Silence, là-dessous !


En 1956 sortait le 2e film sous-marin de l’histoire, produit par J-Y Cousteau, et intitulé « le Monde du silence ». On a appris depuis que ce Monde du silence est bien loin d’être silencieux. Depuis des décennies en effet, des chercheurs « écoutent » sous la surface des océans pour détecter la présence d’animaux, étudier leurs comportements et leur cohabitation – souvent difficile – avec l’Homme. Baleines, cachalots, orques, dauphins, phoques, morses… autant de mammifères dont la signature sonore est bien connue. Néanmoins, comme sur terre, les paysages sonores des mondes sous-marins se décomposent en 3 catégories : la géophonie, l’anthropophonie et la « biophonie »

L’eau de mer est 1000 fois plus dense que l’air, et les sons s’y propagent plus vite et plus loin. La vitesse du son dans l’air à 15 °C au niveau de la mer est d’environ 1224 km/h. Dans l’eau, le son se propage près de quatre fois plus vite, à environ 5400 km/h. La surface de l’eau renvoie presque tous les sons, comme un miroir acoustique. Le son est comme canalisé et se propage plus loin dans l’eau.

La géophonie est l’ensemble des sons produits par la planète, comme le vent, les vagues se brisant sur les rochers ou déferlant lors des tempêtes, les craquements de la banquise, les orages, les volcans…

L’anthopophonie est l’ensemble des sons, ou plutôt des bruits, produits par Homo sapiens avec ses navires de surface, ses sous-marins, ses aéronefs, ses installations pétrolières, ses activités minières, ses sonars civils et militaires et toutes sortes d’activités industrielles ou touristiques. Cette pollution sonore sous-marine constitue une menace grave pour la vie marine, impactant toutes les espèces marines et perturbant radicalement le comportement des animaux dans leurs communications, leur navigation, leur alimentation, leur sécurité et leur reproduction.

La biophonie est l’ensemble sons générés par la faune sous-marine : cétacés, crustacés et poissons principalement.

Pour communiquer, les espèces sous-marines se partagent l’espace acoustique pour mieux se faire entendre, se répartissant les fréquences, dans le temps et dans l’espace, pour éviter qu’elles ne chevauchent celles des autres. Pour cela, elles utilisent des fenêtres temporelles où leur son est dominant et où peu d’espèces risquent d’interférer avec elles. Et cette répartition de la fréquence vaut d’ailleurs sous la mer mer comme sur terre.

On pourrait presque constituer un orchestre symphonique sous-marin, sans y inviter les cétacés célèbres pour leurs vocalises (qui sont de véritables langages) !

  • Les sciénidés (maigres et corbs) jouent du tambour avec leur vessie natatoire. Les maigres de nos eaux font tant de bruit qu’ils peuvent être pêchés « à l’oreille » dans le Sud-Ouest entre avril et septembre. En posant la tête sur le fond d’une barque, le pêcheur détecte leurs grognements caractéristiques. Leurs cousins méditerranéens, les corbs sont plus petits mais tout aussi bavards
  • Les poissons-chats jouent de leurs nageoires et déclenchent de véritables stridulations (vibration de lames grattées avec une râpe) comme les crécelles ; ils jouent également du tambour avec leur vessie natatoire.
  • Les carangues et les perches soleil font grincer leurs mâchoires.
  • Le poisson-clown, la morue, le grondin, le Saint-Pierre sont également capables d’émettre des sons
  • L’hippocampe joue du xylophone avec les plaques osseuses de son cou.
  • Le gobie est un joueur d’instrument à vent qui siffle sous l’eau des flaques d’eau sur l’estran, on ignore encore comment il procède.
  • Les rascasses jouent de la guitare, faisant vibrer des tendons jouant le rôle de cordes.
  • La seule violoniste de la bande est la langouste, qui frotte ses antennes sur deux pièces de sa carapace sur sa tête, comme on frotte l’archet sur les cordes d’un violon, produisant des sons allant jusqu’à 167 décibels pour les plus gros spécimens, et perceptibles jusqu’à 3 kilomètres, estiment des chercheurs dans leur étude publiée dans le journal Scientific Reports.
  • Les crevettes émettent des cliquetis, discrets mais audibles ! Et je ne parle pas de la percussionniste en chef qu’est la crevette pistolet !

La mer serait le Monde du silence ? Quelle blague !

Bibliographie

  1. Pollution sonore des océans : les mammifères marins menacés par le bruit des activités minières. Géo
  2. Bill François. Les génies des mers. Ed. Flammarion
  3. Jézéquel, Y., Chauvaud, L. & Bonnel, J. Spiny lobster sounds can be detectable over kilometres underwater. Sci Rep 10, 7943 (2020)
  4. Evolutionary Patterns in Sound Production across Fishes Aaron N. Rice, Stacy C. Farina, Andrea J. Makowski, Ingrid M. Kaatz, Phillip S. Lobel, William E. Bemis, Andrew H. Bass. Ichthyology & Herpetology, 110(1):1-12 (2022).

L’élégante voleuse ailée


Avez-vous jamais rencontré Elysia ? Elle est très étonnante ! J’en ai déjà parlé, sur ce blogue, mais je souhaitais y revenir tant elle mérite l’attention des naturalistes et des curieux. Je me demande parfois si, sur l’estran, elle n’est pas ma chouchoute. Bref…

Elysia n’est pas l’une de ces charmantes exploratrices de l’estran qui, à l’étale de basse mer, retournent les rochers, fouillent les failles et soulèvent les algues. Elysia est une adorable limace de mer — c’est presque un oxymore — qui vit sur l’estran jusqu’à une profondeur d’environ 5 m.

Elysia viridis, c’est son nom scientifique, est un mollusque gastéropode comme les limaces de nos jardins, mais elle vit dans l’eau.  Elle se drape le plus souvent d’une élégante livrée vert émeraude du plus bel effet, mais elle peut  également s’habiller de couleurs plus chaudes, rougeâtres voire brunâtres, tandis que son manteau est toujours parsemé de taches iridescentes lui conférant un aspect étoilé, comme les paillettes du costume de scène d’Elvis Presley

Une limace de mer élégante. Premier étonnement.

Elysia possède des parapodes larges, au bord ondulé, qui, lorsqu’ils sont déployés la font paraître ailée; elle nage avec des ailes, comme une raie, et elle prend alors, vue de dessus, l’aspect d’une feuille, du fait de ses nombreux vaisseaux dorsaux parfaitement dessinés. 

Une limace de mer ailée ! Deuxième étonnement !

Elysia est friande de Codium fragile, une algue verte; mais elle peut aussi se nourrir d’algues rouges ou brunes d’où la coloration variable de ses habits. Une limace herbivore, rien de bien étonnant, me direz-vous ! Et pourtant  Elysia va encore vous étonner. Elle ponctionne, sans les endommager, les chloroplastes des algues qu’elle a mangées et les accumule dans des cellules spécialisées de ses  glandes digestives. On parle de kleptoplastie (un vol de plastes, quoi !). Ces chloroplastes, véritables usines fabriquant des glucides à partir du CO2 par photosynthèse, poursuivent leur travail durant une quinzaine de jours, nourrissant ainsi Elysia, avant de cesser de fonctionner. Visibles par transparence, ces chloroplastes colorent la belle en vert. Elysia — un animal — a donc des capacités de photosynthèse, comme une plante, lui permettant de se nourrir partiellement grâce à la lumière du soleil. !  

Une limace de mer élégante et ailée doublée d’une voleuse dont le butin lui confère les capacités de photosynthèse d’une plante !  Troisième étonnement !
L’estran nous en réserve bien d’autres.

Documentation

  1. Elysia viridis. Doris
  2. Elysia viridis; INPN

Mathématiques subaquatiques

Une image dessinée par l’IA, avec un « prompt » personnel !



Trop souvent, un petit cafard ou un irrépressible chagrin étreint le lecteur achevant de parcourir un livre avant de le ranger dans sa bibliothèque. Ce fut le cas pour « Les génies des mers » de Bill François [1] aux éditions Flammarion, livre dans lequel ce jeune biophysicien, naturaliste et écrivain plein d’humour (oui, oui, tout ça !) nous raconte des histoires extraordinaires et nous explique les compétences stupéfiantes des habitants du monde du silence, dont il révèle en passant qu’il est un monde plutôt bruyant !  Nous y reviendrons probablement dans un prochain article.

Une des histoires extraordinaires racontée Bill François est celle du mathématicien Alan Turing, génie au destin tragique, qui conceptualisa un algorithme mathématique, la réaction-diffusion, pour expliquer les motifs (rayures, celles, taches) des robes des poissons ou du pelages des mammifères. Voici ce qu’il nous dit : 

En 1952, le mathématicien anglais Alan Turing, un des pères fondateurs de l’informatique, réfléchissait intensément au monde vivant. Il cherchait à expliquer par la science l’émergence des motifs observés dans la nature. Pour cela, il eut une idée plutôt originale : il imagina que les cellules portant les pigments colorés sur la peau des animaux se comportaient comme des proies et des prédateurs, les unes cherchant sans cesse à dévorer les autres. 
Tous les Hurons vous le diront : dans les forêts du Canada, les années se suivent mais ne se ressemblent pas. Il y a des années à lynx et des années à lièvres. En l’absence de prédateurs, c’est la proie qui abonde. Puis, fort de l’abondance des proies, le prédateur revient petit à petit. Il se met à proliférer et à dévorer les lièvres, jusqu’à ce que sa proie régresse à nouveau. Et ce cycle éternel se perpétue, année après année, depuis des temps immémoriaux. Au fil des ans, des zones peuplées majoritairement de lièvres et d’autres infestées de lynx se déplacent, au fur et à mesure des mouvements des populations animales, et forment. . . des motifs!  L’idée inspira Turing : et si les couleurs sur la peau d’un animal faisaient entre elles comme les lynx et les lièvres de la baie d’Hudson?
Ainsi, au cours de la croissance d’un animal, les couleurs qui apparaissent puis se diffusent sur sa peau se livreraient à une prédation sans merci. La couleur prédatrice dévorant la couleur proie, et la couleur proie nourrissant la couleur prédatrice, il s’instaurerait, comme dans un écosystème, un équilibre entre les différentes teintes. Et ces dernières se répartiraient sur la peau de la bête selon des motifs. Des ilots où les couleurs « proies» prospèrent en paix, des zones our les couleurs « prédateurs » abondent, des frontières entre les deux… Voilà comment se formeraient rayures, ocelles et taches. Turing prédit que ce mécanisme était à l’œuvre dans la peau des animaux. Il postula que celle-ci devait comporter des entités colorées qui jouaient le rôle de proies et d’autres celui de prédateurs, et que leurs interactions formeraient les dessins qu’arbore la faune : les stries du zèbre, les pois des panthères…
C’était là pure supposition. Mais Turing y croyait fermement. Selon lui, en interagissant comme des proies et des prédateurs, les couleurs pouvaient dessiner tous ces motifs. De fait, une autre invention du grand homme, l’informatique, corrobora quelques décennies plus tard son hypothèse. On simula par des calculs numériques le phénomène qu’il avait imaginé. Il suffisait de saisir les paramètres régissant le système – la voracité des « prédateurs », la fécondité des « proies », la taille de la peau de l’animal -, puis l’ordinateur calculait le résultat et affichait les dessins obtenus. Stupeur : selon les valeurs des paramètres apparaissaient à l’écran des taches, des rayures, des ocelles, des mailles… bref, tous les motifs du règne animal, au grand émerveillement de la communauté scientifique internationale.

Un article  [2] précise  : 
Alan Turing ne prétend pas qu’il s’agit du seul mécanisme possible de morphogenèse, ni même qu’il est effectivement à l’œuvre dans tel ou tel système vivant – il est conscient du manque de preuves expérimentales. Son but est davantage de proposer un mécanisme plausible et de montrer tout ce qu’il permet déjà d’expliquer, malgré sa simplicité. Il souligne que le modèle est une « simplification » et une « idéalisation » et par conséquent, une « falsification », mais il fait la pétition de principe que les quelques mécanismes retenus sont effectivement les mécanismes dominants.
…/…
Il a fallu quarante ans avant que les premières structures de Turing soient mises en évidence expérimentalement. Il faut en effet des situations assez particulières où le coefficient de diffusion de l’espèce inhibitrice est beaucoup plus grand que celui de l’espèce activatrice. Il est possible que le mécanisme proposé par Alan Turing ne fournisse qu’un principe directeur de la formation des motifs observés chez les êtres vivants et que d’autres mécanismes plus fins et plus spécifiques s’y ajoutent. En effet, la similitude des motifs observés ne fournit pas la preuve que le mécanisme proposé par Alan Turing est réellement à l’œuvre. Ce piège de l’analogie se rencontre par exemple avec la structure en bandes d’un embryon de drosophile, tout à fait similaire à une structure de Turing mais où, comme l’a montré John Maynard Smith, chaque bande est en fait contrôlée individuellement par un mélange de morphogènes qui lui est spécifique. Pour obtenir des arguments supplémentaires en faveur d’un mécanisme de Turing ou pour le rejeter, on étudie les défauts et la réponse à des perturbations, par exemple la régénération ou non des motifs lors de la cicatrisation après une blessure. Cette étude permet de mieux révéler les mécanismes à l’œuvre et de préciser le niveau auquel ils entrent en jeu lors de l’embryogenèse ou bien en continu lors de la croissance de l’animal.

