintillant pendant le quart, sur la dunette. IIs transportent l’auditeur au bout du monde, sur le pont d’un brick, dans la cale d’une goélette ou au fond d’un troquet. Empreints d’une profonde humanité, de fraternité, de douleur et de nostalgie, ils nous rappellent crûment et inexorablement notre fragile condition et les valeurs essentielles de la vie.

Ce n’est pas rien !

Documentation

  1. Chants de marins : La redécouverte du répertoire français. Le Chasse-Marée
  2. Le collectage. Les cahiers du capitaine
  3. Les chants de marins : un patrimoine vivant en Bretagne. Patrimoine vivant de la France
  4. Liste de chants marins. Wikipedia

Ornithologie et poésie

Les oiseaux de Georges Braque


Une fois n’est pas coutume, je vous propose, chères lectrices et chers lecteurs, un texte qui par sa beauté exquise comme par son sujet — les oiseaux — ne pourra que vous ravir et vous éblouir.

L’ornithologie est la science qui étudie les oiseaux. Elle les recense avec précision, au prix de fréquentes adaptations. Elle étudie leur anatomie, leur physiologie, leurs territoires de répartition et de reproduction, leurs mœurs, leur alimentation, leurs populations et leurs migrations. Mais l’ornithologie n’est pas que science, elle est également plaisir ! Plaisir d’écouter les oiseaux dans la brume et le calme du lever du jour. Plaisir de les observer quand ils nous font l’heur de se laisser voir, sur l’estran, dans un champ ou à la cime d’un bel arbre : plaisirs délicats et, in fine, éminemment poétiques.

Car l’ornithologie n’est pas seulement science, elle est également poésie !

Lorsque j’écoute les oiseaux, ce magnifique poème d’Emily Dickinson me vient souvent à l’esprit, qui évoque avec talent et en quatre vers magistraux l’enchantement du chœur de l’aube; il commence ainsi :

The Birds begun at Four o’clock
Their period for Dawn
A Music numerous as space
But neighboring as Noon

Et voilà qu’aujourd’hui je découvre, grâce à deux amies ornithologues, le beau texte que Saint-John-Perse écrivit sur les oiseaux. Le meilleur hommage qui se puisse rendre au poète et à son ouvrage est de faire silence — On sent dans le silence errer l’âme du bruit — et de vous inviter à lire…

I
L’oiseau, de tous nos consanguins le plus ardent à vivre, mène aux confins
du jour un singulier destin. Migrateur, et hanté d’inflation solaire, il voyage de
nuit, les jours étant trop courts pour son activité. Par temps de lune grise couleur
du gui des Gaules, il peuple de son spectre la prophétie des nuits. Et son cri dans
la nuit est cri de l’aube elle-même : cri de guerre sainte à l’arme blanche.

Au fléau de son aile l’immense libration d’une double saison ; et sous la
courbe du vol, la courbure même de la terre… L’alternance est sa loi,
l’ambiguïté son règne. Dans l’espace et le temps qu’il couvre d’un même vol,
son hérésie est celle d’une seule estivation. C’est le scandale aussi du peintre et
du poète, assembleurs de saisons aux plus hauts lieux d’intersection.

Ascétisme du vol !… L’oiseau, de tous nos commensaux le plus avide d’être,
est celui-là qui, pour nourrir sa passion, porte secrète en lui la plus haute fièvre
du sang. Sa grâce est dans la combustion. Rien là de symbolique : simple fait
biologique. Et si légère pour nous est la matière oiseau, qu’elle semble, à contre-
feu du jour, portée jusqu’à l’incandescence. Un homme en mer, flairant midi,
lève la tête à cet esclandre : une mouette blanche ouverte sur le ciel, comme une
main de femme contre la flamme d’une lampe, élève dans le jour la rose
transparence d’une blancheur d’hostie…

Aile falquée du songe, vous nous retrouverez ce soir sur d’autres rives !

II
Les vieux naturalistes français, dans leur langue très sûre et très révérencieuse,
après avoir fait droit aux attributs de l’aile – «  hampe », « barbes », « étendard »
de la plume ; « rémiges » et « rectrices » des grandes pennes motrices ; et toutes
« mailles » et « macules » de la livrée d’adulte – s’attachaient de plus près au
corps même, « territoire » de l’oiseau, comme à une parcelle infime du territoire
terrestre. Dans sa double allégeance, aérienne et terrestre, l’oiseau nous était
ainsi présenté pour ce qu’il est : un satellite intime de notre orbite planétaire.

On étudiait, dans son volume et dans sa masse, toute cette architecture légère
faite pour l’essor et la durée du vol : cet allongement sternal en forme de navette,
cette chambre forte d’un cœur accessible au seul  flux artériel, et tout
l’encagement de cette force secrète, gréée des muscles les plus fins. On admirait
ce vase ailé en forme d’urne pour tout ce qui se consume là d’ardent et de subtil ;
et, pour hâter la combustion, tout ce système interstitiel d’une « pneumatique »
de l’oiseau doublant l’arbre sanguin jusqu’aux vertèbres et phalanges.

L’oiseau, sur ses os creux et sur ses « sacs aériens », porté, plus légèrement
que chaume, à l’excellence du vol, défiait toutes notions acquises en
aérodynamique. L’étudiant, ou l’enfant trop curieux, qui avait une fois
disséqué un oiseau, gardait longtemps mémoire de sa conformation nautique :
de son aisance en tout à mimer le navire, avec sa cage thoracique en forme de
carène et l’assemblage des couples sur la quille, la masse osseuse du château de
proue, l’étrave ou rostre du bréchet, la ceinture scapulaire où s’engage la rame
de l’aile, et la ceinture pelvienne où s’instaure la poupe…

III
… Toutes choses connues du peintre dans l’instant même de son rapt, mais
dont il doit faire abstraction pour rapporter d’un trait, sur l’aplat de sa toile, la
somme vraie d’une mince tache de couleur.

Tache frappée comme d’un sceau, elle n’est pourtant chiffre ni sceau, n’étant
signe ni symbole, mais la chose même dans son fait et sa fatalité – chose vive, en
tout cas, et prise au vif de son tissu natal : greffon plutôt qu’extrait, synthèse plus
qu’ellipse.

Ainsi, d’un « territoire » plus vaste que celui de l’oiseau, le peintre soustrait,
par arrachement ou par lent détachement, jusqu’à pleine appropriation, ce pur
fragment d’espace fait matière, fait tactile, et dont l’émaciation suprême devient
la tache insulaire de l’oiseau sur la rétine humaine.

Des rives tragiques du réel jusqu’en ce lieu de paix et d’unité, silencieusement
tiré, comme en un point médian ou « lieu géométrique », l’oiseau soustrait à sa
troisième dimension n’a pourtant garde d’oublier le volume qu’il fut d’abord
dans la main de son ravisseur. Franchissant la distance intérieure du peintre, il le
suit vers un monde nouveau sans rien rompre de ses liens avec son milieu
originel, son ambiance antérieure et ses affinités profondes. Un même espace
poétique continue d’assurer cette continuité.

Telle est, pour l’oiseau peint de Braque, la force secrète de son « écologie ».

Nous connaissons l’histoire de ce Conquérant Mongol, ravisseur d’un oiseau
sur son nid, et du nid sur son arbre, qui ramenait avec l’oiseau, et son nid et son
chant, tout l’arbre natal lui-même, pris en son lieu, avec son peuple de racines,
sa motte de terre et sa marge de terroir, tout son lambeau de « territoire » foncier
évocateur de friche, de province, de contrée et d’empire…

IV
De ceux qui fréquent l’altitude, prédateurs ou pêcheurs, l’oiseau de grande
seigneurie, pour mieux fondre sur sa proie, passe en un laps de temps de
l’extrême presbytie à l’extrême myopie : une musculature très fine de l’œil y
pourvoit, qui commande en deux sens la courbure même du cristallin. Et l’aile
haute alors, comme d’une Victoire ailée qui se consume sur elle-même,
emmêlant à sa flamme la double image  de la voile et du glaive, l’oiseau, qui
n’est plus qu’âme et déchirement d’âme, descend, dans une vibration de faux,
se confondre à l’objet de sa prise.

La fulguration du peintre, ravisseur et ravi, n’est pas moins verticale à son
premier assaut, avant qu’il n’établisse, de plain-pied, et comme latéralement,
ou mieux circulairement, son insistante et longue sollicitation. Vivre en
intelligence avec son hôte devient alors sa chance et sa rétribution. Conjuration
du peintre et de l’oiseau…

L’oiseau hors de sa migration, précipité sur la planche du peintre, a commencé
de vivre le cycle de ses mutations. Il habite la métamorphose. Suite sérielle et
dialectique. C’est une succession d’épreuves et d’états, en voie toujours de
progression vers une confession plénière, d’où monte enfin, dans la clarté, la
nudité d’une évidence et le mystère d’une identité : unité recouvrée sous la
diversité.

V
Pour l’oiseau schématique à son point de départ, quel privilège déjà, sur la
page du ciel, d’être à soi-même l’arc et la flèche du vol ! le thème et le propos !
… A l’autre bout de cette évolution, sous son revêtement suprême, c’est un
comble secret où s’intègre l’essentiel de tout un long report. Beauté alors de ce
mot de « faciès », utilisé en géologie pour recouvrir historiquement, dans leur
ensemble évolutif, tous les éléments constitutifs d’une même matière en
formation.

Dans cette concision d’une fin qui rejoint son principe, l’oiseau de Braque
demeure pour lui chargé d’histoire. De tout ce qu’élude, sciemment ou non,
l’œil électif du peintre, la connaissance intime lui demeure. Une longue
soumission au fait l’aura gardé de l’arbitraire, sans le soustraire au nimbe du
surnaturel.

L’homme a rejoint l’innocence de la bête, et l’oiseau peint dans l’œil du
chasseur devient le chasseur même dans l’œil de la bête, comme il advient dans
l’art des Eskimos. Bêtes et chasseurs passent ensemble le gué d’une quatrième
dimension. De la difficulté d’être à l’aisance d’aimer vont enfin, du même pas,
deux êtres vrais, appariés.

Nous voilà loin de la décoration. C’est la connaissance poursuivie comme
une recherche d’âme et la nature enfin rejointe par l’esprit, après qu’elle lui a
tout cédé. Une émouvante et longue méditation a retrouvé là l’immensité
d’espace et d’heure où s’allonge l’oiseau nu, dans sa forme elliptique comme
celle des cellules rouges de son sang.

VI
L’heure venue de la libération, plus qu’un envol d’oiseau c’est un lancement
silencieux des grandes images peintes, comme de navires sur leur ber…

Braque qui connaît la gloire la plus enviable, celle de voir son nom porté par
un navire de haute mer – un beau navire laqué de blanc, sous pavillon nordique,
et qu’animent à la proue six grands oiseaux plongeurs des mers arctiques – ne
voudra point désavouer cette dernière image nautique : ses oiseaux effilés
comme des sophismes d’Eléates sur l’indivisibilité de l’espace et du temps, s’ils
éternisent au point fixe le mouvement même du vol, n’ont rien du papillon fixé
par l’épingle viennoise de l’entomologiste, mais bien plutôt sont-ils, entre les
trente-deux aires de la rose des vents, sur ce fond d’œil incorruptible qu’est la
boussole marine, comme l’aiguille magnétique en transe sur son pivot de métal
bleu.

Les vieux pilotes de Chine et d’Arabie regardaient ainsi s’orienter de lui-
même, au niveau du bol d’eau, l’oiseau peint et flottant sur son index de liège
traversé d’une aiguille aimantée..

VII
… Rien là d’inerte ni de passif. Dans cette fixité du vol qui n’est que
laconisme, l’activité demeure combustion. Tout à l’actif du vol, et virement de
compte à cet actif.
L’oiseau succinct de Braque n’est point simple motif. Il n’est point filigrane
dans la feuille du jour, ni même empreinte de main fraîche dans l’argile des
murs. Il n’habite point, fossile, le bloc d’ambre ni de houille. Il vit, il vogue, se
consume – concentration sur l’être et constance dans l’être. Il s’adjoint, comme
la plante, l’énergie lumineuse, et son avidité est telle qu’il ne perçoit, du spectre
solaire, le violet ni le bleu. Son aventure est aventure de guerre, sa patience
« vertu » au sens antique du mot. Il rompt, à force d’âme, le fil de la gravitation.
Son ombre au sol est congédiée. Et l’homme gagné de même abréviation se
couvre en songe du plus clair de l’épée.

Ascétisme du vol… L’être de plume et de conquête, l’oiseau, né sous le signe
de la dissipation, a rassemblé ses lignes de force. Le vol lui tranche les pattes et
l’excès de sa plume. Plus bref qu’un alérion, il tend à la nudité lisse de l’engin,
et porté d’un seul jet jusqu’à la limite spectrale du vol, il semble prêt d’y laisser
l’aile, comme l’insecte après le vol nuptial.

C’est une poésie d’action qui s’est engagée là.

VIII
Oiseau, et qu’une longue affinité tient aux confins de l’homme… Les voici,
pour l’action, armés comme filles de l’esprit. Les voici, pour la transe et l’avant-
création, plus nocturnes qu’à l’homme la grande nuit du songe clair où s’exerce
la logique du songe.

Dans la maturité d’un texte immense en voie toujours de formation, ils ont
mûri comme des fruits, ou mieux comme des mots :  à même la sève et la
substance originelle. Et bien sont-ils comme des mots sous leur charge magique :
noyaux de force et d’action, foyers d’éclairs et d’émissions, portant au loin
l’initiative et la prémonition.

Sur la page blanche aux marges infinies, l’espace qu’ils mesurent n’est plus
qu’incantation. Ils sont, comme dans le mètre, quantités syllabiques. Et
procédant, comme les mots, de lointaine ascendance, ils perdent, comme les
mots, leur sens à la limite de la félicité.

A l’aventure poétique ils eurent part jadis, avec l’augure et l’aruspice. Et les
voici, vocables assujettis au même enchaînement, pour l’exercice au loin d’une
divination nouvelle… Au soir d’antiques civilisations, c’est un oiseau de bois,
les bras en croix saisis par l’officiant, qui tient le rôle du scribe dans l’écriture
médiumnique, comme aux mains du sourcier ou du géomancien.

Oiseaux, nés d’une inflexion première pour la plus longue intonation… Ils
sont, comme les mots, portés du rythme universel ; ils s’inscrivent d’eux-mêmes
et comme d’affinité, dans la plus large strophe errante que l’on ait vue jamais se
dérouler au monde.

Heureux, ah ! qu’ils tendent jusqu’à nous, d’un bord à l’autre de l’océan
céleste, cet arc immense d’ailes peintes qui nous assiste et qui nous cerne, ah !
qu’ils en portent tous l’honneur à force d’âme, parmi nous !…

L’homme porte le poids de sa gravitation comme une meule au cou, l’oiseau
comme une plume peinte au front. Mais au bout de son fil invisible, l’oiseau de
Braque n’échappe pas plus à la fatalité terrestre qu’une particule rocheuse dans
la géologie de Cézanne.

IX
D’une parcelle à l’autre du temps partiel, l’oiseau, créateur de son vol, monte
aux rampes invisibles et gagne sa hauteur…

De notre profondeur nocturne, comme d’un écubier sa chaîne, il tire à lui,
gagnant le large, ce trait sans fin de l’homme qui ne cesse d’aggraver son poids.
Il tient, de haut, le fil de notre veille. Et pousse un soir ce cri d’ailleurs, qui fait
lever en songe la tête du dormeur.

Nous l’avons vu, sur le vélin d’une aube ; ou comme il passait, noir – c’est-à-
dire blanc – sur le miroir d’une nuit d’automne, avec les oies sauvages des vieux
poètes Song, et nous laissait muets dans le bronze des gongs.
A des lieux sans relais il tend de tout son être. Il est notre émissaire et notre
initiateur. « Maître du Songe, dis-nous le songe !… »

Mais lui, vêtu de peu de gris ou bien s’en dévêtant, pour nous mieux dire un
jour l’inattachement de la couleur – dans tout ce lait de lune grise ou verte et de
semence heureuse, dans toute cette clarté de nacre rose ou verte qui est aussi
celle du songe, étant celle des pôles et des perles sous la mer – il naviguait avant
le songe, et sa réponse est : « Passer outre !… »

De tous les animaux qui n’ont cessé d’habiter l’homme comme une arche
vivante, l’oiseau, à très longs cris, par son incitation au vol, fut seul à doter
l’homme d’une audace nouvelle.

X
Gratitude du vol !… Ceux-ci en firent leur délice.

Sur toutes mesures du temps loisible, et de l’espace, délectable, ils étendent
leur loisir et leur délectation : oiseaux du plus long jour et du plus long grief…

Plus qu’ils ne volent, ils viennent à part entière au délice de l’être : oiseaux
du plus long jour et du plus long propos, avec leurs fronts de nouveau-nés ou
de dauphins des fables…

Ils passent, c’est durer, ou croisent, c’est régner : oiseaux du plus long jour et
du plus long désir… L’espace nourricier leur ouvre son épaisseur charnelle, et
leur maturité s’éveille au lit même du vent.

Gratitude du vol… Et l’étirement du long désir est tel, et de telle puissance,
qu’il leur imprime parfois ce gauchissement de l’aile qu’on voit, au fond des
nuits australes, dans l’armature défaillante de la croix du Sud…

Longue jouissance et long mutisme… Nul sifflement là-haut, de frondes ni de
faux. Ils naviguaient déjà tous feux éteints, quand descendit sur eux la surdité
des dieux…

Et qui donc sut jamais si, sous la triple paupière aux teintes ardoisées,
l’ivresse ou l’affre du plaisir leur tenait l’œil mi-clos ? Effusion faite
permanence, et l’immersion totale…

A mi-hauteur entre ciel et mer, entre un amont et un aval d’éternité, se
frayant route d’éternité, ils sont nos médiateurs,  et tendent de tout l’être à
l’étendue de l’être…

Leur ligne de vol est latitude, à l’image du temps comme nous
l’accommodons. Ils nous passent toujours par le travers du songe, comme
locustes devant la face… Ils suivent à longueur de temps leurs pistes sans
ombrage, et se couvrent de l’aile, dans midi,  comme du souci des rois et des
prophètes.

XI
Tels sont les oiseaux de Georges Braque, qu’ils soient de steppe ou bien de
mer, d’espère côtière ou pélagienne.

Sur l’étendue d’un jour plus long que celui né de nos ténèbres, avec cette
tension dardée de tout le corps, ou cet allongement sinueux des anses du col qui
n’est pas moins suspect, ils tiennent aux strates invisibles du ciel, comme aux
lignes visibles d’une portée musicale, la longue modulation d’un vol plus souple
que n’est l’heure.

Au point où se résout l’accord, ne cherchez point le lieu ni l’âge de leur
filiation : oiseaux de tous rivages et de toutes saisons, ils sont princes de
l’ubiquité. Et d’abord engagés sur la table du jour comme mortaises et tenons
entre les parts d’un même tout, ils virent à des noces plus hautaines que  celles
du Ying et du Yang.

Au point d’hypnose d’un œil immense habité par le peintre, comme l’œil
même du cyclope en course – toutes choses rapportées à leurs causes lointaines
et tous feux se croisant – c’est l’unité enfin renouée et le divers réconcilié. Après
telle et si longue consommation du vol, c’est la grande ronde d’oiseaux peints
sur la roue zodiacale, et le rassemblement d’une famille entière d’ailes dans le
vent jaune, comme une seule et vaste hélice en quête de ses pales.

Et parce qu’ils cherchent l’affinité, en ce non-lieu très sûr et très vertigineux,
comme en un point focal où l’œil d’un Braque cherche la fusion des éléments,
il leur arrive de mimer là quelque nageoire sous-marine, quelque aileron de
flamme vive ou quelque couple de feuilles au vent.

Ou bien les voici, dans tout ce haut suspens, comme graines ailées, samares
géantes et semences d’érables : oiseaux semés au vent d’une aube, ils
ensemencent à long terme nos sites et nos jours…

Ainsi les cavaliers d’Asie centrale, montés sur leurs bêtes précaires, sèment
au vent du désert, pour le mieux repeupler, des effigies légères de chevaux brefs
sur découpures de papier blanc…

Braque, vous ensemencez d’espèces saintes l’espace occidental. Et le district
de l’homme s’en trouve comme fécondé… En monnaies et semences d’oiseaux
peints, que soit payé pour nous le prix du Siècle !

XII
… Ce sont les oiseaux de Georges Braque : plus près du genre que de 
l’espèce, plus près de l’ordre que du genre ; prompts à rallier d’un même
trait la souche mère et l’avatar, jamais hybrides et pourtant millénaires. Ils
porteraient, en bonne nomenclature, cette répétition du nom dont les naturalistes
se plaisent à honorer le type élu comme archétype : Bracchus Avis Avis…

Ce ne sont plus grues de Camargue ni goélands des côtes normandes ou de
Cornouaille, hérons d’Afrique ou d’Île-de-France, milans de Corse ou de
Vaucluse, ni palombes des cols pyrénéens ; mais tous oiseaux de même faune et
de même vocation, tenant caste nouvelle et d’antique lignage.

Tout synthétiques qu’ils soient, ils sont de création première et ne remontent
point le cours d’une abstraction. Ils n’ont point fréquenté le mythe ni la légende ;
et, répugnant de tout leur être à cette carence qu’est le symbole, ils ne relèvent
d’aucune Bible ni Rituel.

Ils n’ont pas joué aux dieux d’Egypte ou de Susiane. Ils n’étaient pas avec
la colombe de Noé, ni le vautour de Prométhée ; non plus qu’avec ces oiseaux
Ababils dont il est fait mention dans le livre de Mahomet.

Oiseaux sont-ils, de faune vraie. Leur vérité est l’inconnue de tout être créé.
Leur loyauté, sous maints profils, fut d’incarner une constance de l’oiseau.

