Quand la nature inspire la science

À la suite de la présentation, à Bretagne vivante, d’un exposé fort intéressant de quelques exemples de « biomimétisme subaquatique » , j’ai eu envie de reprendre ce qui a été exposé, et de le présenter dans cet article de blogue.


« Quand la nature inspire la science » Mat Fournier. 2016.
« Saviez-vous que le Velcro est le résultat de l’observation d’une plante « accrocheuse », la bardane ? Que la première montre réveil est due au grillon? Que la coquille Saint-Jacques est à l’origine de l’invention de la tôle ondulée? Que les yeux antireflet des mouches ont permis la création de panneaux photovoltaïques ? Que le toit de Waterloo Station, à Londres, a été bâti sur le modèle des écailles du pangolin ? Que la cigogne, la chauve-souris, le canard et même le thon ont inspiré autant de modèles d’avions ? Depuis des centaines d’années, les animaux et les plantes ont soufflé leurs idées simples et naturelles aux ingénieurs, aux architectes et aux scientifiques qui ont su les observer. »

Nous traitons donc, céans, de biomimétisme, un terme que Wikipédia expliquera, bien mieux que je ne saurais le faire : Le biomimétisme désigne un processus d’innovation et une ingénierie. Il s’inspire des formes, matières, propriétés, processus et fonctions du vivant. Il peut concerner des échelles nanométriques et biomoléculaires avec par exemple l’ADN et l’ARN, et jusqu’à des échelles macroscopiques et écosystémiques, incluant donc les services écosystémiques. Il cherche ainsi des solutions soutenables produites par la nature, sélectionnées par de nombreuses espèces, éprouvées par l’évolution au sein de la biosphère sur plus de 3,8 milliards d’années. La biomimétique est un processus créatif interdisciplinaire entre la biologie et la technique, dont le but est de résoudre des problèmes anthropocentriques par l’abstraction, le transfert et l’application de connaissances issues de modèles biologiques. Mettant au point des procédés et des organisations permettant un développement durable des sociétés, le biomimétisme et la biomimétique sont parfois confondus avec la bioinspiration, cette dernière étant un concept plus générique puisqu’elle se définit comme « une approche créative reposant sur l’observation des systèmes biologiques ». Le biomimétisme est un domaine encore émergent de la recherche et des domaines techniques, médicaux, industriels et de la bioéconomie, incluant des sous-domaines tels que la bionique, la bioassistance et l’architecture biomimétique.


4 exemples de biomimétisme nous ont été exposés au cours de cette soirée, dont l’holothurie, la moule, l’éponge de mer et la méduse furent les héros, à leur corps défendant. Rendez-vous compte !

  • Les holothuries pourraient aider à améliorer le quotidien des patients atteints de démence d’alzheimer.
  • Les moules simplifient le travail des chirurgiens
  • Des éponges de mer aident à la conception de gratte-ciel aux dessins audacieux ou à la fabrication de fibres optiques.
  • Des méduses aident les biologistes et les médecins au laboratoire.
  • Les poissons inspirent la fabrication de nouveaux types de moteurs de bateaux !

HOLOTHURIE THERAPEUTIQUE
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Les holothuries, comme d’autres échinodermes, ont la capacité de modifier rapidement et de manière réversible la rigidité de leur derme interne. Des chercheurs de la Case Western Reserve University de Cleveland ont reconstitué un tel système. Pour cela, ils ont mélangé des nanofibres de cellulose, issues d’un autre animal marin, le tunicier, à un mélange de copolymères caoutchouteux. Le matériau obtenu est rigide. Lorsqu’on l’« arrose » avec un solvant, il devient souple. Lorsque le solvant s’évapore, le matériau redevient dur.

Les auteurs de ce travail suggèrent qu’un tel matériau pourrait être utilisé dans des applications biomédicales. Par exemple, pour des implants comme des micro-électrodes cérébrales dans le traitement de maladies comme celle d’Alzheimer. Elles seraient rigides au moment de leur implantation, ce qui faciliterait leur manipulation, puis deviendraient flexibles pour mieux se « fondre » dans leur environnement. Mais tout cela n’est encore qu’expérimental.


MOULE COLLANTE
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En 2015 l’équipe du Dr Alison Butler (Université de Santa Barbara) a créé une molécule permettant de reproduire les propriétés adhésives de la moule qui sait adhérer à tous les supports en milieu aqueux, quand l’eau agit habituellement sur les colles comme un solvant, rendant ainsi impossible dans la durée l’adhérence aux matériaux. Ceci a révolutionné, en médecine, la problématique de la suture qui ne pouvait se faire qu’avec du fil ou des agrafes.