Un article du Muséum National d’Histoire Naturelle [3] complète les développements en apportant un peu de complexité (c’est de la biologie, hein !) : 
Si la proposition de Turing a mis du temps à être mise en évidence chez un être vivant – le poisson-zèbre dans les années 90, depuis une vingtaine d’années de nombreux exemples sont décrits régulièrement. En vrac, les rides de votre palais, la formation de vos doigts, les rayures du poisson-zèbre ou les pois de la fleur de Mimulus, les motifs des vaisseaux racinaires des plantes sont tous des exemples de structures produites par des « systèmes de Turing ».
On soupçonne en fait cette famille de systèmes d’être apparue des centaines de fois au cours de l’évolution, et d’intervenir dans toutes sortes de processus biologiques.
Briser les symétries pour créer des motifs de couleurs répétés
Les systèmes de Turing sont-ils les seuls moyens retenus au cours de l’évolution pour peindre les espèces vivantes ? Cela serait surprenant, car certains motifs répétés ne correspondent pas tout à fait aux caractéristiques de ceux produits par Turing, en particulier concernant la périodicité ou la géométrie des motifs, comme par exemples les taches des dalmatiens.

Une récente publication [5] propose pas moins de sept mécanismes expliquant la formation de motifs colorés répétés chez les eucaryotes — Turing(-like), automate cellulaire, multi-induction, fissuration physique, aléatoire, neuromusculaire et impression — et six modificateurs de motifs, agissant en synergie avec ces mécanismes primaires pour améliorer le spectre des motifs de couleurs répétés.

Les motifs, souvent spectaculaires qui ornent les coquilles des palourdes, cônes, et autres coquillages artistes, pour la plus grande joie des collectionneurs, relèvent d’un autre modèle mathématique, celui des automates cellulaires. Mais c’est là une autre histoire que Bill François dans son livre [3], et Jean-Paul Delahaye dans son article [6]nous ’expliquent avec talent.

On savait qu’il était sous la surface des mers et des océans des artistes et des architectes brillants, mais qui eût cru qu’il existât aussi des mathématiciens, maîtrisant la réaction-diffusion et les automates cellulaires ? 

Quoi qu’il en soit, ne ratez pas la vidéo ci-dessous. Elle explique bien le principe de réaction-diffusion, en anglais, certes, mais sous titré.

Bibliographie

  1. Turing, A.M. The chemical basis of morphogenesis, Bltn Mathcal Biology 52, 153-197 (1990)
  2. Alan Turing, les motifs et les structures du vivant. Voir ici
  3. Les génies des mers. Bill François. Ed. Flammarion
  4. D’où viennent les rayures et les autres motifs des animaux ? Muséum National d’Histoire Naturelle
  5. Les sept façons dont les eucaryotes produisent des motifs colorés répétés sur les tissus externes.Pierre Galipo, Catherine Damerval, Florian Jabbour 
  6. L’algorithme des coquillages. Jean-Paul De la Haye

Nourrices piégeuses de carbone

Herbier de zostères, à l’étale de basse mer. © Michel Arnould


Les zostères ne sont pas des algues mais bien des plantes à fleurs qui forment des herbiers marins, parfois très denses. Les zostères sont présentes dans les mers de tous les continents, en particulier le long des côtes de la Manche et de l’Atlantique. Ce sont des concentrés de biodiversité, des nurseries, pouvant accueillir jusqu’à 500 espèces différentes qui s’y reproduisent, s’y alimentent ou s’y abritent des prédateurs !  On les trouve dans les sédiments sableux ou dans les estuaires (étage infralittoral), entièrement submergées ou partiellement flottantes.

Les herbiers de zostères tiennent de nombreux rôles écologiques : 

  • Ils participent à la clarification de l’eau en fixant les sédiments en suspension
  • Ils stabilisent les fonds et protègent contre l’érosion du littoral en fixant le sédiment par les racines et en atténuant la houle et le courant par les feuilles ;
  • Ils constituent des réservoirs naturels de carbone, se développant à des profondeurs où ils disposent de suffisamment lumière pour réaliser la photosynthèse. L’enfouissement rapide de la matière organique et l’absence d’oxygène dans les sédiments permettent au carbone d’être séquestré rapidement, pour des milliers d’années. Puits de carbone très efficaces, ces herbiers peuvent stocker jusqu’à 18 % du carbone océanique mondial.
  • À marée basse ils sont une zone d’alimentation privilégiée pour de nombreux oiseaux (la Bernache cravant consomme feuilles et rhizomes, le Canard siffleur, quant à lui, ne consomme que les feuilles).

Ces herbiers sous-marins font face à de nombreuses menaces : les ruissellements urbain, industriel et agricole, sources de nombreuses pollutions, l’aménagement du littoral, le dragage, les activités de pêche et de navigation ainsi que le changement climatique. Ils sont en déclin au niveau mondial depuis les années 1930. Selon des données récentes, 21 % des espèces d’herbiers marins sont classées dans les catégories quasi menacées, vulnérables et en danger de la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature.

En mai 2022 et face à l’urgence de préserver ces habitats fragiles, l’Assemblée Générale des Nations Unies a décidé de proclamer le 1er mars « Journée mondiale des herbiers marins ». Cette résolution souligne l’urgente nécessité de susciter une prise de conscience à tous les niveaux, et de promouvoir et de faciliter les initiatives en faveur de la conservation des herbiers marins, afin de contribuer à leur santé et à leur développement, en gardant à l’esprit que l’amélioration des services et fonctions écosystémiques est importante pour la réalisation des objectifs de développement durable.

Le littoral du futur Parc naturel régional Vallée de la Rance Côte d’Emeraude a la chance d’abriter bon nombre d’herbiers de zostères (cartographie disponible ici), de surfaces différentes mais tous soumis à des pressions comme le piétinement, la pratique de la plaisance et des sports nautiques ou encore le ratissage par la pêche à pied de loisir.  Ces habitats sont protégés au niveau européen ainsi qu’au niveau national. Le ratissage des herbiers pour la pêche à pied des coquillages fouisseurs (palourdes, coques, amandes, couteaux…) est strictement interdit.

Documentation

  1. Les herbiers marins : des prairies sous-marines au rôle écologique considérable. OFB 👍
  2. Les zostères. Wikipedia
  3. Journée mondiale des herbiers marins. ONU

Les dures à cuire

La patelle (Patella vulgata) est un mollusque gastéropode fort répandu sur l’estran. On la connaît sous diverses appellations vernaculaires : patelle, arapède, birinic, brénique, bernique, bernicle, jambe, chapeau chinois et même… bernache… (les ornithologues en tressaillent d’horreur).

Lorsque les enfants voient des patelles pour la première fois sur les rochers de l’estran, après avoir vainement tenté de les décrocher, frustrés, ils posent toujours cette question vengeresse  : « ça se mange ? »

Oui, les patelles peuvent être cuisinées; en Bretagne, elles sont consommées depuis des lustres. C’était plutôt le plat du pauvre. Il faut un solide couteau pour les arracher à leur rocher et leur chair est plutôt coriace. Elles peuvent être consommées crues ou cuites ; hachées, par exemple dans une sauce bolognaise, ou poêlées dans du beurre aillé ou persillé ; certains les dégustent même sous forme de pâté de patelles. Vous avez les recettes, n’hésitez pas à publier, en commentaire, vos impressions de dégustation !

Mais les patelles ont un talent caché, on peut même parler d’un superpouvoir.

Elles raclent la surface des rochers avec leur radula, sorte de langue recouverte de dents microscopiques, leur permettant de se nourrir des algues qui recouvrent ces derniers. Ces dents offrent une spectaculaire résistance à la traction car elles contiennent un composite dur et étonnamment flexible optimisant leur fonctionnement. Ces dents de patelle ont une résistance à la traction de 3 à 6,5 gigaPascals (GPa) quand l’acier n’offre une résistance à la traction que d’environ 1,65 GPa, et la soie d’araignée, si réputée, de 2,9 GPa « seulement ».

Le secret de cette résistance exceptionnelle réside dans une structure unique faite de nanostructures composites constituées d’une matrice protéique (chitine) renforcée de fins cristaux d’un minéral ferreux appelé goethite. Des chercheurs ont réussi à recréer en laboratoire un nouveau biomatériau composite similaire à celui des dents de patelle qui pourrait avoir des applications industrielles. Encore un exemple de biomimétisme.

DOCUMENTATION

Criblé de trous et les yeux bleus


Ballade sur l’estran par un un frisquet matin d’autome. Pas un souffle de vent. Le soleil encore timide semble nous promettre un peu de chaleur, mais pour plus tard dans la journée. Quelques Grèbes et quelques Harles tous huppés, quelques cormorans (grands ou huppés ?) et des goélands déjeunent devant nous, sur une mer lisse comme un miroir. Une Aigrette garzette les rejoindra bientôt.

Les naturalistes, quant à eux, s’activent, à genou dans la vase; ils retournent les rochers, admirant les algues et les animaux qui s’offrent à leur yeux, animés du secret espoir de découvrir l’espèce rare. Ici un syngnathe, là une jolie civelle, un blennie, un gobie, une étoile de mer ou une crevette, sans oublier les limaces et les galathées. 

Mais c’est la découverte d’ormeaux (Haliotis tuberculata), sous les rochers retournés, qui sera pour moi l’instant du jour. 

Ces coquillages sont très prisés des gastronomes et des guitaristes (ils sont délicieux et leur nacre est très recherchée pour les rosaces des guitares). 

En langage vernaculaire, on les nomme Oreille de mer, Cormier ou Oreille de Saint-Pierre, en raison de la forme de leur coquille qui rappelle celle de la conque d’une oreille. On les nomme aussi Truffe de mer. Dans la Manche, ils sont appelés gofiche ou goufique.

Leur coquille a donc une forme d’oreille. La face interne de cette coquille est superbement tapissée d’une nacre bleue irisée du plus bel effet.… Mais cette coquille, superbe, présente d’intrigantes perforations…  Et le mollusque qui l’habite a les yeux bleus.  Qui l’eût cru ? 

© Pascale Verrier

La question que  les béotiens se posèrent sur l’estran vient immédiatement à l’esprit du lecteur perplexe: à quoi diantre, servent donc ces trous dans la coquille des ormeaux nacrés aux yeux bleus ? 

Le sommet de la coquille est perforé d’une série d’orifices, parallèles au bord gauche, dont un certain nombre seulement reste ouvert. Ces orifices permettent la sortie du courant d’eau qui a circulé dans la cavité palléale, cavité dans laquelle se déversent l’urine et les gamètes du coquillage et où se trouvent les branchies. La circulation de l’eau permet le renouvellement de l’oxygène pour la respiration et l’évacuation des déchets et des gamètes. L’eau est mise en mouvement dans la cavité par des cellules ciliaires. De nouveaux orifices s’ouvrent au fur et à mesure de la croissance de la coquille, les anciens se bouchant pour former une rangée d’excroissances.

Étonnant, Non ?

DOCUMENTATION

  1. Haliotis tuberculata. Wikipédia
  2. Haliotis tuberculata. Doris
  3. Monographie et étude de la dynamique de population d’Haliotis tuberculata au Sénégal.- Thèse de Marc Lepetit. 2009

Rétine et pupilles dans l’océan


Si d’aventure, l’envie vous prenait de faire pétiller vos pupilles et clignoter les neurones de votre cortex visuel sans quitter le confort douillet de votre canapé, VISITEZ CETTE PAGE qui vous affichera des images extraordinaires, voire inouïes et stupéfiantes pour certaines d’entre elles ! Contemplez sans réserve les œuvres photographiques sélectionnées au concours des « Photographes de l’océan de l’année 2023 ». 

Les gagnants et les finalistes du concours de cette année célèbrent la « planète bleue », mais ils attirent également l’attention sur les nombreux défis environnementaux auxquels sont confrontés les écosystèmes marins (réchauffement climatique, industries, tourisme). Les images seront exposées jusqu’en mai 2024 à l’Australian National Maritime Museum.