Ils n’en tirent point littérature. Ils n’ont fouillé nulles entrailles ni vengé nul
blasphème. Et qu’avaient-ils à faire de « l’aigle jovien » dans la première
Pythique de Pindare ? Ils n’auront point croisé « les grues frileuses » de
Maldoror, ni le grand oiseau blanc d’Edgar Poe dans le ciel défaillant d’Arthur
Gordon Pym. L’albatros de Baudelaire ni l’oiseau supplicié de Coleridge ne
furent leurs familiers. Mais du réel qu’ils sont, non de la fable d’aucun conte,
ils emplissent l’espace poétique de l’homme, portés d’un trait réel jusqu’aux
abords du surréel.

Oiseaux de Braque, et de nul autre… Inallusifs et purs de toute mémoire, ils
suivent leur destin propre, plus ombrageux que nulle montée de cygnes noirs à
l’horizon des mers australes. L’innocence est leur âge. Ils courent leur chance
près de l’homme. Et s’élèvent au songe dans la même nuit que l’homme.

Sur l’orbe du plus grand Songe qui nous a tous vus naître, ils passent, nous
laissant à nos histoires de villes… Leur vol est connaissance, l’espace est leur
aliénation.

XIII
Oiseaux, lances levées à toutes frontières de l’homme !…

 L’aile puissante et calme, et l’œil lavé de sécrétions très pures, ils vont et
nous devancent aux franchise d’outre-mer, comme aux Echelles et Comptoirs
d’un éternel Levant. Ils sont pèlerins de longue pérégrination, Croisés d’un
éternel An Mille. Et aussi bien furent-il « croisés » sur la croix de leurs ailes…
Nulle mer portant bateaux a-t-elle jamais connu pareil concert de voiles et
d’ailes sur l’étendue heureuse ?

Avec toutes choses errantes par le monde et qui sont choses au fil de l’heure,
ils vont où vont tous les oiseaux du monde, à leur destin d’être créés… Où va le
mouvement même des choses, sur sa houle, où va le cours même du ciel, sur sa
roue – à cette immensité de vivre et de créer dont s’est émue la plus grande nuit
de mai, ils vont, et doublant plus de caps que n’en lèvent nos songes, ils passent,
nous laissant à l’Océan des choses libres et non libres…

Ignorants de leurs ombres, et ne sachant de mort que ce qui s’en consume
d’immortel au bruit lointain des grandes eaux, ils passent, nous laissant, et nous
ne sommes plus les mêmes. Ils sont l’espace traversé d’une seule pensée.

Laconisme de l’aile ! ô mutisme des forts… Muets sont-ils, et de haut vol,
dans la grande nuit de l’homme. Mais à l’aube, étrangers, ils descendent vers
nous : vêtus de ces couleurs de l’aube – entre bitume et givre – qui sont les
couleurs mêmes du fond de l’homme… Et de cette aube de fraîcheur, comme
d’un ondoiement très pur, ils gardent parmi nous quelque chose du songe de la
création.


Saint-John Perse, « Oiseaux » 

Silence, je marche !


Quand un paysage se tait, c’est qu’il y a un problème ! [5]

Après avoir randonné dans un lieu connu ou inconnu, les marcheurs racontent volontiers, les yeux pétillants, la beauté des paysages traversés, la munificence du coucher de soleil, les couleurs du chardonneret ou l’élégance du chevreuil croisés au hasard d’un chemin. Plein la vue !

Notre cerveau pourtant mobilise cinq sens (la vue, certes, mais aussi l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher) pour appréhender son environnement et prendre ses décisions. Il semble cependant que les randonneurs ne sollicitent que la vue, négligeant le toucher, l’odorat, le goût et surtout l’ouïe.

Les marcheurs apprécient les caresses du vent sur le visage et pestent contre le froid qui engourdit leurs mains, leurs pieds et leurs oreilles (toucher). Ils apprécient les délicates senteurs florales du printemps, le pétrichor (cette odeur  si spéciale de la terre après la pluie), et ils protestent quand ils passent devant une porcherie (odorat). À la belle saison, ils savourent avec gourmandise les cerises grappillées sur les basses branches ou les mûres délicatement dérobées au roncier (goût).

Je n’ai jamais rencontré aucun randonneur qui m’ait vanté le moindre émerveillement sonore après une balade dans la nature, fut-il guitariste, clarinettiste ou chanteur marin ! Des 5 sens énumérés plus haut, l’ouïe semble être le « sens interdit » ⛔️ des marcheurs. Qu’importent les sons, au diable les silences, semblent-ils nous dire! D’ailleurs, le randonneur est volontiers bavard et ses papotages rendent vaines toutes les tentatives d’écouter la nature !

Pourtant, quel plaisir que celui de marcher, sans bruit, en se laissant envahir par l’ambiance sonore du paysage traversé : le doux chuintement du vent dans les arbres, le chant des oiseaux dans le sous-bois, la furie des vagues s’écrasant sur la côte rocheuse ou caressant la plage de sable fin, le vrombissement des insectes, et, suprême délice, le tambourinement de la pluie sur les feuilles.

Finalement, un paysage ne serait-il pas plus beau si l’observateur, mobilisant ses 5 sens, prenait la peine de l’examiner dans ses multiples dimensions, visuelle certes mais aussi sonore ?

L’idée m’est donc venue d’organiser une randonnée furtive, qui consisterait à parcourir dans un silence monacal et en ouvrant grand ses oreilles, divers milieux (village, plaine, bois ou forêt, bord de mer ou ruisseau) susceptibles de nous offrir de nombreux émerveillements sonores. 

C’est la lecture d’un intéressant ouvrage, intitulé «  Histoire naturelle du silence » qui inspira cette idée. L’auteur invite à la contemplation des paysages sonores et distingue les sons de la « géophonie » produits par la planète (le vent, la pluie, les ruisseaux, les vagues, les chutes de pierre)  les sons de la « biophonie »  (générés par les animaux comme les mammifères, les oiseaux ou les insectes) et les sons de « l’anthropophonie » produits par Homo sapiens et qui, parfois plaisants (chants, musique, cloches), sont cependant souvent des bruits, volontiers déplaisants et perturbateurs (moteurs, avertisseurs, sirènes… )

Je laisse le mot de la fin à Bernie Krause, docteur en bioacoustique à l’Union Institute & University de Cincinnati : « Tandis qu’une image vaut mille mots, une image sonore vaut mille images ».

Pour aller plus loin, quelques ressources passionnantes :

  1. Histoire naturelle du silence. Jérôme Sueur
  2. La voix du monde naturel. Conférence TEDx de Bernie Krause
  3. La géophonie, à l’écoute des sons de la Terre. Muséum National d’Histoire Naturelle
  4. La géophonie, ou la musique de la Terre. France-Inter
  5. Biophonie : écoutez la grande symphonie du vivant. Géo.fr
  6. La musicalité du vivant et ses curiosités. Nourritures terrestres
  7. Quand un paysage se tait, c’est qu’il y a un problème. Le Temps

Et zou, un milliard de kilomètres de plus !


Juchés sur une petite planète — que nous ne ménageons guère — nous aurons parcouru en un an la distance faramineuse d’un milliard de kilomètres autour du Soleil à la vitesse effarante de 108 000 km/h. Vertigineux ! source

La fin de ce nouveau tour de manège est l’occasion pour moi, conformément à une tradition fort ancienne, fort de souhaiter aux lecteurs de ce blogue une année 2024 décoiffante !

Saint-Malo, planète Terre, le 31 décembre 2023.

Les dures à cuire

La patelle (Patella vulgata) est un mollusque gastéropode fort répandu sur l’estran. On la connaît sous diverses appellations vernaculaires : patelle, arapède, birinic, brénique, bernique, bernicle, jambe, chapeau chinois et même… bernache… (les ornithologues en tressaillent d’horreur).

Lorsque les enfants voient des patelles pour la première fois sur les rochers de l’estran, après avoir vainement tenté de les décrocher, frustrés, ils posent toujours cette question vengeresse  : « ça se mange ? »

Oui, les patelles peuvent être cuisinées; en Bretagne, elles sont consommées depuis des lustres. C’était plutôt le plat du pauvre. Il faut un solide couteau pour les arracher à leur rocher et leur chair est plutôt coriace. Elles peuvent être consommées crues ou cuites ; hachées, par exemple dans une sauce bolognaise, ou poêlées dans du beurre aillé ou persillé ; certains les dégustent même sous forme de pâté de patelles. Vous avez les recettes, n’hésitez pas à publier, en commentaire, vos impressions de dégustation !

Mais les patelles ont un talent caché, on peut même parler d’un superpouvoir.

Elles raclent la surface des rochers avec leur radula, sorte de langue recouverte de dents microscopiques, leur permettant de se nourrir des algues qui recouvrent ces derniers. Ces dents offrent une spectaculaire résistance à la traction car elles contiennent un composite dur et étonnamment flexible optimisant leur fonctionnement. Ces dents de patelle ont une résistance à la traction de 3 à 6,5 gigaPascals (GPa) quand l’acier n’offre une résistance à la traction que d’environ 1,65 GPa, et la soie d’araignée, si réputée, de 2,9 GPa « seulement ».

Le secret de cette résistance exceptionnelle réside dans une structure unique faite de nanostructures composites constituées d’une matrice protéique (chitine) renforcée de fins cristaux d’un minéral ferreux appelé goethite. Des chercheurs ont réussi à recréer en laboratoire un nouveau biomatériau composite similaire à celui des dents de patelle qui pourrait avoir des applications industrielles. Encore un exemple de biomimétisme.

DOCUMENTATION

Merci, les vers de terre !

« Il est permis de douter qu’il y ait beaucoup d’autres animaux qui aient joué dans l’histoire du globe un rôle aussi important que ces créatures d’une organisation si inférieure. » Charles Darwin (1809-1882), Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale

Le sous-ordre des Lumbricina, regroupe l’ensemble des vers de terre, ou lombriciensa, soit treize familles et plus de 7 000 espèces décrites (et des Haplotaxida très nombreuses non encore connues, surtout dans les régions tropicales). La quasi-totalité des espèces européennes appartient à la famille des Lumbricidae. 

La géodrilologie (du grec ancien γῆ / gê, « Terre », drilos, « ver », et λογία / logía, « étude, discours ») est la branche de la zoologie dont l’objet est l’étude des vers de terre. Les spécialistes de cette discipline sont appelés géodrilologues. 

L’intensification de l’agriculture (par exemple, par le biais de variétés de cultures améliorées, d’intrants agrochimiques, de labourage mécanisé) est en grande partie responsable de l’alimentation d’une population croissante au cours du siècle dernier. Cependant, ces changements ont eu un coût environnemental important en termes de perte de biodiversité, de pollution de l’eau et de l’air, de changement climatique et de multiples autres effets secondaires. Ces problèmes ne devraient que s’intensifier à mesure que la demande alimentaire mondiale continue d’augmenter, ce qui souligne la nécessité d’adopter des approches de gestion plus agroécologiques pour produire notre nourriture.

La gestion durable des sols et la santé globale des sols représentent un élément clé des efforts d’intensification agroécologique, car les communautés biologiques du sol offrent un grand potentiel pour soutenir la production alimentaire et une série d’autres services écosystémiques.

Les vers de terre sont d’importants agents de l’écosystème qui influencent la croissance des plantes par leur impact sur la structure du sol, la capture de l’eau, le cycle de la matière organique et la disponibilité des nutriments.. Il a également été démontré que les vers de terre facilitent la production d’hormones favorisant la croissance des plantes et déclenchent des réactions immunitaires efficaces des cultures contre les agents pathogènes courants du sol. Bien qu’ils soient largement reconnus comme des indicateurs et des bâtisseurs de sols sains, la contribution potentielle des vers de terre et d’autres organismes bénéfiques du sol à la production agricole mondiale reste mal comprise, alors que ces connaissances sont fondamentales pour l’innovation de nouvelles pratiques et politiques agroécologiques.

Ce travail de Fonte et al. a estimé l’impact des vers de terre sur la production mondiale des principales cultures en analysant des cartes de l’abondance des vers de terre, des propriétés du sol et des rendements des cultures, ainsi que les réponses des vers de terre aux rendements tirées de la littérature. 

Les résultats indiquent que les vers de terre contribuent à environ 6,5 % de la production mondiale de céréales (maïs, riz, blé, orge) et à 2,3 % de la production de légumineuses, ce qui équivaut à plus de 140 millions de tonnes métriques par an. 

La contribution des vers de terre est particulièrement importante dans le Sud, où ils représentent 10 % de la production totale de céréales en Afrique subsaharienne et 8 % en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ces résultats suggèrent que les vers de terre sont des moteurs importants de la production alimentaire mondiale et que l’investissement dans des politiques et des pratiques agroécologiques visant à soutenir les populations de vers de terre et la biodiversité globale des sols pourrait contribuer grandement à la réalisation des objectifs de l’agriculture durable.

Quelques chiffres : 

  • On trouve 70 vers de terre par m2 en moyenne dans les sols, avec une variation de 5 à 150 selon les régions
  • 1 ver de terre remue et se nourrit d’1 kg de terre chaque année.
  • 7000 espèces de vers de terre ont été recensées sur la planète

BIBLIOGRAPHIE

  1. Fonte, S.J., Hsieh, M. & Mueller, N.D. Earthworms contribute significantly to global food production. Nat Commun 14, 5713 (2023). https://doi.org/10.1038/s41467-023-41286-7
  2. Lumbricina. Wikipedia

Criblé de trous et les yeux bleus


Ballade sur l’estran par un un frisquet matin d’autome. Pas un souffle de vent. Le soleil encore timide semble nous promettre un peu de chaleur, mais pour plus tard dans la journée. Quelques Grèbes et quelques Harles tous huppés, quelques cormorans (grands ou huppés ?) et des goélands déjeunent devant nous, sur une mer lisse comme un miroir. Une Aigrette garzette les rejoindra bientôt.

Les naturalistes, quant à eux, s’activent, à genou dans la vase; ils retournent les rochers, admirant les algues et les animaux qui s’offrent à leur yeux, animés du secret espoir de découvrir l’espèce rare. Ici un syngnathe, là une jolie civelle, un blennie, un gobie, une étoile de mer ou une crevette, sans oublier les limaces et les galathées. 

Mais c’est la découverte d’ormeaux (Haliotis tuberculata), sous les rochers retournés, qui sera pour moi l’instant du jour. 

Ces coquillages sont très prisés des gastronomes et des guitaristes (ils sont délicieux et leur nacre est très recherchée pour les rosaces des guitares). 

En langage vernaculaire, on les nomme Oreille de mer, Cormier ou Oreille de Saint-Pierre, en raison de la forme de leur coquille qui rappelle celle de la conque d’une oreille. On les nomme aussi Truffe de mer. Dans la Manche, ils sont appelés gofiche ou goufique.

Leur coquille a donc une forme d’oreille. La face interne de cette coquille est superbement tapissée d’une nacre bleue irisée du plus bel effet.… Mais cette coquille, superbe, présente d’intrigantes perforations…  Et le mollusque qui l’habite a les yeux bleus.  Qui l’eût cru ? 

© Pascale Verrier

La question que  les béotiens se posèrent sur l’estran vient immédiatement à l’esprit du lecteur perplexe: à quoi diantre, servent donc ces trous dans la coquille des ormeaux nacrés aux yeux bleus ? 

Le sommet de la coquille est perforé d’une série d’orifices, parallèles au bord gauche, dont un certain nombre seulement reste ouvert. Ces orifices permettent la sortie du courant d’eau qui a circulé dans la cavité palléale, cavité dans laquelle se déversent l’urine et les gamètes du coquillage et où se trouvent les branchies. La circulation de l’eau permet le renouvellement de l’oxygène pour la respiration et l’évacuation des déchets et des gamètes. L’eau est mise en mouvement dans la cavité par des cellules ciliaires. De nouveaux orifices s’ouvrent au fur et à mesure de la croissance de la coquille, les anciens se bouchant pour former une rangée d’excroissances.

Étonnant, Non ?

DOCUMENTATION

  1. Haliotis tuberculata. Wikipédia
  2. Haliotis tuberculata. Doris
  3. Monographie et étude de la dynamique de population d’Haliotis tuberculata au Sénégal.- Thèse de Marc Lepetit. 2009

Rétine et pupilles dans l’océan


Si d’aventure, l’envie vous prenait de faire pétiller vos pupilles et clignoter les neurones de votre cortex visuel sans quitter le confort douillet de votre canapé, VISITEZ CETTE PAGE qui vous affichera des images extraordinaires, voire inouïes et stupéfiantes pour certaines d’entre elles ! Contemplez sans réserve les œuvres photographiques sélectionnées au concours des « Photographes de l’océan de l’année 2023 ». 

Les gagnants et les finalistes du concours de cette année célèbrent la « planète bleue », mais ils attirent également l’attention sur les nombreux défis environnementaux auxquels sont confrontés les écosystèmes marins (réchauffement climatique, industries, tourisme). Les images seront exposées jusqu’en mai 2024 à l’Australian National Maritime Museum.

Mes trois photographies préférées sont les suivantes :  

Fou à pieds bleus revenant de pêche, de Henley Spiers, qui explique : Au début de l’automne, de vastes bancs de sardines entourent les rochers de Los Islotes. Cette abondance attire les oiseaux marins prédateurs. Alors que nous plongions au milieu des bancs, le calme était parfois rompu par les bruits des pélicans, des cormorans et des fous qui s’élançaient sous l’eau à la recherche d’un repas. La plupart du temps, l’action était si rapide qu’au moment où vous vous retourniez pour la voir, l’oiseau est déjà remonté à la surface. J’ai finalement réussi à prendre la photo insaisissable d’un fou à pieds bleus remontant avec une sardine dans son bec. Los Islotes, Baja California Sur, Mexique.
La photographie du regard désespéré d’un poisson venant de se faire avaler par un autre poisson, lui-même terrifié par l’apparition du photographe plongeur, Jack Belles : La bouche ouverte d’un poisson-lézard révèle son dernier repas. Ce comportement est inhabituel, car les poissons-lézards sont des prédateurs embusqués qui s’éloignent vivement si un plongeur s’approche trop près. Celui-ci gardait la bouche ouverte comme s’il essayait de permettre au poisson qu’il venait d’ingérer de s’échapper. Dauin, Negros Oriental, Philippines.
Manchot papou (Pygoscelis papua) chargeant le bateau pneumatique du photographe Craig Perry : Lors de mon premier jour en mer en Antarctique, j’avais mon appareil photo à la main et j’étais prêt à capturer le Manchot papou. Entouré d’une faune variée dans la baie de Paradise, un groupe de ces oiseaux énergiques s’est dirigé vers notre bateau pneumatique. En me baissant au ras de l’eau, sur le bateau, j’ai fait la mise au point de mon objectif en anticipant l’instant idéal. Il n’a pas été facile de figer de face l’espèce de manchots la plus rapide du monde, car ils fonçaient sur moi à plus de 30 km/h.

Ces concours photographiques sont toujours l’occasion de découvrir des photographes de talent et de feuilleter des portfolios enchanteurs ! Après ces visionnages, cependant, on aurait presque honte de ressortir son propre appareil photo !

Stupéfiants champignons !

© Michel Arnould – 2023


Ce matin, nous avions rendez-vous en forêt de Coëtquen pour une sortie naturaliste organisée par l’antenne Rance-Émeraude de l’association Bretagne-Vivante, et intitulée sobrement : « A la découverte du règne des Fungi ». 

Trois experts naturalistes se mirent à la disposition des 40 personnes présentes. Par un temps radieux et délicieusement frais, bercés par le chant des merles, des mésanges et des sittelles, tandis que se levaient les premiers rayons d’un soleil automnal illuminant d’or et de cuivre les frondaisons des arbres qui chuintaient dans le vent, nous écoutâmes, passionnés, un premier exposé sur la biodiversité, et les menaces qui pèsent sur elle, du fait des activités humaines. 

Puis on nous expliqua (ou on nous rappela) que les champignons ne sont pas des plantes. 

Le taxon « champignon » est devenu ambigu et considéré par la science actuelle comme obsolète car il ne désigne pas un groupe monophylétique. Il a en effet été divisé en eumycètes, oomycètes, chytridiomycètes et mycétozoaires. Les cellules des mycètes sont, pourvues d’une paroi chitineuse ou cellulosique et se nourrissent par l’absorption des molécules organiques directement dans le milieu. Les cellules des champignons sont dépourvues de chlorophylle et de plastes; ces organismes sont donc dits hétérotrophes pour le carbone ; en effet, on distingue les organismes capables de fabriquer leur propre matière à partir de carbone atmosphérique, (les autotrophes) et les hétérotrophes, qui utilisent de la matière organique pour fabriquer la leur. Le pissenlit est autotrophe, grâce à la photosynthèse, quand le renard est hétérotrophe.

Les champignons n’appartiennent donc pas au règne des plantes. Leur appareil végétatif est un thalle : ce sont donc des thallophytes qui adoptent un mode de vie filamenteux (l’ensemble des filaments appelés hyphes formant le mycélium). 

Présents dans le registre fossile depuis 450 millions d’années, soit le Silurien, ils ont colonisé presque tous les milieux terrestres et même aquatiques en eaux douce, saumâtre et même marine (1500 espèces au moins, qui ont un rôle écologique important ; via des symbioses avec des algues parfois).

Après ces explications phylogénétiques, on nous expliqua l’anatomie du champignon (des champignons que l’on observe le plus fréquemment, s’entend) et ses éléments caractéristiques : la volve, le pied, l’anneau, les lames et enfin le chapeau. Il nous fut rappelé que les champignons que nous voyons ne sont que les organes reproducteurs (on les nomme sporophores) du mycélium, qui dispose ses réseaux sous-terrains sur des dizaines de kilomètres, que les lames, sous le champignon produisent les spores dispersées par le vent pour assurer la reproduction !

Pour identifier les champignons il faut suivre une démarche rigoureuse, basée sur des clés d’identification permettant de réduire, au fil du cheminement diagnostique, le nombre de possibles puis, in fine, ne conserver qu’un nom. Il faut rappeler qu’il ne saurait être question de faire une collecte de champignons à des fins culinaires avec la seule aide de ces clés. Seules une longue expérience et une pratique assidue permettent d’identifier correctement les champignons sans risque d’erreur.

