À syrinx déployées !

© Michel Arnould – Avec Dall-e

Pour peu que nous y soyons attentifs, en ville comme à la campagne, en forêt comme en bord de mer, dans les prés comme dans les roselières, et de jour comme de nuit, les oiseaux occupent avec efficacité l’espace sonore de nos paysages. Ils vocalisent comme bien des mammifères, des amphibiens et même des poissons. Si, si, les poissons aussi vocalisent, j’ai écrit un article sur ce sujet, mais les oiseaux sont à l’évidence de bien meilleurs chanteurs que les poissons, grâce à un organe vocal étonnant, la syrinx, leur permettant de proférer gazouillis, sifflements, trilles, croassements et tambourinades !

Etymologie d’un organe et anatomie d’un chant

Syrinx, nom féminin, est un emprunt (1752) au latin syrinx, syringis « roseau » et « flûte de Pan », lui-même emprunté au grec surinx désignant des objets longs et étroits, « flûte de berger », « étui », « galerie, couloir » et, chez les médecins, « trachée, veine ». Le mot désigne toute flûte de la Grèce ancienne et, spécialement, la flûte de Pan. Par analogie, syrinx est en zoologie (1904) le nom du larynx inférieur des oiseaux leur permettant de se faire entendre (source : dictionnaire étymologique de la langue française, Alain Rey).

La syrinx des oiseaux est un organe complexe situé entre la trachée et l’embranchement des deux bronches souches. Elle est constituée de membranes disposées sur la trachée et sur chaque bronche. Au passage de l’air, ces membranes vibrent et produisent les sons. L’oiseau peut ensuite moduler ce son en contrôlant la tension de muscles spécialisés qui modifient la tension des membranes, faisant varier l’espace entre celles-ci et produisant un large panel de sonorités. Les membranes peuvent vibrer indépendamment et émettre deux sons simultanés, permettant des chants à deux voix. La syrinx produit ainsi des sons complexes et mélodieux.

Les sacs aériens des oiseaux sont appendices à paroi mince des poumons, qui, comme des soufflets, accroissent les flux d’air dirigés vers les poumons et permettent ainsi une oxygénation accrue du sang des oiseaux. Cependant, aucun échange de gaz n’a lieu dans ces sacs dont la fonction est essentiellement mécanique.
Les sacs aériens participent également à la vocalisation. Les expirations à haute fréquence sont modulées dans la syrinx par un flux d’air continu, unidirectionnel et persistant pendant l’inspiration et l’expiration. Ainsi les oiseaux peuvent-ils chanter, fort, parfois très fort et surtout pendant longtemps, parfois très longtemps. La troisième fonction importante des sacs d’air est leur participation à la thermorégulation , mais c’est un autre sujet.

Tout ceci est expliqué clairement dans cette vidéo en 🇬🇧, sous-titrée, dont je vous recommande chaleureusement la lecture car elle montre avec une extraordinaire clarté le fonctionnement conjoint de la syrinx et des sacs aériens lors des vocalisations.

Oyez, oyez ces chants mélodieux !

Les chants sont en général constitués de plusieurs unités sonores — souvent des sons purs — enchaînées dans une séquence. Ils sont produits par les mâles durant la saison de reproduction, bien que dans certaines espèces, les femelles puissent également chanter. Ces vocalisations sont complexes, mélodiques, et souvent de longue durée. Elles peuvent être comparées à une forme d’art, chaque espèce possédant son propre «répertoire» qui peut inclure une variété de motifs mélodiques, de tessitures et d’intensités. Certains de ces chants sont des ritournelles, successions inlassables de répétitions (Pouillot véloce, Pigeon ramier), d’autres en revanche sont des improvisations, longues et talentueuses, dignes des meilleurs jazzmen (Merle noir, Grive musicienne, Rouge-gorge familier) !

Le chant a plusieurs fonctions :

  • Le chant est un moyen par lequel les mâles séduisent les femelles. Un chant complexe et particulièrement soigné témoigne du fait que le chanteur est manifestement un partenaire sain et génétiquement supérieur.
  • Les chants permettent également de délimiter et de défendre le territoire. Un mâle chantant vigoureusement incite ses rivaux à tenir leurs distances.
  • Le chant est enfin un moyen pour les partenaires de se reconnaître, notamment dans les zones densément peuplées, car chaque individu a une signature vocale qui lui est propre.

Les chants requièrent un apprentissage, par imitation d’un ou plusieurs tuteurs. Les jeunes oiseaux doivent s’entraîner avec opiniâtreté avant de devenir des maestros aptes à impressionner et séduire les femelles !

Les chants d’une espèce peuvent se décliner en dialectes locaux, avec des variations notables d’une région à l’autre comme nos accents provinciaux  !  Ainsi, l’analyse récente de plus de 2700 enregistrements d’échanges entre perruches à collier a montré que ces oiseaux communautaires développent des dialectes et des cultures distinctes à mesure que leurs populations s’éloignent. Et ce en quelques décennies seulement, car, figurez-vous, venues d’Amérique en cages, elles ne volent en liberté dans les villes d’Europe que depuis 1975. [2]

Pourquoi crier de la sorte ?

Les cris des oiseaux sont des vocalisations de courte durée, de structure souvent complexe – c’est-à-dire qu’ils sont constitués par plusieurs fréquences produites en même temps, ayant ou non un rapport harmonique entre elles. Les cris ont plusieurs fonctions :

  • Alertes de danger : Les cris peuvent indiquer la présence d’un prédateur, permettant aux autres oiseaux de réagir rapidement, que ce soit par le camouflage ou la fuite.
  • Coordination sociale : Dans le cas des espèces grégaires, les cris facilitent la coordination du groupe lors des déplacements ou lors de l’alimentation. Aaaah, le cri déchirant des oisillons affamés dans le nid !
  • Localisation : Les cris permettent aux oiseaux de se localiser mutuellement dans des environnements vastes ou visuellement obstrués.

La plupart des cris sont produits sans apprentissage préalable, et sont donc majoritairement innés. Contrairement aux chants, les cris sont utilisés toute l’année et ne sont pas limités à la saison des amours.

Phénologie des chants d’oiseaux : les 4 saisons de Vivaldi

Au printemps, l’air se remplit de mélodies complexes et mélodieuses, car c’est la saison des amours. Les mâles déploient leurs plus beaux chants pour tenter de séduire une belle et/ou pour défendre leur territoire. Au lever du jour, ce sont de véritables concerts matinaux, connus sous le nom de « chœur de l’aube« , un spectacle sans pareil, si bien décrit par Emily Dickinson :

The Birds begun at Four o’clock
Their period for Dawn
A Music numerous as space
But neighboring as Noon

L’été voit une légère diminution de l’intensité des chants. Beaucoup d’oiseaux sont occupés à nourrir leurs jeunes et se font plus discrets pour ne pas attirer l’attention sur leur nid. Cependant, certaines espèces, comme le Rossignol philomèle, continuent leurs sérénades nocturnes, profitant de la douceur des nuits estivales.

À l’automne, le paysage sonore change de nouveau. Si les chants se font plus rares, ils n’en disparaissent pas pour autant. Certains oiseaux migrateurs annoncent leur départ ou leur arrivée par des appels spécifiques, tandis que d’autres, qui restent tout l’hiver, commencent à modifier leur répertoire en prévision de la saison froide.

L’hiver semble à première vue silencieux, mais si l’on prête attention, on peut entendre des chants d’oiseaux, plus simples et moins fréquents certes, mais toujours présents. Ces chants, souvent émis par les espèces qui ne migrent pas, servent à maintenir le lien social au sein du groupe ou à revendiquer un territoire en vue du printemps suivant.

Chronologie des chants d’oiseau : jour et nuit

Les chants d’oiseaux varient non seulement selon les saisons, mais également selon l’heure de la journée, chacun suivant son propre rythme dans le grand concert de la nature. Cette variation circadienne reflète les comportements adaptatifs des oiseaux en réponse à leurs besoins écologiques, sociaux et de reproduction. Voici quelques éléments clés à considérer :

Le chœur de l’aube. Période de grande activité, juste avant et pendant les premières lumières de l’aube, de nombreux oiseaux entament leur « concert de l’aube ». Ce phénomène est particulièrement marqué au printemps et en été. 

À la mi-journée. Durant la journée, surtout aux heures les plus chaudes, l’activité de chant diminue. Les oiseaux sont alors plus occupés à se nourrir et peuvent chercher à éviter la chaleur excessive. Certaines espèces, notamment celles qui vivent dans des habitats très denses comme les forêts, peuvent continuer à chanter pour maintenir la communication au sein de l’habitat complexe où la visibilité est réduite.

Au crépuscule, comme au lever du jour, l’activité de chant augmente. C’est un moment pour réaffirmer sa présence sur le territoire ou pour un dernier appel à un potentiel partenaire avant la nuit.

La nuit, bien que la plupart des oiseaux soient silencieux, les chouettes, les hiboux et les rossignols sont actifs et chantent.

De l’influence de la pollution lumineuse et sonore sur les chants d’oiseaux

La thèse de Guillaume Corbeau [3] montre que lorsque le bruit anthropique (des moteurs thermiques essentiellement: camions, voitures, deux-roues, aéronefs) et les lumières artificielles augmentent, les oiseaux ont tendance à chanter plus tôt et plus intensément, ce qui est le cas les jours de semaine, en comparaison des week-ends. 

Où l’on apprend qu’il existe des imitateurs !

Jean Boucault et Johnny Rasse [4]  ont commencé à imiter les chants d’oiseaux pendant leur enfance. Ils en ont fait leur métier et savent imiter au moins 500 espèces d’oiseaux. Il se dit, sur la lande, que parfois les oiseaux leur répondent !

Il est également des oiseaux imitateurs :  en France, le roi des imitateurs est l’Etourneau sansonnet. Il imite d’autres oiseaux, mais peut aussi apprendre à imiter des grenouilles, chiens, chats,  bruits d’appareils et voix humaine quand il est dressé [5]. L’Hypolaïs polyglotte (qui porte bien son nom !), le Tarier des prés, la Fauvette des jardins et le Verdier d’Europe seraient également des imitateurs talentueux ! On ne peut s’empêcher de penser que ces imitateurs compliquent quelque peu la tâche des ornithologues débutants tentant, laborieusement, d’identifier les oiseaux, souvent cachés, par leur chant!

Tous les téléphones modernes, pour peu qu’ils soient équipés du bon logiciel, peuvent chanter et crier comme des milliers d’oiseaux. Attention cependant, cette opération ne doit être exécutée que dans le salon, jamais dans le jardin, dans la forêt ou dans les prés, le dérangement sonore des oiseaux, comme le dérangement physique, pouvant occasionner à ces oiseaux bien des misères !

Nous verrons, dans un prochain article comment apprendre à identifier les oiseaux par leur chant ou leur cri. En attendant, lors de chaque sortie dans la nature, apprenons à écouter, en faisant silence et en bougeant peu. La richesse sonore de nos paysages ne manquera pas, chaque fois, de nous étonner et de nous émerveiller! Non contents d’enchanter nos yeux de leurs plumages chatoyants, les oiseaux enchantent également nos oreilles, et avec quel talent !

Ecoutez-en quelques uns ici, si le cœur vous en dit, bien sûr !

BIBLIOGRAPHIE

  1. Comment et pourquoi les oiseaux chantent-ils ? Fanny Rybak. Planet vie
  2. Multilevel Bayesian analysis of monk parakeet contact calls shows dialects between European cities Simeon Q Smeele, Stephen A Tyndel, Lucy M Aplin, Mary Brooke McElreath. Behavioral Ecology, Volume 35, Issue 1, January/February 2024
  3. Phénologie du chant des oiseaux le long d’un gradient de pollutions sonores et lumineuses. G. Corbeau. Univ. Rennes
  4. Jean Boucault et Johnny Rasse : Les chanteurs d’oiseaux
  5. Vidéo de l’étourneau sansonnet imitateur.

Niches-tu par ici, toi là-bas ?

© Michel Arnould- avec Dall-e


Eh, toi, le Hibou des marais, là-bas, sur le schorre, niches-tu dans la baie du Mont-Saint-Michel ?
Eh, toi, Goéland brun, sur ton rocher battu par les flots, n’es-tu que de passage en Bretagne nord, ou te reproduis-tu chez nous ?

Des questions de ce genre, les ornithologues débutants se les posent fréquemment. Ils cherchent alors les réponses dans des ouvrages comme  l’atlas des oiseaux nicheurs de Bretagne  ou l’atlas des oiseaux de France métropolitaine. L’inconvénient majeur de ces livres d’ornithologie est que les données qu’ils proposent sont vite obsolètes. Ce qui était vrai hier ne l’est plus forcément aujourd’hui, tout change si vite ma pov’ Ginette !

Il est néanmoins un site — encore en construction — qui permet de répondre à ces questions : oiseaux de France compile les données issues des dispositifs de surveillance nationaux : STOC, SHOC, STOM, Observatoire Rapaces, comptage Wetlands, et, apparemment, il est mis à jour au fur et à mesure de la disponibilité des données issues de ces comptages. Et ça change tout !

GOÉLAND BRUN
Nous nous sommes demandé si le Goéland brun était nicheur par chez nous.
Saisissons « goéland brun » dans la fenêtre de saisie du site oiseaux de France et cliquons sur la fiche proposée : Goéland brun (Larus fuscus).
Cette page s’affiche et montre les sites de France où le Goéland brun a été observé.
Cliquons ensuite sur le menu « Toutes saisons » en haut et à droite de la fenêtre pour choisir « Période de reproduction ». La page affiche les sites où l’oiseau est  répertorié comme nicheur possible, nicheur probable, et nicheur certain

© Atlas des Oiseaux de France – 2024


➜ le Goéland brun est nicheur certain chez nous, en Bretagne nord.
➜ Il est des Goélands bruns qui hibernent chez nous (Menu Période d’hivernage).
Réponse en 3 clics et 3 minutes, avec des données récentes.

HIBOU DES MARAIS
On peut ensuite effectuer la recherche avec le Hibou des marais (Asio flammeus). La page propose les informations concernant cette espèce.
On constate que le Hibou des marais ne niche pas dans la baie du Mont Saint-Michel, mais qu’il est nicheur possible en Manche, et nicheur certain en Loire-Atlantique.

© Atlas des oiseaux de France

LE SITE « OISEAUX DE FRANCE »
Oiseaux de France est un ambitieux projet de science participative sur les oiseaux. Il permet de mettre à jour et diffuser l’état des connaissances de l’avifaune française en période de nidification et d’hivernage, en France métropolitaine et en Outre-Mer.

POUR ALLER PLUS LOIN
Pour étudier la distribution des populations d’oiseaux nicheurs en Europe, ses variations, ainsi que les migrations de ces oiseaux, vous pour utilement consulter mon article de décembre 2022 sur le sujet.

Je serais heureux de lire vos commentaires et suggestions éventuels sur ce sujet. 

Ornithologie et poésie

Les oiseaux de Georges Braque


Une fois n’est pas coutume, je vous propose, chères lectrices et chers lecteurs, un texte qui par sa beauté exquise comme par son sujet — les oiseaux — ne pourra que vous ravir et vous éblouir.

L’ornithologie est la science qui étudie les oiseaux. Elle les recense avec précision, au prix de fréquentes adaptations. Elle étudie leur anatomie, leur physiologie, leurs territoires de répartition et de reproduction, leurs mœurs, leur alimentation, leurs populations et leurs migrations. Mais l’ornithologie n’est pas que science, elle est également plaisir ! Plaisir d’écouter les oiseaux dans la brume et le calme du lever du jour. Plaisir de les observer quand ils nous font l’heur de se laisser voir, sur l’estran, dans un champ ou à la cime d’un bel arbre : plaisirs délicats et, in fine, éminemment poétiques.

Car l’ornithologie n’est pas seulement science, elle est également poésie !

Lorsque j’écoute les oiseaux, ce magnifique poème d’Emily Dickinson me vient souvent à l’esprit, qui évoque avec talent et en quatre vers magistraux l’enchantement du chœur de l’aube; il commence ainsi :

The Birds begun at Four o’clock
Their period for Dawn
A Music numerous as space
But neighboring as Noon

Et voilà qu’aujourd’hui je découvre, grâce à deux amies ornithologues, le beau texte que Saint-John-Perse écrivit sur les oiseaux. Le meilleur hommage qui se puisse rendre au poète et à son ouvrage est de faire silence — On sent dans le silence errer l’âme du bruit — et de vous inviter à lire…

I
L’oiseau, de tous nos consanguins le plus ardent à vivre, mène aux confins
du jour un singulier destin. Migrateur, et hanté d’inflation solaire, il voyage de
nuit, les jours étant trop courts pour son activité. Par temps de lune grise couleur
du gui des Gaules, il peuple de son spectre la prophétie des nuits. Et son cri dans
la nuit est cri de l’aube elle-même : cri de guerre sainte à l’arme blanche.

Au fléau de son aile l’immense libration d’une double saison ; et sous la
courbe du vol, la courbure même de la terre… L’alternance est sa loi,
l’ambiguïté son règne. Dans l’espace et le temps qu’il couvre d’un même vol,
son hérésie est celle d’une seule estivation. C’est le scandale aussi du peintre et
du poète, assembleurs de saisons aux plus hauts lieux d’intersection.

Ascétisme du vol !… L’oiseau, de tous nos commensaux le plus avide d’être,
est celui-là qui, pour nourrir sa passion, porte secrète en lui la plus haute fièvre
du sang. Sa grâce est dans la combustion. Rien là de symbolique : simple fait
biologique. Et si légère pour nous est la matière oiseau, qu’elle semble, à contre-
feu du jour, portée jusqu’à l’incandescence. Un homme en mer, flairant midi,
lève la tête à cet esclandre : une mouette blanche ouverte sur le ciel, comme une
main de femme contre la flamme d’une lampe, élève dans le jour la rose
transparence d’une blancheur d’hostie…

Aile falquée du songe, vous nous retrouverez ce soir sur d’autres rives !

II
Les vieux naturalistes français, dans leur langue très sûre et très révérencieuse,
après avoir fait droit aux attributs de l’aile – «  hampe », « barbes », « étendard »
de la plume ; « rémiges » et « rectrices » des grandes pennes motrices ; et toutes
« mailles » et « macules » de la livrée d’adulte – s’attachaient de plus près au
corps même, « territoire » de l’oiseau, comme à une parcelle infime du territoire
terrestre. Dans sa double allégeance, aérienne et terrestre, l’oiseau nous était
ainsi présenté pour ce qu’il est : un satellite intime de notre orbite planétaire.

On étudiait, dans son volume et dans sa masse, toute cette architecture légère
faite pour l’essor et la durée du vol : cet allongement sternal en forme de navette,
cette chambre forte d’un cœur accessible au seul  flux artériel, et tout
l’encagement de cette force secrète, gréée des muscles les plus fins. On admirait
ce vase ailé en forme d’urne pour tout ce qui se consume là d’ardent et de subtil ;
et, pour hâter la combustion, tout ce système interstitiel d’une « pneumatique »
de l’oiseau doublant l’arbre sanguin jusqu’aux vertèbres et phalanges.