Mes trois photographies préférées sont les suivantes :  

Fou à pieds bleus revenant de pêche, de Henley Spiers, qui explique : Au début de l’automne, de vastes bancs de sardines entourent les rochers de Los Islotes. Cette abondance attire les oiseaux marins prédateurs. Alors que nous plongions au milieu des bancs, le calme était parfois rompu par les bruits des pélicans, des cormorans et des fous qui s’élançaient sous l’eau à la recherche d’un repas. La plupart du temps, l’action était si rapide qu’au moment où vous vous retourniez pour la voir, l’oiseau est déjà remonté à la surface. J’ai finalement réussi à prendre la photo insaisissable d’un fou à pieds bleus remontant avec une sardine dans son bec. Los Islotes, Baja California Sur, Mexique.
La photographie du regard désespéré d’un poisson venant de se faire avaler par un autre poisson, lui-même terrifié par l’apparition du photographe plongeur, Jack Belles : La bouche ouverte d’un poisson-lézard révèle son dernier repas. Ce comportement est inhabituel, car les poissons-lézards sont des prédateurs embusqués qui s’éloignent vivement si un plongeur s’approche trop près. Celui-ci gardait la bouche ouverte comme s’il essayait de permettre au poisson qu’il venait d’ingérer de s’échapper. Dauin, Negros Oriental, Philippines.
Manchot papou (Pygoscelis papua) chargeant le bateau pneumatique du photographe Craig Perry : Lors de mon premier jour en mer en Antarctique, j’avais mon appareil photo à la main et j’étais prêt à capturer le Manchot papou. Entouré d’une faune variée dans la baie de Paradise, un groupe de ces oiseaux énergiques s’est dirigé vers notre bateau pneumatique. En me baissant au ras de l’eau, sur le bateau, j’ai fait la mise au point de mon objectif en anticipant l’instant idéal. Il n’a pas été facile de figer de face l’espèce de manchots la plus rapide du monde, car ils fonçaient sur moi à plus de 30 km/h.

Ces concours photographiques sont toujours l’occasion de découvrir des photographes de talent et de feuilleter des portfolios enchanteurs ! Après ces visionnages, cependant, on aurait presque honte de ressortir son propre appareil photo !

Les forbans de l’estran


Il se raconte de bien étranges histoires, sur l’estran, les nuits sans lune, tandis que rugit la mer et souffle le vent de noroît. A moins que ce ne soit dans les tavernes du port, après que les marins n’aient que trop goûté aux fruits de la vigne, de l’orge, ou de la canne à sucre. Il semble même que l’histoire que je vais vous narrer soit relatée sur certains sites naturalistes réputés !

Une algue aurait la réputation de voler les huîtres, sans que cela semble émouvoir grand monde. La coupable ? Nom :  Colpomenia.  Prénom : peregrina. Dans le Milieu, Colpomenia peregrina est affublée de pseudonymes évocateurs, comme Oyster Thief ou Voleuse d’huîtres, Bladder Weed, Ballons, j’en passe et des meilleures ! 

L’inspecteur Wikipedia, qui la connaît bien, nous conte ses méfaits.  Colpomenia peregrina est une espèce d’algues brunes de la famille des Scytosiphonaceae, formant des boules creuses qui se remplissent d’air à marée basse et flottent à marée haute. Lorsque l’algue est fixée à une huître, elle peut ainsi l’emporter hors du parc à huîtres. Originaire des côtes pacifiques, elle a été introduite sur les côtes françaises de Bretagne et de Normandie au début du XXe siècle, probablement avec des naissains d’huîtres importés, et elle fait désormais partie de la flore atlantique.

Il semble, néanmoins, que la famille Colpomenia ne soit pas la plus grande ennemie des ostréiculteurs. D’autres voleurs, beaucoup plus redoutables, les obligent à solliciter l’aide de la maréchaussée, voire à imaginer d’habiles stratagèmes pour éviter de se faire dévaliser !

Etonnant, non ?

DOCUMENTATION

  1. Estran 22
  2. INPN

Cale sèche en bois

Une randonnée sur la commune du Minihic-sur-Rance nous mena devant une curiosité historique, fruit de l’alliance de la mer et du génie des hommes qui ne manqua pas de nous intéresser, car elle est, à l’évidence, chargée d’histoire !

Au siècle dernier, tout le littoral de l’anse de la Landriais au Minihic sur Rance était occupé par des chantiers navals, des hangars de construction et des concessions sur le domaine maritime servant à établir les parcs à bois. Les bois destinés à la construction navale doivent en effet, avant d’être mis en œuvre, perdre leur sève pendant plusieurs années dans l’eau de mer. À la Landriais, il ne se construisait pas de grands navires comme les terres-neuvas, mais une quantité de petits bateaux adaptés à la pêche ou au transport dans la Rance maritime : des gabares pour Pleudihen, des carrelets pour la Hisse, des chippes lançonnières pour Saint-Suliac ainsi que des petits canots et plus tard des doris en grand nombre. On y fit aussi des chalands pour le canal et des bisquines pour Cancale.

La cale sèche, en bois, du chantier Lemarchand

Les constructions navales de la Landriais créées en 1850 par Louis Saubost prirent de l’importance à partir de 1880. Cette année là le constructeur abandonne son affaire à son gendre François Lemarchand, capitaine au long cours, homme intelligent et entreprenant qui modernisa l’outillage et les méthodes de travail. La grande pêche à Terre-Neuve crée alors une demande importance en matière de construction et de réparation de navires. Saint-Malo dispose de cales de construction en quantité suffisante mais n’a rien en matière de réparation. Lemarchand sait que l’ampleur de la marée lui permet d’amener presqu’en haut de grève, devant son chantier, un bateau de 4 mètres de tirant d’eau.

Il décide d’y construire une cale sèche qui fera 45 m de long, 10 m de large, 5 m de hauteur, fermée du côté du large par des portes similaires à celles d’une écluse. Commencée en 1905, la cale fut mise en service dès 1910 et fonctionna une trentaine d’année.

À marée haute, les hommes du chantier faisaient entrer le navire qui la mer baissant, venait reposer par sa quille sur la pile de tins, pendant qu’ils l’accoraient sur les parois de la cale. Les portes étaient alors fermées et calfatées et ils pouvaient travailler au sec sur le bateau.

La restauration de l’ouvrage d’art

Créée en 1990, l’Association des Amis de la Baie de la Landriais s’est donnée pour tâche prioritaire de restaurer la cale sèche afin que soit préservé le souvenir d’un ouvrage dont il n’existe plus aucun autre exemplaire sur nos côtes et peut être au monde. Les travaux de restauration ont débuté en 1996 et l’inauguration a eu lieu 12 années plus tard en 2008. Ces travaux ont été réalisés suivant les plans du professeur Jean Le Bot, avec l’aide financière de la fondation Langlois, de la direction Régionale des affaires culturelles (DRAC), du Conseil Général d’Ille et Vilaine, de la fondation du Patrimoine, du Mécénat privé et de tous les membres bénévoles de l’association.

DOCUMENTATION

  1. Les « cales sèches » ou formes de radoub 
  2. Histoire de la construction navale en Bretagne nord
  3. Les gabariers de la Rance.
  4. Les chalands de la Rance

Effroi sur l’estran !

C’était une belle soirée d’automne. Un petit vent de suroît avait à la fois rafraîchi l’atmosphère et offert au soleil une belle toile où peindre de ses ultimes rayons le ciel céruléen et le paysage époustouflant qu’offre au visiteur l’anse Duguesclin, sur la commune de Saint-Coulomb.

Nous avions prévu de marcher sur la plage avant d’offrir aux petits-enfants un délicieux pique-nique vespéral au bord de la mer. 

Nous cheminions, gaiement, sur cette longue et élégante plage. La mer n’était pas tout à fait haute, il restait plus d’une heure avant l’étale. Une belle houle formait de gros rouleaux, écumants et sonores.

Nous ramassâmes quelques jolies coquilles, quelques morceaux de bois flottant, et quelques-uns de ces cailloux qui, tous, par leurs formes et leurs couleurs émerveillent les petits enfants, pour la plus grande joie des adultes, qui, ils s’en souviennent, faisaient de même autrefois.

Nous croisâmes les pas d’une joyeuse bande de Tournepierres à collier (Arenaria interpers), et ceux de deux Mouettes rieuses (Chroicocephalus ridibundus), tous occupés à picorer dans le sable, quand soudain, mon regard fut attiré sur le sable du bas estran, par des gesticulations aussi incongrues qu’inexpliquées. Quel était donc ce petit animal qui se débattait avec tant de vigueur, dans un silence que seul troublait le puissant chant des vagues, quelques mètres plus bas ?

Intrigués, nous nous approchâmes, pour découvrir que l’infortuné n’était autre qu’un Hippocampe à museau court, (Hippocampus hippocampus), échoué sur l’estran qui tentait aussi fébrilement que vainement de retourner à la mer avant l’asphyxie fatale ou la capture par un des oiseaux de la plage.

Nous ne prîmes pas le temps de l’admirer, non plus que de le photographier. Je l’attrapai aisément et descendis ventre à terre le remettre à l’eau ! La mer ne le ramena pas, et nous eûmes toutes les raisons de penser que notre providentiel passage sur son chemin, pour le moins incongru, lui sauva la vie.

Il se passe décidément bien des choses sur l’estran ! 

Les loyers excessifs de l’éponge

Dans un précédent article, nous fîmes, enchantés, la connaissance de Corystes cassivelaunus, le crabe équipé de série d’un schnorchel lui permettant de « respirer » dans le sable où il s’enfouit, et d’Elysia viridis, la limace de mer toute mignonne qui fait de la photosynthèse après avoir intégré dans ses cellules les chloroplastes des algues qu’elle broute.

Voici l’histoire étonnante de l’association, bénéfique pour les deux parties comme dirait l’avocat de permanence, d’une éponge et d’un Bernard-l’ermite. Nous sommes en direct de l’estran ordinaire où d’extraordinaires éléments se déroulent quotidiennement dans une indifférence incompréhensible pour ne pas dire répréhensible tant l’émerveillement devrait être de rigueur !

  1. Suberites pagurorum est une éponge de mer de la famille des Suberitidae. On la nomme volontiers Subérite des pagures sur l’estran, où l’on préfère ne pas abuser du latin.
  2. Le Pagure poilu, (Pagurus cuanensis) est un crustacé de la super-famille des Paguroidea. Il vit, comme tous les Bernard l’ermite, dans des coquilles abandonnées; et tandis qu’il grandit au cours de sa vie, il doit, maintes fois, abandonner sa coquille devenue trop petite pour s’en aller quérir un logement plus spacieux. Grands sont alors les dangers qui guettent ce SCF (Sans Coquille Fixe)!

Les présentations sont faites. Voici le déroulement des événements, sous vos yeux ébahis !

L’éponge se fixe avec soin sur la coquille occupée par le pagure puis elle va se développer, et s’envelopper tout autour de la coquille, comme la couverture autour du campeur transi devant son maigre feu.

Ensuite, elle sécrétera patiemment des substances acides qui dissoudront totalement cette coquille. Une fois l’ouvrage accompli, le Bernard-l’ermite ne vivra plus dans une coquille calcaire, de taille finie, mais bien dans une éponge, qui lui apportera protection et camouflage. Le grand confort !

Désormais, plus besoin de changer de coquille, l’habitacle de l’éponge grandissant avec le pagure. Le rêve de tout locataire ! Par un juste retour des choses, en récompense de son labeur et de sa prolixité, l’éponge se nourrira des déchets du Pagure poilu par filtration, bénéficiant d’un approvisionnement continu en nourriture. Tous les associés y trouvent donc leur compte.

Un petit détail, pour être complet : les Subérites peuvent atteindre la taille, respectable pour un Bernard-l’ermite, de 10 cm ! On peut entendre sur l’estran, à basse mer et par temps calme, les Pagure poilus pester dans leur fort intérieur d’avoir à charrier un tel volume. Le prix du loyer, en quelque sorte, que chaque locataire trouve toujours excessif !

Documentation

1. Le Pagure poilu. INPN
2. Suberites pagurorum. Doris

Dunes, plages, mer et vent


Dans ce passionnant document, gratuit au demeurant, les deux premiers chapitres ne manqueront pas d’intéresser, voire de passionner  les riverains du bord de mer comme les estivants, amenés à fréquenter les plages et les dunes qui les dominent souvent. Car la dune, fruit du travail conjoint de la mer, du vent et de la végétation, est indissociable de la plage qui a permis sa naissance; elle n’est pas un élément isolé mais s’inscrit dans un système sédimentaire vaste et plutôt complexe, qui comprend l’avant-plage (sous-marine), la plage et la dune elle-même. 

C’est à la compréhension de ce système que la première partie ce travail nous invite, dans un langage clair et facile à lire. La 2e partie traite du rapport de l’homme avec les dunes, passant du respect initial à une franche hostilité de l’homme avant que ce dernier, penaud, ne reconnaisse ses erreurs et ne tente de les corriger…

Voici le plan de ce document, qui devrait vous donner envie d’en savoir davantage sur les dunes et les plages !