Une longue balade en forêt, dans différents biotopes (forêt d’épineux, forêt de feuillus, prairies) permit de récolter, d’observer et admirer de très nombreux spécimens, de formes et de couleurs variées, souvent superbes, que les experts présents se firent un plaisir d’identifier : bolets, cortinaires, russules, coprins, entolomes, inocybes et lactaires ! Rien de moins !

Ce fut une bien jolie balade. La nature est généreuse pour qui sait prendre le temps de l’admirer !

Une petit anecdote pour terminer : saviez-vous que le plus grand être vivant du monde est un champignon et qu’il se nomme Armillaria solidipes. Le plus grand spécimen mesure 8,9 km2 . Situé dans l’Oregon aux États-Unis, il est âgé de 2 400 ans.

BIBLIOGRAPHIE

  1. Guide des champignons – France et Europe. Guillaume Eyssartier & Pierre Roux. Voir ici
  2. L’origine du Monde. Marc-André Sélosse. Voir ici
  3. Chapeau, les champignons. Voir ici
  4. Les champignons redécouverts. Phillipe Silas & Fabienne Malagnac. Voir ici
  5. Le monde caché. Merlin Sheldrake. Voir ici

Loisirs et protection de la nature

c-monspot.fr : le site internet à découvrir !


Lors des sorties, ornithologiques, botaniques ou sur l’estran, il est fréquent que les naturalistes observent, un zeste irrités, des randonneurs, des kayakistes, des paddlers ou des cyclistes mettre en péril, par leur actions, la faune ou la flore de notre belle région. Il peut s’agir, par exemple, de marcheurs hors sentier écrasant les plantes pionnières, de kayakistes dérangeant les sternes en période de nidification, de cyclistes écrasant les œufs de gravelots, ou de chiens en liberté effrayant les oiseaux… 

c-monspot.fr  est un très intéressant site internet, imaginé et développé par des professionnels de l’Office Français de la Biodiversité. L’équipe à l’origine de son développement, est très jeune, et très féminisée. Son travail est très réussi. 

Sur nos côtes, oiseaux et mammifères marins cohabitent avec les hommes. C-monspot propose de découvrir comment pratiquer son activité sportive en préservant au mieux la biodiversité, et, pour ceux qui le souhaitent, en faisant un peu de science participative en même temps.

AU MENU DE C-monspot

On peut choisir la saison (printemps/été ou automne hiver) et la liste des spots sensibles s’adaptent (avec des erreurs d’intitulé, comme l’île du grand Chevreuil !) pour : 

  • Comprendre les aires marines protégées
  • Comprendre la notion de dérangement
  • Comprendre les espèces
    • Oiseaux hivernants
    • Oiseaux nicheurs
    • Phoques
  • Adapter sa pratique sportive avec des conseils (écrits ou en vidéo) sur :
    • Le dérangement des oiseaux
    • Le dérangement des phoques
    • Les bonnes pratiques d’éco-navigation
  • S’investir dans des actions de sciences participatives; participer à l’amélioration de la connaissance sur les espèces marines, en signalant ses observations aux organismes qui les étudient.

On peut aussi interroger le site sur les spécificités de son sport : 

On peut aussi interroger le site en fonction de la commune où l’on s’entraîne, mais ça fonctionne encore mal.

Ce site m’a permis de découvre quelques sites internet partenaires intéressants : 

  • ObsEnMer : Observations en mer, réseau d’observateurs et d’utilisateurs de données sur la faune marine et son environnement.
  • BioLit : Biodiversité du littoral : réseau d’observateurs citoyens sur le littoral qui propose aussi de l’identification participative et différents programmes de suivi accessibles à tous. Thèmes concernés : Algues, plantes, mollusques et crustacés, espèces invasives, déchets
  • Suricate : sentinelle des sports de nature

AU TOTAL

Il manque, à mon avis, un chapitre sur la protection de la flore, les piétinements intempestifs (dunes, bords de falaise) causant bien des dégâts. Néanmoins, c-monspot.fr est un site fort intéressant; encore en développement, ouvert aux suggestions, il mérite qu’on le fasse connaître. 

BIBLIOGRAPHIE

  1. Réglementation liée au dérangement des mammifères et des oiseaux marins en mer. Office Français de la Biodiversité.
  2. Etudier les effets des dérangements sur les oiseaux. Office Français de la Biodiversité
  3. Le dérangement de l’avifaune sur les sites naturels protégés de Bretagne : état des lieux, enjeux et réflexions autour d’un outil d’étude des interactions hommes/oiseaux. Thèse 2009. Nicolas Le Corre
  4. Effets des activités de loisirs sur les oiseaux. 2018. Vogelwarte.ch.

Les forbans de l’estran


Il se raconte de bien étranges histoires, sur l’estran, les nuits sans lune, tandis que rugit la mer et souffle le vent de noroît. A moins que ce ne soit dans les tavernes du port, après que les marins n’aient que trop goûté aux fruits de la vigne, de l’orge, ou de la canne à sucre. Il semble même que l’histoire que je vais vous narrer soit relatée sur certains sites naturalistes réputés !

Une algue aurait la réputation de voler les huîtres, sans que cela semble émouvoir grand monde. La coupable ? Nom :  Colpomenia.  Prénom : peregrina. Dans le Milieu, Colpomenia peregrina est affublée de pseudonymes évocateurs, comme Oyster Thief ou Voleuse d’huîtres, Bladder Weed, Ballons, j’en passe et des meilleures ! 

L’inspecteur Wikipedia, qui la connaît bien, nous conte ses méfaits.  Colpomenia peregrina est une espèce d’algues brunes de la famille des Scytosiphonaceae, formant des boules creuses qui se remplissent d’air à marée basse et flottent à marée haute. Lorsque l’algue est fixée à une huître, elle peut ainsi l’emporter hors du parc à huîtres. Originaire des côtes pacifiques, elle a été introduite sur les côtes françaises de Bretagne et de Normandie au début du XXe siècle, probablement avec des naissains d’huîtres importés, et elle fait désormais partie de la flore atlantique.

Il semble, néanmoins, que la famille Colpomenia ne soit pas la plus grande ennemie des ostréiculteurs. D’autres voleurs, beaucoup plus redoutables, les obligent à solliciter l’aide de la maréchaussée, voire à imaginer d’habiles stratagèmes pour éviter de se faire dévaliser !

Etonnant, non ?

DOCUMENTATION

  1. Estran 22
  2. INPN

Cale sèche en bois

Une randonnée sur la commune du Minihic-sur-Rance nous mena devant une curiosité historique, fruit de l’alliance de la mer et du génie des hommes qui ne manqua pas de nous intéresser, car elle est, à l’évidence, chargée d’histoire !

Au siècle dernier, tout le littoral de l’anse de la Landriais au Minihic sur Rance était occupé par des chantiers navals, des hangars de construction et des concessions sur le domaine maritime servant à établir les parcs à bois. Les bois destinés à la construction navale doivent en effet, avant d’être mis en œuvre, perdre leur sève pendant plusieurs années dans l’eau de mer. À la Landriais, il ne se construisait pas de grands navires comme les terres-neuvas, mais une quantité de petits bateaux adaptés à la pêche ou au transport dans la Rance maritime : des gabares pour Pleudihen, des carrelets pour la Hisse, des chippes lançonnières pour Saint-Suliac ainsi que des petits canots et plus tard des doris en grand nombre. On y fit aussi des chalands pour le canal et des bisquines pour Cancale.

La cale sèche, en bois, du chantier Lemarchand

Les constructions navales de la Landriais créées en 1850 par Louis Saubost prirent de l’importance à partir de 1880. Cette année là le constructeur abandonne son affaire à son gendre François Lemarchand, capitaine au long cours, homme intelligent et entreprenant qui modernisa l’outillage et les méthodes de travail. La grande pêche à Terre-Neuve crée alors une demande importance en matière de construction et de réparation de navires. Saint-Malo dispose de cales de construction en quantité suffisante mais n’a rien en matière de réparation. Lemarchand sait que l’ampleur de la marée lui permet d’amener presqu’en haut de grève, devant son chantier, un bateau de 4 mètres de tirant d’eau.

Il décide d’y construire une cale sèche qui fera 45 m de long, 10 m de large, 5 m de hauteur, fermée du côté du large par des portes similaires à celles d’une écluse. Commencée en 1905, la cale fut mise en service dès 1910 et fonctionna une trentaine d’année.

À marée haute, les hommes du chantier faisaient entrer le navire qui la mer baissant, venait reposer par sa quille sur la pile de tins, pendant qu’ils l’accoraient sur les parois de la cale. Les portes étaient alors fermées et calfatées et ils pouvaient travailler au sec sur le bateau.

La restauration de l’ouvrage d’art

Créée en 1990, l’Association des Amis de la Baie de la Landriais s’est donnée pour tâche prioritaire de restaurer la cale sèche afin que soit préservé le souvenir d’un ouvrage dont il n’existe plus aucun autre exemplaire sur nos côtes et peut être au monde. Les travaux de restauration ont débuté en 1996 et l’inauguration a eu lieu 12 années plus tard en 2008. Ces travaux ont été réalisés suivant les plans du professeur Jean Le Bot, avec l’aide financière de la fondation Langlois, de la direction Régionale des affaires culturelles (DRAC), du Conseil Général d’Ille et Vilaine, de la fondation du Patrimoine, du Mécénat privé et de tous les membres bénévoles de l’association.

DOCUMENTATION

  1. Les « cales sèches » ou formes de radoub 
  2. Histoire de la construction navale en Bretagne nord
  3. Les gabariers de la Rance.
  4. Les chalands de la Rance

Effroi sur l’estran !

C’était une belle soirée d’automne. Un petit vent de suroît avait à la fois rafraîchi l’atmosphère et offert au soleil une belle toile où peindre de ses ultimes rayons le ciel céruléen et le paysage époustouflant qu’offre au visiteur l’anse Duguesclin, sur la commune de Saint-Coulomb.

Nous avions prévu de marcher sur la plage avant d’offrir aux petits-enfants un délicieux pique-nique vespéral au bord de la mer. 

Nous cheminions, gaiement, sur cette longue et élégante plage. La mer n’était pas tout à fait haute, il restait plus d’une heure avant l’étale. Une belle houle formait de gros rouleaux, écumants et sonores.

Nous ramassâmes quelques jolies coquilles, quelques morceaux de bois flottant, et quelques-uns de ces cailloux qui, tous, par leurs formes et leurs couleurs émerveillent les petits enfants, pour la plus grande joie des adultes, qui, ils s’en souviennent, faisaient de même autrefois.

Nous croisâmes les pas d’une joyeuse bande de Tournepierres à collier (Arenaria interpers), et ceux de deux Mouettes rieuses (Chroicocephalus ridibundus), tous occupés à picorer dans le sable, quand soudain, mon regard fut attiré sur le sable du bas estran, par des gesticulations aussi incongrues qu’inexpliquées. Quel était donc ce petit animal qui se débattait avec tant de vigueur, dans un silence que seul troublait le puissant chant des vagues, quelques mètres plus bas ?

Intrigués, nous nous approchâmes, pour découvrir que l’infortuné n’était autre qu’un Hippocampe à museau court, (Hippocampus hippocampus), échoué sur l’estran qui tentait aussi fébrilement que vainement de retourner à la mer avant l’asphyxie fatale ou la capture par un des oiseaux de la plage.

Nous ne prîmes pas le temps de l’admirer, non plus que de le photographier. Je l’attrapai aisément et descendis ventre à terre le remettre à l’eau ! La mer ne le ramena pas, et nous eûmes toutes les raisons de penser que notre providentiel passage sur son chemin, pour le moins incongru, lui sauva la vie.

Il se passe décidément bien des choses sur l’estran ! 

Les loyers excessifs de l’éponge

Dans un précédent article, nous fîmes, enchantés, la connaissance de Corystes cassivelaunus, le crabe équipé de série d’un schnorchel lui permettant de « respirer » dans le sable où il s’enfouit, et d’Elysia viridis, la limace de mer toute mignonne qui fait de la photosynthèse après avoir intégré dans ses cellules les chloroplastes des algues qu’elle broute.

Voici l’histoire étonnante de l’association, bénéfique pour les deux parties comme dirait l’avocat de permanence, d’une éponge et d’un Bernard-l’ermite. Nous sommes en direct de l’estran ordinaire où d’extraordinaires éléments se déroulent quotidiennement dans une indifférence incompréhensible pour ne pas dire répréhensible tant l’émerveillement devrait être de rigueur !

  1. Suberites pagurorum est une éponge de mer de la famille des Suberitidae. On la nomme volontiers Subérite des pagures sur l’estran, où l’on préfère ne pas abuser du latin.
  2. Le Pagure poilu, (Pagurus cuanensis) est un crustacé de la super-famille des Paguroidea. Il vit, comme tous les Bernard l’ermite, dans des coquilles abandonnées; et tandis qu’il grandit au cours de sa vie, il doit, maintes fois, abandonner sa coquille devenue trop petite pour s’en aller quérir un logement plus spacieux. Grands sont alors les dangers qui guettent ce SCF (Sans Coquille Fixe)!

Les présentations sont faites. Voici le déroulement des événements, sous vos yeux ébahis !

L’éponge se fixe avec soin sur la coquille occupée par le pagure puis elle va se développer, et s’envelopper tout autour de la coquille, comme la couverture autour du campeur transi devant son maigre feu.

Ensuite, elle sécrétera patiemment des substances acides qui dissoudront totalement cette coquille. Une fois l’ouvrage accompli, le Bernard-l’ermite ne vivra plus dans une coquille calcaire, de taille finie, mais bien dans une éponge, qui lui apportera protection et camouflage. Le grand confort !

Désormais, plus besoin de changer de coquille, l’habitacle de l’éponge grandissant avec le pagure. Le rêve de tout locataire ! Par un juste retour des choses, en récompense de son labeur et de sa prolixité, l’éponge se nourrira des déchets du Pagure poilu par filtration, bénéficiant d’un approvisionnement continu en nourriture. Tous les associés y trouvent donc leur compte.

Un petit détail, pour être complet : les Subérites peuvent atteindre la taille, respectable pour un Bernard-l’ermite, de 10 cm ! On peut entendre sur l’estran, à basse mer et par temps calme, les Pagure poilus pester dans leur fort intérieur d’avoir à charrier un tel volume. Le prix du loyer, en quelque sorte, que chaque locataire trouve toujours excessif !

Documentation

1. Le Pagure poilu. INPN
2. Suberites pagurorum. Doris

Dunes, plages, mer et vent


Dans ce passionnant document, gratuit au demeurant, les deux premiers chapitres ne manqueront pas d’intéresser, voire de passionner  les riverains du bord de mer comme les estivants, amenés à fréquenter les plages et les dunes qui les dominent souvent. Car la dune, fruit du travail conjoint de la mer, du vent et de la végétation, est indissociable de la plage qui a permis sa naissance; elle n’est pas un élément isolé mais s’inscrit dans un système sédimentaire vaste et plutôt complexe, qui comprend l’avant-plage (sous-marine), la plage et la dune elle-même. 

C’est à la compréhension de ce système que la première partie ce travail nous invite, dans un langage clair et facile à lire. La 2e partie traite du rapport de l’homme avec les dunes, passant du respect initial à une franche hostilité de l’homme avant que ce dernier, penaud, ne reconnaisse ses erreurs et ne tente de les corriger…

Voici le plan de ce document, qui devrait vous donner envie d’en savoir davantage sur les dunes et les plages !

Les différents types de dunes, leur formation et leur évolution

  • La formation des dunes, le système plage-dune
  • La naissance
  • Les phénomènes naturels en jeu
  • Le fonctionnement du système plage-dune :
  • le bilan sédimentaire
  • Les différents types de dunes littorales
  • Les formes dunaires globales
  • Les différents profils des dunes littorales
  • La dynamique des dunes
  • L’évolution du contact entre la plage et la dune
  • Exhaussement et bossellement sur la dune bordière
  • Le rôle de la végétation
  • Une adaptation remarquable
  • La végétation de haut de plage
  • La végétation de la dune embryonnaire
  • La dune blanche
  • La dune de transition
  • La dune grise
  • De la mer à la forêt : des habitats naturels bien différenciés
  • La dune : un milieu rude
  • Les milieux dunaires secs
  • Les milieux dunaires humides
  • Les dunes françaises
  • Les dunes de la Manche et de la mer du Nord
  • Les dunes atlantiques
  • Les dunes méditerranéennes
  • Les dunes ultramarines

Les dunes et les hommes

  • Du vide au trop-plein !
  • Des zones inhospitalières…
  • … à une ruée vers le littoral
  • Des usages traditionnels et contemporains multiples
  • Les usages agricoles et forestiers
  • Des lieux de passage largement empruntés
  • Les prélèvements de sable
  • L’urbanisation
  • Les ouvrages et les systèmes de défense
  • contre la mer
  • Protéger les dunes : les politiques publiques
  • de protection
  • Préserver une biodiversité remarquable
  • Prendre en compte les risques naturels
  • Les dunes face aux tempêtes
  • Le cas aquitain : protection et vulnérabilité,
  • XIXe et XXe siècles
  • … et l’avenir ?

Les dunes sont souvent propices à la méditation et à l’admiration, calme et paisible, des beautés de la Nature. « Je promenai mon regard sur la mélancolie des dunes. Des rafales de pluie battaient leurs rousseurs, et de lourds nuages ardoisés s’accrochaient aux reliefs du paysage, traînant comme de grises écharpes au flanc de collines fantastiques. » Le chien des Baskerville – Sir Arthur Conan Doyle

Source : Guide de gestion des dunes et des plages associées, sous la direction de Loïc Gouguet, éditions Quae.

Actualités naturalistes

Avant la rentrée, je vous propose, amis naturalistes, de lire quelques informations rafraîchissantes ! 

Un nouveau site internet « la forêt et nous » vient d’être mis en ligne  pour les élèves, leurs enseignants, et le grand public. Au menu,  des quiz, des fiches, des livrets et des vidéos pour mieux comprendre la forêt. Ce site est proposé par Teragir, une association d’éducation au développement durable de référence reconnue d’intérêt général et qui porte La Forêt et nous en partenariat avec de grands acteurs institutionnels pour intensifier l’éducation à la forêt en France, plus particulièrement auprès des jeunes de 3 à 18 ans. C’est ici que commence la visite !


Nouvelle publication, passionnante de  l’Inventaire National du Patrimoine Naturel  sur les  habitats marins benthiques de métropole ! Sous la coordination de PatriNat et avec le soutien du Life Marha, les habitats ont été décrits sur la base des descriptions existantes dans d’autres typologies complétées avec les connaissances disponibles, ou entièrement rédigées, par les experts scientifiques. Chaque fiche permet notamment d’identifier pour chaque unité décrite : les facteurs abiotiques, les caractéristiques stationnelles, la potentielle variabilité spatiale ou temporelle, les espèces caractéristiques, les confusions possibles avec d’autres unités, ainsi que diverses informations sur le statut de conservation, la répartition géographique ou encore les tendances évolutives…

Il y a deux documents : l’un pour la Méditerranée, l’autre pour la Manche, la Mer du Nord et l’Atlantique. Ils devraient intéresser tous les naturistes intéressés par l’estran !

SOURCEhttps://inpn.mnhn.fr/actualites/lire/15064/les-habitats-marins-benthiques-de-metropole-ont-enfin-leurs-papiers-d-identite


Bien qu’ils soient plus agressifs pour défendre leur territoire quelles moineaux des campagnes, les moineaux mâles vivant dans les zones urbaines consacrent davantage de temps à visiter le nid et nourrir leurs petits, ce qui surprend les scientifiques qui pensaient que plus d’agressivité signifierait moins de temps passé avec les poussins.

Les chercheurs pensent qu’en raison d’une pression de prédation moindre en ville par rapport à la campagne, les oiseaux se reproduisent avec plus de succès, et que cela accroit les visites au nid des  du moineaux des villes mâles.  « Contre toute attente, nous avons constaté qu’ils visitaient les nids plus fréquemment et qu’ils étaient de meilleurs parents que les mâles des zones rurales » dit l’auteur de la publication. dans la revue Frontiers in Ecology and Evolution, qui a porté sur six sites du sud-ouest de la Virginie (USA) caractérisés par un accroissement urbain récent, et ce au cours de quatre saisons de reproduction.

SOURCE :  Indirect effects of urbanization: consequences of increased aggression in an urban male songbird for mates and offspring. Front. Ecol. Evol., 22 August 2023 Sec. Urban Ecology  Volume 11 – 2023 | https://doi.org/10.3389/fevo.2023.1234562

Cœurs et cerveaux à gogo !


Le poulpe (Octopus vulgaris) se rencontre parfois sur l’estran, et plus souvent en plongée. C’est un animal étonnant, presque fascinant tant par son extraordinaire anatomie que par ses capacités physiques et cognitives. Le poulpe possède en effet 1 siphon, 3 cœurs, 9 cerveaux, 8 tentacules, son sang est bleu et il est capable de changer de couleurs à volonté ce qui lui confère de stupéfiantes compétences en camouflage. Au lieu d’un squelette rigide, il possède des réseaux compacts de tissus musculaires qui se raidissent et s’assouplissent lorsqu’ils bougent ou se déplacent, et ses 8 tentacules ont un nombre infini de degrés de liberté, sans jamais s’emmêler.

Le poulpe contrôle en effet ses huit tentacules grâce à un système nerveux partiellement décentré. Il possède un cerveau central situé entre ses yeux et contenant environ 180 millions de neurones. Des commandes peuvent être envoyées à chacun des 8 tentacules qui dispose d’un cerveau auxiliaire, plus petit et indépendant. À la réception de ces ordres, chaque tentacule recueille ses propres données sensorielles et de position, son cerveau périphérique les traite, puis émet ses propres ordres de déplacement en raidissant ou en relâchant différentes parties du membre, le tout sans consulter le cerveau central à l’étage. Tout en se déplaçant, le tentacule continue à collecter et à traiter les informations sensorielles, et toute information pertinente, comme l’emplacement de la nourriture, est renvoyée au cerveau central pour que celui-ci prenne des décisions plus importantes. 40 millions de neurones sont affectés à chaque tentacule.