L’oiseau, sur ses os creux et sur ses « sacs aériens », porté, plus légèrement
que chaume, à l’excellence du vol, défiait toutes notions acquises en
aérodynamique. L’étudiant, ou l’enfant trop curieux, qui avait une fois
disséqué un oiseau, gardait longtemps mémoire de sa conformation nautique :
de son aisance en tout à mimer le navire, avec sa cage thoracique en forme de
carène et l’assemblage des couples sur la quille, la masse osseuse du château de
proue, l’étrave ou rostre du bréchet, la ceinture scapulaire où s’engage la rame
de l’aile, et la ceinture pelvienne où s’instaure la poupe…

III
… Toutes choses connues du peintre dans l’instant même de son rapt, mais
dont il doit faire abstraction pour rapporter d’un trait, sur l’aplat de sa toile, la
somme vraie d’une mince tache de couleur.

Tache frappée comme d’un sceau, elle n’est pourtant chiffre ni sceau, n’étant
signe ni symbole, mais la chose même dans son fait et sa fatalité – chose vive, en
tout cas, et prise au vif de son tissu natal : greffon plutôt qu’extrait, synthèse plus
qu’ellipse.

Ainsi, d’un « territoire » plus vaste que celui de l’oiseau, le peintre soustrait,
par arrachement ou par lent détachement, jusqu’à pleine appropriation, ce pur
fragment d’espace fait matière, fait tactile, et dont l’émaciation suprême devient
la tache insulaire de l’oiseau sur la rétine humaine.

Des rives tragiques du réel jusqu’en ce lieu de paix et d’unité, silencieusement
tiré, comme en un point médian ou « lieu géométrique », l’oiseau soustrait à sa
troisième dimension n’a pourtant garde d’oublier le volume qu’il fut d’abord
dans la main de son ravisseur. Franchissant la distance intérieure du peintre, il le
suit vers un monde nouveau sans rien rompre de ses liens avec son milieu
originel, son ambiance antérieure et ses affinités profondes. Un même espace
poétique continue d’assurer cette continuité.

Telle est, pour l’oiseau peint de Braque, la force secrète de son « écologie ».

Nous connaissons l’histoire de ce Conquérant Mongol, ravisseur d’un oiseau
sur son nid, et du nid sur son arbre, qui ramenait avec l’oiseau, et son nid et son
chant, tout l’arbre natal lui-même, pris en son lieu, avec son peuple de racines,
sa motte de terre et sa marge de terroir, tout son lambeau de « territoire » foncier
évocateur de friche, de province, de contrée et d’empire…

IV
De ceux qui fréquent l’altitude, prédateurs ou pêcheurs, l’oiseau de grande
seigneurie, pour mieux fondre sur sa proie, passe en un laps de temps de
l’extrême presbytie à l’extrême myopie : une musculature très fine de l’œil y
pourvoit, qui commande en deux sens la courbure même du cristallin. Et l’aile
haute alors, comme d’une Victoire ailée qui se consume sur elle-même,
emmêlant à sa flamme la double image  de la voile et du glaive, l’oiseau, qui
n’est plus qu’âme et déchirement d’âme, descend, dans une vibration de faux,
se confondre à l’objet de sa prise.

La fulguration du peintre, ravisseur et ravi, n’est pas moins verticale à son
premier assaut, avant qu’il n’établisse, de plain-pied, et comme latéralement,
ou mieux circulairement, son insistante et longue sollicitation. Vivre en
intelligence avec son hôte devient alors sa chance et sa rétribution. Conjuration
du peintre et de l’oiseau…

L’oiseau hors de sa migration, précipité sur la planche du peintre, a commencé
de vivre le cycle de ses mutations. Il habite la métamorphose. Suite sérielle et
dialectique. C’est une succession d’épreuves et d’états, en voie toujours de
progression vers une confession plénière, d’où monte enfin, dans la clarté, la
nudité d’une évidence et le mystère d’une identité : unité recouvrée sous la
diversité.

V
Pour l’oiseau schématique à son point de départ, quel privilège déjà, sur la
page du ciel, d’être à soi-même l’arc et la flèche du vol ! le thème et le propos !
… A l’autre bout de cette évolution, sous son revêtement suprême, c’est un
comble secret où s’intègre l’essentiel de tout un long report. Beauté alors de ce
mot de « faciès », utilisé en géologie pour recouvrir historiquement, dans leur
ensemble évolutif, tous les éléments constitutifs d’une même matière en
formation.

Dans cette concision d’une fin qui rejoint son principe, l’oiseau de Braque
demeure pour lui chargé d’histoire. De tout ce qu’élude, sciemment ou non,
l’œil électif du peintre, la connaissance intime lui demeure. Une longue
soumission au fait l’aura gardé de l’arbitraire, sans le soustraire au nimbe du
surnaturel.

L’homme a rejoint l’innocence de la bête, et l’oiseau peint dans l’œil du
chasseur devient le chasseur même dans l’œil de la bête, comme il advient dans
l’art des Eskimos. Bêtes et chasseurs passent ensemble le gué d’une quatrième
dimension. De la difficulté d’être à l’aisance d’aimer vont enfin, du même pas,
deux êtres vrais, appariés.

Nous voilà loin de la décoration. C’est la connaissance poursuivie comme
une recherche d’âme et la nature enfin rejointe par l’esprit, après qu’elle lui a
tout cédé. Une émouvante et longue méditation a retrouvé là l’immensité
d’espace et d’heure où s’allonge l’oiseau nu, dans sa forme elliptique comme
celle des cellules rouges de son sang.

VI
L’heure venue de la libération, plus qu’un envol d’oiseau c’est un lancement
silencieux des grandes images peintes, comme de navires sur leur ber…

Braque qui connaît la gloire la plus enviable, celle de voir son nom porté par
un navire de haute mer – un beau navire laqué de blanc, sous pavillon nordique,
et qu’animent à la proue six grands oiseaux plongeurs des mers arctiques – ne
voudra point désavouer cette dernière image nautique : ses oiseaux effilés
comme des sophismes d’Eléates sur l’indivisibilité de l’espace et du temps, s’ils
éternisent au point fixe le mouvement même du vol, n’ont rien du papillon fixé
par l’épingle viennoise de l’entomologiste, mais bien plutôt sont-ils, entre les
trente-deux aires de la rose des vents, sur ce fond d’œil incorruptible qu’est la
boussole marine, comme l’aiguille magnétique en transe sur son pivot de métal
bleu.

Les vieux pilotes de Chine et d’Arabie regardaient ainsi s’orienter de lui-
même, au niveau du bol d’eau, l’oiseau peint et flottant sur son index de liège
traversé d’une aiguille aimantée..

VII
… Rien là d’inerte ni de passif. Dans cette fixité du vol qui n’est que
laconisme, l’activité demeure combustion. Tout à l’actif du vol, et virement de
compte à cet actif.
L’oiseau succinct de Braque n’est point simple motif. Il n’est point filigrane
dans la feuille du jour, ni même empreinte de main fraîche dans l’argile des
murs. Il n’habite point, fossile, le bloc d’ambre ni de houille. Il vit, il vogue, se
consume – concentration sur l’être et constance dans l’être. Il s’adjoint, comme
la plante, l’énergie lumineuse, et son avidité est telle qu’il ne perçoit, du spectre
solaire, le violet ni le bleu. Son aventure est aventure de guerre, sa patience
« vertu » au sens antique du mot. Il rompt, à force d’âme, le fil de la gravitation.
Son ombre au sol est congédiée. Et l’homme gagné de même abréviation se
couvre en songe du plus clair de l’épée.

Ascétisme du vol… L’être de plume et de conquête, l’oiseau, né sous le signe
de la dissipation, a rassemblé ses lignes de force. Le vol lui tranche les pattes et
l’excès de sa plume. Plus bref qu’un alérion, il tend à la nudité lisse de l’engin,
et porté d’un seul jet jusqu’à la limite spectrale du vol, il semble prêt d’y laisser
l’aile, comme l’insecte après le vol nuptial.

C’est une poésie d’action qui s’est engagée là.

VIII
Oiseau, et qu’une longue affinité tient aux confins de l’homme… Les voici,
pour l’action, armés comme filles de l’esprit. Les voici, pour la transe et l’avant-
création, plus nocturnes qu’à l’homme la grande nuit du songe clair où s’exerce
la logique du songe.

Dans la maturité d’un texte immense en voie toujours de formation, ils ont
mûri comme des fruits, ou mieux comme des mots :  à même la sève et la
substance originelle. Et bien sont-ils comme des mots sous leur charge magique :
noyaux de force et d’action, foyers d’éclairs et d’émissions, portant au loin
l’initiative et la prémonition.

Sur la page blanche aux marges infinies, l’espace qu’ils mesurent n’est plus
qu’incantation. Ils sont, comme dans le mètre, quantités syllabiques. Et
procédant, comme les mots, de lointaine ascendance, ils perdent, comme les
mots, leur sens à la limite de la félicité.

A l’aventure poétique ils eurent part jadis, avec l’augure et l’aruspice. Et les
voici, vocables assujettis au même enchaînement, pour l’exercice au loin d’une
divination nouvelle… Au soir d’antiques civilisations, c’est un oiseau de bois,
les bras en croix saisis par l’officiant, qui tient le rôle du scribe dans l’écriture
médiumnique, comme aux mains du sourcier ou du géomancien.

Oiseaux, nés d’une inflexion première pour la plus longue intonation… Ils
sont, comme les mots, portés du rythme universel ; ils s’inscrivent d’eux-mêmes
et comme d’affinité, dans la plus large strophe errante que l’on ait vue jamais se
dérouler au monde.

Heureux, ah ! qu’ils tendent jusqu’à nous, d’un bord à l’autre de l’océan
céleste, cet arc immense d’ailes peintes qui nous assiste et qui nous cerne, ah !
qu’ils en portent tous l’honneur à force d’âme, parmi nous !…

L’homme porte le poids de sa gravitation comme une meule au cou, l’oiseau
comme une plume peinte au front. Mais au bout de son fil invisible, l’oiseau de
Braque n’échappe pas plus à la fatalité terrestre qu’une particule rocheuse dans
la géologie de Cézanne.

IX
D’une parcelle à l’autre du temps partiel, l’oiseau, créateur de son vol, monte
aux rampes invisibles et gagne sa hauteur…

De notre profondeur nocturne, comme d’un écubier sa chaîne, il tire à lui,
gagnant le large, ce trait sans fin de l’homme qui ne cesse d’aggraver son poids.
Il tient, de haut, le fil de notre veille. Et pousse un soir ce cri d’ailleurs, qui fait
lever en songe la tête du dormeur.

Nous l’avons vu, sur le vélin d’une aube ; ou comme il passait, noir – c’est-à-
dire blanc – sur le miroir d’une nuit d’automne, avec les oies sauvages des vieux
poètes Song, et nous laissait muets dans le bronze des gongs.
A des lieux sans relais il tend de tout son être. Il est notre émissaire et notre
initiateur. « Maître du Songe, dis-nous le songe !… »

Mais lui, vêtu de peu de gris ou bien s’en dévêtant, pour nous mieux dire un
jour l’inattachement de la couleur – dans tout ce lait de lune grise ou verte et de
semence heureuse, dans toute cette clarté de nacre rose ou verte qui est aussi
celle du songe, étant celle des pôles et des perles sous la mer – il naviguait avant
le songe, et sa réponse est : « Passer outre !… »

De tous les animaux qui n’ont cessé d’habiter l’homme comme une arche
vivante, l’oiseau, à très longs cris, par son incitation au vol, fut seul à doter
l’homme d’une audace nouvelle.

X
Gratitude du vol !… Ceux-ci en firent leur délice.

Sur toutes mesures du temps loisible, et de l’espace, délectable, ils étendent
leur loisir et leur délectation : oiseaux du plus long jour et du plus long grief…

Plus qu’ils ne volent, ils viennent à part entière au délice de l’être : oiseaux
du plus long jour et du plus long propos, avec leurs fronts de nouveau-nés ou
de dauphins des fables…

Ils passent, c’est durer, ou croisent, c’est régner : oiseaux du plus long jour et
du plus long désir… L’espace nourricier leur ouvre son épaisseur charnelle, et
leur maturité s’éveille au lit même du vent.

Gratitude du vol… Et l’étirement du long désir est tel, et de telle puissance,
qu’il leur imprime parfois ce gauchissement de l’aile qu’on voit, au fond des
nuits australes, dans l’armature défaillante de la croix du Sud…

Longue jouissance et long mutisme… Nul sifflement là-haut, de frondes ni de
faux. Ils naviguaient déjà tous feux éteints, quand descendit sur eux la surdité
des dieux…

Et qui donc sut jamais si, sous la triple paupière aux teintes ardoisées,
l’ivresse ou l’affre du plaisir leur tenait l’œil mi-clos ? Effusion faite
permanence, et l’immersion totale…

A mi-hauteur entre ciel et mer, entre un amont et un aval d’éternité, se
frayant route d’éternité, ils sont nos médiateurs,  et tendent de tout l’être à
l’étendue de l’être…

Leur ligne de vol est latitude, à l’image du temps comme nous
l’accommodons. Ils nous passent toujours par le travers du songe, comme
locustes devant la face… Ils suivent à longueur de temps leurs pistes sans
ombrage, et se couvrent de l’aile, dans midi,  comme du souci des rois et des
prophètes.

XI
Tels sont les oiseaux de Georges Braque, qu’ils soient de steppe ou bien de
mer, d’espère côtière ou pélagienne.

Sur l’étendue d’un jour plus long que celui né de nos ténèbres, avec cette
tension dardée de tout le corps, ou cet allongement sinueux des anses du col qui
n’est pas moins suspect, ils tiennent aux strates invisibles du ciel, comme aux
lignes visibles d’une portée musicale, la longue modulation d’un vol plus souple
que n’est l’heure.

Au point où se résout l’accord, ne cherchez point le lieu ni l’âge de leur
filiation : oiseaux de tous rivages et de toutes saisons, ils sont princes de
l’ubiquité. Et d’abord engagés sur la table du jour comme mortaises et tenons
entre les parts d’un même tout, ils virent à des noces plus hautaines que  celles
du Ying et du Yang.

Au point d’hypnose d’un œil immense habité par le peintre, comme l’œil
même du cyclope en course – toutes choses rapportées à leurs causes lointaines
et tous feux se croisant – c’est l’unité enfin renouée et le divers réconcilié. Après
telle et si longue consommation du vol, c’est la grande ronde d’oiseaux peints
sur la roue zodiacale, et le rassemblement d’une famille entière d’ailes dans le
vent jaune, comme une seule et vaste hélice en quête de ses pales.

Et parce qu’ils cherchent l’affinité, en ce non-lieu très sûr et très vertigineux,
comme en un point focal où l’œil d’un Braque cherche la fusion des éléments,
il leur arrive de mimer là quelque nageoire sous-marine, quelque aileron de
flamme vive ou quelque couple de feuilles au vent.

Ou bien les voici, dans tout ce haut suspens, comme graines ailées, samares
géantes et semences d’érables : oiseaux semés au vent d’une aube, ils
ensemencent à long terme nos sites et nos jours…

Ainsi les cavaliers d’Asie centrale, montés sur leurs bêtes précaires, sèment
au vent du désert, pour le mieux repeupler, des effigies légères de chevaux brefs
sur découpures de papier blanc…

Braque, vous ensemencez d’espèces saintes l’espace occidental. Et le district
de l’homme s’en trouve comme fécondé… En monnaies et semences d’oiseaux
peints, que soit payé pour nous le prix du Siècle !

XII
… Ce sont les oiseaux de Georges Braque : plus près du genre que de 
l’espèce, plus près de l’ordre que du genre ; prompts à rallier d’un même
trait la souche mère et l’avatar, jamais hybrides et pourtant millénaires. Ils
porteraient, en bonne nomenclature, cette répétition du nom dont les naturalistes
se plaisent à honorer le type élu comme archétype : Bracchus Avis Avis…

Ce ne sont plus grues de Camargue ni goélands des côtes normandes ou de
Cornouaille, hérons d’Afrique ou d’Île-de-France, milans de Corse ou de
Vaucluse, ni palombes des cols pyrénéens ; mais tous oiseaux de même faune et
de même vocation, tenant caste nouvelle et d’antique lignage.

Tout synthétiques qu’ils soient, ils sont de création première et ne remontent
point le cours d’une abstraction. Ils n’ont point fréquenté le mythe ni la légende ;
et, répugnant de tout leur être à cette carence qu’est le symbole, ils ne relèvent
d’aucune Bible ni Rituel.

Ils n’ont pas joué aux dieux d’Egypte ou de Susiane. Ils n’étaient pas avec
la colombe de Noé, ni le vautour de Prométhée ; non plus qu’avec ces oiseaux
Ababils dont il est fait mention dans le livre de Mahomet.

Oiseaux sont-ils, de faune vraie. Leur vérité est l’inconnue de tout être créé.
Leur loyauté, sous maints profils, fut d’incarner une constance de l’oiseau.

Ils n’en tirent point littérature. Ils n’ont fouillé nulles entrailles ni vengé nul
blasphème. Et qu’avaient-ils à faire de « l’aigle jovien » dans la première
Pythique de Pindare ? Ils n’auront point croisé « les grues frileuses » de
Maldoror, ni le grand oiseau blanc d’Edgar Poe dans le ciel défaillant d’Arthur
Gordon Pym. L’albatros de Baudelaire ni l’oiseau supplicié de Coleridge ne
furent leurs familiers. Mais du réel qu’ils sont, non de la fable d’aucun conte,
ils emplissent l’espace poétique de l’homme, portés d’un trait réel jusqu’aux
abords du surréel.

Oiseaux de Braque, et de nul autre… Inallusifs et purs de toute mémoire, ils
suivent leur destin propre, plus ombrageux que nulle montée de cygnes noirs à
l’horizon des mers australes. L’innocence est leur âge. Ils courent leur chance
près de l’homme. Et s’élèvent au songe dans la même nuit que l’homme.

Sur l’orbe du plus grand Songe qui nous a tous vus naître, ils passent, nous
laissant à nos histoires de villes… Leur vol est connaissance, l’espace est leur
aliénation.

XIII
Oiseaux, lances levées à toutes frontières de l’homme !…

 L’aile puissante et calme, et l’œil lavé de sécrétions très pures, ils vont et
nous devancent aux franchise d’outre-mer, comme aux Echelles et Comptoirs
d’un éternel Levant. Ils sont pèlerins de longue pérégrination, Croisés d’un
éternel An Mille. Et aussi bien furent-il « croisés » sur la croix de leurs ailes…
Nulle mer portant bateaux a-t-elle jamais connu pareil concert de voiles et
d’ailes sur l’étendue heureuse ?

Avec toutes choses errantes par le monde et qui sont choses au fil de l’heure,
ils vont où vont tous les oiseaux du monde, à leur destin d’être créés… Où va le
mouvement même des choses, sur sa houle, où va le cours même du ciel, sur sa
roue – à cette immensité de vivre et de créer dont s’est émue la plus grande nuit
de mai, ils vont, et doublant plus de caps que n’en lèvent nos songes, ils passent,
nous laissant à l’Océan des choses libres et non libres…

Ignorants de leurs ombres, et ne sachant de mort que ce qui s’en consume
d’immortel au bruit lointain des grandes eaux, ils passent, nous laissant, et nous
ne sommes plus les mêmes. Ils sont l’espace traversé d’une seule pensée.