Les différents types de dunes, leur formation et leur évolution

  • La formation des dunes, le système plage-dune
  • La naissance
  • Les phénomènes naturels en jeu
  • Le fonctionnement du système plage-dune :
  • le bilan sédimentaire
  • Les différents types de dunes littorales
  • Les formes dunaires globales
  • Les différents profils des dunes littorales
  • La dynamique des dunes
  • L’évolution du contact entre la plage et la dune
  • Exhaussement et bossellement sur la dune bordière
  • Le rôle de la végétation
  • Une adaptation remarquable
  • La végétation de haut de plage
  • La végétation de la dune embryonnaire
  • La dune blanche
  • La dune de transition
  • La dune grise
  • De la mer à la forêt : des habitats naturels bien différenciés
  • La dune : un milieu rude
  • Les milieux dunaires secs
  • Les milieux dunaires humides
  • Les dunes françaises
  • Les dunes de la Manche et de la mer du Nord
  • Les dunes atlantiques
  • Les dunes méditerranéennes
  • Les dunes ultramarines

Les dunes et les hommes

  • Du vide au trop-plein !
  • Des zones inhospitalières…
  • … à une ruée vers le littoral
  • Des usages traditionnels et contemporains multiples
  • Les usages agricoles et forestiers
  • Des lieux de passage largement empruntés
  • Les prélèvements de sable
  • L’urbanisation
  • Les ouvrages et les systèmes de défense
  • contre la mer
  • Protéger les dunes : les politiques publiques
  • de protection
  • Préserver une biodiversité remarquable
  • Prendre en compte les risques naturels
  • Les dunes face aux tempêtes
  • Le cas aquitain : protection et vulnérabilité,
  • XIXe et XXe siècles
  • … et l’avenir ?

Les dunes sont souvent propices à la méditation et à l’admiration, calme et paisible, des beautés de la Nature. « Je promenai mon regard sur la mélancolie des dunes. Des rafales de pluie battaient leurs rousseurs, et de lourds nuages ardoisés s’accrochaient aux reliefs du paysage, traînant comme de grises écharpes au flanc de collines fantastiques. » Le chien des Baskerville – Sir Arthur Conan Doyle

Source : Guide de gestion des dunes et des plages associées, sous la direction de Loïc Gouguet, éditions Quae.

Actualités naturalistes

Avant la rentrée, je vous propose, amis naturalistes, de lire quelques informations rafraîchissantes ! 

Un nouveau site internet « la forêt et nous » vient d’être mis en ligne  pour les élèves, leurs enseignants, et le grand public. Au menu,  des quiz, des fiches, des livrets et des vidéos pour mieux comprendre la forêt. Ce site est proposé par Teragir, une association d’éducation au développement durable de référence reconnue d’intérêt général et qui porte La Forêt et nous en partenariat avec de grands acteurs institutionnels pour intensifier l’éducation à la forêt en France, plus particulièrement auprès des jeunes de 3 à 18 ans. C’est ici que commence la visite !


Nouvelle publication, passionnante de  l’Inventaire National du Patrimoine Naturel  sur les  habitats marins benthiques de métropole ! Sous la coordination de PatriNat et avec le soutien du Life Marha, les habitats ont été décrits sur la base des descriptions existantes dans d’autres typologies complétées avec les connaissances disponibles, ou entièrement rédigées, par les experts scientifiques. Chaque fiche permet notamment d’identifier pour chaque unité décrite : les facteurs abiotiques, les caractéristiques stationnelles, la potentielle variabilité spatiale ou temporelle, les espèces caractéristiques, les confusions possibles avec d’autres unités, ainsi que diverses informations sur le statut de conservation, la répartition géographique ou encore les tendances évolutives…

Il y a deux documents : l’un pour la Méditerranée, l’autre pour la Manche, la Mer du Nord et l’Atlantique. Ils devraient intéresser tous les naturistes intéressés par l’estran !

SOURCEhttps://inpn.mnhn.fr/actualites/lire/15064/les-habitats-marins-benthiques-de-metropole-ont-enfin-leurs-papiers-d-identite


Bien qu’ils soient plus agressifs pour défendre leur territoire quelles moineaux des campagnes, les moineaux mâles vivant dans les zones urbaines consacrent davantage de temps à visiter le nid et nourrir leurs petits, ce qui surprend les scientifiques qui pensaient que plus d’agressivité signifierait moins de temps passé avec les poussins.

Les chercheurs pensent qu’en raison d’une pression de prédation moindre en ville par rapport à la campagne, les oiseaux se reproduisent avec plus de succès, et que cela accroit les visites au nid des  du moineaux des villes mâles.  « Contre toute attente, nous avons constaté qu’ils visitaient les nids plus fréquemment et qu’ils étaient de meilleurs parents que les mâles des zones rurales » dit l’auteur de la publication. dans la revue Frontiers in Ecology and Evolution, qui a porté sur six sites du sud-ouest de la Virginie (USA) caractérisés par un accroissement urbain récent, et ce au cours de quatre saisons de reproduction.

SOURCE :  Indirect effects of urbanization: consequences of increased aggression in an urban male songbird for mates and offspring. Front. Ecol. Evol., 22 August 2023 Sec. Urban Ecology  Volume 11 – 2023 | https://doi.org/10.3389/fevo.2023.1234562

Cœurs et cerveaux à gogo !


Le poulpe (Octopus vulgaris) se rencontre parfois sur l’estran, et plus souvent en plongée. C’est un animal étonnant, presque fascinant tant par son extraordinaire anatomie que par ses capacités physiques et cognitives. Le poulpe possède en effet 1 siphon, 3 cœurs, 9 cerveaux, 8 tentacules, son sang est bleu et il est capable de changer de couleurs à volonté ce qui lui confère de stupéfiantes compétences en camouflage. Au lieu d’un squelette rigide, il possède des réseaux compacts de tissus musculaires qui se raidissent et s’assouplissent lorsqu’ils bougent ou se déplacent, et ses 8 tentacules ont un nombre infini de degrés de liberté, sans jamais s’emmêler.

Le poulpe contrôle en effet ses huit tentacules grâce à un système nerveux partiellement décentré. Il possède un cerveau central situé entre ses yeux et contenant environ 180 millions de neurones. Des commandes peuvent être envoyées à chacun des 8 tentacules qui dispose d’un cerveau auxiliaire, plus petit et indépendant. À la réception de ces ordres, chaque tentacule recueille ses propres données sensorielles et de position, son cerveau périphérique les traite, puis émet ses propres ordres de déplacement en raidissant ou en relâchant différentes parties du membre, le tout sans consulter le cerveau central à l’étage. Tout en se déplaçant, le tentacule continue à collecter et à traiter les informations sensorielles, et toute information pertinente, comme l’emplacement de la nourriture, est renvoyée au cerveau central pour que celui-ci prenne des décisions plus importantes. 40 millions de neurones sont affectés à chaque tentacule.

Le sang du poulpe est de couleur bleue. L’oxygène, extrait de l’eau par les branchies, est transporté par l’hémocyanine, découverte en 1878 par le savant belge Léon Fredericq lors de son étude détaillée des poulpes. Chez l’homme, la métalloprotéine qui transporte l’oxygène (hémoglobine) est à base de fer, de couleur rouge, et on la trouve dans les globules rouges. Chez le poulpe, la métalloprotéine transportant l’oxygène est l’hémocyanine, à base de cuivre, de couleur bleue, et extracellulaire, dissoute dans l’hémolymphe. L’affinité de l’hémocyanine pour l’oxygène est supérieure à celle de l’hémoglobine, mais son efficacité globale comme transporteur d’oxygène est, dans la plupart des cas, plus faible que celle de l’hémoglobine. Elle est cependant supérieure dans les environnements froids. On relève ainsi, parmi les organismes qui utilisent l’hémocyanine comme transporteur d’oxygène, des crustacés vivant dans des eaux froides à faible pression partielle d’oxygène.

Le poulpe dispose d’un système circulatoire dans lequel le sang circule sous l’action d’un cœur principal ou « systémique » relayé par deux petits cœurs branchiaux qui pompent le sang oxygéné par les branchies. La fréquence cardiaque des poulpes est en moyenne de 40 à 50 battements par minute ; elle varie peu, même à l’effort. 

Le siphon du poulpe, ou hyponome, se situe entre la tête et le reste du corps. Ce tube musculaire serait le fruit de l’évolution du pied d’un ancêtre mollusque. Il participe à la locomotion en permettant les mouvements de pénétration et d’éjection rapide de l’eau (contrôlés par les contractions du manteau). Ces animaux peuvent diriger leurs siphons dans différentes directions pour modifier leur trajectoire. Le siphon des poulpes fonctionne sur le même principe que le moteur à réaction d’un hydrojet ou d’un avion.

Comme tous les céphalopodes, le poulpe est capable de changer de couleur pour se fondre dans son environnement par homochromie, il peut ainsi se jeter sur une proie par surprise ou se cacher de la vue de ses prédateurs. Voir le film ici

DOCUMENTATION

Ces vers marins aident la médecine !

L’estran (ou zone de balancement des marées) est écosystème peu démonstratif à marée basse; il est pourtant peuplé d’organismes dont la résistance aux éléments hostiles force le respect. C’est la portion du littoral qui est alternativement inondée et exondée au rythme des marées. Pour vivre sur l’estran, il faut être capable de résister aux variations extrêmes d’humidité, de salinité, de température et de cinétique (vents et courants). 

Pour les touristes en goguette sur les bords de mer, la prise de conscience de la vie sur l’estran est souvent le fait des vers arénicoles, qui absorbent les débris organiques du sable, les digèrent et rejettent ce qu’ils ne consomment pas sous forme de petits tortillons. Ce sont donc eux qui déposent ces petites « crottes de sable » sur la plage, au grand étonnement des enfants !

Laissons Wikipédia nous présenter Arenicola marina : souvent appelé « ver de vase » ou « ver noir » c’est un ver annélide dont le corps est constitué d’une série d’anneaux successifs, appelés segments ou métamères. Le ver appartient à la classe des annélides polychètes (de poly = plusieurs et chètes = soies) : les métamères de la partie la plus renflée sont munis de pieds ou parapodes garnis de soies plus ou moins rigides, mobiles, qui permettent à l’animal de prendre appui sur le support pour s’immobiliser ou se déplacer. À l’âge adulte, sa longueur moyenne est d’une quinzaine de centimètres, avec un maximum d’une trentaine de centimètres. 

 J’ai découvert, en lisant  un délicieux opuscule, intitulé « Océanographie, comprendre l’océan en 50 planches illustrées » , que ce ver  a développé d’étonnantes capacités métaboliques pour survivre dans le sable, hors de l’eau entre deux marées : à marée haute, il stocke l’oxygène prélevé dans l’eau de mer pour utiliser cette réserve à marée basse. Comme un plongeur sous-marin, mais sans bouteilles, et avec l’oxygène et pas de l’air. Quelle est donc le prodige qui lui confère ce superpouvoir ?  

L’hémoglobine des vers arénicoles, également appelée érythrocruorine :

  • fait 50 fois la taille de l’hémoglobine humaine
  • est 40 fois plus efficace que l’hémoglobine humaine pour le transport de l’oxygène. . 

Contrairement à l’hémoglobine humaine (dans les GR), l’érythrocruorine est extracellulaire, elle est dissoute dans le plasma circulant dans le réseau vasculaire des vers; non glycosylée, elle s’affranchit des groupes sanguins. Son affinité pour l’O2 est plus élevée que l’hémoglobine humaine autorisant une adaptation accrue à l’hypoxie: plus de 6 heures entre marée haute et marée basse.

Ce superpouvoir ne pouvait qu’intéresser les chercheurs ! 

La société Hemarina, fondée en 2007 par le Dr Franck ZAL (expert en hémoglobine des invertébrés marins, CNRS), a développé un processus industriel pour extraire l’érythrocruorine d’Arenicola marina dans 2 fermes élevages d’aquaculture (à Noirmoutiers et aux Pays-bas). La société a développé une gamme de produits thérapeutiques, encore en phase expérimentale, notamment :

  1. Un additif aux solutions de préservation d’organes: Hemo2life permet de mieux oxygéner le greffon et ainsi de réduire les risques de rejet de greffe : voir ici
  2. Un transporteur universel d’oxygène (bientôt une alternative aux transfusions ?) : voir ici
  3. Des pansements oxygénants, pour améliorer la cicatrisation. Voir ici
  4. Un traitement des parodontites : voir ici

Auriez-vous pensé que les vers qui passent leur temps, à la basse mer à faire des tortillons sur la plage pourraient contribuer à améliorer les greffes d’organes, guérir les plaies, ou sauver des blessés graves ?

Mise à jour : le 16 décembre 2023, la presse grand public annonce qu’un grand brûlé a été soigné, au CHU de Nantes, par des pansements intégrant de l’érythorcuorine d’Arénicole marina, avec succès !

Documentation

  1. Visite guidée sur l’estran
  2. Océanographie, comprendre l’océan en 50 planches illustrées. J. Lambot. Hachette
  3. Arenicola marina. Wikipédia.
  4. Arenicola marina et hémogigilance
  5. Quand la nature inspire la science

Air et mer


Hier, quittant le polder Bertrand, nous cheminions sur le schorre, en Baie du Mont Saint-Michel, pour aller compter les limicoles à la pleine mer.  Une Caille des blés, habilement cachée, roucoulait joyeusement, le soleil du matin  illuminait la baie et le Mont Saint-Michel d’une chaude lumière, un Busard des roseaux nous survola, quelques lièvres firent une rapide apparition. Tout n’était que calme et beauté ! 

