Les pionniers de l’extrême !


Ils sont partout. Ni plantes, ni animaux, ils ne possèdent ni racines, ni feuilles, ni tiges. Leurs formes, leurs couleurs, et leurs habitats sont innombrables. Ils sont là depuis la nuit des temps. Ce sont des pionniers d’une exceptionnelle résistance. Ascétiques, ils se nourrissent de trois fois rien. Mais qui sont-ils donc ? 

Lichens, qu’êtes-vous donc ?

Les lichens sont des organismes formés par la symbiose entre un champignon et une algue. Ils génèrent un appareil végétatif composé à 90 % par le champignon, le thalle, qui se développe lentement à la surface de supports variés, y compris dans des milieux souvent hostiles, sols, rochers, branches, murs, tuiles, où ils peuvent être exposés à la sécheresse et souvent à de fortes températures. En fait les lichens poussent dans tous les milieux (sauf en haute mer), sur les tissus des animaux vivants, et même en zones très polluées. Par leur capacité à vivre en conditions extrêmes, les lichens peuvent coloniser des substrats pauvres en substances nutritives et sont considérés comme de véritables pionniers.

La symbiose lichénique est plus complexe que ce que l’on croyait jusqu’alors : la structure du thalle montre non seulement la présence de deux partenaires de base (un champignon + une algue verte ou/et une cyanobactérie) mais aussi celle de nombreuses bactéries et d’un champignon unicellulaire découverts récemment.

Pour faire simple, disons que le champignon fournit le support et la protection, les sels minéraux (extraits de l’eau atmosphérique ou de l’eau de ruissellement), et la réserve d’humidité qui limite la dessiccation du thalle; l’algue fournit les nutriments carbonés issus de la photosynthèse chlorophyllienne (des sucres, de l’amidon chez la plupart des espèces, réserve lipidique chez les Trentepohliales), 20 à 30 % des nutriments étant en moyenne rétrocédés au champignon.  Cet échange de bons procédés pourrait être trivialement résumé d’une phrase : « Passe-moi le sel, je te passe le sucre ». Les lichens ont aussi la possibilité de dissoudre des éléments minéraux du substrat en excrétant, par l’intermédiaire du champignon, des acides organiques.

Il existe plus de 20 000 espèces de lichens, qui résultent de l’association de plus de 1 500 espèces de champignons et de 100 espèces d’algues. Les champignons impliqués dans la symbiose lichénique appartiennent principalement à la division des ascomycètes, mais aussi à celle des basidiomycètes. Les algues sont soit des algues vertes, soit des cyanobactéries, soit les deux. 

Lichens, il paraît que vous savez évaluer la pollution de l’air ?

  • Nylander, lichénologue finlandais, dès la fin du XIXe siècle, par des observations réalisées à Paris sur les arbres du Jardin du Luxembourg fut le premier à émettre l’idée que les lichens étaient sensibles à la pollution atmosphérique. La disparition des lichens s’est avérée être le résultat de la présence du dioxyde de soufre (SO2), émis par la combustion du charbon et le développement industriel de l’époque.
  • Diverses méthodes basées sur l’observation de lichens ont vu le jour permettant de détecter l’effet de la pollution atmosphérique et d’en cartographier les effets.
  • Depuis les années 89-90, la diminution des émissions de SO2 a permis le retour des lichens sensibles à ce polluant. Mais d’autres polluants persistent comme les oxydes d’azote qui entraînent la propagation d’espèces lichéniques dites nitrophiles.
  • Les lichens sont capables d’accumuler divers polluants tels que les métaux, des éléments organiques, des radioéléments, etc. et peuvent être utilisés comme capteurs de polluants de l’atmosphère, de l’eau ou du sol pour des analyses.
  • Des normes ont été mises au point pour la bioindication lichénique et la préparation des échantillons à des fins d’analyse.
  • Les lichens constituent d’excellents modèles biologiques pour l’évaluation des risques environnementaux et sanitaires.

Lichens  ! Que savez-vous faire d’autre ? 

  • Les lichens produisent également des molécules ayant des propriétés antibactériennes, antifongiques, antivirales, antitumorales et immunomodulatrices. Ces molécules sont donc potentiellement utiles pour la médecine et la pharmacologie.
  • Les lichens, déjà connus comme fixateurs de parfum depuis le Moyen-Age, sont encore très utilisés en parfumerie. Deux espèces corticoles, Pseudevernia furfuracea, Evernia prunastri (appelées improprement « mousse de chêne »), qui doivent leurs propriétés de fixateurs à leur forte teneur en acide atranorique, sont récoltées en grande quantité, essentiellement en Europe centrale et importées à Grasse. Les parfumeries locales en extraient un concentré appelé « absolu mousse de chêne » qui entre dans la constitution de nombreux parfums. Chaque année, 6000 à 8000 tonnes de lichens sont récoltés dans le sud de la France, au Maroc et dans d’autres pays. Ces prélèvements intensifs menacent la survie des espèces. L’idéal serait de les remplacer par des produits de synthèse mais jusqu’à présent nul n’a su reproduire leur nature biochimique complexe.
  • Dès l’Antiquité, divers colorants ont été extraits de lichens comme les orseilles tirés des Roccella qui donnent des teintes rouges. D’autres lichens donnent des teintes brunes à rouges (Umbilicaria pustulata), jaunes (Letharia vulpina, Flavoparmelia caperata), jaune orangé à roses (Xanthoria parietina…), vertes (divers Cladonia)… Rappelons que la liqueur dite de « tournesol » qui vire au rouge ou au bleu selon l’acidité ou la basicité de la solution à tester est extraite de différents lichens (Roccella, Dendrographa…). Malgré l’usage de colorants chimiques, certains tweeds irlandais sont encore colorés à l’aide de lichens.

Il est tant de choses à raconter sur les lichens ! Si vous désirez faire plus ample connaissance avec ces organismes étonnants, je vous propose 3 documents ci-dessous ! Bonne lecture !

Documentation

  1. Lichens, de surprenants organismes pionniers. Encyclopédie de l’environnement
  2. Lichens et qualité de vie de l’environnement. Encyclopédie de l’environnement
  3. Les lichens. Wikipédia

2 réflexions sur “Les pionniers de l’extrême !

  1. Tout cela me rappelle le flan au lichen que me préparait mon ex beau-père, restaurateur et très écolo en son temps, proche de la nature dont il utilisait toutes les richesses.
    Les touristes dans son hôtel-restaurant du nord Finistère appréciaient grandement ce dessert, mais quand ils demandaient des informations sur la recette, s’en détachaient aussitôt, pris de panique par le fait de savoir qu’il était composé de lichen… C’était une autre époque..
    Merci pour ce post Michel!

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