Le sang du poulpe est de couleur bleue. L’oxygène, extrait de l’eau par les branchies, est transporté par l’hémocyanine, découverte en 1878 par le savant belge Léon Fredericq lors de son étude détaillée des poulpes. Chez l’homme, la métalloprotéine qui transporte l’oxygène (hémoglobine) est à base de fer, de couleur rouge, et on la trouve dans les globules rouges. Chez le poulpe, la métalloprotéine transportant l’oxygène est l’hémocyanine, à base de cuivre, de couleur bleue, et extracellulaire, dissoute dans l’hémolymphe. L’affinité de l’hémocyanine pour l’oxygène est supérieure à celle de l’hémoglobine, mais son efficacité globale comme transporteur d’oxygène est, dans la plupart des cas, plus faible que celle de l’hémoglobine. Elle est cependant supérieure dans les environnements froids. On relève ainsi, parmi les organismes qui utilisent l’hémocyanine comme transporteur d’oxygène, des crustacés vivant dans des eaux froides à faible pression partielle d’oxygène.

Le poulpe dispose d’un système circulatoire dans lequel le sang circule sous l’action d’un cœur principal ou « systémique » relayé par deux petits cœurs branchiaux qui pompent le sang oxygéné par les branchies. La fréquence cardiaque des poulpes est en moyenne de 40 à 50 battements par minute ; elle varie peu, même à l’effort. 

Le siphon du poulpe, ou hyponome, se situe entre la tête et le reste du corps. Ce tube musculaire serait le fruit de l’évolution du pied d’un ancêtre mollusque. Il participe à la locomotion en permettant les mouvements de pénétration et d’éjection rapide de l’eau (contrôlés par les contractions du manteau). Ces animaux peuvent diriger leurs siphons dans différentes directions pour modifier leur trajectoire. Le siphon des poulpes fonctionne sur le même principe que le moteur à réaction d’un hydrojet ou d’un avion.

Comme tous les céphalopodes, le poulpe est capable de changer de couleur pour se fondre dans son environnement par homochromie, il peut ainsi se jeter sur une proie par surprise ou se cacher de la vue de ses prédateurs. Voir le film ici

DOCUMENTATION

Ces vers marins aident la médecine !

L’estran (ou zone de balancement des marées) est écosystème peu démonstratif à marée basse; il est pourtant peuplé d’organismes dont la résistance aux éléments hostiles force le respect. C’est la portion du littoral qui est alternativement inondée et exondée au rythme des marées. Pour vivre sur l’estran, il faut être capable de résister aux variations extrêmes d’humidité, de salinité, de température et de cinétique (vents et courants). 

Pour les touristes en goguette sur les bords de mer, la prise de conscience de la vie sur l’estran est souvent le fait des vers arénicoles, qui absorbent les débris organiques du sable, les digèrent et rejettent ce qu’ils ne consomment pas sous forme de petits tortillons. Ce sont donc eux qui déposent ces petites « crottes de sable » sur la plage, au grand étonnement des enfants !

Laissons Wikipédia nous présenter Arenicola marina : souvent appelé « ver de vase » ou « ver noir » c’est un ver annélide dont le corps est constitué d’une série d’anneaux successifs, appelés segments ou métamères. Le ver appartient à la classe des annélides polychètes (de poly = plusieurs et chètes = soies) : les métamères de la partie la plus renflée sont munis de pieds ou parapodes garnis de soies plus ou moins rigides, mobiles, qui permettent à l’animal de prendre appui sur le support pour s’immobiliser ou se déplacer. À l’âge adulte, sa longueur moyenne est d’une quinzaine de centimètres, avec un maximum d’une trentaine de centimètres. 

 J’ai découvert, en lisant  un délicieux opuscule, intitulé « Océanographie, comprendre l’océan en 50 planches illustrées » , que ce ver  a développé d’étonnantes capacités métaboliques pour survivre dans le sable, hors de l’eau entre deux marées : à marée haute, il stocke l’oxygène prélevé dans l’eau de mer pour utiliser cette réserve à marée basse. Comme un plongeur sous-marin, mais sans bouteilles, et avec l’oxygène et pas de l’air. Quelle est donc le prodige qui lui confère ce superpouvoir ?  

L’hémoglobine des vers arénicoles, également appelée érythrocruorine :

  • fait 50 fois la taille de l’hémoglobine humaine
  • est 40 fois plus efficace que l’hémoglobine humaine pour le transport de l’oxygène. . 

Contrairement à l’hémoglobine humaine (dans les GR), l’érythrocruorine est extracellulaire, elle est dissoute dans le plasma circulant dans le réseau vasculaire des vers; non glycosylée, elle s’affranchit des groupes sanguins. Son affinité pour l’O2 est plus élevée que l’hémoglobine humaine autorisant une adaptation accrue à l’hypoxie: plus de 6 heures entre marée haute et marée basse.

Ce superpouvoir ne pouvait qu’intéresser les chercheurs ! 

La société Hemarina, fondée en 2007 par le Dr Franck ZAL (expert en hémoglobine des invertébrés marins, CNRS), a développé un processus industriel pour extraire l’érythrocruorine d’Arenicola marina dans 2 fermes élevages d’aquaculture (à Noirmoutiers et aux Pays-bas). La société a développé une gamme de produits thérapeutiques, encore en phase expérimentale, notamment :

  1. Un additif aux solutions de préservation d’organes: Hemo2life permet de mieux oxygéner le greffon et ainsi de réduire les risques de rejet de greffe : voir ici
  2. Un transporteur universel d’oxygène (bientôt une alternative aux transfusions ?) : voir ici
  3. Des pansements oxygénants, pour améliorer la cicatrisation. Voir ici
  4. Un traitement des parodontites : voir ici

Auriez-vous pensé que les vers qui passent leur temps, à la basse mer à faire des tortillons sur la plage pourraient contribuer à améliorer les greffes d’organes, guérir les plaies, ou sauver des blessés graves ?

Mise à jour : le 16 décembre 2023, la presse grand public annonce qu’un grand brûlé a été soigné, au CHU de Nantes, par des pansements intégrant de l’érythorcuorine d’Arénicole marina, avec succès !

Documentation

  1. Visite guidée sur l’estran
  2. Océanographie, comprendre l’océan en 50 planches illustrées. J. Lambot. Hachette
  3. Arenicola marina. Wikipédia.
  4. Arenicola marina et hémogigilance
  5. Quand la nature inspire la science

🎶 Qui donc chante ici ?


Les yeux encore lourds de sommeil, les ornithologues admirèrent les pâles rayons du soleil levant peignant d’or les rares brumes nappant encore le sol d’un chemin forestier tout humide de rosée, avant de se laisser charmer par les chants d’oiseaux, fort nombreux, fort riches et forts variés à cette heure matutinale. Le chœur de l’aube s’étant tu, il était temps de se mettre au travail…

Quand on débute dans l’apprentissage de l’ornithologie, la première difficulté consiste à reconnaître et à dire le nom les oiseaux rencontrés : Grive litorne, Buse variable, Rouge-gorge familier, Fauvette pitchou… Et l’on doit apprendre, patiemment, les critères utiles à cette identification : la taille de l’oiseau, son plumage, son allure, son vol, son habitat… et son chant.

Les ornithologues chevronnés, en effet, savent reconnaître les oiseaux avant que de les voir, et même, parfois, sans jamais les voir du tout. Comme ils brillent d’admiration, les yeux du débutant, quand le spécialiste annonce avoir entendu une Rousserole effarvate, une Locustelle luscinoide, ou un Gorgebleu à miroir. Ne sont-ils pas un peu sorciers , ces gens-là ?

Et le débutant s’entraîne sur le terrain, à reconnaître à la vue ou à l’ouïe, les oiseaux de sa région, et il travaille à la maison, sur ses livres et son ordinateur. Et puis, un jour, il fait la connaissance d’un professeur patient, talentueux, et disponible autant que de besoin, une sorte d’enchanteur, dont le nom, ô merveilleuse coïncidence, est Merlin ! J’ai déjà parlé de ce professeur épatant, qui prend place dans les ordinateurs, les tablettes et les téléphones, afin d’apporter son expertise sur le terrain. Merlin, donc, aide à la reconnaissance visuelle et auditive des oiseaux rencontrés. Et c’est cette reconnaissance des chants d’oiseaux que je souhaiterais aborder aujourd’hui.

Imaginez !  Vous êtes sur un chemin forestier, à l’aube. À votre droite, des bois; à votre gauche une clairière. Vous entendez deux oiseaux dans le bois et un oiseau dans la prairie. Merlin est ouvert sur votre téléphone, et vous cliquez sur le gros bouton « Sound ID » : chaque fois qu’un oiseau vocalise, sa photo et son nom apparaissent, et les informations se mettent à jour, au fil du temps. Et ainsi vous apprenez que les chanteurs de la forêt sont une Sitelle torchepot et une Fauvette à tête noire, quand celui du pré, là-bas, sur son piquet, est un Tarier pâtre. Et vos jumelles confirment l’identification sonore. C’est magique, c’est Merlin !

Sound ID permet aux utilisateurs d’utiliser leur téléphone pour écouter les oiseaux autour d’eux et voir s’afficher, en direct, l’identité de ceux qui chantent (image et nom), et ce pour 1 054 espèces d’oiseaux, avec une couverture complète des États-Unis, du Canada, de l’Europe, du Paléarctique occidental, ainsi qu’une couverture des espèces les plus communes et les plus répandues dans les régions néotropicales et en Inde. Sound ID fonctionne en local, sans qu’il soit nécessaire de disposer d’une connexion à l’internet. 

Mais comment cette identification sonore fonctionne-t-elle ? Quelle est donc cette diablerie ?

Lorsque le téléphone lance un enregistrement sonore, Merlin le convertit, au fil de l’eau en une image appelée spectrogramme. Ce spectrogramme représente les fréquences sonores qui apparaissent dans l’enregistrement, en fonction du temps. L’image du spectrogramme est ensuite traitée par un réseau neuronal convolutif profond. Ce modèle a été entraîné à identifier les oiseaux sur la base de 140 heures d’enregistrements audio contenant des sons d’oiseaux, en plus de 126 heures d’enregistrements audio contenant des sons de fond non liés aux oiseaux, tels que des sifflements et des bruits de voiture. Pour chaque clip audio, un groupe d’experts en identification sonore de la bibliothèque Macaulay et de la communauté eBird a trouvé les moments précis où les oiseaux émettaient des sons, et a étiqueté ces sons avec les espèces d’oiseaux correspondantes. Le modèle peut utiliser cette supervision détaillée des experts pour apprendre à prédire correctement les espèces qui apparaissent dans ces clips audio annotés, dans le but de généraliser cette connaissance et prédire quels oiseaux apparaissent dans des enregistrements audio jamais entendus auparavant.

Une fois la base de données de sons constituée,  le modèle est entraîné à l’aide d’un algorithme de rétro-propagation du gradient. Lorsque le modèle « entend » un extrait sonore, il fait une prédiction basée sur la transformation du spectrogramme de l’extrait sonore par une série d’opérations mathématiques impliquant des millions de nombres (appelés poids). L’algorithme de rétro-propagation du gradient détermine comment ajuster la valeur de chaque poids pour que les prédictions du modèle correspondent à celles des experts en identification sonore. Ce processus de mise à jour des poids constitue la partie « apprentissage » de l’apprentissage automatique.

La construction du modèle d’identification des sons est donc un processus itératif, impliquant un va-et-vient entre les experts en identification des sons, les membres de l’équipe d’apprentissage automatique et les personnes qui fournissent un retour d’information basé sur les tests de l’application sur le terrain. Trois équipes, donc !

Après avoir évalué les performances d’un modèle formé, des ajustements sont apportés à l’algorithme d’apprentissage, et il est demandé aux experts en identification sonore d’étiqueter davantage de clips audio et essayons de localiser les erreurs humaines dans les données précédemment étiquetées.

Merlin n’est pas le premier à utiliser des réseaux neuronaux convolutifs profonds pour identifier les oiseaux par leurs sons. En fait, Merlin s’inspire d’un certain nombre d’autres projets, notamment BirdNET et BirdVox. Il existe de nombreuses autres approches de l’identification des sons d’oiseaux au fil des ans, qui sont le résultat de concours d’ingénierie tels que BirdClef et DCASE, parmi beaucoup d’ autres. Des techniques similaires ont été utilisées pour surveiller l’activité des chauves-souris, et pour trouver des modèles dans les chants de baleines.

Les modèles antérieurs d’identification des sons d’oiseaux ont généralement été formés à l’aide de données dont le niveau de résolution temporelle était plus grossier. Par exemple, un modèle peut entendre un enregistrement de 30 secondes d’une Sittelle torchepot, mais ne pas savoir quand la sittelle chante dans l’enregistrement. Cela peut poser problème : si d’autres espèces chantent dans le même enregistrement, le modèle considérera à tort que toutes les espèces présentes dans l’enregistrement sont des Sittelles torchepot, ce qui entraînera des propositions erronées. L’outil d’identification sonore de Merlin est formé à l’aide de données audio intégrant les moments précis où chaque oiseau vocalise. Le processus de génération de ces données demande beaucoup de travail, car il exige des experts en identification sonore qu’ils écoutent attentivement chaque fichier audio. Grâce à ces efforts, le modèle a la possibilité d’apprendre une représentation plus précise des sons correspondant à chaque espèce (et des sons ambiants). Des recherches récentes confirment que des étiquettes temporellement fines peuvent contribuer à améliorer les performances de la classification audio.

Les enregistrements audio inclus dans Merlin tentent de couvrir toute la gamme de variations des émissions sonores de chaque espèce, et sont sélectionnés et édités par l’équipe de la bibliothèque Macaulay et ses partenaires. 

Enfin, il est bon de savoir que tout un chacun peut aider Merlin Sound ID à enrichir sa base de données en enregistrant des oiseaux sur son téléphone, en les téléchargeant sur les listes de contrôle eBird et en étiquetant les espèces audibles dans l’enregistrement. Les conseils de la bibliothèque Macaulay en matière d’enregistrement sur smartphone sont un excellent point de départ pour ceux qui désireraient participer à cette aventure !

Finalement, et pour résumer, on peut dire que Merlin est aux oiseaux ce que Shazam est à la musique !

SOURCES

  1. Behind the Scenes of Sound ID in Merlin. Benjamin Hoffman and Grant Van Horn 22 Jun 2021
  2. Voir une vidéo de démonstration de l’application
  3. Site internet de Merlin
  4. Site internet de eBird

Sale affaire que cette grippe aviaire…


INTRODUCTION

Les nouvelles sont mauvaises, la grippe aviaire continue ses ravages sur l’avifaune sauvage en 2023. Quelques exemples, parmi tant d’autres : 

  1. Un virus de l’influenza aviaire hautement pathogène (HPAIv) s’est propagé dans la région de l’Holarctic en 2022, affectant des millions d’oiseaux a atteint l’Amérique du Sud. …/… Rien que le long de la côte péruvienne, le HPAlv a tué plus de 22 000 oiseaux sauvages, en seulement 4 semaines, principalement des Pélicans thage (Pelecanus thagus) et des Fous variés (Sula variegata), espèce menacée. Voir ici
  2. Epidémie à mortalité massive liée à un virus grippal hautement pathogène (H5N1) chez des Lions de mer du Pérou. La voie de transmission du H5N1 pourrait être liée au contact étroit des Lions de mer avec des oiseaux sauvages infectés (Cependant, une transmission directe entre les lions de mer ne peut être exclue) Voir l’article
  3. En Ecosse, la grippe aviaire a fait des dégâts considérables. Bien que les principales espèces touchées soient le Grand labbe (Stercorarius skua) et le Fou de Bassan (Morus bassanus), d’autres espèces ont également été testées positives en 2022. Il s’agit notamment de la Buse variable, de l’Oie cendrée, de l’Oie du Canada, de l’Eider, de la Sterne arctique, du Guillemot de Troïl, du Goéland argenté et du Goéland marin. Aucun de ces oiseaux n’a cependant été autant affecté que les Grands labbes et les Fous de Bassan. source
  4. Octobre 2022 : Une épidémie d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) A(H5N1) à décimé des visons d’élevage intensif en Espagne. Voir ici
  5. 24 juillet 2023 : Les Sternes (sauge, pierregarin et de Dougal) , espèces protégées et menacées, sont décimées par la grippe aviaire sur l’île aux Moutons dans le Finistère. Article de Bretagne Vivante
  6. 25 juillet 2023 : La moitié des mouettes tridactyles de la plus importante colonie d’oiseaux de mer de Norvège pourraient avoir été tuées par la grippe aviaire, soit au moins de 11 000 oiseaux. article, en norvégien.

UN PEU DE VIROLOGIE

Les virus de l’influenza aviaire (ou grippe aviaire) sont des orthomyxovirus A affectant principalement les oiseaux qu’ils soient d’élevages ou sauvage.. Ils sont classés comme faiblement pathogènes ou hautement pathogènes en fonction de leurs caractéristiques génétiques et de la gravité de la maladie qu’ils provoquent. La  maladie est très contagieuse. Les virus de la GA sont également responsables, bien que moins fréquemment, d’épidémies chez des mammifères, et de cas sporadiques chez les humains (essentiellement des éleveurs de volailles).

Les virus de la GA sont divisés en plusieurs sous-types (H5N1, H5N3, H5N8, etc.) dont les caractéristiques génétiques évoluent rapidement. La maladie est présente dans le monde entier, mais différents sous-types sont plus répandus dans certaines régions que dans d’autres.

TRANSMISSION ET PROPAGATION

Chez les oiseaux, les virus de la GA sont excrétés dans les fèces et les sécrétions respiratoires. Ils peuvent tous se propager par contact direct avec les sécrétions respiratoires d’oiseaux infectés, leurs fèces ou par des aliments et de l’eau contaminés. En raison de la nature résistante des virus de la GA, y compris leur capacité à survivre pendant de longues périodes lorsque les températures sont basses, ils peuvent également être transportés par les équipements agricoles et se propager facilement d’une ferme à l’autre.

Selon les données recueillies depuis 2005, la grippe aviaire hautement pathogène semble être saisonnière, sa propagation étant la plus faible en septembre, commençant à augmenter en octobre pour atteindre un sommet en février.

Quel rôle les oiseaux sauvages jouent-ils dans la propagation de la grippe aviaire?

Les oiseaux sauvages migrateurs, en particulier les oiseaux de mer, sont des hôtes naturels et donc des réservoirs des virus de la grippe aviaire. Dans leurs voies respiratoires ou intestinales, ils peuvent être porteurs de différentes souches du virus de la grippe aviaire. Lorsque les oiseaux présentent peu ou pas de symptômes du virus,  ils propagent les virus entre pays voisins ou sur de longues distances, le long de leurs voies migratoires. Les oiseaux sauvages jouent également un rôle majeur dans l’évolution et le maintien des virus de la grippe aviaire pendant les basses saisons.  

Les principales espèces sauvages impliquées dans le cycle viral de l’influenza aviaire sont les anatidés, les laridés et les limicoles; Cependant, le virus semble passer facilement entre différentes espèces d’oiseaux. L’exposition directe des oiseaux d’élevage aux oiseaux sauvages est une voie de transmission probable du virus.

S’agissant des oiseaux sauvages, un article, complexe et en anglais, explique les modalités de transmission de la grippe aviaire entre oiseaux d’une colonie, entre colonies différentes et les facteurs favorisant ces transmissions. Voir ici

La grippe aviaire se propage également par les voies migratoires des oiseaux, voir ici : Les virus de l’influenza aviaire hautement pathogène se propagent en Asie, en Europe, en Afrique et en Amérique du Nord, mais sont actuellement absents d’Amérique du Sud et d’Océanie. En décembre 2021, des virus IAHP H5N1 ont été détectés chez des volailles et un goéland vivant en liberté à St. John’s, Terre-Neuve-et-Labrador, Canada. L’analyse phylogénétique a montré que ces virus étaient très proches des virus qui circulaient dans le nord-ouest de l’Europe au printemps 2021. L’analyse de la migration des oiseaux sauvages suggère que ces virus ont pu être transportés à travers l’Atlantique via l’Islande, le Groenland/l’Arctique ou des voies pélagiques. L’incursion des virus IAHP GsGd en Amérique du Nord suscite des inquiétudes quant à la propagation du virus à travers les Amériques par le biais de la migration des oiseaux sauvages.

Impact sur la santé animale, y compris des oiseaux sauvages

Avec des taux de mortalité élevés, la grippe aviaire peut avoir de graves répercussions sur la santé des volailles et des oiseaux sauvages. Souvent considérés principalement comme des vecteurs de la maladie, les oiseaux sauvages, y compris les espèces menacées, en sont également victimes. Les conséquences de la grippe aviaire sur la faune sauvage pourraient avoir un effet dévastateur sur la biodiversité de nos écosystèmes.

En outre, la grippe aviaire peut également traverser la barrière des espèces et infecter des mammifères, tels que les rats, les souris, les belettes, les furets, les porcs, les chats, les tigres, les chiens et les chevaux. source 

Risque pour la santé publique

Les épidémies actuelles de grippe aviaire ont dévasté certaines populations animales,  volailles, oiseaux sauvages et certains mammifères, et ont nui aux moyens de subsistance des agriculteurs et au commerce alimentaire. Bien qu’elles touchent en grande partie les animaux, ces épidémies présentent des risques permanents pour les humains. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation mondiale de la santé animale (WOAH) exhortent les pays à travailler ensemble dans tous les secteurs pour sauver autant d’animaux que possible et protéger les personnes.

Les virus de la grippe aviaire se propagent normalement chez les oiseaux, mais le nombre croissant de détections de la grippe aviaire H5N1 chez les mammifères – qui sont biologiquement plus proches des humains que les oiseaux – suscite la crainte que le virus ne s’adapte pour infecter les humains plus facilement. En outre, certains mammifères peuvent agir comme des sources d’hybridation  pour les virus de la grippe, ce qui conduirait à l’émergence de nouveaux virus plus dangereux pour les animaux et les humains (car plus contagieux).