Et, tandis que nous admirions « La Grande Bosse », long banc de sable évoquant une baleine blanche immobile et à demi submergée, la discussion roula sur les marées en baie du Mont. Je savais que le marnage est conséquent dans cette région : Avec 15 m de marnage, la baie du Mont-Saint-Michel compte parmi les grands sites au monde où les marées ont des amplitudes exceptionnelles. Elle vient au 5e rang après la baie de Fundy au Canada (18,5 m), Puerto Gallegos en Argentine (16,8 m), l’estuaire de la Severn en Angleterre (16,5 m) et la baie de Frobischer au Canada (16,3 m) (LE RHUN, 1982).

Je connaissais la règle des douzièmes, qui régit les débits du flot et du jusant en fonction du temps. Mais ce que j’ignorais, et qui me fut appris, est que la hauteur d’eau d’une marée, à un endroit donné, ne dépend pas seulement de son coefficient mais également de la pression atmosphérique, et que selon que l’on est en zone de hautes pressions ou de basses pressions, la marée peut être plus forte ou moins forte de plusieurs dizaines de centimètres ! Explications.

Dans les zones de hautes pressions (anticyclone), la mer subit une décote (baisse du niveau moyen) : la pression écrase l’eau en quelque sorte. A l’inverse, dans les zones de basses pressions (dépression), la mer subit une surcote (hausse du niveau moyen) : la mer est aspirée et monte. Le niveau moyen de la mer (niveau 0) correspond à une pression de 1013,25 HPa (pression de référence). Il faut ajouter 1 cm ou enlever 1 cm de hauteur d’eau par HPa de différence avec la pression de référence. Par exemple, si la pression atmosphérique est de 1023 hPa (conditions anticycloniques), il faut enlever 10 cm à la hauteur d’eau mesurée (ou observée). A l’inverse, si la pression atmosphérique est de 983 hPa (dépression), il faut rajouter 30 cm à la hauteur d’eau mesurée (ou observée) !

Pour en savoir plus voir ici

De l’estran à la géopolitique


Nous avons rencontré, sur l’estran de la plage Saint-Père de Saint-Malo, un petit coquillage blanc, très élégant sous la loupe, nommé Barnea candida, ou Pholade blanche, qui, avec la grande Pholade rugueuse (Zirfaea crispata), fait le délice des gourmets qui ont la chance d’y goûter. Mais ces coquillages n’ont pas que des vertus gastronomiques. Ils menaçaient, autrefois, l’intégrité des ouvrages en bois immergés.  

L’occasion de ranger son livre de recettes et de… creuser un peu le sujet, pour lier, non sans une certaine hardiesse, la biologie et l’histoire !

Les navires traditionnels en bois étaient confrontés à de nombreux défis, notamment à l’attaque d’animaux marins qui menaçaient leurs coques.  Ainsi, lorsque Christophe Colomb arriva en Amérique en 1492, il se dit que les coques de ses trois caravelles furent endommagées par les tarets.

Trois familles de xylophages semblent impliquées dans cette affaire d’altération des bois de marine. La première étant la plus redoutable au regard de l’Histoire. 

  1. Les Terinidae ou tarets, sont une famille de mollusques bivalves (lamellibranches) à corps très allongé, vermiforme, qui s’attaquent aux bois immergés dans l’eau de mer ou l’eau saumâtre. Quelques espèces de tarets vivent également en eau douce. Leur apparence très particulière fait que leur appartenance aux mollusques n’est pas évidente, et les marins les désignent généralement sous le nom de « vers », appellation que l’on retrouve en anglais (shipworm) et en allemand (schiffsbohrwurm). 
  2. Les pholadidae , ou pholades, improprement appelés vers perce-bois, sont également des mollusques bivalves marins dits térébrants. Ils utilisent leur coquille asymétrique pour s’enfoncer dans le sédiment, forer du bois immergé, ou creuser des loges dans des pierres calcaires, parfois assez dures. Ils sont à l’origine de cet article de blog. Qu’ils en soient remerciés !
  3. Les Limnoriidae ou limnories sont des isopodes marins qui creusent des galeries dans le bois, affaiblissant sa structure et compromettant la solidité des coques en bois.

Ces animaux — principalement les tarets — menaçaient la sécurité des équipages des bâtiments en bois. Ils menaçaient également les installations portuaires immergées en bois, ou, les digues des polders qui incluaient des structures en bois. On apprit à protéger le bois immergé par l’application de goudron, ou par l’installation de plaques en cuivre.
« Comment un minuscule ver amoureux du bois a changé le cours de l’histoire mondiale » (rappelons que le taret n’est pas un ver mais un mollusque bivalve) est un article qui nous explique comment les tarets ont menacé la sécurité des Pays-Bas, révolutionné la construction navale et  bouleversé des équilibres géopolitiques. Décidément, parcourir l’estran nous en apprend de bien belles !

Eau courante et algues à tous les étages

© M. Arnould

Quel monde fascinant que celui de l’estran ! Alternativement subermergé et émergé, les conditions de vie des habitants qu’il héberge ne sont sont guère confortables, qui fluctuent gravement au gré des marées et de la météo. Lorsque le visiteur parvient à l’étage supra-littoral de l’estran, l’une des premières choses qu’il y remarque sont les lichens et les algues qui peignent le sable et les rochers.

Wikipédia nous explique ce que sont les algues :  des organismes vivants capables de produire de la photosynthèse oxygénique et dont le cycle de vie se déroule généralement en milieu aquatique. Elles constituent une part très importante de la biodiversité et la base principale des chaînes alimentaires des eaux douces, saumâtres et marines.  Les algues ne constituent pas un groupe évolutif unique, mais rassemblent toute une série d’organismes pouvant appartenir à des groupes phylogénétiques très différents. De fait, les algues ont souvent été définies par défaut, par simple opposition aux végétaux terrestres ou aquatiques pluricellulaires.

Malgré les incertitudes quant aux organismes qui devraient être considérés comme des algues, un inventaire établi en 2012, d’après la base de données AlgaeBase (qui inclut 15 phyla et 64 classes mais ne prend pas en compte les quelque 200 000 espèces de diatomées (microalgues siliceuses), recense plus de 170 000 espèces d’algues différentes.

Les algues se répartissent du haut en bas de l’estran en fonction :

  • De leur équipement pigmentaire.
  • De leur capacité à résister à la déshydratation le temps d’une basse mer. 
  • De leur exposition aux vagues, en mode plus ou moins battu.
  • De l’amplitude des marées
  • De la configuration de l’estran.
  • De la luminosité liée à l’orientation de l’estran.

Les algues capables de résister à la dessiccation et à l’exposition à l’air se trouveront dans la zone supérieure de l’estran. Les algues qui ont besoin d’un environnement humide se trouvent dans la zone inférieure. Certaines algues préfèrent être immergées dans l’eau en permanence, tandis que d’autres peuvent survivre dans des zones intertidales. Les algues ont une tolérance variable selon les espèces aux facteurs environnementaux tels que la salinité, la température et la qualité de l’eau. Certaines algues peuvent tolérer des conditions environnementales extrêmes et vivre dans des zones où d’autres organismes ne le peuvent pas.

En fin de compte, la répartition des algues le long de l’estran dépend d’une combinaison complexe de ces facteurs et peut varier en fonction des conditions locales de chaque environnement. Le tableau ci-dessous est une bonne synthèse des modalités de répartition des algues sur l’estran.

Source du tableau

Laissez-moi faire les présentations de tous ces habitants. Un clic sur l’hyperlien de chacune de ces algues ou de ces lichens vous donnera accès à une photographie de l’espèce et à l’ensemble des caractéristiques de l’espèce.

  • Verrucaria maura désormais nommée Hydropunctaria maura ou Verrucaire noire, en terme vernaculaire, est un lichen encroûtant de la famille des Verrucariaceae. Il s’agit d’une espèce strictement maritime vivant dans l’étage supralittoral, juste au-dessus de la limite supérieure de l’estran. De couleur noire, ce lichen forme à ce niveau une ceinture caractéristique sur les rivages marins de nombreuses régions du monde. Son aspect rappelle des dépôts dus à une sinistre marée noire. Sur les zones côtières, la zone noire dominée par Hydropunctaria maura souligne le niveau des plus hautes mers et marque le passage au milieu terrestre.
  • Lichina pygmaea est également un lichen
Source

Les algues vertes sont un ensemble d’algues dont les pigments photosynthétiques principaux sont les chlorophylles a et b, elles sont généralement de couleur verte.

Les algues brunes, nommées Phaeophyceae ou Phéophycées, sont une classe d’algues de l’embranchement des Ochrophyta. Ce sont des algues qui utilisent comme pigment collecteur de lumière de la chlorophylle c combinée à un pigment brun, la fucoxanthine. Leur taille varie de l’échelle microscopique à plusieurs dizaines de mètres. 

Les algues rouges (division des Rhodophyta), sont un grand taxon d’algues pour la plupart marines et pour la plupart multicellulaires (la plupart sont sessiles, c’est-à-dire qu’elles se développent fixées sur un substrat quelconque). Elles sont caractérisées par une composition pigmentaire avec un seul type de chlorophylle, la chlorophylle a, des caroténoïdes et des pigments caractéristiques, les phycobiliprotéines. 

BIBLIOGRAPHIE

  • Algues, l’autre forêt. Epsiloon n°20, février 2023. Les scientifiques commencent à peine à saisir l’ampleur de ce monde englouti : prodigieux refuges de biodiversité et pièges à carbone hors normes, les forêts marines n’ont rien à envier aux jungles terrestres. Au point de susciter déjà les mêmes convoitises.
  • Les forêts de macroalgues sont un écosystème majeur sur la planète : Les habitats de macroalgues sont considérés comme les plus étendus et les plus productifs de tous les écosystèmes végétaux côtiers. Contrairement à l’attention croissante portée à leur contribution à l’exportation et à la séquestration du carbone, la compréhension de leur étendue et de leur production à l’échelle mondiale est limitée et est restée mal évaluée pendant des décennies. Nous présentons ici une première évaluation de l’étendue et de la production mondiales des habitats de macroalgues, basée sur des distributions modélisées et observées et sur la production primaire nette (PPN) à travers les types d’habitats.
  • Les algues ont un rôle important dans le stockage du carbone : Les algues brunes convertissent chaque année des gigatonnes de dioxyde de carbone en hydrates de carbone, dont le polysaccharide complexe de la matrice extracellulaire, le fucoidan. En raison de sa persistance dans l’environnement, le fucoïdane est potentiellement une voie de piégeage du carbone marin. Les taux de sécrétion de fucoïdane par les algues brunes restent inconnus en raison de la difficulté d’identifier et de quantifier des polysaccharides complexes dans l’eau de mer. Nous avons adapté les techniques de chromatographie d’échange d’anions, de dosage immuno-enzymatique et de dosage biocatalytique à base d’enzymes pour la détection et la quantification du fucoïdane. Nous avons constaté que l’algue brune Fucus vesiculosus sur la côte de la mer Baltique, au sud-ouest de la Finlande, sécrète 0,3 % de sa biomasse sous forme de fucoïdane par jour. Les concentrations de fucoïdan dissous dans l’eau de mer adjacente aux algues ont atteint jusqu’à 0,48 mg L-1. Le fucoïdane s’est accumulé pendant les incubations de F. vesiculosus, significativement plus à la lumière qu’à l’obscurité. L’estimation maximale par hydrolyse acide a indiqué une sécrétion de fucoïdane à un taux de 28 à 40 mg C kg-1 h-1, représentant 44 à 50 % de tout le carbone organique dissous exsudé. Composée uniquement de carbone, d’oxygène, d’hydrogène et de soufre, la sécrétion de fucoïdane ne consomme pas de nutriments, ce qui permet la séquestration du carbone indépendamment de la croissance des algues. Extrapolées sur une année, les algues séquestrent plus de carbone dans le fucoïdan sécrété que dans leur biomasse. L’utilité globale de la sécrétion de fucoïdane est une voie alternative pour l’élimination du dioxyde de carbone par les algues brunes sans qu’il soit nécessaire de récolter ou d’enfouir la biomasse des algues.
  • Une tentative japonaise d’utiliser ces écosystèmes en crédit carbone : Le concept de « carbone bleu » et le rôle du carbone bleu stocké dans les écosystèmes côtiers peu profonds dans l’atténuation du changement climatique ont attiré l’attention du monde entier. Outre les écosystèmes typiques du carbone bleu, tels que les mangroves, les marais intertidaux et les prairies sous-marines, les lits de macroalgues et la culture de macroalgues sont également de plus en plus reconnus comme des puits potentiels de carbone bleu. Des politiques et des méthodologies efficaces sont importantes pour la conservation et l’expansion des puits de carbone bleu, ainsi que pour la réduction du dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère qui en découle. L’une des méthodes les plus efficaces est le système de crédits compensatoires de carbone. Toutefois, à ce jour, presque tous les systèmes de crédits ont été mis en œuvre pour les mangroves et les marais salants. Aucun n’a été mis en œuvre pour les prairies marines, les lits de macroalgues et la culture de macroalgues, bien que leur potentiel d’absorption de CO2 soit important. Nous examinons ici trois projets de crédits compensatoires de carbone bleu pour les prairies sous-marines, les lits de macroalgues et la culture de macroalgues mis en œuvre au Japon. Nous présentons les projets de crédits compensatoires de carbone bleu (1) de la ville de Yokohama, le premier au monde ; (2) de la ville de Fukuoka, le deuxième projet de ce type au Japon ; et (3) le premier projet de démonstration du gouvernement national japonais. En outre, nous soulignons leurs caractéristiques en les comparant à d’autres projets de compensation de carbone bleu. Enfin, nous discutons de la nécessité d’accélérer les projets de crédits compensatoires de carbone bleu et les initiatives connexes à l’avenir.