Laconisme de l’aile ! ô mutisme des forts… Muets sont-ils, et de haut vol,
dans la grande nuit de l’homme. Mais à l’aube, étrangers, ils descendent vers
nous : vêtus de ces couleurs de l’aube – entre bitume et givre – qui sont les
couleurs mêmes du fond de l’homme… Et de cette aube de fraîcheur, comme
d’un ondoiement très pur, ils gardent parmi nous quelque chose du songe de la
création.


Saint-John Perse, « Oiseaux » 

Actualités naturalistes

Avant la rentrée, je vous propose, amis naturalistes, de lire quelques informations rafraîchissantes ! 

Un nouveau site internet « la forêt et nous » vient d’être mis en ligne  pour les élèves, leurs enseignants, et le grand public. Au menu,  des quiz, des fiches, des livrets et des vidéos pour mieux comprendre la forêt. Ce site est proposé par Teragir, une association d’éducation au développement durable de référence reconnue d’intérêt général et qui porte La Forêt et nous en partenariat avec de grands acteurs institutionnels pour intensifier l’éducation à la forêt en France, plus particulièrement auprès des jeunes de 3 à 18 ans. C’est ici que commence la visite !


Nouvelle publication, passionnante de  l’Inventaire National du Patrimoine Naturel  sur les  habitats marins benthiques de métropole ! Sous la coordination de PatriNat et avec le soutien du Life Marha, les habitats ont été décrits sur la base des descriptions existantes dans d’autres typologies complétées avec les connaissances disponibles, ou entièrement rédigées, par les experts scientifiques. Chaque fiche permet notamment d’identifier pour chaque unité décrite : les facteurs abiotiques, les caractéristiques stationnelles, la potentielle variabilité spatiale ou temporelle, les espèces caractéristiques, les confusions possibles avec d’autres unités, ainsi que diverses informations sur le statut de conservation, la répartition géographique ou encore les tendances évolutives…

Il y a deux documents : l’un pour la Méditerranée, l’autre pour la Manche, la Mer du Nord et l’Atlantique. Ils devraient intéresser tous les naturistes intéressés par l’estran !

SOURCEhttps://inpn.mnhn.fr/actualites/lire/15064/les-habitats-marins-benthiques-de-metropole-ont-enfin-leurs-papiers-d-identite


Bien qu’ils soient plus agressifs pour défendre leur territoire quelles moineaux des campagnes, les moineaux mâles vivant dans les zones urbaines consacrent davantage de temps à visiter le nid et nourrir leurs petits, ce qui surprend les scientifiques qui pensaient que plus d’agressivité signifierait moins de temps passé avec les poussins.

Les chercheurs pensent qu’en raison d’une pression de prédation moindre en ville par rapport à la campagne, les oiseaux se reproduisent avec plus de succès, et que cela accroit les visites au nid des  du moineaux des villes mâles.  « Contre toute attente, nous avons constaté qu’ils visitaient les nids plus fréquemment et qu’ils étaient de meilleurs parents que les mâles des zones rurales » dit l’auteur de la publication. dans la revue Frontiers in Ecology and Evolution, qui a porté sur six sites du sud-ouest de la Virginie (USA) caractérisés par un accroissement urbain récent, et ce au cours de quatre saisons de reproduction.

SOURCE :  Indirect effects of urbanization: consequences of increased aggression in an urban male songbird for mates and offspring. Front. Ecol. Evol., 22 August 2023 Sec. Urban Ecology  Volume 11 – 2023 | https://doi.org/10.3389/fevo.2023.1234562

🎶 Qui donc chante ici ?


Les yeux encore lourds de sommeil, les ornithologues admirèrent les pâles rayons du soleil levant peignant d’or les rares brumes nappant encore le sol d’un chemin forestier tout humide de rosée, avant de se laisser charmer par les chants d’oiseaux, fort nombreux, fort riches et forts variés à cette heure matutinale. Le chœur de l’aube s’étant tu, il était temps de se mettre au travail…

Quand on débute dans l’apprentissage de l’ornithologie, la première difficulté consiste à reconnaître et à dire le nom les oiseaux rencontrés : Grive litorne, Buse variable, Rouge-gorge familier, Fauvette pitchou… Et l’on doit apprendre, patiemment, les critères utiles à cette identification : la taille de l’oiseau, son plumage, son allure, son vol, son habitat… et son chant.

Les ornithologues chevronnés, en effet, savent reconnaître les oiseaux avant que de les voir, et même, parfois, sans jamais les voir du tout. Comme ils brillent d’admiration, les yeux du débutant, quand le spécialiste annonce avoir entendu une Rousserole effarvate, une Locustelle luscinoide, ou un Gorgebleu à miroir. Ne sont-ils pas un peu sorciers , ces gens-là ?

Et le débutant s’entraîne sur le terrain, à reconnaître à la vue ou à l’ouïe, les oiseaux de sa région, et il travaille à la maison, sur ses livres et son ordinateur. Et puis, un jour, il fait la connaissance d’un professeur patient, talentueux, et disponible autant que de besoin, une sorte d’enchanteur, dont le nom, ô merveilleuse coïncidence, est Merlin ! J’ai déjà parlé de ce professeur épatant, qui prend place dans les ordinateurs, les tablettes et les téléphones, afin d’apporter son expertise sur le terrain. Merlin, donc, aide à la reconnaissance visuelle et auditive des oiseaux rencontrés. Et c’est cette reconnaissance des chants d’oiseaux que je souhaiterais aborder aujourd’hui.

Imaginez !  Vous êtes sur un chemin forestier, à l’aube. À votre droite, des bois; à votre gauche une clairière. Vous entendez deux oiseaux dans le bois et un oiseau dans la prairie. Merlin est ouvert sur votre téléphone, et vous cliquez sur le gros bouton « Sound ID » : chaque fois qu’un oiseau vocalise, sa photo et son nom apparaissent, et les informations se mettent à jour, au fil du temps. Et ainsi vous apprenez que les chanteurs de la forêt sont une Sitelle torchepot et une Fauvette à tête noire, quand celui du pré, là-bas, sur son piquet, est un Tarier pâtre. Et vos jumelles confirment l’identification sonore. C’est magique, c’est Merlin !

Sound ID permet aux utilisateurs d’utiliser leur téléphone pour écouter les oiseaux autour d’eux et voir s’afficher, en direct, l’identité de ceux qui chantent (image et nom), et ce pour 1 054 espèces d’oiseaux, avec une couverture complète des États-Unis, du Canada, de l’Europe, du Paléarctique occidental, ainsi qu’une couverture des espèces les plus communes et les plus répandues dans les régions néotropicales et en Inde. Sound ID fonctionne en local, sans qu’il soit nécessaire de disposer d’une connexion à l’internet. 

Mais comment cette identification sonore fonctionne-t-elle ? Quelle est donc cette diablerie ?

Lorsque le téléphone lance un enregistrement sonore, Merlin le convertit, au fil de l’eau en une image appelée spectrogramme. Ce spectrogramme représente les fréquences sonores qui apparaissent dans l’enregistrement, en fonction du temps. L’image du spectrogramme est ensuite traitée par un réseau neuronal convolutif profond. Ce modèle a été entraîné à identifier les oiseaux sur la base de 140 heures d’enregistrements audio contenant des sons d’oiseaux, en plus de 126 heures d’enregistrements audio contenant des sons de fond non liés aux oiseaux, tels que des sifflements et des bruits de voiture. Pour chaque clip audio, un groupe d’experts en identification sonore de la bibliothèque Macaulay et de la communauté eBird a trouvé les moments précis où les oiseaux émettaient des sons, et a étiqueté ces sons avec les espèces d’oiseaux correspondantes. Le modèle peut utiliser cette supervision détaillée des experts pour apprendre à prédire correctement les espèces qui apparaissent dans ces clips audio annotés, dans le but de généraliser cette connaissance et prédire quels oiseaux apparaissent dans des enregistrements audio jamais entendus auparavant.

Une fois la base de données de sons constituée,  le modèle est entraîné à l’aide d’un algorithme de rétro-propagation du gradient. Lorsque le modèle « entend » un extrait sonore, il fait une prédiction basée sur la transformation du spectrogramme de l’extrait sonore par une série d’opérations mathématiques impliquant des millions de nombres (appelés poids). L’algorithme de rétro-propagation du gradient détermine comment ajuster la valeur de chaque poids pour que les prédictions du modèle correspondent à celles des experts en identification sonore. Ce processus de mise à jour des poids constitue la partie « apprentissage » de l’apprentissage automatique.

La construction du modèle d’identification des sons est donc un processus itératif, impliquant un va-et-vient entre les experts en identification des sons, les membres de l’équipe d’apprentissage automatique et les personnes qui fournissent un retour d’information basé sur les tests de l’application sur le terrain. Trois équipes, donc !

Après avoir évalué les performances d’un modèle formé, des ajustements sont apportés à l’algorithme d’apprentissage, et il est demandé aux experts en identification sonore d’étiqueter davantage de clips audio et essayons de localiser les erreurs humaines dans les données précédemment étiquetées.

Merlin n’est pas le premier à utiliser des réseaux neuronaux convolutifs profonds pour identifier les oiseaux par leurs sons. En fait, Merlin s’inspire d’un certain nombre d’autres projets, notamment BirdNET et BirdVox. Il existe de nombreuses autres approches de l’identification des sons d’oiseaux au fil des ans, qui sont le résultat de concours d’ingénierie tels que BirdClef et DCASE, parmi beaucoup d’ autres. Des techniques similaires ont été utilisées pour surveiller l’activité des chauves-souris, et pour trouver des modèles dans les chants de baleines.

Les modèles antérieurs d’identification des sons d’oiseaux ont généralement été formés à l’aide de données dont le niveau de résolution temporelle était plus grossier. Par exemple, un modèle peut entendre un enregistrement de 30 secondes d’une Sittelle torchepot, mais ne pas savoir quand la sittelle chante dans l’enregistrement. Cela peut poser problème : si d’autres espèces chantent dans le même enregistrement, le modèle considérera à tort que toutes les espèces présentes dans l’enregistrement sont des Sittelles torchepot, ce qui entraînera des propositions erronées. L’outil d’identification sonore de Merlin est formé à l’aide de données audio intégrant les moments précis où chaque oiseau vocalise. Le processus de génération de ces données demande beaucoup de travail, car il exige des experts en identification sonore qu’ils écoutent attentivement chaque fichier audio. Grâce à ces efforts, le modèle a la possibilité d’apprendre une représentation plus précise des sons correspondant à chaque espèce (et des sons ambiants). Des recherches récentes confirment que des étiquettes temporellement fines peuvent contribuer à améliorer les performances de la classification audio.

Les enregistrements audio inclus dans Merlin tentent de couvrir toute la gamme de variations des émissions sonores de chaque espèce, et sont sélectionnés et édités par l’équipe de la bibliothèque Macaulay et ses partenaires. 

Enfin, il est bon de savoir que tout un chacun peut aider Merlin Sound ID à enrichir sa base de données en enregistrant des oiseaux sur son téléphone, en les téléchargeant sur les listes de contrôle eBird et en étiquetant les espèces audibles dans l’enregistrement. Les conseils de la bibliothèque Macaulay en matière d’enregistrement sur smartphone sont un excellent point de départ pour ceux qui désireraient participer à cette aventure !

Finalement, et pour résumer, on peut dire que Merlin est aux oiseaux ce que Shazam est à la musique !

SOURCES

  1. Behind the Scenes of Sound ID in Merlin. Benjamin Hoffman and Grant Van Horn 22 Jun 2021
  2. Voir une vidéo de démonstration de l’application
  3. Site internet de Merlin
  4. Site internet de eBird

Sale affaire que cette grippe aviaire…


INTRODUCTION

Les nouvelles sont mauvaises, la grippe aviaire continue ses ravages sur l’avifaune sauvage en 2023. Quelques exemples, parmi tant d’autres : 

  1. Un virus de l’influenza aviaire hautement pathogène (HPAIv) s’est propagé dans la région de l’Holarctic en 2022, affectant des millions d’oiseaux a atteint l’Amérique du Sud. …/… Rien que le long de la côte péruvienne, le HPAlv a tué plus de 22 000 oiseaux sauvages, en seulement 4 semaines, principalement des Pélicans thage (Pelecanus thagus) et des Fous variés (Sula variegata), espèce menacée. Voir ici
  2. Epidémie à mortalité massive liée à un virus grippal hautement pathogène (H5N1) chez des Lions de mer du Pérou. La voie de transmission du H5N1 pourrait être liée au contact étroit des Lions de mer avec des oiseaux sauvages infectés (Cependant, une transmission directe entre les lions de mer ne peut être exclue) Voir l’article
  3. En Ecosse, la grippe aviaire a fait des dégâts considérables. Bien que les principales espèces touchées soient le Grand labbe (Stercorarius skua) et le Fou de Bassan (Morus bassanus), d’autres espèces ont également été testées positives en 2022. Il s’agit notamment de la Buse variable, de l’Oie cendrée, de l’Oie du Canada, de l’Eider, de la Sterne arctique, du Guillemot de Troïl, du Goéland argenté et du Goéland marin. Aucun de ces oiseaux n’a cependant été autant affecté que les Grands labbes et les Fous de Bassan. source
  4. Octobre 2022 : Une épidémie d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) A(H5N1) à décimé des visons d’élevage intensif en Espagne. Voir ici
  5. 24 juillet 2023 : Les Sternes (sauge, pierregarin et de Dougal) , espèces protégées et menacées, sont décimées par la grippe aviaire sur l’île aux Moutons dans le Finistère. Article de Bretagne Vivante
  6. 25 juillet 2023 : La moitié des mouettes tridactyles de la plus importante colonie d’oiseaux de mer de Norvège pourraient avoir été tuées par la grippe aviaire, soit au moins de 11 000 oiseaux. article, en norvégien.

UN PEU DE VIROLOGIE

Les virus de l’influenza aviaire (ou grippe aviaire) sont des orthomyxovirus A affectant principalement les oiseaux qu’ils soient d’élevages ou sauvage.. Ils sont classés comme faiblement pathogènes ou hautement pathogènes en fonction de leurs caractéristiques génétiques et de la gravité de la maladie qu’ils provoquent. La  maladie est très contagieuse. Les virus de la GA sont également responsables, bien que moins fréquemment, d’épidémies chez des mammifères, et de cas sporadiques chez les humains (essentiellement des éleveurs de volailles).

Les virus de la GA sont divisés en plusieurs sous-types (H5N1, H5N3, H5N8, etc.) dont les caractéristiques génétiques évoluent rapidement. La maladie est présente dans le monde entier, mais différents sous-types sont plus répandus dans certaines régions que dans d’autres.

TRANSMISSION ET PROPAGATION

Chez les oiseaux, les virus de la GA sont excrétés dans les fèces et les sécrétions respiratoires. Ils peuvent tous se propager par contact direct avec les sécrétions respiratoires d’oiseaux infectés, leurs fèces ou par des aliments et de l’eau contaminés. En raison de la nature résistante des virus de la GA, y compris leur capacité à survivre pendant de longues périodes lorsque les températures sont basses, ils peuvent également être transportés par les équipements agricoles et se propager facilement d’une ferme à l’autre.

Selon les données recueillies depuis 2005, la grippe aviaire hautement pathogène semble être saisonnière, sa propagation étant la plus faible en septembre, commençant à augmenter en octobre pour atteindre un sommet en février.

Quel rôle les oiseaux sauvages jouent-ils dans la propagation de la grippe aviaire?

Les oiseaux sauvages migrateurs, en particulier les oiseaux de mer, sont des hôtes naturels et donc des réservoirs des virus de la grippe aviaire. Dans leurs voies respiratoires ou intestinales, ils peuvent être porteurs de différentes souches du virus de la grippe aviaire. Lorsque les oiseaux présentent peu ou pas de symptômes du virus,  ils propagent les virus entre pays voisins ou sur de longues distances, le long de leurs voies migratoires. Les oiseaux sauvages jouent également un rôle majeur dans l’évolution et le maintien des virus de la grippe aviaire pendant les basses saisons.  

Les principales espèces sauvages impliquées dans le cycle viral de l’influenza aviaire sont les anatidés, les laridés et les limicoles; Cependant, le virus semble passer facilement entre différentes espèces d’oiseaux. L’exposition directe des oiseaux d’élevage aux oiseaux sauvages est une voie de transmission probable du virus.

S’agissant des oiseaux sauvages, un article, complexe et en anglais, explique les modalités de transmission de la grippe aviaire entre oiseaux d’une colonie, entre colonies différentes et les facteurs favorisant ces transmissions. Voir ici

La grippe aviaire se propage également par les voies migratoires des oiseaux, voir ici : Les virus de l’influenza aviaire hautement pathogène se propagent en Asie, en Europe, en Afrique et en Amérique du Nord, mais sont actuellement absents d’Amérique du Sud et d’Océanie. En décembre 2021, des virus IAHP H5N1 ont été détectés chez des volailles et un goéland vivant en liberté à St. John’s, Terre-Neuve-et-Labrador, Canada. L’analyse phylogénétique a montré que ces virus étaient très proches des virus qui circulaient dans le nord-ouest de l’Europe au printemps 2021. L’analyse de la migration des oiseaux sauvages suggère que ces virus ont pu être transportés à travers l’Atlantique via l’Islande, le Groenland/l’Arctique ou des voies pélagiques. L’incursion des virus IAHP GsGd en Amérique du Nord suscite des inquiétudes quant à la propagation du virus à travers les Amériques par le biais de la migration des oiseaux sauvages.

Impact sur la santé animale, y compris des oiseaux sauvages

Avec des taux de mortalité élevés, la grippe aviaire peut avoir de graves répercussions sur la santé des volailles et des oiseaux sauvages. Souvent considérés principalement comme des vecteurs de la maladie, les oiseaux sauvages, y compris les espèces menacées, en sont également victimes. Les conséquences de la grippe aviaire sur la faune sauvage pourraient avoir un effet dévastateur sur la biodiversité de nos écosystèmes.

En outre, la grippe aviaire peut également traverser la barrière des espèces et infecter des mammifères, tels que les rats, les souris, les belettes, les furets, les porcs, les chats, les tigres, les chiens et les chevaux. source 

Risque pour la santé publique

Les épidémies actuelles de grippe aviaire ont dévasté certaines populations animales,  volailles, oiseaux sauvages et certains mammifères, et ont nui aux moyens de subsistance des agriculteurs et au commerce alimentaire. Bien qu’elles touchent en grande partie les animaux, ces épidémies présentent des risques permanents pour les humains. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation mondiale de la santé animale (WOAH) exhortent les pays à travailler ensemble dans tous les secteurs pour sauver autant d’animaux que possible et protéger les personnes.

Les virus de la grippe aviaire se propagent normalement chez les oiseaux, mais le nombre croissant de détections de la grippe aviaire H5N1 chez les mammifères – qui sont biologiquement plus proches des humains que les oiseaux – suscite la crainte que le virus ne s’adapte pour infecter les humains plus facilement. En outre, certains mammifères peuvent agir comme des sources d’hybridation  pour les virus de la grippe, ce qui conduirait à l’émergence de nouveaux virus plus dangereux pour les animaux et les humains (car plus contagieux).