La lignée oie/Guangdong des virus de la grippe aviaire H5N1 a émergé pour la première fois en 1996 et a provoqué des épidémies chez les oiseaux depuis lors. Depuis 2020, une variante de ces virus appartenant au clade H5 2.3.4.4b a entraîné un nombre sans précédent de décès chez les oiseaux sauvages et la volaille dans de nombreux pays d’Afrique, d’Asie et d’Europe. En 2021, le virus s’est propagé en Amérique du Nord et en 2022, en Amérique centrale et en Amérique du Sud.

En 2022, 67 pays des cinq continents ont signalé à WOAH des épidémies de grippe aviaire à haute pathogénicité H5N1 chez la volaille et les oiseaux sauvages, avec plus de 131 millions de volailles domestiques perdues à cause de la mort ou de l’abattage dans les fermes et les villages touchés. En 2023, 14 autres pays ont signalé des épidémies, principalement dans les Amériques, alors que la maladie continue de se propager. Plusieurs décès de masse ont été signalés chez des oiseaux sauvages, causés par les virus du clade 2.3.4.4b de la grippe A(H5N1).

Surveillance de la récente augmentation des épidémies chez les mammifères

Récemment, les rapports d’épidémies mortelles chez les mammifères se sont multipliés, épidémies causées par la grippe A(H5) – y compris les virus de la grippe A(H5N1). 10 pays sur trois continents ont signalé des épidémies chez les mammifères à WOAH depuis 2022. Ces déclarations ne sont manifestement pas exhaustives (absence de détections ou de remontées de l’information). Des mammifères terrestres et marins ont également été touchés (visons d’élevage en Espagne, phoques aux États-Unis d’Amérique, Lions de mer au Pérou et au Chili) : au moins 26 espèces ont été infectés. Les virus H5N1 ont également été détectés chez des animaux domestiques tels que les chats et les chiens dans plusieurs pays, avec des détections récentes de H5N1 chez les chats annoncées par les autorités polonaises.

« Il y a un changement de paradigme récent dans l’écologie et l’épidémiologie de la grippe aviaire qui a accru l’inquiétude mondiale à mesure que la maladie s’est propagée à de nouvelles régions géographiques et a provoqué des morts inhabituelles d’oiseaux sauvages, et une augmentation alarmante des cas de mammifères », a déclaré le Dr Gregorio Torres, chef du département des sciences

Évaluation du risque pour les humains

Le clade sporadique de la grippe A(H5N1) 2.3.4.4b détection du virus chez l’homme a également été signalée, mais reste très rare, avec 8 cas signalés depuis décembre 2021. Les infections chez l’homme peuvent causer une maladie grave avec un taux de mortalité élevé. Les cas humains détectés jusqu’à présent sont principalement liés à un contact étroit avec des oiseaux infectés et des environnements contaminés.

Avec les informations disponibles jusqu’à présent, le virus ne semble pas pouvoir se transmettre facilement d’une personne à une autre, mais la vigilance est nécessaire pour identifier toute évolution du virus qui peut changer cela, a déclaré le Dr Sylvie Briand, directrice de la préparation et de la prévention des épidémies et des pandémies, OMS. L’OMS travaille en étroite collaboration avec la FAO et encourage tous les pays à accroître leur capacité à surveiller ces virus et à détecter tout cas humain. C’est d’autant plus important que le virus affecte maintenant les pays ayant une expérience préalable limitée de la surveillance de la grippe aviaire.

Des études sont en cours pour identifier tout changement dans le virus qui pourrait aider le virus à se propager plus facilement chez les mammifères, y compris les humains.

« L’épidémiologie du H5N1 continue d’évoluer rapidement », a déclaré Keith Sumption, médecin vétérinaire en chef de la FAO. « La FAO attire l’attention sur la nécessité d’une vigilance et d’un partage en temps opportun des séquences génétiques pour surveiller l’épidémiologie moléculaire afin d’évaluer les risques et de mieux contrôler les maladies. »

Comment freiner la propagation de la grippe aviaire

Compte tenu de la propagation sans précédent du virus de la grippe aviaire A(H5N1) parmi les oiseaux et les mammifères, et du risque potentiel pour la santé humaine, les partenaires tripartites – la FAO, l’OMS et la WOAH – exhortent les pays à prendre les mesures suivantes :

  • Prévenir la grippe aviaire à sa source, principalement par des mesures de biosécurité renforcées dans les fermes et dans les chaînes de valeur de la volaille, et appliquer de bonnes pratiques d’hygiène. Les membres de WOAH, en consultation avec le secteur avicole, peuvent considérer la vaccination des volailles comme un outil complémentaire de contrôle des maladies basé sur une surveillance solide et en tenant compte de facteurs locaux tels que les souches virales en circulation, l’évaluation des risques et les conditions de mise en œuvre de la vaccination.
  • Détecter, signaler et répondre rapidement aux épidémies animales en tant que première ligne de défense. Lorsqu’une infection est détectée chez les animaux, les pays sont encouragés à mettre en œuvre des stratégies de contrôle telles que décrites dans les normesWOAH.
  • Renforcer la surveillance de la grippe chez les animaux et les humains. Pour permettre une réponse précoce, la surveillance fondée sur les risques chez les animaux devrait être renforcée avant et pendant les périodes à haut risque. Les cas de grippe aviaire chez les animaux doivent être signalés à WOAH en temps opportun. Le séquençage génétique doit être effectué périodiquement pour détecter tout changement dans les virus déjà présents dans la région ou l’introduction de nouveaux virus. Chez l’homme, les priorités suivantes devraient être mises en priorité : (i) la surveillance des infections respiratoires aiguës graves et des maladies pseudo-grippales, (ii) un examen attentif de tout schéma épidémiologique inhabituel, (iii) la déclaration des infections humaines en vertu du Règlement sanitaire international, et (iv) le partage des virus de la grippe avec les centres collaborateurs de référence
  • Mener des études épidémiologiques et virologiques autour des épidémies animales et des infections humaines. La surveillance devrait être renforcée pour détecter et enquêter rapidement sur d’autres cas suspects d’animaux et d’êtres humains.
  • Partager rapidement les données de séquence génétique des virus provenant d’humains, d’animaux ou de leurs environnements dans des bases de données accessibles au public, même avant même une publication évaluée par des pairs.
  • Encourager la collaboration entre les secteurs de la santé animale et humaine, en particulier dans les domaines du partage d’informations, de l’évaluation conjointe des risques et de la réponse.
  • Communiquer le risque. Alerter et former les travailleurs de la santé et les personnes exposées au travail sur les moyens de se protéger. Il convient de conseiller au grand public ainsi qu’aux travailleurs des animaux d’éviter tout contact avec des animaux malades et morts et de les signaler aux autorités de santé animale. Il devrait également leur être conseillé de consulter un médecin s’il ne se sent pas bien et de signaler toute exposition aux animaux à leur fournisseur de soins de santé.

OUTILS DE SUIVI DE LA GRIPPE AVIAIRE

Pendant la pandémie de SARS-CoV-2, les médecins disposaient d’un outil leur permettant de suivre l’évolution de la maladie : CovidTracker. J’ai cherché sur internet si des outils existaient, qui permettraient de suivre les dégâts de la Grippe aviaire, voici ce que j’ai trouvé :

  1. Tableau de bord de suivi de la Grippe Aviaire en Europe : voir ici
  2. Radar de la grippe aviaire en Europe : Bird Flu Radar
  3. Veille sanitaire hebdomadaire Grippe aviaire : voir ici
  4. Suivi de la grippe aviaire aux USA : voir ici
  5. Voir, dans ce document australien la Carte de diffusion mondiale de la grippe aviaire +++

POUR ALLER PLUS LOIN

  1. Les foyers d’influenza aviaire chez les animaux représentent un risque pour l’homme. OMS, 2023
  2. Propagation de l’influenza aviaire et mouvements des oiseaux marins entre les colonies. Trends in ecology and évolution. 2023
  3. Propagation transatlantique de l’influenza aviaire hautement pathogène H5N1 par des oiseaux sauvages de l’Europe vers l’Amérique du Nord en 2021. Sci Rep 12, 11729 (2022)

Le soir, au coin du feu, j’ai pensé bien des fois,
À la mort d’un oiseau, quelque part, dans les bois,
Pendant les tristes jours de l’hiver monotone
Les pauvres nids déserts, les nids qu’on abandonne,
Se balancent au vent sur le ciel gris de fer.
Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l’hiver !
Pourtant lorsque viendra le temps des violettes,
Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes
Dans le gazon d’avril où nous irons courir.
Est-ce que les oiseaux se cachent pour mourir ?

François Coppée

Air et mer


Hier, quittant le polder Bertrand, nous cheminions sur le schorre, en Baie du Mont Saint-Michel, pour aller compter les limicoles à la pleine mer.  Une Caille des blés, habilement cachée, roucoulait joyeusement, le soleil du matin  illuminait la baie et le Mont Saint-Michel d’une chaude lumière, un Busard des roseaux nous survola, quelques lièvres firent une rapide apparition. Tout n’était que calme et beauté ! 

Et, tandis que nous admirions « La Grande Bosse », long banc de sable évoquant une baleine blanche immobile et à demi submergée, la discussion roula sur les marées en baie du Mont. Je savais que le marnage est conséquent dans cette région : Avec 15 m de marnage, la baie du Mont-Saint-Michel compte parmi les grands sites au monde où les marées ont des amplitudes exceptionnelles. Elle vient au 5e rang après la baie de Fundy au Canada (18,5 m), Puerto Gallegos en Argentine (16,8 m), l’estuaire de la Severn en Angleterre (16,5 m) et la baie de Frobischer au Canada (16,3 m) (LE RHUN, 1982).

Je connaissais la règle des douzièmes, qui régit les débits du flot et du jusant en fonction du temps. Mais ce que j’ignorais, et qui me fut appris, est que la hauteur d’eau d’une marée, à un endroit donné, ne dépend pas seulement de son coefficient mais également de la pression atmosphérique, et que selon que l’on est en zone de hautes pressions ou de basses pressions, la marée peut être plus forte ou moins forte de plusieurs dizaines de centimètres ! Explications.

Dans les zones de hautes pressions (anticyclone), la mer subit une décote (baisse du niveau moyen) : la pression écrase l’eau en quelque sorte. A l’inverse, dans les zones de basses pressions (dépression), la mer subit une surcote (hausse du niveau moyen) : la mer est aspirée et monte. Le niveau moyen de la mer (niveau 0) correspond à une pression de 1013,25 HPa (pression de référence). Il faut ajouter 1 cm ou enlever 1 cm de hauteur d’eau par HPa de différence avec la pression de référence. Par exemple, si la pression atmosphérique est de 1023 hPa (conditions anticycloniques), il faut enlever 10 cm à la hauteur d’eau mesurée (ou observée). A l’inverse, si la pression atmosphérique est de 983 hPa (dépression), il faut rajouter 30 cm à la hauteur d’eau mesurée (ou observée) !

Pour en savoir plus voir ici

Une friture d’orobanches, ca vous branche ?

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J’ai fait leur connaissance, un beau jour d’été, au cours d’une sortie botanique dédiée aux orchidées. Je n’en avais jamais entendu parler auparavant, ni ne les avais jamais remarquées. Elles sont pourtant connues depuis l’antiquité, elles sont fréquemment observées et elles peuvent même se manger. Qui donc sont-elles ? Les orobanches !

UN PEU DE BOTANIQUE…

Les orobanches sont des plantes herbacées de petite taille (10 à 60 cm), sans chlorophylle, de la famille des Orobanchacées comprenant environ 150 espèces originaires des régions tempérées de l’hémisphère nord.  On les reconnaît aisément à leur tige écaillée, dressée, de couleur jaune paille complètement dépourvue de chlorophylle, généralement non ramifiée, aux feuilles en forme d’écailles triangulaires. Cette tige porte de petites fleurs bilabiées jaunes, blanches ou bleues groupées en épi terminal de 10 à 20 fleurs (à l’exception d’Orobanche uniflora aux fleurs solitaires). En dehors de la période de floraison, aucune partie de ces plantes n’est visible à la surface du sol. Les fleurs apparaissent tardivement et marquent la fin de la vie de la plante. Généralement, les orobanches fleurissent au début du printemps.

Ces plantes psammophytes (adaptée aux milieux sableux) sans chlorophylle dépendent entièrement de plantes-hôtes pour les éléments nutritifs dont elles ont besoin : ce sont des holoparasites. Les semences d’orobanches émettent après la germination une pousse à l’aspect de racine qui se fixe sur les racines des plantes-hôtes les plus proches, et dès lors la plante reçoit l’eau et les éléments nutritifs de la plante-hôte.

Certaines espèces sont très spécialisées et dépendent d’une seule espèce-hôte, tandis que d’autres sont capables de parasiter plusieurs espèces ou genres. Plusieurs espèces d’orobanches sont des nuisances pour les plantes de grande culture dont elles affectent le rendement : L’orobanche du chanvre, Orobanche ramosa, parasite, entre autres, le tournesol, les pommes de terre, aubergines, poivrons, haricots, choux, piments céleris. O. cumana est une autre espèce d’orobanche parasitant le tournesol.

UN PEU D’HISTOIRE…

Leur nom vient du grec ancien ὀροβάγχη, orobágkhê, composé de ὄροβος [órobos, sorte d’ers ou de vesce] et de ἄγχω, [ágkhô, étrangler, étouffer] en raison du parasitisme de ces plantes. En d’autres termes, les orobanches sont des plantes qui “étouffent” les légumes. Pline l’Ancien, au premier siècle, écrivit : « Nous avons appelé orobanche une herbe qui tue l’ers et les légumes. D’autres la nomment cynomorion, à cause de sa ressemblance avec les parties génitales du chien. La tige n’a point de sang; les feuilles sont rougeâtres. On la mange ou crue ou cuite sur le plat, quand elle est tendre.»

Théophraste, philosophe de la Grèce antique né vers 372 av. J.-C. à Eresós (Lesbos) et mort vers 288 av. J.-C. à Athènes, élève d’Aristote était botaniste et naturaliste, polygraphe et alchimiste: il caractérisa et décrivit les orobanches. Dioscoride, quant à lui,  était un médecin et botaniste grec qui vécut entre les années 20 et 40 après J.-C., probablement à Anazarbe en Cilicie, une région située dans le sud de la Turquie actuelle . Il est connu pour son ouvrage « De Materia Medica », qui comprenait des informations sur les plantes médicinales et leurs utilisations, ainsi que des descriptions de diverses espèces animales et minérales. Cette œuvre était considérée comme une référence en matière de botanique et de médecine jusqu’à la Renaissance, et a été traduite en plusieurs langues européennes. Dioscoride a traité des orobanches, fournissant des détails sur leur description, leurs propriétés médicinales et les avantages potentiels de leur culture.

UN PEU DE CUISINE…

Au début du XIXe siècle, L.-C.-A. Frémont, rédigea une longue note sur l’orobanche de Dioscoride, contenant sa description, ses propriétés, les avantages qu’on peut retirer de sa culture, la preuve que cette plante n’est point parasite, des conjectures sur l’orobanche de Théophraste, et contesta les écrits de ces auteurs antiques, lesquels, d’après lui confondaient cuscutes et orobanches. Une chose cependant sur laquelle tous s’accordent est le fait que l’orobanche est comestible. La note de Frémont ayant même pour objectif d’en inciter la culture à grande échelle. Plus près de nous, François Couplan, spécialiste des plantes sauvages comestibles, nous dit qu’à l’île d’Yeux on suçait les pousses d’orobanches pour leur goût sucré. En Europe on fait blanchir certaines espèces à l’eau bouillante salée et on les consomme au printemps comme les asperges. Dans les Pouilles on les manges frites après les avoir fait bouillir puis tremper dans l’eau une journée entière…

Ressources documentaires

  1.  Discoride, médecin et botaniste grec.
  2. Théophraste. Wikipédia
  3. Frémont L.-C.-A. Note sur l’orobanche de Dioscoride, contenant sa description, ses propriétés, les avantages qu’on peut retirer de sa culture, la preuve que cette plante n’est point parasite, des conjectures sur l’orobanche de Théophraste, etc., Edition originale : 1807
  4. Les orobanches. Wikipédia

Idées de corvidés

Photo d’Auke-Florian Hiemstra / Naturalis Biodiversity Center

Ma veille documentaire rapporte parfois des pépites dans ses filets ! Merveilles de l’internet, de ses moteurs de recherche et de ses alertes automatisées !

Un étonnant article a attiré mon attention, qui explique que des corvidés, dont on sait depuis longtemps l’intelligence et l’habileté à fabriquer des outils, ont utilisé les pics métalliques installés dans les villes pour éloigner les oiseaux comme matériaux de construction de leurs nids, et, mieux, ont disposé les pointes de façon à repousser des prédateurs éventuels ! Intelligents, habiles et malicieux, pour ne pas dire railleurs, ces corvidés !

L’article, intitulé Bird nests made from anti-bird spikes, est en 🇬🇧 et en accès libre. La riche bibliographie sur laquelle il s’appuie mérite le détour pour qui s’intéresse aux nids d’oiseaux !
Voici la traduction 🇫🇷 du résumé de ce papier étonnant.

L’utilisation de matériaux artificiels, voire tranchants, pour la construction de nids chez les oiseaux est bien connue. Le premier rapport sur un nid de corneille fait de fil barbelé date de 1933, et des rapports récents documentent l’utilisation de clous, de vis et de seringues de toxicomanes dans l’architecture aviaire. Nous présentons ici la première étude bien documentée sur des nids de corneilles noires Corvus corone et de pies eurasiennes Pica pica qui sont presque entièrement constitués de matériaux destinés à dissuader les oiseaux : des pointes anti-oiseaux. Les corneilles noires de Rotterdam (Pays-Bas) et les pies eurasiennes d’Enschede (Pays-Bas), d’Anvers (Belgique) et de Glasgow (Écosse) arrachent des bâtiments des bandes entières munies de pointes métalliques acérées et s’en servent comme matériau de nidification. Deux nids de pies anti-oiseaux, aujourd’hui dans les collections du Musée d’histoire naturelle de Rotterdam (corneille) et du Naturalis Biodiversity Center (pie), ont été analysés quant à leur composition et à leur structure. Les pies peuvent utiliser les pointes anti-oiseaux non seulement comme matériau ordinaire de nidification, mais leur emplacement spécifique dans le dôme, surplombant le nid, laisse supposer une utilisation fonctionnelle. Les pics anti-oiseaux peuvent être utilisés par les oiseaux de la même manière qu’ils ont été conçus pour être utilisés par les humains : pour éloigner les (autres) oiseaux. Les corbeaux, par exemple, sont connus pour s’attaquer aux œufs et à la progéniture des pies, et le choix spécifique de ce matériau tranchant pourrait être bénéfique pour la défense du nid, pour laquelle les pies se servent normalement de branches épineuses. D’autres dômes de pies observés étaient construits avec du fil barbelé et des aiguilles à tricoter. Dans l’Anthropocène, maintenant que la biomasse vivante est dépassée par la masse anthropogénique, les oiseaux urbains adoptent de plus en plus d’autres matériaux pour la construction de leurs nids. Les oiseaux utilisent même des matériaux dissuasifs, comme des pointes anti-oiseaux, pour faire leur nid, ce qui signifie que tout peut faire partie d’un nid d’oiseau.

Etonnant, non ? Comme disait je ne sais plus quel éditorialiste matutinal, sur les ondes de je ne sais plus quelle radio antédiluvienne : nous vivons une époque épique !

RESSOURCES DOCUMENTAIRES

  1. Wired nests of crows, Warren, E., 1933 – Nature 132: 29-30
  2. Bird nests made from anti-bird spikes, Auke-Florian Hiemstra, Cornelis W. Moeliker, Barbara Gravendeel, Menno Schilthuizen. Deinsea, 2023.

Ces rapaces m’agacent !

C’est l’été, et, pour certains, l’heure des vacances à la mer, à la campagne ou à la montagne, et pour d’autres la fréquentation de jardins ou de parcs publics. Occasion rêvée de renouer le contact avec la nature, ses paysages, ses arbres, ses plantes, ses fleurs, ses animaux et ses insectes !

Lors de récentes sorties naturalistes, j’ai croisé, émerveillé, des Buses variables, des Busards des roseaux, et même des Bondrées apivores (étonnants rapaces se nourrissant d’insectes), et je dois bien reconnaître que, chaque fois, j’étais heureux qu’un ornithologue confirmé veuille bien me préciser de quelle espèce il s’agissait.

Car ces rapaces diurnes, contrairement aux passereaux ou aux oiseaux d’eau dont on peut observer à la jumelle et à longue-vue les couleurs et les détails, ont la particularité d’être le plus souvent observés en vol dans le lointain, parfois à contre-jour et quasiment toujours hors des instruments optiques. Les critères permettant leur identification sont donc plus délicats pour le débutant : taille, silhouette, vol, comportement et cri. Et dans cette tâche, le célèbre Guide ornitho n’est pas, à mon sens, des plus utiles.

Pour améliorer mes compétences de reconnaissance des rapaces diurnes en vol, j’ai trouvé cette planches sur internet (à mon grand regret, je n’en ai trouvé ni l’auteur, ni la source…) : 

On notera une petite erreur sur cette planche : la Bondrée apivore n’est pas à pivore !

J’ai, en outre, commandé un ouvrage qui, si j’en crois les critiques élogieuses qu’il a recueillies, devrait également aider : Identifier les rapaces en vol: Europe, Afrique du Nord et Moyen orient, de Dick Forsman. Il ne restera plus alors qu’à s’entraîner sur le terrain, aidé par l’indispensable, le merveilleux, le célèbre magicien Merlin et son outil d’identification des cris et chants d’oiseaux !

Bonnes vacances  ! 

Grenouilles congelées !

Photographie de Ken Storey

La Grenouille des bois (Lithobates sylvaticus) est la plus nordique des amphibiens d’Amérique du Nord, vivant même à l’extrême nord du Québec et du Canada, où les hivers sont des plus rigoureux. Elle aime les forêts de feuillus et de conifères. Si d’ordinaire les grenouilles hibernent au fond des mares, notre Grenouille des bois hiberne cachée sous une litière de feuilles ou enterrée dans le sol.