Terminons cet article par une poésie de Victor Hugo. Puisse-t-elle adoucir — ainsi l’espère l’auteur —l’aridité apparente de l’exposé (si je puis dire, s’agissant d’un billet sur les algues marines…)

A celle qui est voilée
Victor Hugo

Tu me parles du fond d’un rêve
Comme une âme parle aux vivants.
Comme l’écume de la grève,
Ta robe flotte dans les vents.
Je suis l’algue des flots sans nombre,
Le captif du destin vainqueur ;
Je suis celui que toute l’ombre
Couvre sans éteindre son coeur.
Mon esprit ressemble à cette île,
Et mon sort à cet océan ;
Et je suis l’habitant tranquille
De la foudre et de l’ouragan.
Je suis le proscrit qui se voile,
Qui songe, et chante, loin du bruit,
Avec la chouette et l’étoile,
La sombre chanson de la nuit.
Toi, n’es-tu pas, comme moi-même,
Flambeau dans ce monde âpre et vil,
Ame, c’est-à-dire problème,
Et femme, c’est-à-dire exil ?
Sors du nuage, ombre charmante.
O fantôme, laisse-toi voir !
Sois un phare dans ma tourmente,
Sois un regard dans mon ciel noir !
Cherche-moi parmi les mouettes !
Dresse un rayon sur mon récif,
Et, dans mes profondeurs muettes,
La blancheur de l’ange pensif !
Sois l’aile qui passe et se mêle
Aux grandes vagues en courroux.
Oh, viens ! tu dois être bien belle,
Car ton chant lointain est bien doux ;
Car la nuit engendre l’aurore ;
C’est peut-être une loi des cieux
Que mon noir destin fasse éclore
Ton sourire mystérieux !
Dans ce ténébreux monde où j’erre,
Nous devons nous apercevoir,
Toi, toute faite de lumière,
Moi, tout composé de devoir !
Tu me dis de loin que tu m’aimes,
Et que, la nuit, à l’horizon,
Tu viens voir sur les grèves blêmes
Le spectre blanc de ma maison.
Là, méditant sous le grand dôme,
Près du flot sans trêve agité,
Surprise de trouver l’atome
Ressemblant à l’immensité,
Tu compares, sans me connaître,
L’onde à l’homme, l’ombre au banni,
Ma lampe étoilant ma fenêtre
A l’astre étoilant l’infini !
Parfois, comme au fond d’une tombe,
Je te sens sur mon front fatal,
Bouche de l’Inconnu d’où tombe
Le pur baiser de l’Idéal.
A ton souffle, vers Dieu poussées,
Je sens en moi, douce frayeur,
Frissonner toutes mes pensées,
Feuilles de l’arbre intérieur.
Mais tu ne veux pas qu’on te voie ;
Tu viens et tu fuis tour à tour ;
Tu ne veux pas te nommer joie,
Ayant dit : Je m’appelle amour.
Oh ! fais un pas de plus ! Viens, entre,
Si nul devoir ne le défend ;
Viens voir mon âme dans son antre,
L’esprit lion, le coeur enfant ;
Viens voir le désert où j’habite
Seul sous mon plafond effrayant ;
Sois l’ange chez le cénobite,
Sois la clarté chez le voyant.
Change en perles dans mes décombres
Toutes mes gouttes de sueur !
Viens poser sur mes oeuvres sombres
Ton doigt d’où sort une lueur !
Du bord des sinistres ravines
Du rêve et de la vision,
J’entrevois les choses divines… –
Complète l’apparition !
Viens voir le songeur qui s’enflamme
A mesure qu’il se détruit,
Et, de jour en jour, dans son âme
A plus de mort et moins de nuit !
Viens ! viens dans ma brume hagarde,
Où naît la foi, d’où l’esprit sort,
Où confusément je regarde
Les formes obscures du sort.
Tout s’éclaire aux lueurs funèbres ;
Dieu, pour le penseur attristé,
Ouvre toujours dans les ténèbres
De brusques gouffres de clarté.
Avant d’être sur cette terre,
Je sens que jadis j’ai plané ;
J’étais l’archange solitaire,
Et mon malheur, c’est d’être né.
Sur mon âme, qui fut colombe,
Viens, toi qui des cieux as le sceau.
Quelquefois une plume tombe
Sur le cadavre d’un oiseau.
Oui, mon malheur irréparable,
C’est de pendre aux deux éléments,
C’est d’avoir en moi, misérable,
De la fange et des firmaments !
Hélas ! hélas ! c’est d’être un homme ;
C’est de songer que j’étais beau,
D’ignorer comment je me nomme,
D’être un ciel et d’être un tombeau !
C’est d’être un forçat qui promène
Son vil labeur sous le ciel bleu ;
C’est de porter la hotte humaine
Où j’avais vos ailes, mon Dieu !
C’est de traîner de la matière ;
C’est d’être plein, moi, fils du jour,
De la terre du cimetière,
Même quand je m’écrie : Amour !
Victor Hugo, Les contemplations

L’étoile du shérif ⭐️

L’estran. Un monde d’apparence minérale et pourtant grouillant de vie pour qui veut bien y consacrer un peu de temps et de curiosité. Un monde extrême qui met au défi tous les êtres vivants, animaux, algues, lichens, de survivre à ses conditions fluctuantes et violentes. 

Pourtant, nous avons vu, dans un précédent billet, que les habitants de l’estran sont nombreux, pour ne pas dire innombrables !
24 phylum, des algues aux poissons, en passant par les les tuniciers ou les phoronidiens ! Et combien d’espèces ? Ils sont innumérables pour le béotien, et leurs identités sont fort difficiles à appréhender. Car, si certaines espèces ont eu l’heur de se voir attribuer un nom vernaculaire (coucou le bigorneau, l’étrille, le dormeur, l’huître et la moule, le cormaillot, les patelles et les balanes !) la plupart ne disposent que d’une appellation scientifique, toujours en latin, s’il vous plaît ! C’est très chic, mais évidemment fort difficile à mémoriser. 

Nous avons fait la connaissance, récemment, d’un joli petit échinoderme qui se croyait à l’abri d’un petit rocher que l’un d’entre nous, plus curieux que les autres, retourna. Son nom vernaculaire est étoile de shérif, ou astérie pentagonale. Son nom latin est Asterina gibbosa. C’est une étoile de mer, de petite taille, fort jolie au demeurant. Sa robe peut être verte, violette, rouge, orange, jaune ou brune, unie ou marbrée.  « La nôtre » était verte avec de petits éclats jaunes, fort seyants. Ce que notre guide nous appris sur le mode de déplacement de cet animal ne manquant pas de nous interloquer.

Les étoiles de mer, en effet, se déplacent en rampant sur leurs nombreux pieds ambulacraires, rien de bien stupéfiant, me direz-vous ! Mais votre curiosité ne manquera pas d’être férocement piquée si je vous dis que ces déplacements mobilisent en même temps un système hydraulique et un système chimique associant successivement colle et dissolvant, !

La chimie d’abord !

Les pieds ambulacraires de l’anémone , appelés podia (podion au singulier) sont les organes locomoteurs de l’étoile de mer. Au centre de la face inférieure du disque central se trouve la bouche, où se rejoignent les « sillons ambulacraires » des bras. Chacun de ces sillons radiaux porte entre 2 et 4 rangées de podia. Contrairement à une idée très répandue (et longtemps admise par les scientifiques), les extrémités des podia ne sont pas des ventouses : ils ne sont généralement pourvus d’aucun système de succion, et ne disposent pas d’une cavité à vide. Leur pouvoir adhérant est dû à la sécrétion d’une puissante colle sécrétée par des cellules spécialisées. Lors du détachement, ces cellules sécrètent un dissolvant, qui dissout la structure collante et permet la libération du podion. L’extrémité distale du podion n’est donc en fait un simple élargissement qui sert à augmenter la surface d’adhésion au substrat (elle est d’ailleurs généralement plate et pas concave).  L’adhésion par colle plutôt que par succion constitue un avantage indéniable, car elle permet d’escalader des parois rugueuses, quand les ventouses ne peuvent coller que sur des surfaces parfaitement lisses. La colle particulièrement efficace que sécrètent les échinodermes est étudiée par des ingénieurs, en vue d’en tirer des applications industrielles sur le modèle du biomimétisme.

L’hydraulique ensuite !

Ces podia sont mobilisés, non par des muscles, mais par un système hydraulique : Le corps de l’étoile de mer renferme un système de chambres remplies d’eau de mer, le système aquifère ou ambulacraire, qui communique avec le milieu extérieur par un ou plusieurs pores aquifères. Ces pores sont regroupés sur la plaque aquifère ou « madréporique » qui permet de faire varier la pression hydraulique du système. Par des changements de pression dans ces chambres, ce système permet les mouvements des podia.

Ces sillons ambulacraires sont protégés de part et d’autre par une rangée de plaques armées de piquants. Les podia assurent une lente reptation ou le glissement sur les surfaces dures, le retournement si nécessaire, ou l’enfouissement pour les espèces qui vivent enterrées dans le sédiment. Voici une Vidéo montrant le déplacement d’une étoile de mer.  

Etonnant, non ?

BIBLIOGRAPHIE

  1. Les échinodermes. Université Catholique de Louvain. voir ici 
  2. Les astéries. Wikipédia
  3. Les podia. Wikipédia

L’extraordinaire de l’estran ordinaire

© Michel Arnould


Il se prénommait Prosper. L’important n’était pas qui il était, ni comment il se nommait, mais bien ce qu’il faisait là, sur cette plage battue par le vent, à la basse mer. Les goélands argentés ricanaient en le regardant de haut, avec ses bottes et sa loupe, à l’évidence fort incongrues sur cette grève  ! 

Lorsque Prosper, donc, arriva sur l’estran pour une 3e exploration naturaliste, encadré par les experts et les animateurs de Bretagne Vivante, son oeil curieux  et vigilant ne manqua pas d’être immédiatement attiré, par les habitants pléthoriques des rochers (Balanes et Patelles) et par ceux de la plage, ces vers arénicoles (Arenicola marina) qui font d’étranges petites dépressions et petits tas de sable intriguant les enfants curieux venus bâtir des châteaux. 

Il fut ensuite fort ébaubi par l’enthousiasme des naturalistes qui, au détour d’une flaque, au fond d’une crevasse ou sous un rocher, découvraient un animalcule que nul béotien n’aurait jamais vu tout seul, avant de déclamer avec ferveur le nom scientifique (en latin bien sûr) de leur extraordinaire trouvaille : Colpomenia peregrina, Patella vulgata, Nucella lapillus, Corystes cassivelaunus, Elysia Viridis ! Bienvenue à tous !

L’élève estranologue comprit rapidement qu’il lui faudrait d’abord apprendre à regarder avec soin, à éduquer et entraîner son oeil, avec patience et opiniâtreté, pour découvrir les merveilles de ce microcosme, qui, à l’évidence ne se révèlent pas au premier venu, en tout cas pas au passant pressé.

Il comprit ensuite que l’identification de ces nombreux êtres vivants ne se ferait pas en un jour, ni en un mois ni même en une année. Il comprit aussi qu’il lui faudrait venir et revenir rendre visite, avec patience et assiduité, qu’il faudrait, finalement, aimer ce petit monde pour le bien appréhender ! Longue est la liste des embranchements visibles sur l’estran : la tâche de les connaître tous est incommensurable pour ne pas dire surhumaine !

Prosper accepta humblement et sagement son ignorance (sur ce sujet comme tant d’autres d’ailleurs) et décida, dans un lâcher prise admirable de se contenter d’admirer ces habitants de l’estran, leur éclectisme, leur richesse, et, souvent leur extrême beauté ! Et, le moins que l’on puisse dire est que Dame Nature se montra bien généreuse cette après-midi-là !

Il put admirer deux jolis coquillages, de la famille des mollusques :
1. La Pourpre petite pierre (Nucella lapidus) un carnivore qui se nourrit d’autres mollusques et de crustacés comme les balanes dans les parties moyenne et basse de l’estran; cette espèce, sensible à la pollution, est une espèce-sentinelle, utilisée comme bio indicateur en France par l’Ifremer notamment.
2 La Littorine des rochers (Littorina saxatilis) : joli petit gastéropode citron, herbivore, se régalant d’algues microscopiques à la surface des rochers (comme les diatomées), des fucus spiralés, des pelvéties et de divers détritus d’algues qu’il broute au moyen de sa radula râpeuse.

