De l’estran à la géopolitique


Nous avons rencontré, sur l’estran de la plage Saint-Père de Saint-Malo, un petit coquillage blanc, très élégant sous la loupe, nommé Barnea candida, ou Pholade blanche, qui, avec la grande Pholade rugueuse (Zirfaea crispata), fait le délice des gourmets qui ont la chance d’y goûter. Mais ces coquillages n’ont pas que des vertus gastronomiques. Ils menaçaient, autrefois, l’intégrité des ouvrages en bois immergés.  

L’occasion de ranger son livre de recettes et de… creuser un peu le sujet, pour lier, non sans une certaine hardiesse, la biologie et l’histoire !

Les navires traditionnels en bois étaient confrontés à de nombreux défis, notamment à l’attaque d’animaux marins qui menaçaient leurs coques.  Ainsi, lorsque Christophe Colomb arriva en Amérique en 1492, il se dit que les coques de ses trois caravelles furent endommagées par les tarets.

Trois familles de xylophages semblent impliquées dans cette affaire d’altération des bois de marine. La première étant la plus redoutable au regard de l’Histoire. 

  1. Les Terinidae ou tarets, sont une famille de mollusques bivalves (lamellibranches) à corps très allongé, vermiforme, qui s’attaquent aux bois immergés dans l’eau de mer ou l’eau saumâtre. Quelques espèces de tarets vivent également en eau douce. Leur apparence très particulière fait que leur appartenance aux mollusques n’est pas évidente, et les marins les désignent généralement sous le nom de « vers », appellation que l’on retrouve en anglais (shipworm) et en allemand (schiffsbohrwurm). 
  2. Les pholadidae , ou pholades, improprement appelés vers perce-bois, sont également des mollusques bivalves marins dits térébrants. Ils utilisent leur coquille asymétrique pour s’enfoncer dans le sédiment, forer du bois immergé, ou creuser des loges dans des pierres calcaires, parfois assez dures. Ils sont à l’origine de cet article de blog. Qu’ils en soient remerciés !
  3. Les Limnoriidae ou limnories sont des isopodes marins qui creusent des galeries dans le bois, affaiblissant sa structure et compromettant la solidité des coques en bois.

Ces animaux — principalement les tarets — menaçaient la sécurité des équipages des bâtiments en bois. Ils menaçaient également les installations portuaires immergées en bois, ou, les digues des polders qui incluaient des structures en bois. On apprit à protéger le bois immergé par l’application de goudron, ou par l’installation de plaques en cuivre.
« Comment un minuscule ver amoureux du bois a changé le cours de l’histoire mondiale » (rappelons que le taret n’est pas un ver mais un mollusque bivalve) est un article qui nous explique comment les tarets ont menacé la sécurité des Pays-Bas, révolutionné la construction navale et  bouleversé des équilibres géopolitiques. Décidément, parcourir l’estran nous en apprend de bien belles !

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