À l’automne, la Grenouille des bois mange beaucoup plus qu’à son habitude, pour emmagasiner de l’amidon dans son foie. Cet amidon se transformera ensuite en glucose, un sucre qui se déversera dans les vaisseaux sanguins de l’animal avec une glycémie qui atteindra 50 fois celle d’un diabétique. Le glucose, une fois dans les cellules, abaissera le point de congélation de ces dernières. Même si les cristaux de glace se forment dans son corps, l’intérieur des cellules demeurera liquide.

Les travaux de Ken Storey ont montré le rôle cryoprotecteur du glucose chez Lithobates sylvatica, mais ont également révélé que le niveau de glucose dans les tissus est un déterminant essentiel de la capacité de tolérance à la congélation chez cette espèce.

La température corporelle de ce petit amphibien nord-américain peut descendre jusqu’à-5 °C. Entre 40 et 70 % de l’eau de son corps se transforme en glace. Le sang gèle dans ses veines. Son cœur, ses poumons et même son cerveau cessent de fonctionner. Il est techniquement mort. La seule trace d’activité se situe dans ses cellules, qui puisent dans le sucre qu’elles ont stocké pour se maintenir en vie. cet état léthargique peut se prolonger près de huit mois. Puis la machine repart d’elle-même quand les températures remontent . Tout juste vingt minutes après qu’elles ont commencé à dégeler, certaines fibres musculaires recommencent à se contracter automatiquement et font repartir le cœur. Il ne lui faut qu’une ou deux heures pour sortir de sa torpeur. 

Des chercheurs de Harvard se sont inspirés de cette incroyable stratégie : en 2022, ils sont parvenus à congeler des foies de rats cinq fois plus longtemps que ce qui était possible jusque-là. Un espoir pour les greffes d’organes ? [4]

BIBLIOGRAPHIE

  1. Glucose Concentration Regulates Freeze Tolerance In the Wood Frog Rana Sylvatica. Voir ici
  2. La Grenouille des bois. Wikipedia
  3. Epsiloon, Hors série n°7, page 84
  4. Partial freezing of rat livers extends preservation time by 5-fold. Voir ici

Une histoire de fous


J’aime les Fous de Bassan (Morus bassanus), élégants oiseaux de mer, au vol majestueux, aux plongeons spectaculaires et aux yeux clairs (quand ils n’ont pas été victimes de grippe aviaire). Les Fous de Bassan sont les plus grands oiseaux de mer d’Europe. Adultes, ils mesurent entre 85 et 90 cm de longueur et ils ont une envergure de 165 à 180 cm et pèsent entre 2,8 et 3,2 kg.

J’ai découvert ce jour, au cours d’une lecture, que l’un des cousins de Morus bassanus a les pieds palmés — rien d’extraordinaire, s’agissant d’un oiseau de mer — et BLEU TURQUOISE, comme s’il avait chaussé des palmes au magasin de sport du coin !  Le Fou à pieds bleus (Sula nebouxii) est de la même famille que ce Fou de Bassan qui nous fait parfois l’heur de sa visite, au large des côtes bretonnes : les Sulidés. Il mesure en moyenne 81 cm de long et pèse 1,5 kg, son envergure peut atteindre 165 cm. Il vit aux Amériques (50% de sa population vit aux Galapagos), et nous n’avons donc aucune chance de l’admirer en Bretagne, mais nous pouvons le faire, magie de l’internet, sur cette vidéo

Las, je n’étais pas au bout de mes surprises, quand, étudiant plus avant la famille des Sulidae, je découvris l’existence d’un autre Fou aux pieds colorés : le Fou à pieds rouges (Sula sula) est le plus petit des fous, (longueur : 71 cm / envergure : 137 cm), et, comme son nom vernaculaire l’indique, il  possède des pattes palmée rouges. Les fous à pieds rouges ont une vaste distribution géographique, à Hawaii, dans la mer des Caraïbes , dans l’Atlantique, le Pacifique et l’océan Indien. Il devrait être possible, avec beaucoup de chance, de l’observer par chez nous ! En attendant de se montrer, il fait le beau sur cette vidéo

Le site oiseaux.net nous apprend que la famille des Sulidae comporte 3 genres (Morus, Papasula et Sula) et 10 espèces. Ce sont des oiseaux pélagiques, de taille moyenne à grande et à la silhouette similaire (corps fusiforme, longues ailes étroites, long cou, longue queue cunéiforme). Ils sont profilés pour parcourir à grande vitesse de grandes distances en vol au-dessus des étendues océaniques, profitant des vents et des vagues induites pour optimiser leur vol.
Les yeux sont légèrement tournés vers l’avant et vers le bas, ce qui leur procure une large vision binoculaire sans désaxer la tête. Lors des plongées, les membranes nictitantes couvrent les yeux. Le bec conique est long et fort, pointu et sans crochet. Il est dépourvu de narines externes. Comme chez tous les oiseaux marins, il existe des glandes à sel pour évacuer le sel en excès dans l’organisme, ici par le bec.
Leurs pattes sont totipalmées, c’est-à-dire que la palmure englobe les 4 doigts. Elles sont souvent vivement colorées.
Les fous capturent leurs proies (poissons et autres taxons pélagiques) en mer en plongeant, seuls ou en groupe. Ils peuvent plonger d’une grande hauteur (jusqu’à 40m) et pénétrer le milieu marin en profondeur (en moyenne 10-15 m, max. mesuré 35). La durée moyenne d’immersion est 5 à 10 secondes. Au moment de l’impact avec l’eau, les ailes sont complètement rabattues et tendues vers l’arrière dans l’axe du corps pour faciliter la pénétration en minimisant le choc. Les proies peuvent être poursuivies à la nage. Généralement, les proies, capturées avec le bec, sont placées dans la poche gulaire puis consommées lors de la remontée ou en surface, après expulsion de l’eau avalée avec elles. Adaptation morphologique, des sacs aériens disposés en protection de la tête et de la poitrine amortissent aussi le choc avec l’eau et facilitent ensuite la remontée vers la surface.

Fin de cette histoire de Fous !

Une improbable rencontre


J’aime observer les oiseaux ! Ils me font souvent lever tôt et parfois coucher tard (coucou les Engoulevents), ils me montrent — quel cadeau — la Nature comme je ne l’ai jamais vue, dorée des lumières du levant ou du couchant ! Ils m’offrent du temps; temps de silence, temps d’introspection, temps de patience (en attendant qu’ils me fassent l’honneur de leur visite). J’admire les oiseaux, du Moineau au Hibou, j’envie leurs prouesses en vol et leur liberté, j’aime écouter leurs chants mélodieux et me laisser surprendre par leurs cris d’alarme parfois assourdissants. (Coucou la Bouscarle ! )

Et ces sorties ornithologiques répétées, affûtent mon ouïe et ma vue, me rendant plus attentif et plus réactif aux mouvements, aux formes, aux couleurs et aux sons susceptibles de me révéler l’oiseau, le plus ordinaire ou le plus extraordinaire, peu me chaut.

Or il advint, au cours d’une récente visite au supermarché voisin, qu’un oiseau — une Linotte mélodieuse, imaginez  ! — attira mon regard, ce qui ne manqua pas de m’interloquer, car, en ces lieux bruyants, puissamment éclairés et grouillants d’Homo sapiens poussant tristement leurs chariots pleins de victuailles, on croise parfois de malheureux moineaux cherchant désespérément la sortie de l’enfer, mais jamais au grand jamais on ne croise de Linotte ! Quelques millisecondes suffirent à mon cerveau pour rectifier l’information et conclure, avec une certitude inhabituelle, que l’improbable Linotte qui avait attiré mon attention n’était qu’un bien joli dessin sur l’étiquette d’une bouteille de vin ! Diantre et sapristi !

De retour à la maison, je me suis amusé à chercher d’autres bouteilles de vin illustrées par un oiseau. En moins d’une heure, j’en ai trouvé pas moins de 26 , vite installées sur une planche de lecture ! Cette collection n’est pas exhaustive, tant s’en faut. En outre (si j’ose dire, s’agissant de vin !) j’ai déniché plusieurs marques de bière et de spiritueux dont les étiquettes sont également illustrées par des images d’oiseaux.

Cet épisode amusant aura eu deux conséquences ! 

  1. J’ai acheté cette bouteille de « Tête de Linotte » qui avait attiré mon regard;  je la partagerai avec les copains lors du prochain pique-nique ornithologique. L’emballage est important, les publicitaires le savent !
  2. J’ai écrit ce petit article de blogue, car, comme le dit ce joli proverbe tzigane : « Nous sommes des oiseaux de passage, demain nous serons loin. ». On peut aimer l’ornithologie et apprécier un bon verre de vin, surtout si la bouteille rend hommage, par sa jolie étiquette, aux oiseaux qui nous font la vie belle ! Voici, ci-après les quelques étiquettes de « vins ornithologiques », prestement suivies par un délicieux poème de Charles Baudelaire !

A la vôtre les oiseaux, à la vôtre chers lecteurs !

L’âme du vin
Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles :
« Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité !
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme ;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j’éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant ?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content ;
J’allumerai les yeux de ta femme ravie ;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l’éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! »

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857

Intelligence picturale

Aujourd’hui je parlerai d’intelligence artificielle. 

J’entends, virtuellement, l’indignation première des lecteurs de ce blogue, qui s’attendant à lire des articles sur la nature et ses merveilles (c’est ce qu’annonce l’auteur du site), se demandent par conséquent, quelle mouche a bien pu me piquer d’aborder un sujet qui, à l’évidence, n’a pas sa place ici.

Je fréquente Tweeter depuis plus de 15 ans. Ayant choisi avec soin, les comptes auxquels je me suis abonné, ce réseau social aura été d’une formidable utilité dans la veille documentaire indispensable à mon exercice professionnel. Depuis que je m’intéresse à la Nature, je me suis abonné à des comptes de naturalistes, de géographes, de cartographes, de climatologues, d’historiens, qui me donnent accès à une riche documentation et à une non moins riche actualité; je dispose ainsi d’une solide et intéressante veille documentaire « naturaliste ».

Or l’intelligence artificielle fait partie des sujets de discussion récurrents. J’ai beaucoup lu et j’ai testé et utilisé de nombreux logiciels d’IA, et je me suis fait une première idée, pas forcément favorable, mais qui ne manquera pas d’évoluer en parallèle des progrès fulgurants de la chose.

Je me suis avisé, que peut-être, l’IA pourrait m’aider dans mon travail de rédacteur d’articles de blogue. Tel ne fut jamais le cas. Pour mon article sur les familles d’oiseaux observables en Bretagne, j’ai demandé à l’IA (ChatGPT v4) de me lister l’intégralité de ces familles. Elle m’en a suggéré 38, quand j’en ai trouvé, avec mes livres et mes recherches sur internet pas moins de 70. Chaque sollicitation de mon assistant virtuel stagiaire, pour d’autres papiers, a été source de déceptions (erreurs manifestes, oublis inexcusables, références inexistantes). Vous pouvez donc être rassurés, chers lecteurs, tous les articles qui sont publiés sur ce site le sont par mes soins attentifs et laborieux, sans aucune participation de l’IA…Pour le moment. Si tel devait être le cas, dans le futur, je le ferais savoir.

Je me suis avisé, en revanche, que l’IA pourrait m’être utile dans un autre domaine, celui de l’illustration du blogue. Chacun des articles que je publie est illustré d’une image introductive, censée donner envie au visiteur de lire le texte. Le choix de l’illustration se fait alors soit dans ma photothèque, soit sur internet. L’idée fut donc de solliciter l’IA pour créer les images répondant au mieux à mes besoins. Et, là, je dois dire que je suis épaté. Si on prend la peine de bien décrire au robot l’image que l’on désire (il faut s’entraîner, procéder par étapes successives, c’est parfois long…), les résultats sont très intéressants, voire amusants.

Jugez-en sur l’image illustrant cet article et sur ces quelques pages : 

Pour illustrer les articles de ce blogue, je continuerai à solliciter l’IA en complément de mes photographies. Pour les textes, en revanche, je continuerai à les écrire seul, c’est un vrai plaisir de le faire. Si vous avez des idées ou des commentaires sur cet article, je serai ravi de les lire et, le cas échéant d’en discuter.

A bientôt !

Des billes pour les débats sur le climat

Réchauffement climatique et biodiversité sont souvent synonymes d’échauffement des esprits et d’adversité. Comme beaucoup de sujets, à l’heure des réseaux sociaux, les débats sur les changements climatiques et la dégradation de la biodiversité sont souvent véhéments, parfois violents, et trop rarement argumentés.

« Le mal qui est dans le monde vient presque toujours de l’ignorance, et la bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté si elle n’est pas éclairée »  écrivit Albert Camus, prix Nobel de littérature.

La nouvelle vient de tomber sur le téléscripteur de ma veille documentaire : le CNED (Centre National d’Enseignement à Distance) propose, à point nommé, une formation en ligne gratuite, parrainée par Jean Jouzel, et Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologues reconnus, intitulée « Le B.A.-BA du climat et de la biodiversité » qui, ainsi que l’explique le site,  permettra d’acquérir les connaissances fondamentales sur le changement climatique et la biodiversité. Ce travail est le fruit d’une collaboration entre des experts scientifiques reconnus et des experts en pédagogie numérique.

La formation est découpée en 5 chapitres : 

  1. Changement climatique
  2. Causes et atténuation
  3. Conséquences et adaptation
  4. Défi de la biodiversité
  5. Société et futurs

Pourquoi suivre cette formation ? Le CNED répond, tout de go : parce que la pédagogie est le prérequis à la prise de conscience et l’action.

Dans chaque module vous pourrez consulter des ressources (images, graphiques, vidéos, etc.) Chacune d’entre elles est accompagnée d’un numéro qui vous permettra de retrouver la référence dans la page «  Source (nouvel onglet)« , disponible dans le menu principal. La durée totale de la formation est de 7 heures.

Pour découvrir la formation : c’est ici qu’il faut cliquer

Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre. (Marc-Aurèle)

Evitons les coups de foudre !

Image personnelle créée avec un logiciel d’intelligence artificielle


Au cours d’une randonnée, d’une sortie ornithologique, entomologique ou botanique, il peut arriver que l’on entende gronder l’orage. Quelles sont alors les consignes à suivre pour éviter d’être foudroyé ? Chaque année, la foudre tue 20 000 personnes sur la planète (source). La principale consigne est d’éviter de sortir lorsque la météo annonce des orages. Mais, si l’on est pris au dépourvu, il convient alors de suivre une démarche rigoureuse, dans le calme et en 3 étapes : 1. Quitter les lieux à risque. 2. Trouver, si possible, un abri. 3. En l’absence d’abri sûr, se mettre en position de sécurité.

Quitter les lieux à risque

  1. Quitter, si possible, les champs et zones ouvertes et ne porter aucun objet, en particulier métallique, qui émerge au dessus de la tête: (bâtons de marche, parapluie, trépied photo). Les abaisser ou les déposer au sol.
  2. S’écarter de toute structure métallique (pylônes, poteaux, clôtures) pour éviter l’électrocution par « tension de toucher ».
  3. S’écarter des autres personnes de 3 mètres, pour éviter « l’éclair latéral »
  4. Quitter les lieux élevés (descendre d’une vingtaine de mètres)
  5. S’éloigner du lit de la rivière, même à sec, susceptible de gonfler rapidement en cas de pluie
  6. Ne jamais s’abriter sous un arbre, surtout si cet arbre est isolé ou ne fait partie que d’un petit groupe d’arbres. Les risques de foudroiement sont 50 fois supérieur à celui d’un homme debout. En pleine forêt, s’écarter le plus possible des troncs et des branches basses.
  7. Ne jamais se mettre dans un fossé , le sol y est plus humide et donc plus conducteur

Trouver un abri

  1. Préférer les bâtiments fermés avec des murs et des toits solides. Ne pas s’abriter dans un hangar au toit de tôle supporté par des poutres de bois.
  2. Hutte de pierre
  3. Eglise ou chapelle
  4. Voitures fermée
  5. Grotte

➜ Ne jamais toucher les parois, les piliers ou les murs, et s’éloigner des fermetures

Se mettre en position de sécurité

  1. Ne jamais se tenir debout les jambes écartées, ni marcher à grandes enjambées : s’asseoir en position de squat, les pieds joints et les mains sur les genoux, sur un ciré ou toute autre pièce en matière isolante (par exemple en plastique) et en évitant le contact avec les parois, murs et branches.
  2. En l’absence de pièce isolante, la position couchée, jambes repliées sous soi, reste la position de moindre risque.

Pour en savoir plus

  1. Kéraunopathologie : tout savoir sur les mécanismes du foudroiement et ses conséquences
  2. Météorage : tout savoir sur les statistiques d’orages
  3. Reducing Lightning Injuries Worldwide. Springer Natural Hazards (2019. Cooper, M. A. & Holle, R. L.

De l’estran à la géopolitique


Nous avons rencontré, sur l’estran de la plage Saint-Père de Saint-Malo, un petit coquillage blanc, très élégant sous la loupe, nommé Barnea candida, ou Pholade blanche, qui, avec la grande Pholade rugueuse (Zirfaea crispata), fait le délice des gourmets qui ont la chance d’y goûter. Mais ces coquillages n’ont pas que des vertus gastronomiques. Ils menaçaient, autrefois, l’intégrité des ouvrages en bois immergés.  

L’occasion de ranger son livre de recettes et de… creuser un peu le sujet, pour lier, non sans une certaine hardiesse, la biologie et l’histoire !

Les navires traditionnels en bois étaient confrontés à de nombreux défis, notamment à l’attaque d’animaux marins qui menaçaient leurs coques.  Ainsi, lorsque Christophe Colomb arriva en Amérique en 1492, il se dit que les coques de ses trois caravelles furent endommagées par les tarets.

Trois familles de xylophages semblent impliquées dans cette affaire d’altération des bois de marine. La première étant la plus redoutable au regard de l’Histoire. 

  1. Les Terinidae ou tarets, sont une famille de mollusques bivalves (lamellibranches) à corps très allongé, vermiforme, qui s’attaquent aux bois immergés dans l’eau de mer ou l’eau saumâtre. Quelques espèces de tarets vivent également en eau douce. Leur apparence très particulière fait que leur appartenance aux mollusques n’est pas évidente, et les marins les désignent généralement sous le nom de « vers », appellation que l’on retrouve en anglais (shipworm) et en allemand (schiffsbohrwurm). 
  2. Les pholadidae , ou pholades, improprement appelés vers perce-bois, sont également des mollusques bivalves marins dits térébrants. Ils utilisent leur coquille asymétrique pour s’enfoncer dans le sédiment, forer du bois immergé, ou creuser des loges dans des pierres calcaires, parfois assez dures. Ils sont à l’origine de cet article de blog. Qu’ils en soient remerciés !
  3. Les Limnoriidae ou limnories sont des isopodes marins qui creusent des galeries dans le bois, affaiblissant sa structure et compromettant la solidité des coques en bois.

Ces animaux — principalement les tarets — menaçaient la sécurité des équipages des bâtiments en bois. Ils menaçaient également les installations portuaires immergées en bois, ou, les digues des polders qui incluaient des structures en bois. On apprit à protéger le bois immergé par l’application de goudron, ou par l’installation de plaques en cuivre.
« Comment un minuscule ver amoureux du bois a changé le cours de l’histoire mondiale » (rappelons que le taret n’est pas un ver mais un mollusque bivalve) est un article qui nous explique comment les tarets ont menacé la sécurité des Pays-Bas, révolutionné la construction navale et  bouleversé des équilibres géopolitiques. Décidément, parcourir l’estran nous en apprend de bien belles !

18 km de nature et d’histoire


En ce mercredi de juin de l’an de grâce 2023, sous la houlette bienveillante et attentive de Marc, notre guide des Corsaires malouins, nous randonnâmes sur 18 km, par une journée de printemps chaude et ensoleillée. Au cours de cette randonnée, qui nous offrit des paysages magnifiques, pour ne pas dire luxuriants, nous admirâmes des oiseaux nombreux et variés (Bergeronnettes grises, Hérons garde-bœufs, Buses variables, et autres Rouge-gorges), nous entendîmes roucouler la belle Tourterelle des bois et les Troglodytes mignons, et nous humâmes les senteurs des églantiers et des aubépines. Mais l’intérêt de cette randonnée, comme souvent en Bretagne, ne fut pas que bucolique ou naturaliste ! Il fut également historique.

L’étang de Bétineuc fut le point de départ. de notre randonnée. 

Qui pourrait penser que étang était, il y a un siècle, une grande prairie où venaient paître les vaches ? Qui s’imaginerait qu’il a été un terrain d’aviation allemand durant la seconde guerre mondiale et qu’il fut l’un des plus grands hippodromes de Bretagne ? Et pourtant beaucoup de gens du village de Saint-André-des-Eaux se souviennent, lorsqu’ils étaient enfants, avoir conduit les « bêtes à corne » dans la prairie. Chaque personne avait sa petite parcelle qui ne mesurait pas plus de dix ares en moyenne. En tout, il y en avait 255 réparties sur 50 hectares. Le foin était coupé le 24 juin, occasion pour tout le village, le soir venu, de célébrer la Saint-Jean. La prairie ainsi fauchée, pouvait servir aussi bien de champ de courses que de terrain d’aviation.

Les journaux de l’époque ne tarissaient pas d’éloges à son sujet. Pendant les fêtes du 22 août 1926 , l’après-midi, vers 14 heures, avaient lieu des courses de chevaux sur le magnifique hippodrome de Bétineuc. Une assistance nombreuse, évaluée à près de cinq mille personnes, se pressait le long de la piste. Le vendredi 7 et le samedi 8 septembre 1926, selon l’Union Malouine et Dinannaise,

« Plus de 8 000 personnes ont suivi les courses. .. Le record des entrées, nous a-t-on dit, a été battu sur le magnifique hippodrome, un des plus beaux de Bretagne ». Le 18 septembre 1927 (Éclaireur Dinannais)

Un article de Ouest-France du 7 septembre 1949 relate « Le magnifique succès de la fête aérienne d’Evran ». On pouvait y voir un « R. A15 » « Norécrin », trois « Stamp », un « Piper ». Ce fut l’occasion pour beaucoup d’effectuer leur baptême de l’air. 