Chemin faisant, Prosper découvrit qu’il n’était nul besoin de voyager en Polynésie ou dans l’Océan Indien, pour rencontrer des récifs ! Certes les récifs qui se dévoilèrent au gré du jusant, n’avaient rien de coralliens, mais tout de même ! Les Hermelles (Sabellaria alveolata) sont des vers marins, long de quatre centimètres, tubicoles, capables de produire des « pseudorécifs », dont certains, en baie du Mont-Saint-Michel sont remarquables comme en atteste ce document remarquable.

Dans une petite flaque d’eau de mer, illuminée fort à propos par les rayons du soleil, Prosper put admirer une belle anémone de mer (Anemonia viridis), animal de l’embranchement des Cnidaires, classe des Zoantharia et ordre des Actinaria, aux bras vert émeraude en proximal et  violets en discal, fort élégants dans le courant, mais volontiers urticants si on les touche. Il se contenta, sagement, de les observer et prit garde de ne pas les toucher.

Soudain, brisant l’harmonie du bruit des vagues et du vent conjugués, un naturaliste héla véhémentement la petite troupe, manifestement excité par une jolie découverte ! Un Crabe masqué !  (Corystes cassivelaunus) Corystes présente la particularité d’avoir joint ses deux antennes en une espèce de schnorchel lui permettant de « respirer » une fois enseveli sous le sable où il se cache, en marche arrière et avec brio ! Apprendre l’étymologie du nom scientifique de de crustacé instilla un soupçon de de mystère à cette étonnante découverte :  Corystes vient du grec et signifie « armer », quand le nom d’espèce, cassivelaunus, est le nom latinisé par César d’un glorieux chef de Grande-Bretagne. Quand l’histoire rejoint la science naturaliste !

Mais l’émerveillement le plus marquant de cette sortie — le croirez-vous ? — fut cette première rencontre de Prosper avec Elysia viridis : une limace de mer vert émeraude, fort jolie au demeurant, et à la physiologie stupéfiante! Jugez donc : Elysia viridis, limace suceuse de sève, est une espèce de limace de mer verte de petite taille, un mollusque gastéropode opisthobranche marin de la famille des Plakobranchidae. Cette limace de mer ressemble à un nudibranche, mais elle n’est pas étroitement liée à ce clade de gastéropodes. Il s’agit plutôt d’un sacoglosse. Elle vit dans la zone intertidale et jusqu’à une profondeur d’environ 5 m et elle peut atteindre une longueur totale de 30 mm. Son corps est lisse, vert ou brun brillant, avec des taches iridescentes et deux ailes qui s’étendent sur les côtés. Une limace ailée ! Premier étonnement !
Notre ami Proper resta bouche bée quand on lui expliqua que cet animal vit dans une relation « endosymbiotique subcellulaire avec des chloroplastes » fournis par une algue. Cela mérite une petite explication : Elysia mange de l’algue Codium fragile. Les chloroplastes de cette algue sont ensuite intégrés à l’intérieur des cellules de la limace… dans un état fonctionnel… donnant à Elysia, un animal, des capacités de photosynthèse ! (On parle de kleptoplastie). Une limace ailée capable de photosynthèse ! Qui eût cru cela possible ?

Décidément, l’estran ordinaire recèle bien des mystères et des merveilles extraordinaires !

Affaire à suivre, à l’évidence !

Les adjectifs des habitats en zoologie

La langue française est riche et précise quand il s’agit de décrire, en un seul adjectif, différents types d’habitat en zoologie. En voici quelques exemples : 

  • Amnicole : qui vit au bord des cours d’eau.
  • Aquicole : qui vit dans l’eau
  • Arboricole : qui vit dans les arbres
  • Arénicole : qui vit dans le sable
  • Arvicole : qui vit dans les champs
  • Benthique :  qui vit au fond des espaces aquatiques (mers, lacs, océans)
  • Calcicole : qui vit en terrain calcaire
  • Cavernicole : qui vit dans l’obscurité des cavernes et des grottes
  • Cavicole : Qui vit dans les cavités ménagées ou occupées par d’autres animaux : terriers, excavations, grottes, etc
  • Dulçaquicole ou dulcicole  : Qui vit en eau douce.
  • Démersal : qui vit sur le fond des mers et des océans pour y trouver sa nourriture et remonte ponctuellement vers la surface
  • Floricole : qui vit sur les fleurs
  • Fumicole : qui vit dans le fumier
  • Herbicole : qui vit dans les herbes
  • Humicole : qui vit dans l’humus
  • Lignicole : qui vit dans les bois
  • Limicole ou vasicole : Famille de petits échassiers vivant dans des endroits humides (marais, abords des lacs et des plages, etc.)
  • Madicole : Qui vit sur une pierre située juste au niveau de la surface d’une rivière
  • Merdicole : qui vit dans les excréments
  • Monticole : Type de passereau de taille moyenne vivant dans les montagnes
  • Muscicole : qui vit dans les mousses
  • Nidicole : Se dit d’une espèce dont le petit, en naissant, est incapable de se nourrir et de se déplacer seul et de ce fait reste au nid tant qu’il est dépendant
  • Nivicole : qui vit dans les névés ou dans les glaciers
  • Orbicole : Se dit particulièrement d’une plante, éventuellement d’un animal pouvant se développer et s’adapter à n’importe quel milieu à la surface du globe
  • Paludicole : qui vit dans les marais et les étangs
  • Pélagique : qui vit proche de la surface des espaces aquatiques (mers, lacs, océans)
  • Pétricole : qui vit dans les rochers, dans les anfractuosités de roche ou creusant des trous ou galeries pour s’y loger
  • Ripicole : Se dit d’espèces animales ou végétales qui vivent ou qui se développent sur les rives immergées des eaux courantes, des étangs, des lacs
  • Saxicole ou saxatile : Qui vit parmi les roches ou les substrats rocheux
  • Sylvicole : qui vit dans les forêts 
  • Terricole : qui vit ou se développe dans la terre
  • Torrenticole : qui vit dans les torrents (poissons torrenticoles)
  • Tubicole :  qui vit dans un tube qu’il sécrète lui-même
  • Vasicole : voir limicole

Quand la nature inspire la science

À la suite de la présentation, à Bretagne vivante, d’un exposé fort intéressant de quelques exemples de « biomimétisme subaquatique » , j’ai eu envie de reprendre ce qui a été exposé, et de le présenter dans cet article de blogue.


« Quand la nature inspire la science » Mat Fournier. 2016.
« Saviez-vous que le Velcro est le résultat de l’observation d’une plante « accrocheuse », la bardane ? Que la première montre réveil est due au grillon? Que la coquille Saint-Jacques est à l’origine de l’invention de la tôle ondulée? Que les yeux antireflet des mouches ont permis la création de panneaux photovoltaïques ? Que le toit de Waterloo Station, à Londres, a été bâti sur le modèle des écailles du pangolin ? Que la cigogne, la chauve-souris, le canard et même le thon ont inspiré autant de modèles d’avions ? Depuis des centaines d’années, les animaux et les plantes ont soufflé leurs idées simples et naturelles aux ingénieurs, aux architectes et aux scientifiques qui ont su les observer. »

Nous traitons donc, céans, de biomimétisme, un terme que Wikipédia expliquera, bien mieux que je ne saurais le faire : Le biomimétisme désigne un processus d’innovation et une ingénierie. Il s’inspire des formes, matières, propriétés, processus et fonctions du vivant. Il peut concerner des échelles nanométriques et biomoléculaires avec par exemple l’ADN et l’ARN, et jusqu’à des échelles macroscopiques et écosystémiques, incluant donc les services écosystémiques. Il cherche ainsi des solutions soutenables produites par la nature, sélectionnées par de nombreuses espèces, éprouvées par l’évolution au sein de la biosphère sur plus de 3,8 milliards d’années. La biomimétique est un processus créatif interdisciplinaire entre la biologie et la technique, dont le but est de résoudre des problèmes anthropocentriques par l’abstraction, le transfert et l’application de connaissances issues de modèles biologiques. Mettant au point des procédés et des organisations permettant un développement durable des sociétés, le biomimétisme et la biomimétique sont parfois confondus avec la bioinspiration, cette dernière étant un concept plus générique puisqu’elle se définit comme « une approche créative reposant sur l’observation des systèmes biologiques ». Le biomimétisme est un domaine encore émergent de la recherche et des domaines techniques, médicaux, industriels et de la bioéconomie, incluant des sous-domaines tels que la bionique, la bioassistance et l’architecture biomimétique.


4 exemples de biomimétisme nous ont été exposés au cours de cette soirée, dont l’holothurie, la moule, l’éponge de mer et la méduse furent les héros, à leur corps défendant. Rendez-vous compte !

  • Les holothuries pourraient aider à améliorer le quotidien des patients atteints de démence d’alzheimer.
  • Les moules simplifient le travail des chirurgiens
  • Des éponges de mer aident à la conception de gratte-ciel aux dessins audacieux ou à la fabrication de fibres optiques.
  • Des méduses aident les biologistes et les médecins au laboratoire.
  • Les poissons inspirent la fabrication de nouveaux types de moteurs de bateaux !

HOLOTHURIE THERAPEUTIQUE
Source

Les holothuries, comme d’autres échinodermes, ont la capacité de modifier rapidement et de manière réversible la rigidité de leur derme interne. Des chercheurs de la Case Western Reserve University de Cleveland ont reconstitué un tel système. Pour cela, ils ont mélangé des nanofibres de cellulose, issues d’un autre animal marin, le tunicier, à un mélange de copolymères caoutchouteux. Le matériau obtenu est rigide. Lorsqu’on l’« arrose » avec un solvant, il devient souple. Lorsque le solvant s’évapore, le matériau redevient dur.

Les auteurs de ce travail suggèrent qu’un tel matériau pourrait être utilisé dans des applications biomédicales. Par exemple, pour des implants comme des micro-électrodes cérébrales dans le traitement de maladies comme celle d’Alzheimer. Elles seraient rigides au moment de leur implantation, ce qui faciliterait leur manipulation, puis deviendraient flexibles pour mieux se « fondre » dans leur environnement. Mais tout cela n’est encore qu’expérimental.


MOULE COLLANTE
Source

En 2015 l’équipe du Dr Alison Butler (Université de Santa Barbara) a créé une molécule permettant de reproduire les propriétés adhésives de la moule qui sait adhérer à tous les supports en milieu aqueux, quand l’eau agit habituellement sur les colles comme un solvant, rendant ainsi impossible dans la durée l’adhérence aux matériaux. Ceci a révolutionné, en médecine, la problématique de la suture qui ne pouvait se faire qu’avec du fil ou des agrafes.

L’explication tient à la synergie entre deux familles de composés chimiques, la lysine (un acide aminé) et les catéchols. Ils interagissent en se liant l’un à l’autre : la molécule formée acquiert alors des propriétés adhésives étonnantes. Le mécanisme chimique est complexe (source). Depuis 2015, date de la publication dans le magazine scientifique « Sciences » de la découverte de cette molécule, d’autres chercheurs se sont intéressés à cette propriété adhésive en milieu humide, notamment une équipe d’ingénieurs biomédicaux qui a créé une bio-colle permettant de fermer les plaies opératoires en 60 secondes, sans agrafes ni fils, sur le cœur, le poumon ou les artères.


ÉPONGES DE MER AUDACIEUSES

Des scientifiques ont découvert que les éponges marines possèdent des propriétés structurales de rigidité mécanique et de stabilité, en dépit de leur composition intrinsèquement fragile. Un chercheur de Lucent Technologies Bell Labs indique qu’une éponge tropicale des profondeurs océaniques pourrait en apprendre beaucoup aux ingénieurs et aux architectes sur la construction de structures solides à partir de matériaux extrêmement fragiles. Découverte et présentation d’Euplecella aspergillum qui pourrait permettre de construire des gratte-ciel

L’éponge Monorhaphis chuni, découverte à la fin du XIXe siècle à plus de 1 500 mètres de profondeur sur les fonds marins de l’Est de l’Afrique, fabrique un spicule de quelques millimètres de diamètre pouvant atteindre 3 mètres de longueur grâce à laquelle elle peut s’ancrer sur les fonds sableux. Cette fibre est constituée de couches de silice concentriques qui se déposent autour d’une trame protéique extrêmement fine. Cette structure possède de remarquables propriétés mécaniques assurant à la fois résistance et flexibilité hors du commun ainsi qu’une transparence bien supérieure à nos meilleures fibres optiques utilisées dans les télécommunications. Une autre caractéristique de cette espèce d’éponge : elle peut vivre jusqu’à plus de 11000 ans ! cette longévité exceptionnelle conférerait à ces éponges le statut « d’archives paléoclimatiques » selon certains chercheurs. Nous avons beaucoup à apprendre d’autres éponges qui, avec un minimum de matière et à une température généralement comprise entre 0 à 30 °C fabriquent un verre doté d’une résistance mécanique très élevée tout en gardant une exceptionnelle flexibilité. source


MÉDUSES BRILLANTES
Source
De nombreux organismes vivants sont bioluminescents, c’est-à-dire capables d’émettre de la lumière (bactéries, champignons, vers, crustacés marins, champignons, plancton, poissons, calmars, méduses, …). la lumière émise repose sur la présence, dans les organismes bioluminescents, de deux molécules solubles dans l’eau : 1. une enzyme, la luciférase, et 2. son substrat, la luciférine. En présence d’oxygène, la complexe luciférine + luciférase émet de la lumière.