La lignée oie/Guangdong des virus de la grippe aviaire H5N1 a émergé pour la première fois en 1996 et a provoqué des épidémies chez les oiseaux depuis lors. Depuis 2020, une variante de ces virus appartenant au clade H5 2.3.4.4b a entraîné un nombre sans précédent de décès chez les oiseaux sauvages et la volaille dans de nombreux pays d’Afrique, d’Asie et d’Europe. En 2021, le virus s’est propagé en Amérique du Nord et en 2022, en Amérique centrale et en Amérique du Sud.

En 2022, 67 pays des cinq continents ont signalé à WOAH des épidémies de grippe aviaire à haute pathogénicité H5N1 chez la volaille et les oiseaux sauvages, avec plus de 131 millions de volailles domestiques perdues à cause de la mort ou de l’abattage dans les fermes et les villages touchés. En 2023, 14 autres pays ont signalé des épidémies, principalement dans les Amériques, alors que la maladie continue de se propager. Plusieurs décès de masse ont été signalés chez des oiseaux sauvages, causés par les virus du clade 2.3.4.4b de la grippe A(H5N1).

Surveillance de la récente augmentation des épidémies chez les mammifères

Récemment, les rapports d’épidémies mortelles chez les mammifères se sont multipliés, épidémies causées par la grippe A(H5) – y compris les virus de la grippe A(H5N1). 10 pays sur trois continents ont signalé des épidémies chez les mammifères à WOAH depuis 2022. Ces déclarations ne sont manifestement pas exhaustives (absence de détections ou de remontées de l’information). Des mammifères terrestres et marins ont également été touchés (visons d’élevage en Espagne, phoques aux États-Unis d’Amérique, Lions de mer au Pérou et au Chili) : au moins 26 espèces ont été infectés. Les virus H5N1 ont également été détectés chez des animaux domestiques tels que les chats et les chiens dans plusieurs pays, avec des détections récentes de H5N1 chez les chats annoncées par les autorités polonaises.

« Il y a un changement de paradigme récent dans l’écologie et l’épidémiologie de la grippe aviaire qui a accru l’inquiétude mondiale à mesure que la maladie s’est propagée à de nouvelles régions géographiques et a provoqué des morts inhabituelles d’oiseaux sauvages, et une augmentation alarmante des cas de mammifères », a déclaré le Dr Gregorio Torres, chef du département des sciences

Évaluation du risque pour les humains

Le clade sporadique de la grippe A(H5N1) 2.3.4.4b détection du virus chez l’homme a également été signalée, mais reste très rare, avec 8 cas signalés depuis décembre 2021. Les infections chez l’homme peuvent causer une maladie grave avec un taux de mortalité élevé. Les cas humains détectés jusqu’à présent sont principalement liés à un contact étroit avec des oiseaux infectés et des environnements contaminés.

Avec les informations disponibles jusqu’à présent, le virus ne semble pas pouvoir se transmettre facilement d’une personne à une autre, mais la vigilance est nécessaire pour identifier toute évolution du virus qui peut changer cela, a déclaré le Dr Sylvie Briand, directrice de la préparation et de la prévention des épidémies et des pandémies, OMS. L’OMS travaille en étroite collaboration avec la FAO et encourage tous les pays à accroître leur capacité à surveiller ces virus et à détecter tout cas humain. C’est d’autant plus important que le virus affecte maintenant les pays ayant une expérience préalable limitée de la surveillance de la grippe aviaire.

Des études sont en cours pour identifier tout changement dans le virus qui pourrait aider le virus à se propager plus facilement chez les mammifères, y compris les humains.

« L’épidémiologie du H5N1 continue d’évoluer rapidement », a déclaré Keith Sumption, médecin vétérinaire en chef de la FAO. « La FAO attire l’attention sur la nécessité d’une vigilance et d’un partage en temps opportun des séquences génétiques pour surveiller l’épidémiologie moléculaire afin d’évaluer les risques et de mieux contrôler les maladies. »

Comment freiner la propagation de la grippe aviaire

Compte tenu de la propagation sans précédent du virus de la grippe aviaire A(H5N1) parmi les oiseaux et les mammifères, et du risque potentiel pour la santé humaine, les partenaires tripartites – la FAO, l’OMS et la WOAH – exhortent les pays à prendre les mesures suivantes :

  • Prévenir la grippe aviaire à sa source, principalement par des mesures de biosécurité renforcées dans les fermes et dans les chaînes de valeur de la volaille, et appliquer de bonnes pratiques d’hygiène. Les membres de WOAH, en consultation avec le secteur avicole, peuvent considérer la vaccination des volailles comme un outil complémentaire de contrôle des maladies basé sur une surveillance solide et en tenant compte de facteurs locaux tels que les souches virales en circulation, l’évaluation des risques et les conditions de mise en œuvre de la vaccination.
  • Détecter, signaler et répondre rapidement aux épidémies animales en tant que première ligne de défense. Lorsqu’une infection est détectée chez les animaux, les pays sont encouragés à mettre en œuvre des stratégies de contrôle telles que décrites dans les normesWOAH.
  • Renforcer la surveillance de la grippe chez les animaux et les humains. Pour permettre une réponse précoce, la surveillance fondée sur les risques chez les animaux devrait être renforcée avant et pendant les périodes à haut risque. Les cas de grippe aviaire chez les animaux doivent être signalés à WOAH en temps opportun. Le séquençage génétique doit être effectué périodiquement pour détecter tout changement dans les virus déjà présents dans la région ou l’introduction de nouveaux virus. Chez l’homme, les priorités suivantes devraient être mises en priorité : (i) la surveillance des infections respiratoires aiguës graves et des maladies pseudo-grippales, (ii) un examen attentif de tout schéma épidémiologique inhabituel, (iii) la déclaration des infections humaines en vertu du Règlement sanitaire international, et (iv) le partage des virus de la grippe avec les centres collaborateurs de référence
  • Mener des études épidémiologiques et virologiques autour des épidémies animales et des infections humaines. La surveillance devrait être renforcée pour détecter et enquêter rapidement sur d’autres cas suspects d’animaux et d’êtres humains.
  • Partager rapidement les données de séquence génétique des virus provenant d’humains, d’animaux ou de leurs environnements dans des bases de données accessibles au public, même avant même une publication évaluée par des pairs.
  • Encourager la collaboration entre les secteurs de la santé animale et humaine, en particulier dans les domaines du partage d’informations, de l’évaluation conjointe des risques et de la réponse.
  • Communiquer le risque. Alerter et former les travailleurs de la santé et les personnes exposées au travail sur les moyens de se protéger. Il convient de conseiller au grand public ainsi qu’aux travailleurs des animaux d’éviter tout contact avec des animaux malades et morts et de les signaler aux autorités de santé animale. Il devrait également leur être conseillé de consulter un médecin s’il ne se sent pas bien et de signaler toute exposition aux animaux à leur fournisseur de soins de santé.

OUTILS DE SUIVI DE LA GRIPPE AVIAIRE

Pendant la pandémie de SARS-CoV-2, les médecins disposaient d’un outil leur permettant de suivre l’évolution de la maladie : CovidTracker. J’ai cherché sur internet si des outils existaient, qui permettraient de suivre les dégâts de la Grippe aviaire, voici ce que j’ai trouvé :

  1. Tableau de bord de suivi de la Grippe Aviaire en Europe : voir ici
  2. Radar de la grippe aviaire en Europe : Bird Flu Radar
  3. Veille sanitaire hebdomadaire Grippe aviaire : voir ici
  4. Suivi de la grippe aviaire aux USA : voir ici
  5. Voir, dans ce document australien la Carte de diffusion mondiale de la grippe aviaire +++

POUR ALLER PLUS LOIN

  1. Les foyers d’influenza aviaire chez les animaux représentent un risque pour l’homme. OMS, 2023
  2. Propagation de l’influenza aviaire et mouvements des oiseaux marins entre les colonies. Trends in ecology and évolution. 2023
  3. Propagation transatlantique de l’influenza aviaire hautement pathogène H5N1 par des oiseaux sauvages de l’Europe vers l’Amérique du Nord en 2021. Sci Rep 12, 11729 (2022)

Le soir, au coin du feu, j’ai pensé bien des fois,
À la mort d’un oiseau, quelque part, dans les bois,
Pendant les tristes jours de l’hiver monotone
Les pauvres nids déserts, les nids qu’on abandonne,
Se balancent au vent sur le ciel gris de fer.
Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l’hiver !
Pourtant lorsque viendra le temps des violettes,
Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes
Dans le gazon d’avril où nous irons courir.
Est-ce que les oiseaux se cachent pour mourir ?

François Coppée

Idées de corvidés

Photo d’Auke-Florian Hiemstra / Naturalis Biodiversity Center

Ma veille documentaire rapporte parfois des pépites dans ses filets ! Merveilles de l’internet, de ses moteurs de recherche et de ses alertes automatisées !

Un étonnant article a attiré mon attention, qui explique que des corvidés, dont on sait depuis longtemps l’intelligence et l’habileté à fabriquer des outils, ont utilisé les pics métalliques installés dans les villes pour éloigner les oiseaux comme matériaux de construction de leurs nids, et, mieux, ont disposé les pointes de façon à repousser des prédateurs éventuels ! Intelligents, habiles et malicieux, pour ne pas dire railleurs, ces corvidés !

L’article, intitulé Bird nests made from anti-bird spikes, est en 🇬🇧 et en accès libre. La riche bibliographie sur laquelle il s’appuie mérite le détour pour qui s’intéresse aux nids d’oiseaux !
Voici la traduction 🇫🇷 du résumé de ce papier étonnant.

L’utilisation de matériaux artificiels, voire tranchants, pour la construction de nids chez les oiseaux est bien connue. Le premier rapport sur un nid de corneille fait de fil barbelé date de 1933, et des rapports récents documentent l’utilisation de clous, de vis et de seringues de toxicomanes dans l’architecture aviaire. Nous présentons ici la première étude bien documentée sur des nids de corneilles noires Corvus corone et de pies eurasiennes Pica pica qui sont presque entièrement constitués de matériaux destinés à dissuader les oiseaux : des pointes anti-oiseaux. Les corneilles noires de Rotterdam (Pays-Bas) et les pies eurasiennes d’Enschede (Pays-Bas), d’Anvers (Belgique) et de Glasgow (Écosse) arrachent des bâtiments des bandes entières munies de pointes métalliques acérées et s’en servent comme matériau de nidification. Deux nids de pies anti-oiseaux, aujourd’hui dans les collections du Musée d’histoire naturelle de Rotterdam (corneille) et du Naturalis Biodiversity Center (pie), ont été analysés quant à leur composition et à leur structure. Les pies peuvent utiliser les pointes anti-oiseaux non seulement comme matériau ordinaire de nidification, mais leur emplacement spécifique dans le dôme, surplombant le nid, laisse supposer une utilisation fonctionnelle. Les pics anti-oiseaux peuvent être utilisés par les oiseaux de la même manière qu’ils ont été conçus pour être utilisés par les humains : pour éloigner les (autres) oiseaux. Les corbeaux, par exemple, sont connus pour s’attaquer aux œufs et à la progéniture des pies, et le choix spécifique de ce matériau tranchant pourrait être bénéfique pour la défense du nid, pour laquelle les pies se servent normalement de branches épineuses. D’autres dômes de pies observés étaient construits avec du fil barbelé et des aiguilles à tricoter. Dans l’Anthropocène, maintenant que la biomasse vivante est dépassée par la masse anthropogénique, les oiseaux urbains adoptent de plus en plus d’autres matériaux pour la construction de leurs nids. Les oiseaux utilisent même des matériaux dissuasifs, comme des pointes anti-oiseaux, pour faire leur nid, ce qui signifie que tout peut faire partie d’un nid d’oiseau.

Etonnant, non ? Comme disait je ne sais plus quel éditorialiste matutinal, sur les ondes de je ne sais plus quelle radio antédiluvienne : nous vivons une époque épique !

RESSOURCES DOCUMENTAIRES

  1. Wired nests of crows, Warren, E., 1933 – Nature 132: 29-30
  2. Bird nests made from anti-bird spikes, Auke-Florian Hiemstra, Cornelis W. Moeliker, Barbara Gravendeel, Menno Schilthuizen. Deinsea, 2023.

Ces rapaces m’agacent !

C’est l’été, et, pour certains, l’heure des vacances à la mer, à la campagne ou à la montagne, et pour d’autres la fréquentation de jardins ou de parcs publics. Occasion rêvée de renouer le contact avec la nature, ses paysages, ses arbres, ses plantes, ses fleurs, ses animaux et ses insectes !

Lors de récentes sorties naturalistes, j’ai croisé, émerveillé, des Buses variables, des Busards des roseaux, et même des Bondrées apivores (étonnants rapaces se nourrissant d’insectes), et je dois bien reconnaître que, chaque fois, j’étais heureux qu’un ornithologue confirmé veuille bien me préciser de quelle espèce il s’agissait.

Car ces rapaces diurnes, contrairement aux passereaux ou aux oiseaux d’eau dont on peut observer à la jumelle et à longue-vue les couleurs et les détails, ont la particularité d’être le plus souvent observés en vol dans le lointain, parfois à contre-jour et quasiment toujours hors des instruments optiques. Les critères permettant leur identification sont donc plus délicats pour le débutant : taille, silhouette, vol, comportement et cri. Et dans cette tâche, le célèbre Guide ornitho n’est pas, à mon sens, des plus utiles.

Pour améliorer mes compétences de reconnaissance des rapaces diurnes en vol, j’ai trouvé cette planches sur internet (à mon grand regret, je n’en ai trouvé ni l’auteur, ni la source…) : 

On notera une petite erreur sur cette planche : la Bondrée apivore n’est pas à pivore !

J’ai, en outre, commandé un ouvrage qui, si j’en crois les critiques élogieuses qu’il a recueillies, devrait également aider : Identifier les rapaces en vol: Europe, Afrique du Nord et Moyen orient, de Dick Forsman. Il ne restera plus alors qu’à s’entraîner sur le terrain, aidé par l’indispensable, le merveilleux, le célèbre magicien Merlin et son outil d’identification des cris et chants d’oiseaux !

Bonnes vacances  ! 

Une histoire de fous


J’aime les Fous de Bassan (Morus bassanus), élégants oiseaux de mer, au vol majestueux, aux plongeons spectaculaires et aux yeux clairs (quand ils n’ont pas été victimes de grippe aviaire). Les Fous de Bassan sont les plus grands oiseaux de mer d’Europe. Adultes, ils mesurent entre 85 et 90 cm de longueur et ils ont une envergure de 165 à 180 cm et pèsent entre 2,8 et 3,2 kg.

J’ai découvert ce jour, au cours d’une lecture, que l’un des cousins de Morus bassanus a les pieds palmés — rien d’extraordinaire, s’agissant d’un oiseau de mer — et BLEU TURQUOISE, comme s’il avait chaussé des palmes au magasin de sport du coin !  Le Fou à pieds bleus (Sula nebouxii) est de la même famille que ce Fou de Bassan qui nous fait parfois l’heur de sa visite, au large des côtes bretonnes : les Sulidés. Il mesure en moyenne 81 cm de long et pèse 1,5 kg, son envergure peut atteindre 165 cm. Il vit aux Amériques (50% de sa population vit aux Galapagos), et nous n’avons donc aucune chance de l’admirer en Bretagne, mais nous pouvons le faire, magie de l’internet, sur cette vidéo

Las, je n’étais pas au bout de mes surprises, quand, étudiant plus avant la famille des Sulidae, je découvris l’existence d’un autre Fou aux pieds colorés : le Fou à pieds rouges (Sula sula) est le plus petit des fous, (longueur : 71 cm / envergure : 137 cm), et, comme son nom vernaculaire l’indique, il  possède des pattes palmée rouges. Les fous à pieds rouges ont une vaste distribution géographique, à Hawaii, dans la mer des Caraïbes , dans l’Atlantique, le Pacifique et l’océan Indien. Il devrait être possible, avec beaucoup de chance, de l’observer par chez nous ! En attendant de se montrer, il fait le beau sur cette vidéo

Le site oiseaux.net nous apprend que la famille des Sulidae comporte 3 genres (Morus, Papasula et Sula) et 10 espèces. Ce sont des oiseaux pélagiques, de taille moyenne à grande et à la silhouette similaire (corps fusiforme, longues ailes étroites, long cou, longue queue cunéiforme). Ils sont profilés pour parcourir à grande vitesse de grandes distances en vol au-dessus des étendues océaniques, profitant des vents et des vagues induites pour optimiser leur vol.
Les yeux sont légèrement tournés vers l’avant et vers le bas, ce qui leur procure une large vision binoculaire sans désaxer la tête. Lors des plongées, les membranes nictitantes couvrent les yeux. Le bec conique est long et fort, pointu et sans crochet. Il est dépourvu de narines externes. Comme chez tous les oiseaux marins, il existe des glandes à sel pour évacuer le sel en excès dans l’organisme, ici par le bec.
Leurs pattes sont totipalmées, c’est-à-dire que la palmure englobe les 4 doigts. Elles sont souvent vivement colorées.
Les fous capturent leurs proies (poissons et autres taxons pélagiques) en mer en plongeant, seuls ou en groupe. Ils peuvent plonger d’une grande hauteur (jusqu’à 40m) et pénétrer le milieu marin en profondeur (en moyenne 10-15 m, max. mesuré 35). La durée moyenne d’immersion est 5 à 10 secondes. Au moment de l’impact avec l’eau, les ailes sont complètement rabattues et tendues vers l’arrière dans l’axe du corps pour faciliter la pénétration en minimisant le choc. Les proies peuvent être poursuivies à la nage. Généralement, les proies, capturées avec le bec, sont placées dans la poche gulaire puis consommées lors de la remontée ou en surface, après expulsion de l’eau avalée avec elles. Adaptation morphologique, des sacs aériens disposés en protection de la tête et de la poitrine amortissent aussi le choc avec l’eau et facilitent ensuite la remontée vers la surface.

Fin de cette histoire de Fous !

Une improbable rencontre


J’aime observer les oiseaux ! Ils me font souvent lever tôt et parfois coucher tard (coucou les Engoulevents), ils me montrent — quel cadeau — la Nature comme je ne l’ai jamais vue, dorée des lumières du levant ou du couchant ! Ils m’offrent du temps; temps de silence, temps d’introspection, temps de patience (en attendant qu’ils me fassent l’honneur de leur visite). J’admire les oiseaux, du Moineau au Hibou, j’envie leurs prouesses en vol et leur liberté, j’aime écouter leurs chants mélodieux et me laisser surprendre par leurs cris d’alarme parfois assourdissants. (Coucou la Bouscarle ! )

Et ces sorties ornithologiques répétées, affûtent mon ouïe et ma vue, me rendant plus attentif et plus réactif aux mouvements, aux formes, aux couleurs et aux sons susceptibles de me révéler l’oiseau, le plus ordinaire ou le plus extraordinaire, peu me chaut.