En 1967 des sondages révélèrent la présence de sable et de gravier. La prairie laissa place alors à une carrière nommée « la sablière » Après son abandon, le département la racheta en 1979, avec la participation de la fédération de pêche. L’étang, fut aménagé alors petit à petit pour, donner ce qu’il est aujourd’hui

Depuis, la faune et la flore ont reconquis les lieux. L’érable, le hêtre, le sycomore, le chêne ont été plantés. Le long des berges, on observe me grande diversité de fleurs sauvages telles que la vesce à épi, la consoude officinale, l’achillée millefeuille, la fumeterre officinale, la lysimaque commune. Le canard colvert qui passe l’hiver dans ses eaux, le héron cendré, le martin pêcheur, le chardonneret élégant, le tarin des aulnes sont des oiseaux familiers de l’étang. Il n’est pas rare de voir un ragondin nageant d’une rive à l’autre ou un vison d’Amérique pointant le bout de son nez derrière un buisson. 

Le château de Beaumanoir

À Évran, l’actuel château de Beaumanoir construit en 1628 à quelques centaines de mètres, au sud-est de l’ancien manoir fortifié des de Beaumanoir (aujourd’hui disparu), est l’un des plus beaux châteaux de style Louis XIII que l’on peut voir en Bretagne. Les tours aux toitures en carène encadrent la porte monumentale d’inspiration renaissance italienne. Wikipédia nous en apprend davantage sur ce château spectaculaire.

Un premier château est construit par la famille de Beaumanoir au XIIe siècle, non loin d’Évran, à l’emplacement du Clos du Petit Bois sur les hauteurs qui dominent la vallée de la Rance, à 150 mètres du château actuel et en direction du hameau de Beaumanoir. Les guerres de la Ligue, à partir de 1590, lui sont fatales : elles entrainent sa décrépitude, puis sa disparition.

François Peschart, gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi et conseiller au parlement de Bretagne construit le château actuel en 1628. Il semble qu’il ne soit pas dû, comme cela a été avancé, aux architectes Salomon de La Brosse et Thomas Poussin, mais qu’il soit l’œuvre de l’architecte lavallois Jacques Corbineau et de son fils Étienne.

La porte d’entrée et les deux tours carrées sont inscrits au titre des monuments historiques par arrêté du 21 novembre 1925 alors que les façades et toitures de l’ensemble des bâtiments sont classés par arrêté du 23 avril 1965.

Le château est un bâtiment à quatre corps entourant une cour d’honneur rectangulaire et flanquée de deux ailes perpendiculaires à usage de commun.

Au sud, la cour d’honneur est fermée par un mur où court un chemin de ronde à balustres accessible par deux escaliers latéraux. Dans l’épaisseur du mur, s’ouvre une porte monumentale d’inspiration Renaissance italienne. Ce portail, entouré de pilastres à bossages aplatis, comporte, à sa partie supérieure, l’architrave et un fronton courbe amortie sphères, supportés par une console de mâchicoulis. Dominant l’ensemble, une statuette d’Éros et au tympan du fronton, les armoiries de la famille de Langle-Beaumanoir.

Des figures de chérubins sont sculptées sur l’architrave. Le chemin de ronde est flanqué de deux tours carrées à toitures en carènes surmontées de lanternons. Au niveau du chemin de ronde, ces tours prennent appui sur des figures de cariatides, martelées en partie par la propriétaire des lieux, au XIXe siècle, offusquée, dit-on, par la vue de leurs opulentes poitrines.

La chapelle, située dans la tour orientale, est de forme octogonale. Sa voûte est soutenue par huit colonnes ioniques concentriques, en pierre de jauge du Quiou. Elle comporte un autel en chêne et un retable du XVIIe siècle. L’autel et le retable, ornés de feuilles d’acanthe, de chêne et de laurier, réunies en un bouquet sculpté, sont typiques du style Louis XIII.

À la base de la tour, se trouvait la crypte où étaient enterrés les membres de la famille de Langle-Beaumanoir qui occupa le château pendant près de deux siècles et demi, jusqu’en 1947. Le conseil général des Côtes-du-Nord, s’en porta acquéreur en 1963, le restaura alors qu’il menaçait ruine.

L’if remarquable de Saint-André des Eaux

Un if (Taxus baccarat) vieux de de 450 ans. 4,5 m de circonférence, 15 m d’envergure, et 14 m de haut. Telles sont les mensurations de cet arbre remarquable*, au port tourmenté, qui fait écho à la chapelle en restauration, dont il est contemporain. C’est un témoin de la vie passée de ce parvis de cimetière aujourd’hui abandonné et reconverti en chemin de balade. 

Centenaires, parfois millénaires, les arbres remarquables des Côtes d’Armor constituent un patrimoine naturel original. En collaboration avec l’association Vivarmor Nature, le Département a recensé ces arbres d’exception et vous propose de les (re)découvrir. Historiques, témoins du passé, associés à des cultes religieux ou païens, parfois colossaux, ces végétaux ont en commun d’être hors du commun. 

La chapelle de la Pitié de Saint-André-des-eaux

Edifiée entre le X et le XIIIe siècle, l’ancienne église de Saint-André-des-Eaux fut abandonnée vers 1893) En effet, l’insalubrité des lieux ,très souvent inondés par les crues de la Rance, dégrada progressivement l’édifice. Un nouveau lieu de culte fut alors édifié à l’intérieur du bourg. Aujourd’hui il ne reste que des ruines car, suite à l’abandon, s’ajouta la vente des murs de l’église, cette dernière servant de carrière. Sa démolition fut interrompue au début du XXe siècle. De l’édifice rectangulaire d’origine ne subsiste que la façade sud. De la nef ne restent que les vestiges d’un arc triomphal, jadis orné de fresques, dont l’une datait de la fin du XI° siècle. Cette dernière disparait avec une partie de pierres utilisées pour la construction du mur du cimetière et un préau à l’école communale. Une copie de la scène de crucifixion de style byzantin a pu être relevée et est conservée au musée national des Monuments français à Paris. Son porche est du début du XVe siècle, on peut encore voir d’importants vestiges de peintures murales romanes. A l’intérieur de cette église se trouvait le bras reliquaire, dit « de saintAndré ». Il contient en réalité les reliques de deux saints, saint Magne et saint Gonnery, dont les fragments d’os sont visibles au travers d’une petite fenêtre, dans le logement aménagé à l’intérieur du bras métallique. Il était de tradition, lors des périodes de sécheresse, de transporter ce reliquaire, en une procession solennelle, jusqu’à une mare qui, dit-on, ne tarissait jamais. Le reliquaire y était immergé en grande cérémonie, tandis que les habitants invoquaient ces saints pour que la pluie exauce leurs vœux. Wikipédia nous en dit plus sur cette chapelle

Ce fut une bien belle journée, en vérité !

Biodiversité en France en 2023

L’institut National du Patrimoine Naturel est le portail de la biodiversité et de la géodiversité françaises, de métropole et d’outre-mer. Émanation du Museum National d’Histoire Naturelle, son site internet mérite d’être visité régulièrement, pour ses actualités, ses documents et sa riche documentation.

L’INPN vient de publier un document de référence : 
«  100 chiffres expliqués pour tout savoir sur les espèces en France, édition 2023 »  

En le parcourant, émerveillés, les naturalistes bénévoles découvriront que leur travail d’inventaires et d’observations sur le terrain permet la production des synthèses interessantes dont on se plaît à croire qu’elles permettront d’éclairer les décideurs politiques.

J’ai été étonné d’apprendre en lisant ce texte que  : 

  • 104172 espèces (animaux, plantes, champignons, algues…) ont été recensées en métropole et 96629 en outre-mer. 
  • On dénombre plus de 700 espèces de macroalgues marines sur la façade Manche-Atlantique
  • En France métropolitaine, on dénombre plus de 25000 espèces de champignons réparties en plus de 500 familles, 5872 espèces de poissons, 14200 espèces de papillons, 10474 espèces de crustacés, 1769 espèces d’oiseaux, 23902 espèces de coléoptères, 19083 plantes à fleurs, 438 espèces de mammifères, etc. 
  • 633 nouvelles espèces sont décrites chaque année en France, 78% des nouvelles espèces décrites le sont dans les outre-mer
  • Chaque année, on découvre 2 000 nouvelles espèces marines dans le monde.

Bref, la lecture et l’archivage de ce document s’imposent !

De la très belle ouvrage !

Les 70 familles d’oiseaux de France

Quand j’étais enfant, je jouais fréquemment au jeu des 7 familles. Puis le temps s’écoula, et quand l’heure fut venue de m’intéresser à l’ornithologie, et qu’il fallut inventorier les ardéidés, les anatidés, les laridés ou les fringillidés, la question s’est alors posée de disposer d’une liste des familles de l’avifaune, simple, utile sur le terrain et pointant, pour chacune des entrées, vers une fiche descriptive. N’ayant point trouvé mon bonheur, malgré le recours à plusieurs moteurs de recherche (Google, Neeva, You.com, Yep) et à ChatGPT, (dans sa version 3.5 gratuite, mais finalement non fiable) je me suis résolu à construire cette liste moi-même et à la mettre en ligne.

Pour la construire, je me suis servi du Guide ornitho, de BWP, et de Wikipedia. Ce ne fut pas une mince affaire !

Voici, donc, la liste des 70 familles d’oiseaux observables en France, classées par ordre alphabétique et documentées chacune par un lien vers Wikipedia.
➜ Certaines de ces familles sont peu fournies (Cettiidae), d’autres le sont à profusion (Fringillidae et Accipitridae).
➜ Certaines de ces familles sont aisées à retenir (Laridae, Anatidae, Ardeidae), d’autres sont impossibles à mémoriser voire à prononcer, la palme revenant aux Threskiornithidae et aux Phalacrocoracidae. 

  1. Accipitridae (Bazas, milans, bondrées, élanions, pygargues, palmistes, gypaètes, vautours de l’Ancien Monde, circaètes, bateleurs, serpentaires, busards, gymnogènes, buses, autours, éperviers, busautours, harpies et aigles)
  2. Acrocephalidae (Rousseroles, phragmites, hypolaïs)
  3. Alaudidae (Alouettes)
  4. Alcidae (Mergules, guillemots, pingouins, et macareux)
  5. Alcedinidae (Martins-pêcheurs)
  6. Anatidae (Canards, oies, cygnes)
  7. Apodidae (Martinets)
  8. Ardeidae (Hérons, aigrettes, butors, bihoreaux)
  9. Burhinidae (œcnidèmes)
  10. Calcariidae (Plectrophanes)
  11. Caprimulgidae (Engoulevents)
  12. Certhiidae (Grimpereaux)
  13. Cettiidae (Bouscarles)
  14. Charadriidae (Pluviers, gravelots, vanneaux)
  15. Ciconiidae (cigognes, tantales, bec-ouverts, jabirus et marabouts)
  16. Cinclidae (Cincles)
  17. Cisticolidae (Cisticoles)
  18. Columbidae (Pigeons, tourterelles)
  19. Coraciidae (Rolliers)
  20. Corvidae (Corbeaux, corneilles, pies, geais)
  21. Cuculidae (Coucous)
  22. Diomedeidae (Albatros)
  23. Emberizidae (Bruants)
  24. Falconidae (Faucons)
  25. Fregatidae (Frégates)
  26. Fringillidae (Pinsons, gros-becs, bouvreuils, verdiers, linottes, serins, tarins, sizerins, chardonnerets)
  27. Gaviidae (plongeons)
  28. Glareolidae (courvites et glaréoles)
  29. Gruidae (grues)
  30. Hirundinidae (Hirondelles)
  31. Laniidae (Pie-grièches)
  32. Laridae (Mouettes, goélands, sternes, guifettes)
  33. Locustellidae (Locustelles)
  34. Meropidae (guêpiers)
  35. Motacillidae (Bergeronnettes, pipits)
  36. Muscicapidae (Gobemouches, rouge-gorge, gorgebleu, rougequeues, rossignols, tarins, traquets)
  37. Oceanitidae
  38. Oriolidae (Loriot)
  39. Otididae (Outardes)
  40. Pandionidae (Balbuzards)
  41. Panuridae (Panures)
  42. Paridae (Mésanges)
  43. Parulidae (Parulines)
  44. Passeridae (Moineaux, niverolles)
  45. Phalacrocoracidae (Cormorans)
  46. Phasianidae (Faisans, perdrix, tétras, gélinottes, lagopèdes, cailles)
  47. Phoenicopteridae (Flamants)
  48. Phylloscopidae (Pouillots)
  49. Picidae (Pics, torcols)
  50. Podicipedidae (Grèbes)
  51. Procellariidae (fulmars, pétrels, prions, puffins)
  52. Prunellidae (Accenteurs)
  53. Psittaculidae (Perruches)
  54. Rallidae (Râles, marouettes, gallinules, foulques)
  55. Recurvirostridae (échasses, avocettes)
  56. Remizidae (Rémiz)
  57. Regulidae (Roitelets)
  58. Scolopacidae (Bécasses, bécasseaux, bécassines, courlis, barges, chevaliers, pharalopes)
  59. Sittidae (Sittelles)
  60. Stercoraiidae (labbes)
  61. Sturnidae (Étourneaux)
  62. Strigidae (Hiboux, chouettes, ducs, harfang, chevêches)
  63. Sulidae (Fous)
  64. Sylviidae (Fauvettes)
  65. Threskiornithidae (Ibis, spatules)
  66. Tichodromidae (Tichdrome échelette)
  67. Troglodytidae (Troglodytes)
  68. Turdidae (Merles, grives)
  69. Tytonidae (Effraie des clochers)
  70. Upupidae (Huppes)

Les sécheresses

L’article qui suit a été publié sous la forme d’un fil sur Twitter, le 21 mai 2023, par le Dr Magali REGHEZZA-ZITT, Maître de conférences en géographie à l’Ecole normale supérieure de Paris et Membre du Haut conseil pour le climat. @MagaliRegheza. Elle m’a, très gentiment, autorisé à publier son travail et je l’en remercie chaleureusement !

Marre d’entendre « c’est bon, il pleut, il n’y a plus de risques de sécheresse » ? Pour comprendre les liens entre précipitations, températures et risques, et distinguer les différents types de sécheresses et ne plus confondre (aléa) sécheresse et (risque de) pénurie, suivez le fil.

1er type de sécheresse : la sécheresse météorologique

La sécheresse météorologique correspond à un déficit pluviométrique. Il ne pleut pas ou pas suffisamment, par rapport aux moyennes (les normales). Attention : Le terme « normale » est statistique, pas normatif. C’est une valeur de référence.

2e type de sécheresse : la sécheresse hydrologique

La sécheresse météorologique ne doit pas être confondue avec la sécheresse hydrologique. Cette dernière désigne le déficit de débit des cours d’eau, des niveaux bas des nappes ou des retenues. Le niveau de l’eau dans les nappes est mesuré par des piézomètres. 

Pour mémoire, les nappes phréatiques sont des réserves naturelles d’eaux souterraines. L’eau s’accumule et circule dans certaines roches du sous-sol, dites aquifères (étymologiquement qui portent l’eau), suffisamment poreuses et/ou fissurées pour que l’eau puisse y circuler.

Pour que ces nappes se rechargent, il faut que la végétation ne soit pas en période de croissance ou de transpiration. Sinon, c’est elle qui capte l’eau de pluie. La période de recharge s’étend « normalement » de septembre à mars. Avec le changement climatique, c’est plutôt d’octobre à février.

Une nappe peut « déborder ». Les inondations par remontées de nappes peuvent être terriblement destructrices.  Par exemple, la Somme en 2001.

Le manteau neigeux est une réserve d’eau douce importante, retenue entre novembre et mai. Au printemps, le débit des cours d’eau est alimenté par la pluie et la fonte des neiges.

L’étiage correspond à des débits exceptionnellement faibles. Il ne doit pas être confondu avec les basses eaux saisonnières habituelles. On parle d’assec quand le cours d’eau est… à sec. Étiages et assecs ont des impacts destructeurs pour la faune et la flore aquatique.

3e type de sécheresse ; la sécheresse édaphique ou agricole

Quand le sol sur les premiers mètres est sec, c’est la sécheresse édaphique ou agricole. Elle est causée par le déficit de précipitations, mais aussi la chaleur, qui augmente l’évaporation et la transpiration des plantes. 

De l’humidité des sols dépendent la croissance et la santé des végétaux et les organismes des sous-sols. Tous les milieux sont concernés (forêts, prairies, etc.). L’agriculture y est particulièrement sensible.

ATTENTION aux inondations en période de sécheresse, en cas de pluies intenses.

  • La perméabilité des sols varie selon leur nature & l’occupation humaine
  • une croûte de battance peut se former à cause de la sécheresse.

L’eau ne s’infiltre plus : elle ruisselle

AU TOTAL

Ce n’est pas parce qu’il pleut, qu’il n’y a pas de sécheresse. Ce n’est pas non plus parce qu’il pleut, que la disponibilité de la ressource ne diminue pas. Et ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de sécheresse, qu’il n’y a pas de risque de pénurie. En revanche, il y a des liens entre les différents types de sécheresses.

Sécheresse n’est pas pénurie.

La pénurie est déséquilibre entre l’offre (ressource disponible et accessible) et la demande (besoin en eau). Si elle est associée à l’aléa sécheresse, le risque dépend de la sévérité & la durée de la sécheresse, et des besoins, usages, et pratiques

82 % des eaux douces utilisées en France proviennent en grande majorité des fleuves, des rivières et des lacs. Ces « eaux de surface » sont plus faciles et moins chères à prélever. 

Mais les nappes sont la principale source d’eau potable en France : 62 % provient des eaux souterraines et 38 % des eaux de surfaces (torrents, rivières, lacs…).

Les champs captants sont protégés, car si la quantité et/ou la qualité font défaut, on a un risque de pénurie

ATTENTION ⚠️

  • Prélèvements = quantité d’eau prélevée dans le milieu naturel puis rejetée après utilisation (donc à nouveau disponible.
  • Consommation = quantité d’eau prélevée et consommée. Elle ne peut pas être renvoyée directement dans la nature après usage.

Prenons l’exemple de la Méditerranée.

Des moyennes annuelles cachent des différences fortes dans la répartition saisonnière ou le type de pluies : il pleut pleut à Nice (740mm) qu’à Paris (637mm), mais à Nice, c’est sur 89 jours (27 j d’orages en moyenne) contre 111 j à Paris. 

Le climat méditerranéen est caractérisé par des étés secs & chauds auxquels les sociétés se sont adaptées. Mais  désormais, on a des périodes sans pluies « anormalement » longues, qui constituent un écart fort par rapport à la moyenne des épisodes météorologiques secs estivaux.

Dans un climat qui change, il y aura moins de pluie l’été, et il fera plus chaud.

Pour l’hiver, pas encore de signal robuste sur les pluies au moins avant 2050, mais les hiver seront en moyenne + doux, donc la végétation + précoce et la saison de recharge réduite. 

Avec l’ augmentation des températures, arbres et plantes puisent davantage d’eau par leurs racines, ce qui réduitla quantité d’eau pouvant s’infiltrer dans le sol. Elles transpirent plus, ce qui n’est pas compensé par une augmentation des pluies.

Dans le sud, s’ajoute la diminution des pluiesmoyennes très marquées en été.

BILAN 👇

Protéger la ressource en eau, en quantité et en qualité, et garantir un accès équitable à cette dernière est l’un des grands défis de l’adaptation des prochaines années. Rien n’est perdu, à condition d’agir rapidement en évitant les maladaptations

Le pont de la rivière Rance

Le pont-viaduc de Lessard. Photo personnelle

Quelle belle et intéressante randonnée que celle qui nous mena, hier, sur une dizaine de kilomètres, de la jolie bourgade de la Vicomté-sur-Rance, au port du Lyvet, et au Châtelier avant de nous ramener au bercail.

La randonnée fut belle par les paysages somptueux qui s’offrirent à nos yeux, les sous-bois luxuriants, les rives toujours éblouissantes de la Rance, les reflets d’argent sur l’eau en contrebas, les chants d’oiseaux innombrables, les luxuriantes couleurs des orchidées tachant les prairies, les fragrances des ajoncs et de l’aubépine, et les champs d’orge ondulant sous le vent.

La randonnée fut intéressante car, sur le chemin, trois panneaux d’information nous firent, c’était inattendu, une véritable leçon d’histoire ! Permettez-moi de vous la bailler belle !

LE PONT DE LESSARD

Le viaduc de Lessard fut construit en 1879 pour relier Brest à Cherbourg par le train. Le tablier métallique initial, qui enjambait la Rance, chef d’oeuvre d’ingénierie, fut détruit par les bombardements allemands à la fin de la seconde guerre mondiale, le 2 août 1944. Il a été remplacé, en 1950, par une grande arche centrale en béton armé, très spectaculaire. L’originalité de l’ouvrage provient du maintien des anciennes piles et arches en granite, harmonieusement combinées avec la structure centrale en béton. 