Les recherches sur la bioluminescence de la méduse ont conduit а l’identification de deux protéines d’intérêt majeur au plan scientifique. La première, l’aéquorine, est une luciférase qui tire son nom de la méduse dont on l’a extraite, Aequorea victoria. L’aéquorine se lie à « sa » luciférine (appelée dans ce cas la coelanthérazine) en présence d’oxygène mais aucune lumière n’est émise sauf en présence d’ions calcium. D’autres enzymes fonctionnant comme l’aéquorine ont été découvertes et constituent la famille des photoprotéines. Les biologistes cellulaires les utilisent pour étudier les activités cellulaires liées au calcium. Contrairement а ce qui se passe dans un tube а essai oщ l’aéquorine activée émet une lumière bleue, in vivo, dans la méduse, la lumière émise est verte. C’est le chimiste et biologiste japonais Osamu Shimomura (1928-) qui en découvrit la cause en 1969. En fait, cette méduse contient une autre protéine que Simomura isola et nomma  GFP pour « green fluorescent protein ». Elle absorbe par transfert d’énergie  l’énergie émise par l’aéquorine et émet alors en vert. Ses découvertes ont révolutionné la biologie et ont valu а Shimomura, Martin Chalfie et Roger Tsien le prix Nobel de chimie en 2008 pour leurs travaux sur la GFP et leurs très nombreuses applications. La GFP estutilisée pour visualiser а l’aide d’un microscope à fluorescence de nombreux phénomènes biologiques dans l’organisme de manière non invasive et en temps réel. Les applications en biologie et en médecine sont très nombreuses !  


POISSONS A MOTEUR
Source

Les ingénieurs de la société FinX se sont inspirés des mouvements des nageoires des poissons pour inventer un nouveau type de moteur de bateau sans hélice, propre, silencieux et surtout performant. Les premiers essais en laboratoire indiquent une économie d’énergie de 30% par rapport aux autres solutions du marché. 

Comme disait Pierre Desproges : « Etonnant, non ? »

Etonnements naturalistes

Bizarre ? Vous avez dit bizarre ? La nature dans son incommensurable diversité, réserve bien des surprises et suscite bien des étonnements. Je vous propose de découvrir ou redécouvrir quelques faits étonnants.

L’ACCOUCHEMENT DES HIPPOCAMPES MÂLES
Les Hippocampes (Hippocampus) sont un genre de poissons à nageoires rayonnées de la famille des Syngnathidae. Une cinquantaine d’espèces se répartissent dans les eaux tempérées et tropicales partout dans le monde. Leur reproduction est tout à fait étonnante. C’est en effet un des rares poissons à s’accoupler. Après la parade nuptiale, la femelle dépose ses ovocytes au fond de la poche ventrale du mâle grâce à un appendice abdominal appelé ovipositeur. La fécondation a lieu au sein du système génital masculin et l’incubation, de 3 à 4 semaines environ, se déroule donc dans le corps du mâle. Le mâle hippocampe donne naissance à plusieurs centaines de petits hippocampes, qui  s’accrochent aux algues en groupes grâce à leur queue préhensile. Bien peu survivront, environ 1‰. Vidéo


LA REPRODUCTION PROTOGYNIQUE DE CERTAINES GIRELLES
L’article de Wikipédia, explique le sujet à la perfection  : La girelle est le nom vernaculaire donné à certains poissons osseux de petite taille de la famille des Labridae. Ils sont inclus dans le groupe des Acanthoptères. De forme élégante, aux couleurs vives et brillantes, ils sont abondants dans les mers chaudes, communs en Méditerranée et entrent notamment dans la préparation de la bouillabaisse. Comme le mérou, la girelle peut changer de sexe, une fois au cours de sa vie, de femelle à mâle. On parle alors d’un mode de reproduction protogynique, ou d’hermaphrodisme séquentiel. Ce changement de sexe se fait lorsqu’il n’y a plus de mâle dominant. Pendant la phase de mutation, qui peut durer plusieurs semaines, la girelle semble très affaiblie, elle perd de sa vivacité, se montre peu et peut même rester enfouie plusieurs jours. Elle se nourrit moins, voire pas du tout, et sa peau perd de son éclat. Vidéo


LA POLLINISATION SOUS-MARINE PAR L’IDOTEE
Un petit crustacé bouleverse l’histoire de la pollinisation. Une équipe française, de la station biologique de Roscoff vient de montrer que l’idotée assure la fertilisation des gracilaires, des algues rouges apparues des centaines de millions d’années avant les plantes à fleurs.  En se déplaçant parmi les algues pour se nourrir, les idotées disséminent les cellules reproductrices mâles d’une algue à l’autre. Ces résultats suggèrent que les interactions de pollinisation animaux/végétaux seraient bien plus anciennes que nous le pensions. Cet article du CNRS nous explique tout ! Il y a même une vidéo sur le sujet 


LES ODONATES : PREDATEURS SUBAQUATIQUES D’ABORD, AÉRIENS ENSUITE.
Les odonates (Odonata) sont un ordre d’insectes à corps allongé, dotés de deux paires d’ailes membraneuses généralement transparentes, et dont les yeux composés et généralement volumineux leur permettent de chasser efficacement leurs proies. Ils sont aquatiques à l’état larvaire (parfois plusieurs années), et terrestres à l’état adulte (quelques semaines). Ce sont de redoutables prédateurs, d’abord subaquatiques puis aériens. On peut rencontrer occasionnellement dans tout type de milieu naturel, mais ils se retrouvent plus fréquemment aux abords des zones d’eau douce à saumâtre, stagnante à courante, dont ils ont besoin pour se reproduire. On les connait sous le nom de libellules ou de demoiselles. Vidéo


ILS BRILLENT LA NUIT
L’article de Wikipédia explique parfaitement ce qu’est la bioluminescence. La bioluminescence est la production et l’émission de lumière par un organisme vivant via une réaction chimique au cours de laquelle l’énergie chimique est convertie en énergie lumineuse. Le phénomène de la bioluminescence est un cas particulier de chimioluminescence. Il s’accomplit au cours d’une réaction chimique d’oxydation. Chaque être vivant produit de la lumière de manière différente, mais ils suivent tous une trame commune : l’oxydation de composés organiques induit une émission de photons. Vidéo
Les animaux capables de bioluminescence le font avec 5 objectifs possibles : camouflage, attraction, répulsion, communication, éclairage. On connaît notamment les « vers » luisants et les lucioles, La luminescence n’est pas la seule affaire des « vies » luisants ou des lucioles, elle est aussi observée chez 90 % des espèces peuplant les profondeurs abyssales, sur certains organismes vivant dans des grottes et dans une multitude de bactéries. Des chercheurs ont identifié 180 espèces de poissons capables d’émettre une lumière fluorescente, montrant ainsi que le phénomène était plus répandu que l’on pouvait le supposer.  

L’Homme, a la recherche de sources d’énergie nouvelles, tente de copier les capacités des animaux bioluminescence, notamment pour éclairer l’espace public. Vidéo

Le squalelet féroce

Connaissez-vous Isistius brasiliensis, un squale de petite taille (40 cm) qui vit dans les grands fonds ? J’ai découvert l’existence du squaletet féroce, tel est son nom courant, en lisant la page 75 du numéro 13 de l’excellente revue de vulgarisation scientifique Epsiloon. Les anglais le surnomment  cookiecutter shark (« requin emporte-pièce ») : il a particularité de quitter les grands fonds où il se cache pour « prélever » des rondelles de chair à la surface de grands animaux marins pour se nourrir (Baleines, requins, dauphins, phoques, poissons de toutes tailles, céphalopodes, etc…).

88% des espadons, sur les étals des marchés d’Hawaï, 96% des baleines bleues, observées au large de la Nouvelle-Zélande, portent des traces de ses attaques. Une cinquantaine d’espèces de cétacés, y compris des orques, et des nageurs hawaïens en ont été victimes ; il a même attaqué des sous-marins !

Isistius brasiliensis remonte des profondeurs le soir, il tend des embuscades, fond sur tout ce qui bouge, et découpe ses victimes comme un chirurgien. Heureusement, il est peu probable d’en rencontrer dans les eaux bretonnes !


Pour en savoir plus :
1. Wikipédia
2. Epsiloon, N°13, page 75 (réservé aux abonnés)

Visite guidée sur l’estran

La 1re visite guidée de l’estran, sur la plage du Sillon de Saint-Malo, accompagnée par les naturalistes de Bretagne Vivante, a été à l’origine de multiples découvertes et émerveillements, tant la vie y grouille, que le promeneur, marchant d’un pas rapide, ignorera superbement. 

Qu’est-ce donc que l’estran ? Une bonne présentation en est donnée par l’article de Wikipédia sur le sujet. L’estran, zone de balancement des marées, zone de marnage, zone intertidale ou replat de marée également appelé foreshore en sédimentologie, est la partie du littoral située entre les limites extrêmes des plus hautes et des plus basses marées. Il constitue un biotope spécifique, qui peut abriter de nombreux sous-habitats naturels.
Il est découpé en trois étages, de haut en bas :
1. l’étage supralittoral
2. l’étage médiolittoral 
3. et enfin l’étage infralittoral.

Source Wikipédia

La laisse de mer se laisse la première découvrir, sur l’estran, au jusant ou à basse mer. Voici ce que nous raconte l’article de Wikipédia à son sujet. 

Le naturaliste débutant découvre, avec un zeste d’appréhension, qu’il lui faudra appréhender la taxonomie et les nombreux embranchements qu’il sera amené à trouver, observer, étudier, et recenser ! Aidé de livres et d’internet, j’en ai fait la liste, (plutôt longue) avec pour les curieux, des hyperliens qui permettront d’en apprendre davantage. 

LES EMBRANCHEMENTS VISIBLES SUR L’ESTRAN

source Guide des bords de mer, Delachaux et Niestlé, 2022 + Wikipédia

  1. Algues marines lien
    1. vertes, classe Chlorophyceae Lien
    2. brunes, classe Phaerophyceae Lien
    3. rouges, classe Rhodophyceae Lien
  2. Lichens Lien
  3. Phanérogames Lien
  4. Spongiaires, Porifera Lien
    1. Classe Calcarea Lien
    2. Classe Demospongiae Lien
  5. Cnidaires, Cnidaria lien
    1. Méduses, classe Scyphozoa Lien
    2. Hydrozoaires, classe Hydrozoa Lien
    3. Classe Alcyonaria (octocorallia) Lien
    4. Classe Zoantharia (Hexacorallia) Lien
      1. Ordre des Actinaria (Anémones) Lien
  6. Cténaires, Ctenophora Lien
  7. Phylum Entoprocta Lien
  8. Plathelminthes, Platihelminthes Lien
  9. Nemertes, Nemertea Lien
  10. Annélides, Annelida Lien
    1. Classe Oligochaeta
    2. Sangsues, classe Hirudinea
    3. Polychètes, classe Polychaeta
  11. Priapuliens, Priapula  Lien
  12. Echiuriens, Echiura Lien
  13. Sipunculides, Sipuncula Lien
  14. Crustacés, Crustacea Lien
    1. Classe Cirripedia Lien
    2. Classe Copepoda Lien
    3. Classe Ostracoda Lien
    4. Classe Malcostraca Lien
  15. Pyctogonides, Pyctogonida lien
    1. Nymphon gracile Lien
  16. Insecta
  17. Mollusques, Mollusca Lien
    1. Classe Polyplacophora Lien
    2. Classe Scahopoda (Dentales) Lien
    3. Classe Gastropoda Lien
      1. Sous-classe Prosobranchia Lien
      2. Sous-classe Opisthobranchia Lien
      3. Sous-classe Pulmonata Lien
    4. Classe Pelecypoda Lien
    5. Classe Cephalopoda Lien
  18. Phoronidiens, Phoronida Lien
  19. Brachiopodes, Brachiopoda Lien
  20. Bryozoaires, Bryozoa ou Ectoprocta Lien
    1. Classe Stenolaemata Lien
    2. Classe Gymnolaemata Lien
  21. Echinodermes, Echinodermata Lien
    1. Crinoïdes, classe Crinoidea  Lien
    2. Astérides (Etoiles de mer), classe Asteroidea Lien
    3. Ophiurides, classe Ophiuroidea Lien
    4. Oursins, classe Echinoidea Lien
    5. Holothurides, classe Holothurioidea Lien
  22. Hemichordata – Lien
    1. Entéropneustes, Classe Enteropneusta Lien
  23. Tuniciers (Urocordate) ou Tunicata Lien
    1. Classe des Ascidiacea (Ascidies) Lien
  24. Poissons côtiers
    1. Famille des Bleniidae (Blennies) Lien
    2. Famille des Gobiidae (Gobies) Lien
    3. Famille des Gobiesocidae Lien
    4. Famille desCallionymidae (Dragonnets) Lien
    5. Famille des Syngnathidae (hippocampes) : Lien
    6. Famille des Cottidae  Lien
    7. Famille des Gadidae Lien

Affaire à suivre !