Une improbable rencontre


J’aime observer les oiseaux ! Ils me font souvent lever tôt et parfois coucher tard (coucou les Engoulevents), ils me montrent — quel cadeau — la Nature comme je ne l’ai jamais vue, dorée des lumières du levant ou du couchant ! Ils m’offrent du temps; temps de silence, temps d’introspection, temps de patience (en attendant qu’ils me fassent l’honneur de leur visite). J’admire les oiseaux, du Moineau au Hibou, j’envie leurs prouesses en vol et leur liberté, j’aime écouter leurs chants mélodieux et me laisser surprendre par leurs cris d’alarme parfois assourdissants. (Coucou la Bouscarle ! )

Et ces sorties ornithologiques répétées, affûtent mon ouïe et ma vue, me rendant plus attentif et plus réactif aux mouvements, aux formes, aux couleurs et aux sons susceptibles de me révéler l’oiseau, le plus ordinaire ou le plus extraordinaire, peu me chaut.

Or il advint, au cours d’une récente visite au supermarché voisin, qu’un oiseau — une Linotte mélodieuse, imaginez  ! — attira mon regard, ce qui ne manqua pas de m’interloquer, car, en ces lieux bruyants, puissamment éclairés et grouillants d’Homo sapiens poussant tristement leurs chariots pleins de victuailles, on croise parfois de malheureux moineaux cherchant désespérément la sortie de l’enfer, mais jamais au grand jamais on ne croise de Linotte ! Quelques millisecondes suffirent à mon cerveau pour rectifier l’information et conclure, avec une certitude inhabituelle, que l’improbable Linotte qui avait attiré mon attention n’était qu’un bien joli dessin sur l’étiquette d’une bouteille de vin ! Diantre et sapristi !

De retour à la maison, je me suis amusé à chercher d’autres bouteilles de vin illustrées par un oiseau. En moins d’une heure, j’en ai trouvé pas moins de 26 , vite installées sur une planche de lecture ! Cette collection n’est pas exhaustive, tant s’en faut. En outre (si j’ose dire, s’agissant de vin !) j’ai déniché plusieurs marques de bière et de spiritueux dont les étiquettes sont également illustrées par des images d’oiseaux.

Cet épisode amusant aura eu deux conséquences ! 

  1. J’ai acheté cette bouteille de « Tête de Linotte » qui avait attiré mon regard;  je la partagerai avec les copains lors du prochain pique-nique ornithologique. L’emballage est important, les publicitaires le savent !
  2. J’ai écrit ce petit article de blogue, car, comme le dit ce joli proverbe tzigane : « Nous sommes des oiseaux de passage, demain nous serons loin. ». On peut aimer l’ornithologie et apprécier un bon verre de vin, surtout si la bouteille rend hommage, par sa jolie étiquette, aux oiseaux qui nous font la vie belle ! Voici, ci-après les quelques étiquettes de « vins ornithologiques », prestement suivies par un délicieux poème de Charles Baudelaire !

A la vôtre les oiseaux, à la vôtre chers lecteurs !

L’âme du vin
Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles :
« Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité !
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme ;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j’éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant ?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content ;
J’allumerai les yeux de ta femme ravie ;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l’éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! »

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857

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