La construction du pont, en 1879, a donné lieu à un passionnant article de l’hebdomadaire « Le Monde illustré » disponible en ligne sur la bibliothèque numérique Gallica (magie de l’internet). Cet article fut publié deux semaines après l’événement, le temps nécessaire, probablement, à la réalisation du magnifique dessin à la plume illustrant le texte. Le temps, décidément, ne s’écoulait par à l’époque comme il s’écoule aujourd’hui… Les photographes de presse n’existaient pas encore…   Source

Lançage du Viaduc de Lessard sur la ligne en construction du chemin de fer côtier de Cherbourg à Brest
Le viaduc de Lessard est établi sur la rivière de Rance, à 8 kilomètres environ au-dessous de Dinan, pour le passage du chemin de fer côtier de Cherbourg à Brest.  Il se compose à ses deux extrémités d’arches et de piles en maçonnerie reposant sur la pente escarpée des rives et au milieu d’une travée libre de 90 mètres, franchie par un tablier métallique élevé de 33 mètres au-dessus des sables de la Rance.  C’est ce tablier que l’on vient de lancer.
Le lançage consiste à faire glisser en grand, sur de forts galets , le pont monté de toutes pièces sur l’une des rives, jusqu’à ce qu’il ait atteint la place qu’il doit occuper. Plusieurs ponts métalliques remarquables ont été lancés de celle manière, mais tous avaient des piles intermédiaires qui, servant de point d’appui, permettaient de franchir facilement toutes les travées l’une après l’autre.
Le pont de Lessard a cela de particulier  que, n’ayant qu’une travée, il ne pouvait la franchir seul, puisque, arrivé au milieu de sa course, il eût nécessairement perdu l’équilibre et basculé. Aussi, les constructeurs ont-ils imaginé de jonctionner à son avant une certaine longueur de tablier d’un autre pont qui qui doit trouver trouver sa place plus loin, sur la même ligne, à la Fontaine-des-Eaux de Dinan. Ce pont auxiliaire, étant sensiblement plus faible que celui qu’il devait soutenir dans le vide, il y a eu là matière à de nombreux calculs à peu près rassurants, mais qui, néanmoins, laissaient assez d’indécision et d’imprévu pour exciter chez les constructeurs un vif désir de voir l’opération terminée. 
Le lançage a duré plusieurs jours, pendant lesquels de nombreux visiteurs, venus des pays avoisinants, ont afflué aux abords du chantier. Le dimanche 28 septembre surtout, jour ou l’avant du pont  a presque touché la rive opposée, la rivière de Rance et ses bords escarpés présentaient un spectacle très animé. Des milliers de spectateurs aux costumes les plus divers, venus par terre ou par eau, dans de jolies barques, égayaient le paysage et donnaient à la scène l’aspect d’une véritable fête.
Des ingénieurs, venus un peu de partout, ont suivi avec grand intérêt et dans tous ses détails l’opération du lançage. On a marché environ 170 mètres de longueur avec une vitesse moyenne, y compris les arrêts, de 6 mères à l’heure. 1 million 450.000 kilogrammes ont été halés ainsi sans efforts par 48 hommes menant 12 treuils. Il y avait 2 kilomètres 800 mètres de chaînes commandant 6 palans. Les 6 principaux galets de roulement pèsent chacun 6,000 kilogrammes; ils sont en fonte, montés sur une fusée en acier fondu de 35 centimètres de diamètre.
Le pont de Lessard seul pèse 1 million 200,000 kilogrammes; il se compose essentiellement de deux poutres de rive, longues de 98 mètres, hautes de 12 mètres à leur milieu et réunies entre elles par des treillis et des entre-toises, aussi bien en dessus qu’en dessous, ce qui fait de ce pont un véritable tunnel de fer sous lequel les trains passeront avec le bruit de la foudre.
C’est un magnifique travail qu’il faut ajouter à la liste, longue déjà, des travaux remarquables exécutés par la maison Jolly, d’Argenteuil.
Le projet du pont de Lessard a été fait par MM. les ingénieurs Pagès et Moïse, en collaboration avec les constructeurs, et M. l’ingénieur Mazellier en a dirigé l’installation.

Article paru le 10 octobre 1879, dans l’hebdomadaire Le monde illustré.

Sur l’illustration de cet article, on aperçoit un bateau à aubes et à vapeur, ainsi qu’un canot avec deux nageurs aux avirons. Mais, les bâtiments les plus étonnants qui naviguaient sur la Rance et donc sous ce pont, étaient les chalands. Ce fut la seconde découverte de notre randonnée !


LE CHALAND DE RANCE

Le  Chaland de Rance était la variante d’un robuste lougre de cabotage en mer qui fut adapté à la navigation en rivière et en canal pour emprunter les écluses et joindre Rennes. La présence de la quille limitant la charge transportée, il resta lié (à part quelques exemplaires envoyés en Basse Loire ) à La Manche, à La Rance et aux Canal d’Ille et Rance. Il fut plus tard  supplanté par le modèle de chaland Nantais qui pouvait porter davantage de frêt car il n’avait pas de quille. La concurrence de la voie ferrée devint aussi plus importante, et les chalands de Rance disparurent au cours de la première moitié du XXe siècle. Le dernier fut sans doute le LOUIS qui avait été motorisé pour  transporter du sable vers le port de Dinan.  Le LOUIS fut construit en 1917 par le chantier Tranchemer de La Richardais. De type bois ponté, il était constitué de 2 cales et servait à l’acheminement du sable pour les entreprises de construction, aux ponts et chaussées et aux  maraîchers rennais. Il mesurait 26,10 mètres de long, 4,6 m de large, son tirant d’eau était d’1,6 m, et il déplaçait 140 tonneaux.


L’ÉPERON BARRÉ DU CHÂTELIER

La troisième découverte, fut celle de l’Éperon barré du Châtelier que nous indiqua la pancarte du sentier de randonnée. Elle nous projette plus avant encore dans le temps passé. Nous marchâmes sur les pas de nos ancêtres les gaulois !

Repéré en 1977 lors d’une prospection aérienne, l’éperon barré du Châtelier est un promontoire de près de 6 hectares qui domine une courbe de la Rance à la limite des effets de marée. Côté terre, il est coupé par un profond fossé rectiligne de 300 mètres de longueur, de 15 mètres de largeur et de 8 mètres de profondeur. Il s’agit d’un système de défense ou de refuge typiquement gaulois, probablement édifié par les Coriosolites, avant la conquête de la Gaule par les romains. Un gué le reliait à Taden, et une voie romaine le longeait à sa partie sud. Aucun vestige n’y a jamais été découvert. 

Il est d’autres éperons barrés dans la région : la pointe de Cancaval en Pleurtuit et la pointe du Meinga en Saint-Coulomb. Pour ce dernier, il n’y a pas de fossé mais un talus en pierres sèches. 

Pour en savoir davantage sur les éperons barrés, voir cet article de Wikipédia


Ainsi, tandis que nous cheminions sur ces sentiers de randonnée, en pleine nature, admirant les paysages, la faune et la flore, l’Histoire vient à notre rencontre. Éblouissant !


Rien n’est charmant, à mon sens, comme cette façon de voyager. – A pied ! – On s’appartient, on est libre, on est joyeux ; on est tout entier et sans partage aux incidents de la route, à la ferme où l’on déjeune, à l’arbre où l’on s’abrite, à l’église où l’on se recueille. On part, on s’arrête, on repart ; rien ne gêne, rien ne retient. On va et on rêve devant soi. La marche berce la rêverie ; la rêverie voile la fatigue. La beauté du paysage cache la longueur du chemin. On ne voyage pas, on erre. à chaque pas qu’on fait, il vous vient une idée. Il semble qu’on sente des essaims éclore et bourdonner dans son cerveau. Bien des fois, assis à l’ombre au bord d’une grande route, à côté d’une petite source vive d’où sortaient avec l’eau la joie, la vie et la fraîcheur, sous un orme plein d’oiseaux, près d’un champ plein de faneuses, reposé, serein, heureux, doucement occupé de mille songes, j’ai regardé avec compassion passer devant moi, comme un tourbillon où roule la foudre, la chaise de poste, cette chose étincelante et rapide qui contient je ne sais quels voyageurs lents, lourds, ennuyés et assoupis ; cet éclair qui emporte des tortues. -oh ! Comme ces pauvres gens, qui sont souvent des gens d’esprit et de cœur, après tout, se jetteraient vite à bas de leur prison, où l’harmonie du paysage se résout en bruit, le soleil en chaleur et la route en poussière, s’ils savaient toutes les fleurs que trouve dans les broussailles, toutes les perles que ramasse dans les cailloux, toutes les houris que découvre parmi les paysannes l’imagination ailée, opulente et joyeuse d’un homme à pied ! Musa pedestris.
Et puis tout vient à l’homme qui marche. Il ne lui surgit pas seulement des idées, il lui échoit des aventures ; et, pour ma part, j’aime fort les aventures qui m’arrivent. S’il est amusant pour autrui d’inventer des aventures, il est amusant pour soi-même d’en avoir.   
 

Victor Hugo, Le Rhin, lettres à un ami, Lettre XX. 

Eau courante et algues à tous les étages

© M. Arnould

Quel monde fascinant que celui de l’estran ! Alternativement subermergé et émergé, les conditions de vie des habitants qu’il héberge ne sont sont guère confortables, qui fluctuent gravement au gré des marées et de la météo. Lorsque le visiteur parvient à l’étage supra-littoral de l’estran, l’une des premières choses qu’il y remarque sont les lichens et les algues qui peignent le sable et les rochers.

Wikipédia nous explique ce que sont les algues :  des organismes vivants capables de produire de la photosynthèse oxygénique et dont le cycle de vie se déroule généralement en milieu aquatique. Elles constituent une part très importante de la biodiversité et la base principale des chaînes alimentaires des eaux douces, saumâtres et marines.  Les algues ne constituent pas un groupe évolutif unique, mais rassemblent toute une série d’organismes pouvant appartenir à des groupes phylogénétiques très différents. De fait, les algues ont souvent été définies par défaut, par simple opposition aux végétaux terrestres ou aquatiques pluricellulaires.

Malgré les incertitudes quant aux organismes qui devraient être considérés comme des algues, un inventaire établi en 2012, d’après la base de données AlgaeBase (qui inclut 15 phyla et 64 classes mais ne prend pas en compte les quelque 200 000 espèces de diatomées (microalgues siliceuses), recense plus de 170 000 espèces d’algues différentes.

Les algues se répartissent du haut en bas de l’estran en fonction :

  • De leur équipement pigmentaire.
  • De leur capacité à résister à la déshydratation le temps d’une basse mer. 
  • De leur exposition aux vagues, en mode plus ou moins battu.
  • De l’amplitude des marées
  • De la configuration de l’estran.
  • De la luminosité liée à l’orientation de l’estran.

Les algues capables de résister à la dessiccation et à l’exposition à l’air se trouveront dans la zone supérieure de l’estran. Les algues qui ont besoin d’un environnement humide se trouvent dans la zone inférieure. Certaines algues préfèrent être immergées dans l’eau en permanence, tandis que d’autres peuvent survivre dans des zones intertidales. Les algues ont une tolérance variable selon les espèces aux facteurs environnementaux tels que la salinité, la température et la qualité de l’eau. Certaines algues peuvent tolérer des conditions environnementales extrêmes et vivre dans des zones où d’autres organismes ne le peuvent pas.

En fin de compte, la répartition des algues le long de l’estran dépend d’une combinaison complexe de ces facteurs et peut varier en fonction des conditions locales de chaque environnement. Le tableau ci-dessous est une bonne synthèse des modalités de répartition des algues sur l’estran.

Source du tableau

Laissez-moi faire les présentations de tous ces habitants. Un clic sur l’hyperlien de chacune de ces algues ou de ces lichens vous donnera accès à une photographie de l’espèce et à l’ensemble des caractéristiques de l’espèce.

  • Verrucaria maura désormais nommée Hydropunctaria maura ou Verrucaire noire, en terme vernaculaire, est un lichen encroûtant de la famille des Verrucariaceae. Il s’agit d’une espèce strictement maritime vivant dans l’étage supralittoral, juste au-dessus de la limite supérieure de l’estran. De couleur noire, ce lichen forme à ce niveau une ceinture caractéristique sur les rivages marins de nombreuses régions du monde. Son aspect rappelle des dépôts dus à une sinistre marée noire. Sur les zones côtières, la zone noire dominée par Hydropunctaria maura souligne le niveau des plus hautes mers et marque le passage au milieu terrestre.
  • Lichina pygmaea est également un lichen
Source

Les algues vertes sont un ensemble d’algues dont les pigments photosynthétiques principaux sont les chlorophylles a et b, elles sont généralement de couleur verte.

Les algues brunes, nommées Phaeophyceae ou Phéophycées, sont une classe d’algues de l’embranchement des Ochrophyta. Ce sont des algues qui utilisent comme pigment collecteur de lumière de la chlorophylle c combinée à un pigment brun, la fucoxanthine. Leur taille varie de l’échelle microscopique à plusieurs dizaines de mètres. 

Les algues rouges (division des Rhodophyta), sont un grand taxon d’algues pour la plupart marines et pour la plupart multicellulaires (la plupart sont sessiles, c’est-à-dire qu’elles se développent fixées sur un substrat quelconque). Elles sont caractérisées par une composition pigmentaire avec un seul type de chlorophylle, la chlorophylle a, des caroténoïdes et des pigments caractéristiques, les phycobiliprotéines. 

BIBLIOGRAPHIE

  • Algues, l’autre forêt. Epsiloon n°20, février 2023. Les scientifiques commencent à peine à saisir l’ampleur de ce monde englouti : prodigieux refuges de biodiversité et pièges à carbone hors normes, les forêts marines n’ont rien à envier aux jungles terrestres. Au point de susciter déjà les mêmes convoitises.
  • Les forêts de macroalgues sont un écosystème majeur sur la planète : Les habitats de macroalgues sont considérés comme les plus étendus et les plus productifs de tous les écosystèmes végétaux côtiers. Contrairement à l’attention croissante portée à leur contribution à l’exportation et à la séquestration du carbone, la compréhension de leur étendue et de leur production à l’échelle mondiale est limitée et est restée mal évaluée pendant des décennies. Nous présentons ici une première évaluation de l’étendue et de la production mondiales des habitats de macroalgues, basée sur des distributions modélisées et observées et sur la production primaire nette (PPN) à travers les types d’habitats.
  • Les algues ont un rôle important dans le stockage du carbone : Les algues brunes convertissent chaque année des gigatonnes de dioxyde de carbone en hydrates de carbone, dont le polysaccharide complexe de la matrice extracellulaire, le fucoidan. En raison de sa persistance dans l’environnement, le fucoïdane est potentiellement une voie de piégeage du carbone marin. Les taux de sécrétion de fucoïdane par les algues brunes restent inconnus en raison de la difficulté d’identifier et de quantifier des polysaccharides complexes dans l’eau de mer. Nous avons adapté les techniques de chromatographie d’échange d’anions, de dosage immuno-enzymatique et de dosage biocatalytique à base d’enzymes pour la détection et la quantification du fucoïdane. Nous avons constaté que l’algue brune Fucus vesiculosus sur la côte de la mer Baltique, au sud-ouest de la Finlande, sécrète 0,3 % de sa biomasse sous forme de fucoïdane par jour. Les concentrations de fucoïdan dissous dans l’eau de mer adjacente aux algues ont atteint jusqu’à 0,48 mg L-1. Le fucoïdane s’est accumulé pendant les incubations de F. vesiculosus, significativement plus à la lumière qu’à l’obscurité. L’estimation maximale par hydrolyse acide a indiqué une sécrétion de fucoïdane à un taux de 28 à 40 mg C kg-1 h-1, représentant 44 à 50 % de tout le carbone organique dissous exsudé. Composée uniquement de carbone, d’oxygène, d’hydrogène et de soufre, la sécrétion de fucoïdane ne consomme pas de nutriments, ce qui permet la séquestration du carbone indépendamment de la croissance des algues. Extrapolées sur une année, les algues séquestrent plus de carbone dans le fucoïdan sécrété que dans leur biomasse. L’utilité globale de la sécrétion de fucoïdane est une voie alternative pour l’élimination du dioxyde de carbone par les algues brunes sans qu’il soit nécessaire de récolter ou d’enfouir la biomasse des algues.
  • Une tentative japonaise d’utiliser ces écosystèmes en crédit carbone : Le concept de « carbone bleu » et le rôle du carbone bleu stocké dans les écosystèmes côtiers peu profonds dans l’atténuation du changement climatique ont attiré l’attention du monde entier. Outre les écosystèmes typiques du carbone bleu, tels que les mangroves, les marais intertidaux et les prairies sous-marines, les lits de macroalgues et la culture de macroalgues sont également de plus en plus reconnus comme des puits potentiels de carbone bleu. Des politiques et des méthodologies efficaces sont importantes pour la conservation et l’expansion des puits de carbone bleu, ainsi que pour la réduction du dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère qui en découle. L’une des méthodes les plus efficaces est le système de crédits compensatoires de carbone. Toutefois, à ce jour, presque tous les systèmes de crédits ont été mis en œuvre pour les mangroves et les marais salants. Aucun n’a été mis en œuvre pour les prairies marines, les lits de macroalgues et la culture de macroalgues, bien que leur potentiel d’absorption de CO2 soit important. Nous examinons ici trois projets de crédits compensatoires de carbone bleu pour les prairies sous-marines, les lits de macroalgues et la culture de macroalgues mis en œuvre au Japon. Nous présentons les projets de crédits compensatoires de carbone bleu (1) de la ville de Yokohama, le premier au monde ; (2) de la ville de Fukuoka, le deuxième projet de ce type au Japon ; et (3) le premier projet de démonstration du gouvernement national japonais. En outre, nous soulignons leurs caractéristiques en les comparant à d’autres projets de compensation de carbone bleu. Enfin, nous discutons de la nécessité d’accélérer les projets de crédits compensatoires de carbone bleu et les initiatives connexes à l’avenir.

Terminons cet article par une poésie de Victor Hugo. Puisse-t-elle adoucir — ainsi l’espère l’auteur —l’aridité apparente de l’exposé (si je puis dire, s’agissant d’un billet sur les algues marines…)

A celle qui est voilée
Victor Hugo

Tu me parles du fond d’un rêve
Comme une âme parle aux vivants.
Comme l’écume de la grève,
Ta robe flotte dans les vents.
Je suis l’algue des flots sans nombre,
Le captif du destin vainqueur ;
Je suis celui que toute l’ombre
Couvre sans éteindre son coeur.
Mon esprit ressemble à cette île,
Et mon sort à cet océan ;
Et je suis l’habitant tranquille
De la foudre et de l’ouragan.
Je suis le proscrit qui se voile,
Qui songe, et chante, loin du bruit,
Avec la chouette et l’étoile,
La sombre chanson de la nuit.
Toi, n’es-tu pas, comme moi-même,
Flambeau dans ce monde âpre et vil,
Ame, c’est-à-dire problème,
Et femme, c’est-à-dire exil ?
Sors du nuage, ombre charmante.
O fantôme, laisse-toi voir !
Sois un phare dans ma tourmente,
Sois un regard dans mon ciel noir !
Cherche-moi parmi les mouettes !
Dresse un rayon sur mon récif,
Et, dans mes profondeurs muettes,
La blancheur de l’ange pensif !
Sois l’aile qui passe et se mêle
Aux grandes vagues en courroux.
Oh, viens ! tu dois être bien belle,
Car ton chant lointain est bien doux ;
Car la nuit engendre l’aurore ;
C’est peut-être une loi des cieux
Que mon noir destin fasse éclore
Ton sourire mystérieux !
Dans ce ténébreux monde où j’erre,
Nous devons nous apercevoir,
Toi, toute faite de lumière,
Moi, tout composé de devoir !
Tu me dis de loin que tu m’aimes,
Et que, la nuit, à l’horizon,
Tu viens voir sur les grèves blêmes
Le spectre blanc de ma maison.
Là, méditant sous le grand dôme,
Près du flot sans trêve agité,
Surprise de trouver l’atome
Ressemblant à l’immensité,
Tu compares, sans me connaître,
L’onde à l’homme, l’ombre au banni,
Ma lampe étoilant ma fenêtre
A l’astre étoilant l’infini !
Parfois, comme au fond d’une tombe,
Je te sens sur mon front fatal,
Bouche de l’Inconnu d’où tombe
Le pur baiser de l’Idéal.
A ton souffle, vers Dieu poussées,
Je sens en moi, douce frayeur,
Frissonner toutes mes pensées,
Feuilles de l’arbre intérieur.
Mais tu ne veux pas qu’on te voie ;
Tu viens et tu fuis tour à tour ;
Tu ne veux pas te nommer joie,
Ayant dit : Je m’appelle amour.
Oh ! fais un pas de plus ! Viens, entre,
Si nul devoir ne le défend ;
Viens voir mon âme dans son antre,
L’esprit lion, le coeur enfant ;
Viens voir le désert où j’habite
Seul sous mon plafond effrayant ;
Sois l’ange chez le cénobite,
Sois la clarté chez le voyant.
Change en perles dans mes décombres
Toutes mes gouttes de sueur !
Viens poser sur mes oeuvres sombres
Ton doigt d’où sort une lueur !
Du bord des sinistres ravines
Du rêve et de la vision,
J’entrevois les choses divines… –
Complète l’apparition !
Viens voir le songeur qui s’enflamme
A mesure qu’il se détruit,
Et, de jour en jour, dans son âme
A plus de mort et moins de nuit !
Viens ! viens dans ma brume hagarde,
Où naît la foi, d’où l’esprit sort,
Où confusément je regarde
Les formes obscures du sort.
Tout s’éclaire aux lueurs funèbres ;
Dieu, pour le penseur attristé,
Ouvre toujours dans les ténèbres
De brusques gouffres de clarté.
Avant d’être sur cette terre,
Je sens que jadis j’ai plané ;
J’étais l’archange solitaire,
Et mon malheur, c’est d’être né.
Sur mon âme, qui fut colombe,
Viens, toi qui des cieux as le sceau.
Quelquefois une plume tombe
Sur le cadavre d’un oiseau.
Oui, mon malheur irréparable,
C’est de pendre aux deux éléments,
C’est d’avoir en moi, misérable,
De la fange et des firmaments !
Hélas ! hélas ! c’est d’être un homme ;
C’est de songer que j’étais beau,
D’ignorer comment je me nomme,
D’être un ciel et d’être un tombeau !
C’est d’être un forçat qui promène
Son vil labeur sous le ciel bleu ;
C’est de porter la hotte humaine
Où j’avais vos ailes, mon Dieu !
C’est de traîner de la matière ;
C’est d’être plein, moi, fils du jour,
De la terre du cimetière,
Même quand je m’écrie : Amour !
Victor Hugo, Les contemplations