L’explication tient à la synergie entre deux familles de composés chimiques, la lysine (un acide aminé) et les catéchols. Ils interagissent en se liant l’un à l’autre : la molécule formée acquiert alors des propriétés adhésives étonnantes. Le mécanisme chimique est complexe (source). Depuis 2015, date de la publication dans le magazine scientifique « Sciences » de la découverte de cette molécule, d’autres chercheurs se sont intéressés à cette propriété adhésive en milieu humide, notamment une équipe d’ingénieurs biomédicaux qui a créé une bio-colle permettant de fermer les plaies opératoires en 60 secondes, sans agrafes ni fils, sur le cœur, le poumon ou les artères.


ÉPONGES DE MER AUDACIEUSES

Des scientifiques ont découvert que les éponges marines possèdent des propriétés structurales de rigidité mécanique et de stabilité, en dépit de leur composition intrinsèquement fragile. Un chercheur de Lucent Technologies Bell Labs indique qu’une éponge tropicale des profondeurs océaniques pourrait en apprendre beaucoup aux ingénieurs et aux architectes sur la construction de structures solides à partir de matériaux extrêmement fragiles. Découverte et présentation d’Euplecella aspergillum qui pourrait permettre de construire des gratte-ciel

L’éponge Monorhaphis chuni, découverte à la fin du XIXe siècle à plus de 1 500 mètres de profondeur sur les fonds marins de l’Est de l’Afrique, fabrique un spicule de quelques millimètres de diamètre pouvant atteindre 3 mètres de longueur grâce à laquelle elle peut s’ancrer sur les fonds sableux. Cette fibre est constituée de couches de silice concentriques qui se déposent autour d’une trame protéique extrêmement fine. Cette structure possède de remarquables propriétés mécaniques assurant à la fois résistance et flexibilité hors du commun ainsi qu’une transparence bien supérieure à nos meilleures fibres optiques utilisées dans les télécommunications. Une autre caractéristique de cette espèce d’éponge : elle peut vivre jusqu’à plus de 11000 ans ! cette longévité exceptionnelle conférerait à ces éponges le statut « d’archives paléoclimatiques » selon certains chercheurs. Nous avons beaucoup à apprendre d’autres éponges qui, avec un minimum de matière et à une température généralement comprise entre 0 à 30 °C fabriquent un verre doté d’une résistance mécanique très élevée tout en gardant une exceptionnelle flexibilité. source


MÉDUSES BRILLANTES
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De nombreux organismes vivants sont bioluminescents, c’est-à-dire capables d’émettre de la lumière (bactéries, champignons, vers, crustacés marins, champignons, plancton, poissons, calmars, méduses, …). la lumière émise repose sur la présence, dans les organismes bioluminescents, de deux molécules solubles dans l’eau : 1. une enzyme, la luciférase, et 2. son substrat, la luciférine. En présence d’oxygène, la complexe luciférine + luciférase émet de la lumière.

Les recherches sur la bioluminescence de la méduse ont conduit а l’identification de deux protéines d’intérêt majeur au plan scientifique. La première, l’aéquorine, est une luciférase qui tire son nom de la méduse dont on l’a extraite, Aequorea victoria. L’aéquorine se lie à « sa » luciférine (appelée dans ce cas la coelanthérazine) en présence d’oxygène mais aucune lumière n’est émise sauf en présence d’ions calcium. D’autres enzymes fonctionnant comme l’aéquorine ont été découvertes et constituent la famille des photoprotéines. Les biologistes cellulaires les utilisent pour étudier les activités cellulaires liées au calcium. Contrairement а ce qui se passe dans un tube а essai oщ l’aéquorine activée émet une lumière bleue, in vivo, dans la méduse, la lumière émise est verte. C’est le chimiste et biologiste japonais Osamu Shimomura (1928-) qui en découvrit la cause en 1969. En fait, cette méduse contient une autre protéine que Simomura isola et nomma  GFP pour « green fluorescent protein ». Elle absorbe par transfert d’énergie  l’énergie émise par l’aéquorine et émet alors en vert. Ses découvertes ont révolutionné la biologie et ont valu а Shimomura, Martin Chalfie et Roger Tsien le prix Nobel de chimie en 2008 pour leurs travaux sur la GFP et leurs très nombreuses applications. La GFP estutilisée pour visualiser а l’aide d’un microscope à fluorescence de nombreux phénomènes biologiques dans l’organisme de manière non invasive et en temps réel. Les applications en biologie et en médecine sont très nombreuses !  


POISSONS A MOTEUR
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Les ingénieurs de la société FinX se sont inspirés des mouvements des nageoires des poissons pour inventer un nouveau type de moteur de bateau sans hélice, propre, silencieux et surtout performant. Les premiers essais en laboratoire indiquent une économie d’énergie de 30% par rapport aux autres solutions du marché. 

Comme disait Pierre Desproges : « Etonnant, non ? »

Une réflexion sur “Quand la nature inspire la science

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