Or il advint, au cours d’une récente visite au supermarché voisin, qu’un oiseau — une Linotte mélodieuse, imaginez  ! — attira mon regard, ce qui ne manqua pas de m’interloquer, car, en ces lieux bruyants, puissamment éclairés et grouillants d’Homo sapiens poussant tristement leurs chariots pleins de victuailles, on croise parfois de malheureux moineaux cherchant désespérément la sortie de l’enfer, mais jamais au grand jamais on ne croise de Linotte ! Quelques millisecondes suffirent à mon cerveau pour rectifier l’information et conclure, avec une certitude inhabituelle, que l’improbable Linotte qui avait attiré mon attention n’était qu’un bien joli dessin sur l’étiquette d’une bouteille de vin ! Diantre et sapristi !

De retour à la maison, je me suis amusé à chercher d’autres bouteilles de vin illustrées par un oiseau. En moins d’une heure, j’en ai trouvé pas moins de 26 , vite installées sur une planche de lecture ! Cette collection n’est pas exhaustive, tant s’en faut. En outre (si j’ose dire, s’agissant de vin !) j’ai déniché plusieurs marques de bière et de spiritueux dont les étiquettes sont également illustrées par des images d’oiseaux.

Cet épisode amusant aura eu deux conséquences ! 

  1. J’ai acheté cette bouteille de « Tête de Linotte » qui avait attiré mon regard;  je la partagerai avec les copains lors du prochain pique-nique ornithologique. L’emballage est important, les publicitaires le savent !
  2. J’ai écrit ce petit article de blogue, car, comme le dit ce joli proverbe tzigane : « Nous sommes des oiseaux de passage, demain nous serons loin. ». On peut aimer l’ornithologie et apprécier un bon verre de vin, surtout si la bouteille rend hommage, par sa jolie étiquette, aux oiseaux qui nous font la vie belle ! Voici, ci-après les quelques étiquettes de « vins ornithologiques », prestement suivies par un délicieux poème de Charles Baudelaire !

A la vôtre les oiseaux, à la vôtre chers lecteurs !

L’âme du vin
Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles :
« Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité !
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme ;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j’éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant ?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content ;
J’allumerai les yeux de ta femme ravie ;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l’éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! »

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857

Les 70 familles d’oiseaux de France

Quand j’étais enfant, je jouais fréquemment au jeu des 7 familles. Puis le temps s’écoula, et quand l’heure fut venue de m’intéresser à l’ornithologie, et qu’il fallut inventorier les ardéidés, les anatidés, les laridés ou les fringillidés, la question s’est alors posée de disposer d’une liste des familles de l’avifaune, simple, utile sur le terrain et pointant, pour chacune des entrées, vers une fiche descriptive. N’ayant point trouvé mon bonheur, malgré le recours à plusieurs moteurs de recherche (Google, Neeva, You.com, Yep) et à ChatGPT, (dans sa version 3.5 gratuite, mais finalement non fiable) je me suis résolu à construire cette liste moi-même et à la mettre en ligne.

Pour la construire, je me suis servi du Guide ornitho, de BWP, et de Wikipedia. Ce ne fut pas une mince affaire !

Voici, donc, la liste des 70 familles d’oiseaux observables en France, classées par ordre alphabétique et documentées chacune par un lien vers Wikipedia.
➜ Certaines de ces familles sont peu fournies (Cettiidae), d’autres le sont à profusion (Fringillidae et Accipitridae).
➜ Certaines de ces familles sont aisées à retenir (Laridae, Anatidae, Ardeidae), d’autres sont impossibles à mémoriser voire à prononcer, la palme revenant aux Threskiornithidae et aux Phalacrocoracidae. 

  1. Accipitridae (Bazas, milans, bondrées, élanions, pygargues, palmistes, gypaètes, vautours de l’Ancien Monde, circaètes, bateleurs, serpentaires, busards, gymnogènes, buses, autours, éperviers, busautours, harpies et aigles)
  2. Acrocephalidae (Rousseroles, phragmites, hypolaïs)
  3. Alaudidae (Alouettes)
  4. Alcidae (Mergules, guillemots, pingouins, et macareux)
  5. Alcedinidae (Martins-pêcheurs)
  6. Anatidae (Canards, oies, cygnes)
  7. Apodidae (Martinets)
  8. Ardeidae (Hérons, aigrettes, butors, bihoreaux)
  9. Burhinidae (œcnidèmes)
  10. Calcariidae (Plectrophanes)
  11. Caprimulgidae (Engoulevents)
  12. Certhiidae (Grimpereaux)
  13. Cettiidae (Bouscarles)
  14. Charadriidae (Pluviers, gravelots, vanneaux)
  15. Ciconiidae (cigognes, tantales, bec-ouverts, jabirus et marabouts)
  16. Cinclidae (Cincles)
  17. Cisticolidae (Cisticoles)
  18. Columbidae (Pigeons, tourterelles)
  19. Coraciidae (Rolliers)
  20. Corvidae (Corbeaux, corneilles, pies, geais)
  21. Cuculidae (Coucous)
  22. Diomedeidae (Albatros)
  23. Emberizidae (Bruants)
  24. Falconidae (Faucons)
  25. Fregatidae (Frégates)
  26. Fringillidae (Pinsons, gros-becs, bouvreuils, verdiers, linottes, serins, tarins, sizerins, chardonnerets)
  27. Gaviidae (plongeons)
  28. Glareolidae (courvites et glaréoles)
  29. Gruidae (grues)
  30. Hirundinidae (Hirondelles)
  31. Laniidae (Pie-grièches)
  32. Laridae (Mouettes, goélands, sternes, guifettes)
  33. Locustellidae (Locustelles)
  34. Meropidae (guêpiers)
  35. Motacillidae (Bergeronnettes, pipits)
  36. Muscicapidae (Gobemouches, rouge-gorge, gorgebleu, rougequeues, rossignols, tarins, traquets)
  37. Oceanitidae
  38. Oriolidae (Loriot)
  39. Otididae (Outardes)
  40. Pandionidae (Balbuzards)
  41. Panuridae (Panures)
  42. Paridae (Mésanges)
  43. Parulidae (Parulines)
  44. Passeridae (Moineaux, niverolles)
  45. Phalacrocoracidae (Cormorans)
  46. Phasianidae (Faisans, perdrix, tétras, gélinottes, lagopèdes, cailles)
  47. Phoenicopteridae (Flamants)
  48. Phylloscopidae (Pouillots)
  49. Picidae (Pics, torcols)
  50. Podicipedidae (Grèbes)
  51. Procellariidae (fulmars, pétrels, prions, puffins)
  52. Prunellidae (Accenteurs)
  53. Psittaculidae (Perruches)
  54. Rallidae (Râles, marouettes, gallinules, foulques)
  55. Recurvirostridae (échasses, avocettes)
  56. Remizidae (Rémiz)
  57. Regulidae (Roitelets)
  58. Scolopacidae (Bécasses, bécasseaux, bécassines, courlis, barges, chevaliers, pharalopes)
  59. Sittidae (Sittelles)
  60. Stercoraiidae (labbes)
  61. Sturnidae (Étourneaux)
  62. Strigidae (Hiboux, chouettes, ducs, harfang, chevêches)
  63. Sulidae (Fous)
  64. Sylviidae (Fauvettes)
  65. Threskiornithidae (Ibis, spatules)
  66. Tichodromidae (Tichdrome échelette)
  67. Troglodytidae (Troglodytes)
  68. Turdidae (Merles, grives)
  69. Tytonidae (Effraie des clochers)
  70. Upupidae (Huppes)

Les zozios péjaliques

Dis papi, c’est quoi des zozios péjaliques ? 🙄

Que voilà une question intéressante, mon petit-fils ! Merci de me l’avoir posée, me donnant ainsi l’opportunité de questionner à mon tour mon robot conversationnel préféré, ChatGPT : « Que sont les oiseaux pélagiques et quelles sont leurs spécificités anatomiques et physiologiques ? Quelles sont les principales espèces d’oiseaux pélagiques ? » ai-je demandé, sans autre forme de procès. La réponse a fusé, claire et limpide, laissant pressentir que, bientôt, les enfants n’auront plus besoin de leur grand-père pour obtenir les réponses à leurs questions. O tempora, O Mores.

Les oiseaux pélagiques sont des oiseaux marins qui passent la majorité de leur vie en haute mer, loin des côtes. Ils sont bien adaptés à la vie sur l’océan et ont des caractéristiques anatomiques et physiologiques spécifiques qui leur permettent de survivre dans cet environnement.
Les oiseaux pélagiques ont des ailes longues et étroites qui leur permettent de voler sur de longues distances avec peu d’effort. Leurs corps sont également profilés pour minimiser la résistance au vent, ce qui leur permet de voler plus efficacement. Certains oiseaux pélagiques, comme les puffins, ont également des ailes qui leur permettent de plonger sous l’eau pour chercher de la nourriture.
Les oiseaux pélagiques ont également des adaptations physiologiques pour survivre dans l’environnement marin. Par exemple, ils ont des glandes spéciales au-dessus de leurs yeux qui leur permettent d’éliminer l’excès de sel de leur corps, car l’eau de mer est très salée. Ils ont également des systèmes digestifs qui leur permettent de digérer les aliments riches en graisses et en protéines, comme le poisson, de manière efficace.
Enfin, les oiseaux pélagiques ont souvent des comportements sociaux complexes pour aider à leur survie dans un environnement difficile. Par exemple, certaines espèces se rassemblent en grands groupes pour chercher de la nourriture et se défendre contre les prédateurs, tandis que d’autres espèces nichent en colonies sur des îles éloignées pour se protéger des prédateurs terrestres.
En résumé, les oiseaux pélagiques sont des oiseaux marins adaptés à la vie en haute mer, avec des caractéristiques anatomiques et physiologiques spéciales qui leur permettent de survivre dans cet environnement.


Les Procellaridae (Puffins, Océanites, Fulmars, Pétrels, Albatros) et les Frégatidés sont les principaux oiseaux pélagiques

Source ChatGPT 4

VOUS AVEZ DIT PÉLAGIQUES ?

Les réponses de ce bot ne cessent de m’épater !

L’affaire est entendue : « pelagikos » signifiant « de la mer » en grec, les oiseaux pélagiques sont donc des oiseaux vivant en haute mer, loin des côtes. Contrairement à nos Laridés (goélands, mouettes et sternes) ou à nos Sulidés (Fous de Bassan) qui vivent sur les bords de mer, les oiseaux pélagiques passent l’essentiel de leur existence en pleine mer, milieu hostile pour ne pas dire extrême, grâce à des adaptations anatomiques et physiologiques ad hoc.

  1. Leur plumage imperméable et leurs pattes palmées leur permettent de se poser en mer et de nager, voire de plonger.
  2. Ils ont des glandes à sel dont la fonction est l’excrétion du sel qu’ils absorbent en quantité quand ils pêchent et que leurs reins, seuls, ne peuvent excréter.
  3. Leur alimentation est très spécialisée : Les ressources alimentaires, capturées à la surface de l’eau, ou en plongée pour certaines espèces, sont constituées d’animaux marins, généralement de petite taille : poissons, mollusques, crustacés, plancton, déchets organiques des cétacés. Ces ressources se répartissent de manière hétérogène sur les océans, en fonction de la topographie des fonds marins, des courants marins, des saisons, etc.
  4. Leurs ailes se sont adaptées ainsi que leurs techniques de vol  : Les oiseaux pélagiques doivent, en effet, pour trouver leur nourriture, sur de grandes distances. Beaucoup ont de longues ailes fines, et une grande envergure, et sont adaptés à de longs déplacements même par vent fort.
  5. Pour se reproduire, il leur faut aller à terre déposer leurs œufs. Ils se regroupent dans de grandes colonies sur des sites protégés des prédateurs terrestres : îles abandonnées ou falaises inaccessibles.

LE PLUMAGE DES OISEAUX DE MER

Comme tous les oiseaux d’eau, mais plus que les espèces continentales en raison de leur présence sur toutes les mers du globe, y compris dans les régions polaires, les oiseaux marins, organismes homéothermes, sont soumis au fort pouvoir de refroidissement de l’eau. Ainsi, le plus petit oiseau de mer est l’Océanite tempête qui pèse 23 grammes, un poids inférieur étant incompatible avec la thermorégulation (règle de Bergmann). Leur capacité à coloniser les espaces océaniques, à y survivre et à s’alimenter sous l’eau dépend étroitement de leur aptitude à résister aux fortes contraintes thermiques que suppose la vie dans ces milieux. L’étanchéité du plumage leur est donc essentielle. Elle interdit à l’élément liquide d’entrer directement en contact avec la peau. Mieux, elle ménage entre la surface des plumes et le corps une couche d’air qui, avec le duvet, assure au mieux l’isolation thermique de l’animal en même temps qu’elle contribue de manière essentielle à sa flottabilité.

La question de l’imperméabilité du plumage de certains oiseaux de mer, comme le Cormoran, a longtemps été débattue. À l’issue de leurs séances de pêche, ces oiseaux aquatiques passent en effet de longs moments sur des reposoirs, les ailes étalées ; leur plumage est visiblement mouillé et ce comportement a par conséquent légitimement été interprété comme une phase de séchage. De nombreuses hypothèses ont été émises pour tenter d’expliquer cet apparent paradoxe que constitue un oiseau aquatique au plumage non étanche. Des erreurs aujourd’hui démenties ont même été colportées à ce sujet — et restent répandues — comme la prétendue absence de glande uropygienne chez ces oiseaux ou son atrophie. Ce n’est qu’en 2005 que l’énigme a été résolue. Le plumage des cormorans est bien imperméable, ce qui est somme toute logique pour une espèce plongeuse. En revanche, les plumes sont constituées d’une couche externe mouillable, et d’une couche interne qui ne l’est pas. Le plumage n’est donc mouillé qu’en surface : pas plus que chez les autres oiseaux aquatiques, l’eau ne franchit la barrière du plumage ni n’envahit donc la couche d’air isolante.

LE VOL PLANÉ DYNAMIQUE DES ALBATROS

Par leur surface alaire époustouflante (jusqu’à 3,5 m d’envergure !) et leurs longues ailes étroites, les albatros peuvent profiter des courants aériens générés au-dessus des vagues par la friction entre l’air et l’eau, ils surfent en quelque sorte. Au cours de leur “vol plané dynamique” ils gagnent de l’altitude en se laissant porter par les ascendances puis ils modifient l’angle d’attaque de leurs ailes afin de planer sur une longue distance. Ils peuvent ainsi voler plusieurs jours, donnant de rares coups d’ailes pour corriger une trajectoire par exemple. Ils peuvent également utiliser des vents de travers pour augmenter leur vitesse horizontale. Cette technique de vol économe en énergie n’a qu’un inconvénient, le vol n’est pas possible sans vent. Les albatros ne sont pas les seuls oiseaux à tirer parti de ces courants aériens marins : les puffins et les pétrels sont des habitués de cette technique qui n’est possible que grâce à la combinaison de plusieurs facteurs : morphologie des ailes, compétence à naviguer dans les vents, et capacité à maintenir une vitesse de vol optimale. Lorsqu’ils planent, les albatros maintiennent une vitesse de vol constante grâce à leur sensibilité à la turbulence atmosphérique. Ils sont capables de détecter les variations de vitesse de l’air et d’ajuster leur angle d’attaque en conséquence pour maintenir une vitesse de vol optimale. Pour minimiser les pertes d’énergie en vol, ils réduisent la traînée en pliant légèrement leurs ailes et en maintenant une posture aérodynamique. Ils peuvent également ajuster leur position par rapport au vent pour minimiser la résistance aérodynamique.

En résumé, le vol plané dynamique des albatros est une technique de vol complexe qui combine la morphologie des ailes, la navigation dans les vents et la capacité à maintenir une vitesse de vol optimale pour parcourir de longues distances avec un minimum d’effort. Cette technique est un exemple remarquable d’adaptation au milieu marin et à ses conditions souvent difficiles.

Pour en savoir davantage consultez la 2e référence de la bibliographie ci-dessous.

GLANDES À SEL ET ALIMENTATION

Les oiseaux marins vivent dans un milieu particulier, très riche en sel. Pêcher leurs proies en pleine mer implique qu’ils ingèrent quotidiennement de grandes quantités de sel que leurs reins ne sont pas capables d’évacuer en totalité. Aussi, possèdent-ils une “glande à sel” située au-dessus de chaque œil, extrayant du sang circulant le sel en excès pour assurer, avec les reins le maintien d’une natrémie stable et adaptée. Le sel est ensuite évacué par les narines.

Ils ont également un système digestif adapté pour digérer les aliments riches en graisses et en protéines qu’ils consomment, tels que les poissons, les calmars et les crustacés. En outre, leur métabolisme est adapté pour fonctionner efficacement pendant de longues périodes sans nourriture.

BIBLIOGRAPHIE

  1. Les oiseaux de mer. Wikipedia
  2. Flying at No Mechanical Energy Cost : Disclosing the Secret of Wandering Albatrosses. Gottfried Sachs, Johannes Traugott, Anna P. Nesterova, Giacomo Dell’Omo, Franz Kümmeth, Wolfgang Heidrich, Alexei L. Vyssotski , Francesco Bonadonna. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0041449 PLOS ONE, September 5, 2012
  3. Vidéo : Leçon de vol des jeunes albatros
  4. Vidéo : Dynamique du vol de l’Albatros
  5. Salt glands in marine birds: what triggers secretion and what makes them grow?

POESIE

Nous avons commencé la rédaction de ce billet par la sollicitation d’un robot conversationnel. Achevons notre rédaction, cher petit-fils, par un poème de Charles Baudelaire qui avait fort bien observé les albatros !

L’Albatros.

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

Charles Baudelaire

Stupéfiants oiseaux !


Allumons le feu dans les yeux des enfants (et des adultes aussi) !

Dans le but, certes un peu vaniteux, d’émerveiller mon petit-fils, j’ai décidé de me lancer dans une quête gourmande de chiffres étonnants. Les enfants, s’ils n’aiment pas vraiment le calcul pour la plupart, sont friands de chiffres, surtout, surtout, surtout s’il s’agit de chiffres de records. Si on s’y prend habilement, le silence se fait, les yeux brillent, les mâchoires de décrochent, et, alors, le Papi peut légitimement bomber le torse !

Décrire l’avifaune en chiffres est une tâche aisée à l’heure de l’internet. Pour ceux qui veulent passer pour des puits de science aux yeux de leur descendance, et permettre, conséquemment à ladite descendance de briller dans la cour de récréation, voici quelques chiffres, dont certains, vous le constaterez, décoiffent grave comme disent les jeunes ! 


D’aucuns prétendent que les oiseaux seraient apparus sur Terre avant nous, les humains…

Le plus ancien représentant connu du groupe apical des oiseaux (qui regroupe leur ancêtre commun et tous ses descendants, actuels ou non) est Asteriornis maastrichtensis, qui vivait (son nom l’indique auront remarqué les plus attentifs lecteurs) au Maastrichtien (66,8–66,7 millions d’années). Quatre lignées distinctes d’oiseaux ont survécu à l’extinction du Crétacé-Paléogène il y a 66 millions d’années, donnant naissance aux autruches et apparentés (Palaeognathae), aux canards et apparentés (Ansériformes), aux oiseaux terrestres (Galliformes) et aux oiseaux modernes (Neoaves). En comparaison, les plus anciens fossiles connus d’Homo sapiens sont vieux de seulement 300 000 ans ! Nous, Homo sapiens sapiens, sommes des gamins, à l’évidence trop turbulents : des garnements finalement  ! 
Pour en savoir plus…


Combien les oiseaux comptent-ils d’individus ?

