L’élégante voleuse ailée


Avez-vous jamais rencontré Elysia ? Elle est très étonnante ! J’en ai déjà parlé, sur ce blogue, mais je souhaitais y revenir tant elle mérite l’attention des naturalistes et des curieux. Je me demande parfois si, sur l’estran, elle n’est pas ma chouchoute. Bref…

Elysia n’est pas l’une de ces charmantes exploratrices de l’estran qui, à l’étale de basse mer, retournent les rochers, fouillent les failles et soulèvent les algues. Elysia est une adorable limace de mer — c’est presque un oxymore — qui vit sur l’estran jusqu’à une profondeur d’environ 5 m.

Elysia viridis, c’est son nom scientifique, est un mollusque gastéropode comme les limaces de nos jardins, mais elle vit dans l’eau.  Elle se drape le plus souvent d’une élégante livrée vert émeraude du plus bel effet, mais elle peut  également s’habiller de couleurs plus chaudes, rougeâtres voire brunâtres, tandis que son manteau est toujours parsemé de taches iridescentes lui conférant un aspect étoilé, comme les paillettes du costume de scène d’Elvis Presley

Une limace de mer élégante. Premier étonnement.

Elysia possède des parapodes larges, au bord ondulé, qui, lorsqu’ils sont déployés la font paraître ailée; elle nage avec des ailes, comme une raie, et elle prend alors, vue de dessus, l’aspect d’une feuille, du fait de ses nombreux vaisseaux dorsaux parfaitement dessinés. 

Une limace de mer ailée ! Deuxième étonnement !

Elysia est friande de Codium fragile, une algue verte; mais elle peut aussi se nourrir d’algues rouges ou brunes d’où la coloration variable de ses habits. Une limace herbivore, rien de bien étonnant, me direz-vous ! Et pourtant  Elysia va encore vous étonner. Elle ponctionne, sans les endommager, les chloroplastes des algues qu’elle a mangées et les accumule dans des cellules spécialisées de ses  glandes digestives. On parle de kleptoplastie (un vol de plastes, quoi !). Ces chloroplastes, véritables usines fabriquant des glucides à partir du CO2 par photosynthèse, poursuivent leur travail durant une quinzaine de jours, nourrissant ainsi Elysia, avant de cesser de fonctionner. Visibles par transparence, ces chloroplastes colorent la belle en vert. Elysia — un animal — a donc des capacités de photosynthèse, comme une plante, lui permettant de se nourrir partiellement grâce à la lumière du soleil. !  

Une limace de mer élégante et ailée doublée d’une voleuse dont le butin lui confère les capacités de photosynthèse d’une plante !  Troisième étonnement !
L’estran nous en réserve bien d’autres.

Documentation

  1. Elysia viridis. Doris
  2. Elysia viridis; INPN

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