Les sécheresses

L’article qui suit a été publié sous la forme d’un fil sur Twitter, le 21 mai 2023, par le Dr Magali REGHEZZA-ZITT, Maître de conférences en géographie à l’Ecole normale supérieure de Paris et Membre du Haut conseil pour le climat. @MagaliRegheza. Elle m’a, très gentiment, autorisé à publier son travail et je l’en remercie chaleureusement !

Marre d’entendre « c’est bon, il pleut, il n’y a plus de risques de sécheresse » ? Pour comprendre les liens entre précipitations, températures et risques, et distinguer les différents types de sécheresses et ne plus confondre (aléa) sécheresse et (risque de) pénurie, suivez le fil.

1er type de sécheresse : la sécheresse météorologique

La sécheresse météorologique correspond à un déficit pluviométrique. Il ne pleut pas ou pas suffisamment, par rapport aux moyennes (les normales). Attention : Le terme « normale » est statistique, pas normatif. C’est une valeur de référence.

2e type de sécheresse : la sécheresse hydrologique

La sécheresse météorologique ne doit pas être confondue avec la sécheresse hydrologique. Cette dernière désigne le déficit de débit des cours d’eau, des niveaux bas des nappes ou des retenues. Le niveau de l’eau dans les nappes est mesuré par des piézomètres. 

Pour mémoire, les nappes phréatiques sont des réserves naturelles d’eaux souterraines. L’eau s’accumule et circule dans certaines roches du sous-sol, dites aquifères (étymologiquement qui portent l’eau), suffisamment poreuses et/ou fissurées pour que l’eau puisse y circuler.

Pour que ces nappes se rechargent, il faut que la végétation ne soit pas en période de croissance ou de transpiration. Sinon, c’est elle qui capte l’eau de pluie. La période de recharge s’étend « normalement » de septembre à mars. Avec le changement climatique, c’est plutôt d’octobre à février.

Une nappe peut « déborder ». Les inondations par remontées de nappes peuvent être terriblement destructrices.  Par exemple, la Somme en 2001.

Le manteau neigeux est une réserve d’eau douce importante, retenue entre novembre et mai. Au printemps, le débit des cours d’eau est alimenté par la pluie et la fonte des neiges.

L’étiage correspond à des débits exceptionnellement faibles. Il ne doit pas être confondu avec les basses eaux saisonnières habituelles. On parle d’assec quand le cours d’eau est… à sec. Étiages et assecs ont des impacts destructeurs pour la faune et la flore aquatique.

3e type de sécheresse ; la sécheresse édaphique ou agricole

Quand le sol sur les premiers mètres est sec, c’est la sécheresse édaphique ou agricole. Elle est causée par le déficit de précipitations, mais aussi la chaleur, qui augmente l’évaporation et la transpiration des plantes. 

De l’humidité des sols dépendent la croissance et la santé des végétaux et les organismes des sous-sols. Tous les milieux sont concernés (forêts, prairies, etc.). L’agriculture y est particulièrement sensible.

ATTENTION aux inondations en période de sécheresse, en cas de pluies intenses.

  • La perméabilité des sols varie selon leur nature & l’occupation humaine
  • une croûte de battance peut se former à cause de la sécheresse.

L’eau ne s’infiltre plus : elle ruisselle

AU TOTAL

Ce n’est pas parce qu’il pleut, qu’il n’y a pas de sécheresse. Ce n’est pas non plus parce qu’il pleut, que la disponibilité de la ressource ne diminue pas. Et ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de sécheresse, qu’il n’y a pas de risque de pénurie. En revanche, il y a des liens entre les différents types de sécheresses.

Sécheresse n’est pas pénurie.

La pénurie est déséquilibre entre l’offre (ressource disponible et accessible) et la demande (besoin en eau). Si elle est associée à l’aléa sécheresse, le risque dépend de la sévérité & la durée de la sécheresse, et des besoins, usages, et pratiques

82 % des eaux douces utilisées en France proviennent en grande majorité des fleuves, des rivières et des lacs. Ces « eaux de surface » sont plus faciles et moins chères à prélever. 

Mais les nappes sont la principale source d’eau potable en France : 62 % provient des eaux souterraines et 38 % des eaux de surfaces (torrents, rivières, lacs…).

Les champs captants sont protégés, car si la quantité et/ou la qualité font défaut, on a un risque de pénurie

ATTENTION ⚠️

  • Prélèvements = quantité d’eau prélevée dans le milieu naturel puis rejetée après utilisation (donc à nouveau disponible.
  • Consommation = quantité d’eau prélevée et consommée. Elle ne peut pas être renvoyée directement dans la nature après usage.

Prenons l’exemple de la Méditerranée.

Des moyennes annuelles cachent des différences fortes dans la répartition saisonnière ou le type de pluies : il pleut pleut à Nice (740mm) qu’à Paris (637mm), mais à Nice, c’est sur 89 jours (27 j d’orages en moyenne) contre 111 j à Paris. 

Le climat méditerranéen est caractérisé par des étés secs & chauds auxquels les sociétés se sont adaptées. Mais  désormais, on a des périodes sans pluies « anormalement » longues, qui constituent un écart fort par rapport à la moyenne des épisodes météorologiques secs estivaux.

Dans un climat qui change, il y aura moins de pluie l’été, et il fera plus chaud.

Pour l’hiver, pas encore de signal robuste sur les pluies au moins avant 2050, mais les hiver seront en moyenne + doux, donc la végétation + précoce et la saison de recharge réduite. 

Avec l’ augmentation des températures, arbres et plantes puisent davantage d’eau par leurs racines, ce qui réduitla quantité d’eau pouvant s’infiltrer dans le sol. Elles transpirent plus, ce qui n’est pas compensé par une augmentation des pluies.

Dans le sud, s’ajoute la diminution des pluiesmoyennes très marquées en été.

BILAN 👇

Protéger la ressource en eau, en quantité et en qualité, et garantir un accès équitable à cette dernière est l’un des grands défis de l’adaptation des prochaines années. Rien n’est perdu, à condition d’agir rapidement en évitant les maladaptations

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