  • Sur la planète : une équipe de chercheurs australiens estime qu’il y avait, en l’an de grâce 2021,  pas moins de 50 milliards d’oiseaux sur notre planète, se distribuant en 9700 espèces, 250 familles, et 41 ordres ! Source.
  • En France, la dernière évaluation est de 412 espèces d’oiseaux pouvant être observées.
  • En Bretagne l’ornithologue est susceptible de rencontrer par moins de 242 espèces différentes. (source)


Pour en savoir plus…


Combien de temps les oiseaux peuvent-ils survivre dans ce monde de brutes ? 

  • Chez les oiseaux sauvages, c’est un Albatros royal (Diomedea epomophora) qui détient le record du monde de longévité : 62 ans.
  • Cookie, Cacatoès rosalbin (Eolophus roseicapilla) domestique vécut quant à elle jusqu’à l’âge vénérable de 83 ans, ce qui fait d’elle l’oiseau ayant vécu le plus longtemps au monde. Mais dans son salon, elle n’était menacée ni par des prédateurs, ni par des chasseurs, ni par des câbles à haute-tension, ni par des éoliennes, ni par des aéronefs. Facile dans ces conditions de vivre longtemps, n’est-ce pas?!

Ce ne sont là, évidemment que des records, dans ce monde impitoyable, aux innombrables dangers où rôdent de redoutables prédateurs. Pour en savoir plus… 


Quelles distances les oiseaux migrateurs peuvent-ils parcourir en une année ? 

Les oiseaux sont de grands et d’infatigables voyageurs : La Sterne arctique (Sterna paradisaea) est , avec le Puffin fuligineux, l’oiseau qui réalise les plus longues migrations au monde; elle peut voler jusqu’à 38000 km/an et 800000 km au cours de sa vie (20 fois le tout de la planète !) .


Qui sont les oiseaux les plus riquiquis et les plus maousse costauds ? 

  • Le Colibri d’Elena (Mellisuga helenae), qui vit sur l’île de Cuba, détient le titre d’l’oiseau le plus léger du monde, pesant moins de 2 grammes. Le plus petit passereau de France est le Roitelet à Triple bandeau, (Regulus ignicapilla)qui pèse en moyenne 4 à 7 grammes.
  • L’Outarde kori (Ardeotis kori), qui vit en Afrique de l’est et du sud, est l’oiseau volant le plus lourd du monde, qui peut peser jusqu’à 19 Kg  !
  • L’Autruche d’Afrique (Struthio camelus) qui ne peut que courir, sans jamais voler,  est le plus gros oiseau de la planète, mesurant  2 mètres de haut et pesant jusqu’à moyenne 150 kg !

Qui fut le plus grand oiseau de l’Histoire ? (pas au sens de ses exploits, mais de sa taille !)

Le plus grand oiseau du monde qui ait jamais existé se nomme Pelagornis sandersi. Ses restes ont été trouvés en Argentine. Son envergure était de 7,5 mètres, et il devait peser entre 25 et 40 kg ! Pourtant il volait, s’élançant de sites élevés avant de planer. C’était il y a y a 25 millions d’années. 


Autre chose d’exceptionnel à signaler ?

Oui, le Martinet noir (Apus apus) : Excellent voilier, le martinet peut atteindre des vitesses de 200 km/h sur de courtes distances et passer 10 mois/an dans les airs sans se poser une seule fois. Source. Mais, d’aucuns prétendent que le Faucon pèlerin (Falco peregrinus) aurait été flashé à la vitesse faramineuse de 389 km/h en piqué ! source C’est de la folie !


Je résume : les oiseaux vivent sur la planète depuis 66 millions d’années. Les 50 milliards d’individus se distribuent en 9700 espèces, pèsent entre 2 grammes et 150 kilos, vivent entre quelques jours et plus de 80 ans, peuvent voler 38000 km en une année ou 10 mois sans se poser, ou à plus de 300 km/h. En outre, certains d’entre eux ont mesuré jusqu’à 7,5 m d’envergure !

Des chiffres qui donnent le tournis, non ? 

50 milliards d’oiseaux sur terre !


En novembre 2022, l’ONU estimait qu’il y avait 8 milliards d’Homo sapiens sapiens sur la Terre. C’est considérable !  Il y en avait 2 milliards en 1930 !

En parallèle, une équipe de chercheurs australiens estime qu’il y aurait sur notre planète par moins de 50 milliards d’oiseaux, répartis en 9700 espèces, 250 familles, et 41 ordres !

Notre planète compte donc 6 fois plus d’oiseaux que d’êtres humains ! 

Cette première estimation globale des populations aviaires à l’échelle de la planète est le fruit d’un travail qui a combiné des données de recensements et des modèles mathématiques. L’article sur lequel s’appuie cette information, est le suivant : 

Global abundance estimates for 9,700 bird species. Corey T Callaghan, Shinichi Nakagawa, William K Cornwell. Proc Natl Acad Sci USA. 2021 May 25;118(21):e2023170118. DOI: 10.1073/pnas.2023170118

L’infographie, remarquable, qui illustre ce travail est l’œuvre de Léa Desrayaud. Elle figure page 28 du numéro 2 d’excellente revue Epsiloon, datée d’août 2021. La distribution des oiseaux par famille est passionnante  !  Ce travail me laisse sans voix, je vous laisse l’admirer !

Oh, les oiseaux peuvent parfaire votre cerveau !


Tous les ornithologues ont entendu parler d’Audubon.

Ils savent qu’Audubon n’est pas le nom d’une de ces délicieuses liqueurs apéritives dont les français ont le secret. Ils savent qu’Audubon, Jean-Jacques de son prénom, fut un éminent naturaliste, peintre et ornithologue. Il était également, hélas, un excellent chasseur. Il constitua le premier inventaire de l’avifaune des Etats-Unis . Il faut avoir lu sa biographie et avoir admiré ses illustrations, fruits d’un grand talent, et… d’innombrables carnages !

Une société savante d’ornithologie américaine se revendique d’Audubon, au moins par son nom : la « National Audubon Society »  protège les oiseaux et leurs lieux de vie, dans toute l’Amérique, en s’appuyant sur la science, la loi, l’éducation et la préservation des biotopes.

C’est sur le site de la National Audubon Society que j’ai trouvé un très intéressant article, en anglais évidemment, qui explique que l’observation assidue des oiseaux (leur morphologie, leurs chants, leur vol, leurs comportements, leur mode de vie) semble entraîner des remaniements anatomiques et fonctionnels du cerveau des observateurs (neuroplasticité) et améliorer certaines compétences, mnésiques, et cognitives, et peut-être aussi améliorer certaines compétences diagnostiques chez les médecins pratiquant l’ornithologie. L’auteur de cet article ajoute, malicieuse, que pratiquer l’ornithologie est également un excellent remède contre l’anxiété, surtout en période de révisions et d’examens !

Voici la traduction française de cet article. Sa référence est la 1re de la bibliographie

Oui, l’observation des oiseaux modifie notre cerveau ! 

Les neuroscientifiques qui étudient le fonctionnement de la mémoire humaine et de l’apprentissage se tournent souvent vers les ornithologues pour leurs travaux.

La plupart des médecins en formation ne commencent pas un nouveau semestre en s’attendant à faire de l’ornithologie. Mais après sa première année d’études à la Harvard Medical School, Lynn Hur est devenue accro. « C’est devenu l’une de mes activités préférées », dit-elle.

Lynn Hur a découvert ce hobby grâce à Rose H. Goldman, professeure agrégée, qui intègre module d’ornithologie dans son cours de médecine afin d’aider les étudiants à affiner leurs compétences en matière de diagnostic clinique. En cours magistral, par exemple, Mme Goldman demande aux étudiants de faire la différence entre une grande aigrette et une aigrette neigeuse en se concentrant sur des détails tels que la taille, la forme du bec et la couleur des pattes qui distinguent ces oiseaux blancs et élancés. Avant que les cours deviennent virtuels pendant la pandémie, Mme Goldman, passionnée d’ornithologie, emmenait également ses élèves en sortie ornithologique.

À première vue, les cardinaux et les carcinomes n’ont rien en commun. Mais Mme Goldman estime que le processus consistant à distinguer des oiseaux similaires n’est pas si différent de l’examen des subtilités de l’éruption cutanée d’un patient pour déterminer s’il convient de traiter un eczéma ou de faire une biopsie à la recherche d’un cancer de la peau. « Personnellement, j’ai l’impression que mon sens de l’observation et ma mémoire se sont vraiment améliorés grâce à l’ornithologie. Mais je n’ai aucun moyen de le prouver », précise Mme Goldman.

Avec pédagogieinhabituelle, Mme Goldman touche à quelque chose que les neuroscientifiques connaissent bien : L’acquisition d’une expertise approfondie dans un domaine peut modifier l’échafaudage mental et littéralement recâbler le cerveau. Pour mieux comprendre ce processus, les chercheurs sur le cerveau et la mémoire se tournent depuis longtemps vers les ornithologues (et parfois les étudiants en médecine) comme groupe de référence pour les tests, même dans le cadre de recherches cognitives fondamentales.

Il y a à peine trente ans, la plupart des neuroscientifiques théorisaient que la capacité de l’homme à distinguer des visages similaires était en quelque sorte spéciale. Ils pensaient même que notre cerveau disposait d’une zone spécifique dédiée au traitement des visages. Mais lorsqu’Isabel Gauthier, alors jeune spécialiste des neurosciences cognitives à l’université de Yale et aujourd’hui à l’université Vanderbilt, s’est mise à la recherche de cette région légendaire à la fin des années 1990, elle a rapidement découvert que cette « zone des visages » du cerveau était en fait constituée de plusieurs secteurs impliqués dans la reconnaissance.

En étudiant le cerveau d’ornithologues expérimentés à l’aide d’un appareil d’IRM fonctionnelle récemment inventé, elle et ses collègues ont constaté que ces zones n’étaient pas uniquement dédiées au tri des informations faciales : Un oiseau et un visage amical peuvent activer les mêmes régions du cerveau. « Les visages ne sont pas spéciaux », explique Mme Gauthier. « Il s’agit d’un cas d’expertise. Il s’avère que l’on peut affiner sa capacité à distinguer des objets d’apparence similaire, qu’il s’agisse de visages, de voitures, d’affections cutanées ou d’oiseaux. Tout ce qu’il faut, c’est de l’exposition et de la pratique. »

Cette observation a permis d’ouvrir la voie à de nouvelles pistes de recherche sur la perception et la cognition, et les ornithologues ont continué à y participer. Selon Thomas Palmeri, un autre neuroscientifique de l’université Vanderbilt qui a recruté des volontaires par l’intermédiaire de l’American Ornithological Society et des sections locales d’Audubon, les ornithologues sont d’excellents sujets, car il est facile de trouver des passionnés ayant des niveaux de compétence très variés, et ils sont plus enclins à participer à des enquêtes de type science communautaire.

Dans le cadre de ses travaux sur l’expertise visuelle et la récupération de la mémoire, Palmeri a soumis ses sujets à une série de tests d’identification des oiseaux. Il a utilisé les données pour construire des modèles informatiques qui simulent les processus de prise de décision en temps réel dans le cerveau humain. Ce qui est utile, dit-il, c’est que tous les oiseaux partagent le même ensemble de caractéristiques – plumes, becs, deux pieds, deux ailes – mais qu’ils sont encore incroyablement variés. Pour identifier une fauvette ou un faucon spécifique, un ornithologue peut repérer et synthétiser ses marques, sa silhouette, sa forme, ses mouvements et ses sons en quelques secondes. « Il ne s’agit pas seulement d’identifier un oiseau, un oiseau, un oiseau », explique Palmeri. « Il s’agit d’identifier une espèce spécifique et même une sous-espèce.

Le développement de ce type d’expertise perceptive modifie les schémas d’activation des cellules cérébrales, ou neurones, selon les conclusions de Gauthier. Plus une personne apprend et s’entraîne, plus un signal circule entre les neurones, et le chemin devient plus facile à parcourir, comme un sentier de randonnée bien tracé. Ce phénomène, appelé neuroplasticité, pourrait permettre aux experts de distinguer les objets plus rapidement, en les considérant comme un tout et en ignorant les éléments distrayants ou superficiels.

Glory Kim, étudiante à l’école de médecine dentaire de Harvard et autre ancienne participante aux sorties ornithologiques de Goldman, se souvient d’avoir expérimenté ce phénomène de première main. « À un moment donné, lorsque vous voyez un oiseau, vous rassemblez automatiquement tous les indices contextuels et votre cerveau converge très rapidement vers ce qu’il est », explique-t-elle.

Au fil du temps, l’expertise peut même modifier la structure du cerveau lui-même. Certaines parties du cortex cérébral peuvent devenir légèrement plus épaisses à mesure que les connaissances visuelles et auditives d’une personne s’approfondissent. Selon Erik Wing, neuroscientifique à l’Institut de recherche Rotman au Canada, les experts peuvent ainsi plus facilement ajouter de nouvelles informations à leur répertoire mental.

Wing, lui-même ornithologue, étudie l’influence de ces changements sur la mémoire. Dans une recherche publiée en 2022, Wing a recruté des ornithologues de différents niveaux d’expérience et leur a demandé d’identifier des images d’oiseaux familiers et non familiers. Les résultats ont montré que la connaissance à long terme des espèces aviaires aidait les gens à se souvenir plus facilement des nouveaux oiseaux. Par exemple, un ornithologue expérimenté de Boston visitant San Francisco pourrait ne pas être familier avec les espèces locales au début. Mais grâce à leur échafaudage neuronal, les experts auront relativement plus de facilité à apprendre, et pourraient même mieux retenir leurs connaissances en vieillissant, explique Wing.

Les étudiants en médecine de la classe de Goldman peuvent-ils donc améliorer leurs compétences diagnostiques en observant les oiseaux ? C’est possible, mais la corrélation n’est pas directe. « Ce n’est pas parce qu’une personne est très douée pour les oiseaux qu’elle le sera aussi pour les voitures », explique Gauthier.

Cependant, ouvrir ce guide de terrain pourrait aider à découvrir des compétences innées en matière de perception. Par exemple, une personne qui a un don pour l’ornithologie peut aussi être douée dans un domaine de diagnostic visuel, comme la dermatologie ou la radiologie. Et vice versa : quelqu’un qui gravite naturellement vers l’aspect visuel de la médecine pourrait être un ornithologue chevronné. Les recherches de Wing suggèrent également que le développement des cadres et des outils nécessaires à l’observation des oiseaux aide une personne à affiner sa concentration dans d’autres domaines. « Si l’on s’entraîne à accorder son attention à différentes caractéristiques plus ou moins diagnostiques », explique Wing, « c’est, je pense, une chose précieuse ».

Quoi qu’il en soit, Kim et Hur, étudiants à Harvard, continuent d’apprécier l’ornithologie depuis le cours de Goldman. Pour l’un comme pour l’autre, c’est devenu un exutoire indispensable pour faire face au stress de l’école de médecine et de la pandémie. Ils ont même commencé à partager leur hobby avec leurs camarades de classe en codirigeant un club d’ornithologie étudiant. Bien qu’elle ne puisse pas toujours s’échapper dans les bois, Hur essaie de s’adonner à l’ornithologie autant qu’elle le peut. « Je suis actuellement dans une période chargée de ma formation médicale », dit-elle. « Mais j’ai toujours mes jumelles dans mon sac à dos.»

BIBLIOGRAPHIE

  1. Yes Birds can change your brain. Joanna Thompson Audubon.org. Mars 2023
  2. Expertise for cars and birds recruits brain areas involved in face recognition. I Gauthier, P Skudlarski, J C Gore, A W Anderson. Nat Neurosci. 2000 Feb;3(2):191-7. doi: 10.1038/72140
  3. The structure of prior knowledge enhances memory in experts by reducing interference. Erik A. Wing, Jennifer D. Ryan, and Asaf Gilboa, PNAS,  03/2022 https://doi.org/10.1073/pnas.2204172119

Espérances de vol

Au cours d’une belle randonnée en forêt, l’enfant demanda, ex abrupto à ses parents, les yeux brillants de curiosité et le coeur gonflé d’un fol espoir : «  Maman, Papa, combien de temps un oiseau vit-il  ? »  Silence et abîme de perplexité chez les parents, regard plongeant sur leurs souliers de randonnée, muets et incapables de donner le moindre début d’une quelconque réponse. 

Comment, en effet,  répondre avec justesse à cette question ô combien pertinente,  de l’espérance de vie des animaux sauvages ?  Contrairement à l’Homo sapiens sapiens qui dispose de registres d’état civil permettant de répondre à la question avec des chiffres, nul registre ne permet d’étayer la moindre réponse chez les animaux sauvages et donc chez les oiseaux.  Or, comme le disait si bien W. Edwards  Deming : «  Sans données, vous n’êtes qu’une personne de plus avec son opinion » 

Déçu, l’enfant s’en alla donc interroger son bot préféré, ChatGPT, sur la tablette déposée par le Père Noël au pied du sapin il y a quelques mois, et tapa fébrilement sur le clavier, sans détours :  « Quelle est l’espérance de vie des oiseaux ? ». En moins de temps que ne met la lumière pour courir de la Lune à la Terre, la réponse fusa sur l’écran scintillant : 

L’espérance de vie des oiseaux varie considérablement en fonction de l’espèce, de l’environnement et d’autres facteurs. En général, les oiseaux ont des durées de vie plus courtes que les humains, mais certaines espèces peuvent vivre jusqu’à plusieurs décennies. Les oiseaux de proie comme les aigles et les faucons ont tendance à vivre plus longtemps que les oiseaux chanteurs et les oiseaux de basse-cour, avec des durées de vie moyennes allant de 20 à 30 ans pour les grands rapaces à 5 à 10 ans pour les petits passereaux. Cependant, il existe des exceptions à cette règle générale. Par exemple, les perroquets sont connus pour leur longévité, avec certaines espèces pouvant vivre jusqu’à 80 ans en captivité. Les pingouins peuvent également vivre longtemps, avec une espérance de vie moyenne de 15 à 20 ans dans la nature. En fin de compte, il est important de se rappeler que l’espérance de vie des oiseaux varie considérablement en fonction de l’espèce, de l’environnement et d’autres facteurs, et qu’il n’y a pas de réponse unique à cette question.

La réponse du bot dépassait sans conteste le laconisme parental, mais elle ne satisfit pas totalement le jeune naturaliste en herbe. Il s’en fut donc quérir, dans la bibliothèque, le n°90 de l’excellente revue La Hulotte, qui de la page 22 à la page 42, lui proposa des chiffres, enfin, chiffres qui étaient, il le comprit aisément, des records, enregistrés en analysant les bagues posées sur des oiseaux sauvages. Il s’avisa qu’il ne s’agissait donc pas de documenter l’espérance de vie moyenne des espèces considérées, mais seulement de désigner des champions de survie, dans un monde  qu’il sait déjà impitoyable et cruel. Or il adore les champions, et les superhéros !  Quelle coïncidence !

