Ces vers marins aident la médecine !

L’estran (ou zone de balancement des marées) est écosystème peu démonstratif à marée basse; il est pourtant peuplé d’organismes dont la résistance aux éléments hostiles force le respect. C’est la portion du littoral qui est alternativement inondée et exondée au rythme des marées. Pour vivre sur l’estran, il faut être capable de résister aux variations extrêmes d’humidité, de salinité, de température et de cinétique (vents et courants). 

Pour les touristes en goguette sur les bords de mer, la prise de conscience de la vie sur l’estran est souvent le fait des vers arénicoles, qui absorbent les débris organiques du sable, les digèrent et rejettent ce qu’ils ne consomment pas sous forme de petits tortillons. Ce sont donc eux qui déposent ces petites « crottes de sable » sur la plage, au grand étonnement des enfants !

Laissons Wikipédia nous présenter Arenicola marina : souvent appelé « ver de vase » ou « ver noir » c’est un ver annélide dont le corps est constitué d’une série d’anneaux successifs, appelés segments ou métamères. Le ver appartient à la classe des annélides polychètes (de poly = plusieurs et chètes = soies) : les métamères de la partie la plus renflée sont munis de pieds ou parapodes garnis de soies plus ou moins rigides, mobiles, qui permettent à l’animal de prendre appui sur le support pour s’immobiliser ou se déplacer. À l’âge adulte, sa longueur moyenne est d’une quinzaine de centimètres, avec un maximum d’une trentaine de centimètres. 

 J’ai découvert, en lisant  un délicieux opuscule, intitulé « Océanographie, comprendre l’océan en 50 planches illustrées » , que ce ver  a développé d’étonnantes capacités métaboliques pour survivre dans le sable, hors de l’eau entre deux marées : à marée haute, il stocke l’oxygène prélevé dans l’eau de mer pour utiliser cette réserve à marée basse. Comme un plongeur sous-marin, mais sans bouteilles, et avec l’oxygène et pas de l’air. Quelle est donc le prodige qui lui confère ce superpouvoir ?  

L’hémoglobine des vers arénicoles, également appelée érythrocruorine :

  • fait 50 fois la taille de l’hémoglobine humaine
  • est 40 fois plus efficace que l’hémoglobine humaine pour le transport de l’oxygène. . 

Contrairement à l’hémoglobine humaine (dans les GR), l’érythrocruorine est extracellulaire, elle est dissoute dans le plasma circulant dans le réseau vasculaire des vers; non glycosylée, elle s’affranchit des groupes sanguins. Son affinité pour l’O2 est plus élevée que l’hémoglobine humaine autorisant une adaptation accrue à l’hypoxie: plus de 6 heures entre marée haute et marée basse.

Ce superpouvoir ne pouvait qu’intéresser les chercheurs ! 

La société Hemarina, fondée en 2007 par le Dr Franck ZAL (expert en hémoglobine des invertébrés marins, CNRS), a développé un processus industriel pour extraire l’érythrocruorine d’Arenicola marina dans 2 fermes élevages d’aquaculture (à Noirmoutiers et aux Pays-bas). La société a développé une gamme de produits thérapeutiques, encore en phase expérimentale, notamment :

  1. Un additif aux solutions de préservation d’organes: Hemo2life permet de mieux oxygéner le greffon et ainsi de réduire les risques de rejet de greffe : voir ici
  2. Un transporteur universel d’oxygène (bientôt une alternative aux transfusions ?) : voir ici
  3. Des pansements oxygénants, pour améliorer la cicatrisation. Voir ici
  4. Un traitement des parodontites : voir ici

Auriez-vous pensé que les vers qui passent leur temps, à la basse mer à faire des tortillons sur la plage pourraient contribuer à améliorer les greffes d’organes, guérir les plaies, ou sauver des blessés graves ?

Mise à jour : le 16 décembre 2023, la presse grand public annonce qu’un grand brûlé a été soigné, au CHU de Nantes, par des pansements intégrant de l’érythorcuorine d’Arénicole marina, avec succès !

Documentation

  1. Visite guidée sur l’estran
  2. Océanographie, comprendre l’océan en 50 planches illustrées. J. Lambot. Hachette
  3. Arenicola marina. Wikipédia.
  4. Arenicola marina et hémogigilance
  5. Quand la nature inspire la science

Laisser un commentaire