Voici, ci-après, les chiffres donnés par la Hulotte : 

Espèce, poids moyen, record de longévité

  • Albatros royal, 8 kg, 62 ans
  • Puffin des anglais 450 g, 53 ans
  • Fulmar boréal, 800 g, 50 ans
  • Huîtrier pie, 540 g, 43 ans
  • Flamand rose, 3 kg, 40 ans
  • Cigogne blanche, 3,2 kg, 39 ans
  • Oie à bec court, 2,5 kg, 39 ans
  • Héron cendré, 1,5 kg, 35 ans
  • Canard siffleur, 500 g, 34 ans
  • Circaète Jean-le-Blanc, 1,7 kg, 33 ans
  • Océanite tempête, 25 g, 33 ans
  • Courlis cendré, 550 g, 32 ans
  • Aigle royal, 6,5 kg, 32 ans
  • Martinet noir : 45 g, 30 ans
  • Bernache cravant, 1,5 kg, 29 ans
  • Bondrée apivore, 750 g, 29 ans
  • Bécasseau variable, 48 g, 28 ans
  • Pygargue à tête blanche, 5 kg, 28 ans
  • Buse variable, 800 g, 28 ans
  • Canard pilet, 800 g, 27 ans
  • Hirondelle de cheminée, 19 g, 24 ans
  • Martin pêcheur, 40 g, 21 ans
  • Pie bavarde, 400 g, 21 ans
  • Moineau domestique, 30 g, 19 ans
  • Rouge-Gorge familier, 18 g, 18 ans
  • Mésange charbonnière, 18 g, 15 ans
  • Pouillot véloce, 8 g, 12 ans
  • Pouillot finis, 8 g, 11 ans

L’enfant remercia en son for intérieur, sa géniale grand-mère qui lui avait offert l’intégrale des numéros de la Hulotte, et le non moins génial rédacteur de cette revue, alliant information scientifique, humour et iconographie de génie. 

BIBLIOGRAPHIE

Les navigateurs de l’extrême !

Les Bernaches cravant s’installent sur les côtes de Bretagne de septembre à avril avant de s’en aller nicher dans la toundra arctique (les ventres pâles au Groënland, les ventres sombres en Sibérie).

Les Tadornes de Belon quittent nos côtes bretonnes entre juin et août, et s’envolent en direction de la mer des Wadden en Allemagne.

Les Hirondelles rustiques, ubiquitaires en France, s’en vont passer l’hiver en Afrique équatoriale, où elles trouveront les insectes leur servant de pitance. 

Ces oiseaux, et bien d’autres encore, volent sur de bien grandes distances, qui se comptent en milliers de kilomètres. Mais vous êtes vous jamais demandé quelles espèces d’oiseaux parcouraient les plus longues distances, chaque année, lors de leurs migrations ? 

Le site Statista donne une réponse claire à cette question, sous la forme d’une infographie, et le moins que l’on puisse dire est que les chiffres donnent le vertige : les Sternes arctiques sont championnes du monde, qui accomplissent l’incroyable exploit de parcourir, en une année, pas moins de 96 000 km, loin devant Le Manchot d’Adélie qui ne parcourt « que 18.000 km » par an, mais… en marchant, car s’il est oiseau, il ne vole point.

Actualités ornithologiques

What’s up, Birder ?

Vous trouverez, ci après, quelques articles d’ornithologie glanés sur mes sites préférés !

  1. L’empoisonnement au plomb menace les rapaces d’Europe. (Louernos nature) Septembre 2022. Quels sont les impacts des plombs de chasse sur les super-prédateurs aviaires au sommet des réseaux trophiques ? 
  2. Trois nouvelles espèces d’oiseaux nichent en Bretagne. (Bretagne vivante). Décembre 2022. Je divulgâche le contenu de l’article: il s’agit du Tarin des Aulnes, du Balbuzard pêcheur, et de l’Élanion blanc ! 
  3. Des Effraies des clochers et des Craves à bec rouge utilisent les mêmes nichoirs en Espagne. (Ornithomedia). Février 2023. Il s’agirait des premiers cas documentés d’associations de nidification entre des corvidés et des rapaces nocturnes, qui sont généralement considérés comme étant des « ennemis ».
  4. La Loft story des Faucons pèlerins ! Des couples de faucons pèlerins sont suivis sur le terrain par deux caméras dont les images sont retransmises en direct sur YouTube, 24h/24h et 7j/7j ! (LPO)
  5. Des nouvelles des oiseaux marins nicheurs de Bretagne en 2021 (Bretagne vivante) Mars 2023. Coordonnée par Bretagne Vivante dans le cadre de l’Observatoire régional de l’avifaune (ORA), ce rapport dresse le bilan de la saison de reproduction 2021 de 17 espèces d’oiseaux marins nicheurs de Bretagne. Espèce par espèce, le rapport revient notamment sur les effectifs observés et leur répartition sur nos côtes.
  6. Premier cas documenté de prédation d’un Moineau domestique sur un autre oiseau (Ornithomédia) Mars 2023. Un Moineau domestique mâle a été vu attaquant puis emportant un poussin de Gravelot à collier interrompu en Catalogne espagnole en mai 2021
  7. Les oiseaux peuvent faire preuve d’empathie et d’altruisme (Ornithomédia) Mars 2023. L’altruisme et l’empathie, que l’on croyait autrefois être des spécificités humaines, ne sont pas rares chez les oiseaux, les exemples étant nombreux et parfois surprenants entre individus ayant ou non un lien de parenté.
  8. Les tas de fumier sont utiles pour les oiseaux, notamment en hiver (Ornithomédia) Mars 2023. Alors qu’un Plectrophane des neiges a séjourné en janvier et en février 2023 sur un tas de fumier dans la commune de Ham-sur-Heure-Nalinnes (Belgique), nous rappelons le rôle important de ces amas de matières organiques pour l’alimentation des oiseaux dans les régions agricoles.
  9. Bilan 2022 des centres de soins LPO : la faune sauvage victime du climat (LPO) Mars 2023. Les sept hôpitaux pour la faune sauvage ont à nouveau accueilli plus de 20000 animaux en détresse au cours de l’année passée, avec notamment une forte augmentation des admissions liées à la crise climatique.
  10. Grippe aviaire en Bretagne : 20 000 Fous de Bassan sont morts aux Sept-Îles durant l’été 2022 (Ouest-France) Mars 2023
  11. Entre mars et juillet, protégeons nos haies ! (Bretagne vivante) Mars 2023. À partir du 15 mars, ne taillez plus vos haies ! Autrefois courantes dans le paysage et le bocage breton, les haies sont utiles pour l’agriculture et sources de vie et de biodiversité. Il est important de les préserver, surtout au printemps et en été, car elles servent d’abris, de garde-manger et de maison pour de nombreuses espèces d’oiseaux, d’insectes ou de plantes. 

Puffins et typhons


Les cyclones peuvent entraîner une mortalité massive des oiseaux de mer, notamment par le naufrage à la côte de milliers d’individus. Les quelques études qui avaient étudié les oiseaux marins pélagiques pendant les cyclones montraient qu’ils ont tendance à contourner les vents les plus forts.  Une étude d’Emmanouil Lempidakiset al, publiée en octobre 2022, apporte de nouvelles informations, pour le moins étonnantes ! À l’approche d’un typhon, certains oiseaux de mer réduisent les risques de collision avec la terre en se dirigeant vers l’œil de la tempête !

Les auteurs ont suivi des puffins adultes dans la mer du Japon pendant 11 ans et  constaté que la réponse aux typhons variait en fonction de la vitesse et de la direction du vent. En cas de vents puissants, les oiseaux qui étaient pris en sandwich entre la tempête et le Japon continental s’éloignaient de la terre et se dirigeaient droit vers l’œil de la tempête, volant à moins de 30 km de celui-ci puis le contournant. Cette manœuvre exposait les puffins aux vitesses de vent les plus élevées près du mur de l’œil (21 m/s soit plus de 200 km/ ), mais leur permettait d’éviter les forts vents côtiers dans le sillage de la tempête. 

Les vents extrêmes peuvent devenir une menace lorsque les oiseaux n’ont plus la capacité de compenser la dérive qu’ils occasionnent, ce qui peut entraîner des atterrissages forcés et leurs lots de collisions. Les oiseaux ont besoin de savoir où se trouve la terre pour l’éviter. Ce qui semble rconstitue une pression sélective supplémentaire pour le sens de l’orientation et pourrait expliquer pourquoi les puffins juvéniles, qui n’ont pas le sens de l’orientation aussi développé que celui des adultes sont susceptibles de faire davantage naufrage. 

Les auteurs suggèrent que la capacité à réagir aux tempêtes est influencée à la fois par les capacités de vol et par les capacités de navigation. Cela pourrait devenir de plus en plus pertinent en raison des changements dans les modèles météorologiques extrêmes.

Source

  • « Pelagic seabirds reduce risk by flying into the eye of the storm », Proc Natl Acad Sci USA – 2022 Oct 11;119(41):e2212925119. doi: 10.1073/pnas.2212925119. Epub 2022 Oct 4.

Démographie ornithologique

«  Ma pov’ Raymonde, on ne voit plus de moineaux, il y en avait tant dans ma jeunesse, et je n’en vois quasiment plus aujourd’hui, c’est bien malheureux ! Avec leurs satellites et leurs insecticides, ils nous les ont tous occis! » s’exclama Ginette avec des sanglots dans la voix. A l’instar des assertions de Ginette, que n’avons nous pas lu ou entendu au sujet de la disparition imminente ou récente de telle ou telle espèce d’oiseau ! 

« Without data, you’re just another person with an opinion » écrivit en anglais (car il était américain, tout s’explique) le statisticien W. Edwards Deming ; ce qui peut se traduire en français par : «  Sans données, vous n’êtes qu’une personne de plus donnant son opinion.» Or, et c’est une bonne nouvelle, à l’heure de l’internet et des sciences participatives, il est des moyens de s’assurer de données, plus ou moins solides, pour argumenter sur l’évolution d’une population d’oiseaux d’espèce donnée, sur un territoire établi. 

La question que nous pose implicitement Ginette est la suivante : comment la population des Moineaux domestiques a-t-elle évolué en Europe ces 40 dernières années ?

Un des maîtres chargés de m’initier à la science ornithologique m’a vigoureusement mis en garde: les données disponibles avant l’an 2000 sont sans aucune valeur scientifique pour évaluer l’évolution des populations d’oiseaux (Nombre insuffisant d’observateurs, nombre et lieux de recueils aléatoires, nombreux biais, etc.); il faudra donc, pour réponde à Ginette, se contenter des données des 20 dernières années, ce qui n’est déjà pas si mal, car c’est du boulot les comptages (voir le post-scriptum en bas de page) !

Les sites internet européens qui permettront de répondre à la question sont en anglais. Néanmoins, même si on maîtrise aussi bien la langue de Shakespeare que le pilotage d’un avion Rafale, rassurons-nous, la réponse à la question nous viendra quand même, sous forme de cartes et de courbes. L’image, le long discours, tout ça… Et puis, comme je suis sympa, je traduirai la conclusion de cette recherche pour vous.

Première étape : déterminons le nom scientifique de l’oiseau que l’on projette d’étudier pour interroger cette base de données européenne qui, je le répète ne sait pas le français, mais comprend le latin (quelle époque épique !) Nous consulterons pour ce faire notre « Guide ornitho » ou, à défaut, nous irons sur le site oiseaux.net où nous taperons, fébrilement, dans la zone de recherche « Moineau domestique » (Attention, il existe de nombreuses autres espèces de Moineaux (friquet, à gorge jaune, cisalpin,  blanc, soulcie, gris, mélanure, rutilant…), ne commettons pas de bévue. La réponse nous sera donnée, sans tambours ni trompettes : « Passer domesticus » est le nom scientifique du Moineau domestique. Ça déchire grave, et ça fait savant !

Deuxième étape : connectons-nous sur le site EBBA2 (European Breeding Bird Atlas) et saisissons fièrement, en latin s’il vous plaît, « Passer domesticus » dans le champ « Search species » de la colonne de gauche. Dans cette même colonne de gauche, cliquons sur EBBA2 pour découvrir, les yeux embués par la plus intense émotion : 

  1. La population de Moineaux domestiques en Europe : voir ici
  2. L’importance de la nidification des Moineaux domestiques en Europe  Voir ici

Un peu plus bas sur la page, cliquons sur les différents menus de l’onglet « Links »

  1. EBP species info montrera l’ Evolution sur un an de la population de Moineaux domestiques : ça clignote de partout, c’est joli mais c’est peu informatif, ai-je l’outrecuidance de penser.
  2. PECBMS speechs info tracera la courbe d’évolution de la population de nos moineaux, dont nous ne retiendrons que la partie sise entre 2000 et 2021 (relire le paragraphe 3 de cet article si nécessaire), montrant une baisse très modérée de nombre de volatiles. Nous voilà presque rassurés !
  3. BirdLife European’s Red List proposera une fiche très détaillée sur le sujet  qui nous occupe : voir ici
  4. BirdLife Data Zone indiquera le niveau de la menace pesant sur l’espèce avec une échelle à 8 barreaux : Données insuffisantes (DD), Préoccupation mineure (LC), Quasi-menacée (NT), Vulnérable (VU), En danger (EN), En danger critique d’extinction (CR), Éteinte à l’état sauvage (EW), Éteinte (EX) 

Nous aurons donc appris qu’en Europe, le Moineau domestique a une aire de répartition extrêmement étendue et ne s’approche donc pas des seuils de vulnérabilité selon le critère de la taille de l’aire de répartition (étendue de l’occurrence de 10 % en dix ans ou trois générations, ou avec une structure de population spécifique). Bien que la tendance de la population semble être à la baisse, le déclin n’est pas considéré comme suffisamment rapide pour approcher les seuils de vulnérabilité selon le critère de la tendance de la population (déclin de 30 % sur dix ans ou trois générations). Pour ces raisons, l’espèce est évaluée comme étant de préoccupation mineure en Europe. Au sein de l’UE27, cette espèce a une aire de répartition extrêmement étendue et ne se rapproche donc pas des seuils de vulnérabilité selon le critère de la taille de l’aire de répartition (étendue de l’occurrence de 10 % en dix ans ou trois générations, ou avec une structure de population spécifique). La tendance de la population semble être stable, et l’espèce ne se rapproche donc pas des seuils de vulnérabilité selon le critère de la tendance de la population (déclin de 30 % sur dix ans ou trois générations). Pour ces raisons, l’espèce est évaluée comme étant de préoccupation mineure dans l’Union Européenne.

Pour répondre à l’inquiétude de Ginette, le site internet de l’Inventaire National du Patrimoine naturel est une autre ressource documentaire possible, et en français s’il vous plaît ! La requête est aisée : sur la page d’accueil du site, dans le champ de recherche, tapons «  Moineau domestique » et sélectionnons la première ligne des résultats, ce qui nous amènera à cette page, affichant de nombreuses ressources concernant notre Moineau domestique : Présentation, Portrait, Taxonomie, Statuts, Cartes, Références, Jeux de données, Habitats, Valorisation. Au bas de la page, l’information que nous recherchons est là, claire et concise : Population nicheuse de Passer domesticus : 4.100.000 – 8.200.000 couples / Stable (qualité de l’estimation : Bonne).

Nous remarquerons, un peu déçus, d’une part, que l’estimation de la population de nos moineaux est très imprécise (du simple au double) et que les chiffres ne nous donnent, comme souvent, qu’un ordre de grandeur, et d’autre part que les données datent de 2013 (il y a 10 ans) ! Le clic sur l’onglet « Valorisation » affiche un graphique dont la légende explique benoitement que les données sont insuffisantes pour réaliser un graphique !

Enfin, pour nous mettre à l’abri de toute critique de la part Ginette, nous consulterons les informations données par le site des Oiseaux de Jardin, qui présente les données recueillies par des milliers de bénévoles chaque année dans les jardins (publics et privés) de France : le Moineau domestique est à la 1re place du classement des espèces les plus abondantes dans les jardins

Il est grand temps de rassurer Ginette avec des données consolidées à défaut d’être entièrement solides ! Les Moineaux domestiques ne courent pas, en l’état actuel des connaissances, de danger d’extinction. Si les Moineaux domestiques sont rares dans son jardin, il sont peut être nombreux dans le jardin de son voisin pour des raisons d’habitat plus adapté ou de nourriture disponible. Qui sait ?

The answer my friend is blowin’ in the wind !


Rencontres inattendues en baie du Mont

© Michel Arnould

La nuit est encore bien noire. La mélodie fringante du réveil nous tire cruellement d’un profond sommeil. Il est temps de se lever, et de se préparer pour une journée fort inhabituelle : nous sommes en effet conviés à accompagner un ornithologue de renom dans la baie du Mont Saint-Michel, où la matinée sera consacrée au comptage des oiseaux d’eau dans le cadre des Wetlands International, opération coordonnée par l’ONG éponyme, qui se déroule, depuis plus de 30 ans, simultanément dans cinq régions du monde (Afrique-Eurasie, Asie-Pacifique, Caraïbes, Amérique centrale et Néotropique) à la mi-janvier. La LPO explique bien le cadre et les enjeux de ce projet de science participative.

Nous retrouvons nos guides sur la digue de la Duchesse Anne.

Premier émerveillement de la journée : tandis que caquètent les Bernaches cravant, nous regardons l’aurore éclairer le Mont Saint-Michel et sa baie. Le soleil levant semble, comme Johnny, y allumer le feu ! Ces herbus ou prés salés sont les plus grands d’Europe, ils s’étendent sur 4000 hectares, d’un seul tenant, et leur réputation est internationale : c’est en effet un site à haute valeur paysagère et écologique.

On nous a prévenus : il ne saurait être question de s’aventurer sur ces herbus sans un accompagnateur avisé, les pièges y abondent, surtout lors des grandes marées susceptibles de submerger le terrain. Pas question non plus de partir sans de bonnes bottes, bien hautes si on veut garder les pieds au sec.

Bottes, jumelles, yeux aux aguets, nous sommes parés, et partons pour une marche de 30 mn, vers notre point d’observation. Nous marchons sur le schorre, recouvert de cette végétation halophile si particulière (salicornes, spartines, plantain maritime, chiendent des vases salées, troscart maritime, atropis, lavandes de mers, armoise.). Nous comprenons bien vite que nous ne cheminerons pas en ligne droite; nous enjambons, contournons ou sautons, avec plus ou moins d’élégance ces fameuses « criches », mot local désignant les petits canaux naturellement créés sur les herbus où s’écoule préférentiellement l’eau lors de la montée et de la descente des marées. De nombreux poissons profitent de la marée montante pour venir s’y nourrir ; les criches en effet, abritent Orchestia, un petit crustacé se nourrissant de la matière en décomposition provenant essentiellement de l’Obione faux-pourpier. Orchestia est la source d’alimentation principale des poissons tels que les mulets et des gobies, ainsi que les juvéniles de bars pour lesquels cette source de nourriture contribue à 90% de la croissance de leur première année de vie. (On en apprend tous les jours !)

Des chasseurs à l’affût dans leurs gabions nous observent. Nous marchons d’un bon pas et nous les oublions. Nous n’entendrons pas un seul coup de feu. Les seuls chasseurs qui nous gêneront sont les 4 Rafale de l’armée qui nous survolerons à 2 reprises.

Première rencontre avec un petit « campagnol» dont nous ne saurons jamais s’il s’agissait d’un Rat des moissons, d’une musaraigne ou d’une des 5 espèces de campagnols vivant dans la baie (Campagnol des champs, Campagnol agreste, Campagnol souterrain, Campagnol roussâtre, ou Campagnol amphibie). Paniqué, le petit mammifère ne nous a pas laissé de carte de visite.

Deuxième rencontre, fugace : un Hibou des marais vient de passer, identifié par notre expert sur son vol et son allure, nous l’avons vu sans avoir eu le temps, enfer et damnation, d’ajuster nos jumelles pour l’admirer plus en détail. C’est la première fois que j’entraperçois un hibou !

Troisième rencontre : une nuée de plus de 500 Linottes mélodieuses nous survole à belle allure ! Quel étonnant spectacle !

C’est alors que nous faisons notre 4e étonnante rencontre : deux hardes de sangliers, une dizaine d’individus, trottinent allègrement entre nous et les oiseaux, innombrables. Les ornithologues en sont fort marris pour ne pas dire affligés, car les ongulés courent sur la plage, entrent et sortent de l’eau, et effraient, maintes fois, les milliers d’oiseaux présents sur les plages qui s’envolent et se reposent, rendant leur comptage des plus délicats !

Sous les yeux émerveillés des observateurs, cependant, par milliers, Bernaches cravant, Tadornes de Belon, Courlis cendrés, Bécasseaux variables, Bécasseaux maubèches, Barges rousses, Huîtriers pie, Bécasseaux sanderling, Pluviers argentés dansent d’improbables sarabandes et illuminent le ciel de leurs féériques ballets ! C’est un ravissement pour les yeux comme pour l’esprit !

Les oiseaux ont été comptés, les fiches ont été remplies, la mission est accomplie. Sur le chemin du retour, nous avons le plaisir de croiser un Busard des roseaux puis un Busard Saint-Martin, au vol élégant et à l’allure majestueuse (panique dans les herbiers …) Nous écoutons le chant joyeux des Alouettes des champs, qui semblent nous dire au revoir, et, avant de retirer nos bottes et ranger nos jumelles, sur la haie, derrière les voitures, des Bruants zizi achèvent la représentation de cette matinée. Rideau, le spectacle est terminé. Terminé ? Mais non, pas du tout !

Les Bruants zizi n’étaient pas les acteurs du dernier acte de cette pièce mémorable. Il nous restait à faire une autre rencontre inattendue, ultime certes, mais exceptionnelle ! Une sorte de rappel comme l’aiment les acteurs ! Au cours du déjeuner, en effet, nous apprenons que des compteurs ont rencontré des Hiboux des marais, et qu’ils en ont recensé pas moins de 13 sur le même site. Sitôt réchauffés et rassasiés, nous retournons donc, le cœur battant la chamade, à l’endroit indiqué, pour assister non pas à un spectacle mais à un festival ! Le festival des Hiboux des marais, qui passent et repassent devant jumelles et lunettes, une fois de face, une autre de profil, et je me pose au sol, je décolle, je me pose sur un piquet, je vire, je plane, je plonge, je remonte. De véritables cabotins, mais élégants et majestueux. Nous les avons observés plus d’une heure, ces hiboux des marais. Il furent le clou de la journée. Voici un film de cet oiseau, dont je ne suis pas l’auteur hélas !

Quelle belle journée !

Bibliographie

  1. Pour en savoir plus sur les habitats de la Baie du Mont Saint-Michel
  2. Les hiboux des marais
  3. Le Bruant zizi

Les oiseaux seraient bons pour le moral des humains !

Un Fou de Bassan

Faudra-t-il que les sorties ornithologiques soient remboursées par la Sécurité Sociale en cas d’épisode dépressif ? C’est ce que semble suggérer — très implicitement je vous l’accorde — une étude, dont je vous livre le résumé (en français 🇫🇷) :

Les avantages de la fréquentation quotidienne des oiseaux sur la santé mentale des êtres humains sont mal connus. Les études disponibles s’appuient généralement sur des questionnaires rétrospectifs ou des montages artificiels de faible niveau de preuve.

Dans cette étude, l’application pour smartphone « Urban Mind » a été utilisée afin d’examiner le retentissement de l’observation ou de l’audition de chants d’oiseaux sur le bien-être mental autodéclaré dans des conditions de vie réelles. Un échantillon de 1292 participants a complété un total de 26 856 évaluations auto-administrées, entre avril 2018 et octobre 2021. Les rencontres quotidiennes avec des oiseaux étaient associées à des améliorations durables du bien-être mental ressenti. Ces améliorations étaient évidentes non seulement chez les personnes en bonne santé, mais aussi chez celles souffrant de dépression, la maladie mentale la plus courante au monde.

Ces résultats ont des implications potentielles tant pour la protection de l’environnement et de la faune sauvage que pour les politiques de santé mentale. Des mesures spécifiques, visant à préserver et à augmenter les rencontres quotidiennes avec l’avifaune dans les zones urbaines, pourraient être mises en œuvre.

Pour lire l’étude complète (en anglais 🇬🇧…) c’est là qu’il vous faudra cliquer. Les conclusions, évidemment, sont à prendre avec des pincettes, compte-tenu de la méthodologie de l’étude, mais finalement, on n’a jamais vu que l’observation ou l’écoute des oiseaux puisse être source d’effets indésirables.

Certains vont plus loin encore et décrivent un « Syndrome de manque de nature » sur lequel je serai amené à revenir…

Les grands chanteurs

Les grands chanteurs de Catherine Chauloux (détail)

Comment et pourquoi les oiseaux entonnent-ils leurs chants merveilleux ?

Tout au long de la journée, la nuit pour certains, les oiseaux émettent des sons personnels, souvent mélodieux, gracieux, et plaisants (pinsons, linottes, rossignols) , parfois criards ou rauques et déplaisants (corvidés) voire encore des gazouillis ou des chuintements… 

Chacun de ces sons a une signification particulière, chants et cris  servant  à communiquer ou alerter; ils constituent un langage complexe, loin d’être bien compris par les ornithologues.

Les oiseaux ne possèdent ni cordes vocales ni larynx. Les sont qu’ils émettent sont produits par la syrinx (ou syringe), un organe situé entre la trachée et la bifurcation bronchique dont l’anatomie varie d’une famille aviaire à l’autre, expliquant les variations des interprétations comme les prouesses vocales de certains.

Pour en savoir plus, je recommande la lecture de cet article de Laetitia Sanchez, pour l’association des naturalistes de la vallée du Loing et du massif de Fontainebleau. Bonne lecture  ! 

Les adjectifs des habitats en zoologie

La langue française est riche et précise quand il s’agit de décrire, en un seul adjectif, différents types d’habitat en zoologie. En voici quelques exemples : 

  • Amnicole : qui vit au bord des cours d’eau.
  • Aquicole : qui vit dans l’eau
  • Arboricole : qui vit dans les arbres
  • Arénicole : qui vit dans le sable
  • Arvicole : qui vit dans les champs
  • Benthique :  qui vit au fond des espaces aquatiques (mers, lacs, océans)
  • Calcicole : qui vit en terrain calcaire
  • Cavernicole : qui vit dans l’obscurité des cavernes et des grottes
  • Cavicole : Qui vit dans les cavités ménagées ou occupées par d’autres animaux : terriers, excavations, grottes, etc
  • Dulçaquicole ou dulcicole  : Qui vit en eau douce.
  • Démersal : qui vit sur le fond des mers et des océans pour y trouver sa nourriture et remonte ponctuellement vers la surface
  • Floricole : qui vit sur les fleurs
  • Fumicole : qui vit dans le fumier
  • Herbicole : qui vit dans les herbes
  • Humicole : qui vit dans l’humus
  • Lignicole : qui vit dans les bois
  • Limicole ou vasicole : Famille de petits échassiers vivant dans des endroits humides (marais, abords des lacs et des plages, etc.)
  • Madicole : Qui vit sur une pierre située juste au niveau de la surface d’une rivière
  • Merdicole : qui vit dans les excréments
  • Monticole : Type de passereau de taille moyenne vivant dans les montagnes
  • Muscicole : qui vit dans les mousses
  • Nidicole : Se dit d’une espèce dont le petit, en naissant, est incapable de se nourrir et de se déplacer seul et de ce fait reste au nid tant qu’il est dépendant
  • Nivicole : qui vit dans les névés ou dans les glaciers
  • Orbicole : Se dit particulièrement d’une plante, éventuellement d’un animal pouvant se développer et s’adapter à n’importe quel milieu à la surface du globe
  • Paludicole : qui vit dans les marais et les étangs
  • Pélagique : qui vit proche de la surface des espaces aquatiques (mers, lacs, océans)
  • Pétricole : qui vit dans les rochers, dans les anfractuosités de roche ou creusant des trous ou galeries pour s’y loger
  • Ripicole : Se dit d’espèces animales ou végétales qui vivent ou qui se développent sur les rives immergées des eaux courantes, des étangs, des lacs
  • Saxicole ou saxatile : Qui vit parmi les roches ou les substrats rocheux
  • Sylvicole : qui vit dans les forêts 
  • Terricole : qui vit ou se développe dans la terre
  • Torrenticole : qui vit dans les torrents (poissons torrenticoles)
  • Tubicole :  qui vit dans un tube qu’il sécrète lui-même
  • Vasicole : voir limicole

Quand le JIZZ est là…

Des scientifiques se sont appliqués à estimer la population d’oiseaux sauvages existant à travers le monde. D’après leurs calculs, les 9.700 espèces d’oiseaux recensés réuniraient au moins 50 milliards d’individus. Source.

La France possède une richesse importante en nombre d’espèce d’oiseaux, en particulier nicheurs (le plus élevé en Europe après l’Espagne), la dernière évaluation est de 412 espèces pouvant être observées en France.

Le nombre d’espèces d’oiseaux peut sembler rebutant pour le néophyte désireux d’apprendre à les gouverner observer tous !

En classe d’ornithologie, il nous est expliqué que la méthode la plus utile pour identifier visuellement un oiseau de nous inconnu est celle que les Anglo-Saxons nomment le GISS (ou JIZZ) : General Impression, Size, and Shape : elle requiert d’analyser : 

  1. L’allure générale de cet oiseau 
  2. Sa taille
  3. Et, enfin, sa forme

Wikipedia nous explique le concept ici : « Le JIZZ ou GISS est l’impression générale ou l’apparence d’un oiseau recueillie à partir de caractéristiques telles que la forme, la posture, le style de vol ou d’autres mouvements habituels, la taille et la coloration combinées à la voix, l’habitat et l’emplacement. »

Personnellement, j’aurais bien ajouté la date de l’observation, utile pour inclure ou exclure les migrateurs.

« Le concept a été popularisé dans le cadre de l’observation des oiseaux, mais il est si utile qu’il a depuis été adopté de plus en plus largement par les biologistes de terrain pour désigner l’impression des caractéristiques générales d’autres animaux. Il apparaît également dans des domaines de la biologie d’observation comme la microscopie. Les écologistes et les botanistes peuvent parler du « jizz de l’habitat » ou du jizz d’une plante.»

Sean Dooley décrit le jizz comme  » la qualité indéfinissable d’une espèce particulière, la « vibration » qu’elle dégage  » et note que bien qu’il soit  » rejeté par beaucoup comme une sorte d’alchimie ornithologique, il existe une base physique à l’idée de jizz « [6].

Les ornithologues expérimentés peuvent souvent faire des identifications fiables sur le terrain en un clin d’œil en utilisant le jizz pour identifier la famille ou le genre, plus rarement l’espèce.

L’idée semble être d’apprendre à reconnaître les oiseaux les plus communs pour, sur une toile de fond, voir ensuite se détacher les spécimens les plus rares que les guides ornithologiques modernes auront tôt fait de nous aider à identifier !

Un bien beau plumage, sans aucun ramage, hélas.

Le jour n’était pas levé depuis une heure, en ce froid matin de décembre; un pâle soleil peinait à chasser les lambeaux de brouillard s’accrochant gaillardement aux prairies et aux bois du parc de la Briantais, à Saint-Malo. Il était tôt, il faisait froid, mais nous partions, gaillards, à la chasse aux oiseaux dont on nous avait dit qu’ils seraient nombreux en ces lieux.

Point de fusil, fût-il à lunette, non plus que de gibecière. Nous n’étions armés, en sus de nos yeux encore embrumés de sommeil, que d’une paire de puissantes jumelles, car c’est une chasse aux images que nous avions organisée. Et notre butin fut mémorable.

Nous fûmes accueillis, en fanfare, par le chant de la Sitelle torchepot, qui nous accompagna souvent, mais que jamais nous n’eûmes l’heur d’apercevoir. Les Merles noirs sautillaient, sifflaient, et se gavaient goulûment de lombrics dodus. Après avoir admiré les Mésanges charbonnières et les Mésanges bleues, les Rouge-gorge familiers et les Pies bavardes, nous vîmes, pour la première fois, béotiens avides de merveilles, plein écran dans nos jumelles 16x, celles qui furent les héroïnes de notre matinée.

Laissez-moi vous présenter les Grives mauvis  (Tordus iliacus) ! 

Elles sont bien plus belles dans la nature que sur le papier

Silhouette de Merle noir, ou de Grive musicienne, même démarche, même comportement (en tout cas pour le béotien) c’est le plumage magnifique de l’oiseau qui nous arracha un cri d’admiration (intérieur, le cri, nous savons nous tenir sur le terrain) tant il nous submergea d’émotion. Rien de mieux que d’en lire la description détaillée et d’en regarder les images sur oiseaux.net ! Quelles merveilles que ce sourcil crème, ce plastron tacheté de fauve et ces flancs roux ! Toute la matinée elle nous régala de sa présence, même après l’avoir abandonnée pour cheminer en bord de mer, en compagnie des Goélands argentés, huîtriers pie, Aigrettes garzette, et autres Grands cormorans : elle était toujours là à notre retour, malicieuse, sur les chemins, et les pelouses, au grand dam des vers de terre dont j’imagine l’effroi.

S’il fut ici question de plumages munificents, il ne fut jamais question du moindre ramage. Jamais les grives, ni les musiciennes ni les mauvis, ne nous gratifièrent d’un quelconque chant. Seuls les merles, les mésanges et les sittelles s’essayèrent à de mélodieuses vocalises. Il faisait froid, il faisait faim, les grives n’étaient apparemment pas d’humeur. Une prochaine fois sans doute. Le film fut en couleurs, mais muet. Il nous a vraiment plu, vous l’avez compris !

Des oiseaux, des données, des cartes et des courbes

L’intérêt que l’on porte aux oiseaux commence souvent, pour ne pas dire toujours, par leur observation attentive sur le terrain, puis par leur identification. La tâche est loin d’être facile  !  

On peut ensuite s’intéresser à la vie des oiseaux : où vivent-ils ? (distribution géographique, habitat), comment vivent-ils ? (comportement, alimentation, reproduction, migration). Un ouvrage, complétant les outils d’identification, devient alors nécessaire pour accéder aux informations pertinentes comme «Le comportement des oiseaux d’Europe» publié aux éditions Salamandre.

J’aimerais signaler à l’attention de mes lecteurs trois sites fort intéressants, permettant d’analyser la distribution des populations d’oiseaux nicheurs en Europe, ses variations, ainsi que les migrations de ces oiseaux. Je n’ose imaginer la quantité de données ayant permis l’établissement des ces cartes et de ces courbes, fruit du travail de nombreux observateurs sur le terrain et d’informaticiens «qui assurent». 


1 –  EUROPEAN BREEDING BIRD ATLAS

La 1re version de l’Atlas des oiseaux nicheurs d’Europe (EBBA1), a été publiée par le Conseil européen de recensement des oiseaux (EBCC) en 1997. Cet ouvrage fut un apport considérable à l’ornithologie européenne.

Les paysages et le climat européens ont toutefois connu des changements marqués depuis les années 1980, époque à laquelle la plupart des données de l’EBBA1 ont été recueillies. Une 2e version de cet atlas a donc été décidée par l’EBCC en 2010 dans le but de fournir des informations actualisées sur la distribution et l’importance des populations des oiseaux en Europe ainsi que de documenter les changements intervenus depuis EBBA1.

Au total, 596 espèces d’oiseaux nicheurs ont été étudiées.  L’atlas propose des cartes pour savoir où elles se reproduisent, combien de couples ont été recensés et comment leur répartition a changé en 4 décennies.  De nombreuses espèces ont vu leur distribution notablement modifiée entre les deux périodes de l’atlas, ce qui a été soigneusement analysé dans EBBA2 en ne considérant que les zones ayant une intensité de couverture similaire. 

Les changements ont été évalués pour 407 espèces indigènes :

  • 87 ont connu une augmentation de leur distribution, 135 une diminution, et 85 espèces n’ont connu aucun changement ou une tendance incertaine. Les schémas de changement varient selon les régions.
  • Les deux régions les plus froides, l’Arctique et les Alpes, ont gagné le plus grand nombre d’espèces en 30 ans, tandis que la région méditerranéenne a enregistré une perte nette d’espèces.

Le site est en anglais, mais l’interrogation, très simple, peut se faire avec le nom scientifique de l’espèce, facilement retrouvée sur tous les sites, ouvrages et logiciels d’identification. Et les cartes parlent alors d’elles-mêmes !
➜ Voir les cartes : EUROPEAN BREEDING BIRD ATLAS


2 – PECBMS

L’objectif principal du programme paneuropéen de surveillance des oiseaux communs (PECBMS) est d’utiliser les oiseaux communs comme indicateurs de l’état général de la biodiversité en utilisant des données de surveillance à grande échelle et à long terme sur les changements dans les populations d’oiseaux nicheurs d’Europe. 

Ont été étudiées 168 espèces, sur 30 pays, pendant 42 ans  (1980–2021).  

Les dernières données sur les oiseaux communs européens montrent un déclin continu des oiseaux des terres agricoles européennes, tandis que les oiseaux communs des forêts sont plus ou moins stables au cours des 10 à 15 dernières années.

Le site a été mis à jour en novembre 2022 avec de nombreuses nouveautés fonctionnelles et factuelles. On apprend ainsi, que la population d’alouettes des champs (Alauda arvensis) est menacée par l’agriculture intensive. Cette espèce fait partie de celles dont les populations sont le plus en déclin en raison de la diminution des sources de nourriture et de la détérioration des possibilités de nidification pendant la saison de reproduction. 

➜ Voir les courbes, avec par exemple l’évolution des populations des oiseaux de grandes cultures  : PCEBMS


3 – EURO BIRD PORTAL

Le portail des oiseaux d’Europe  est une base de données conséquente, alimentée par 15 portails nationaux de saisie (120000 saisies quotidiennes, 45 millions d’observations annuelles), en provenance de 29 pays européens.

Sur le site internet adossé à ces données, on peut suivre le déplacement saisonnier des oiseaux en temps réel, avec une précision géographique inédite et combiner 9 types de cartes animées mêlant répartition des espèces et variables météorologiques par exemple. Au total, plus de 50 millions de combinaisons de cartes comparées sont disponibles !

Comme l’explique Faune-France « au-delà de mieux comprendre les mouvements migratoires des oiseaux à l’échelle européenne, l’EBP offre une opportunité unique de travailler sur de nouvelles thématiques en faveur de la protection des espèces et de leurs habitats : identification de sites majeurs de halte migratoire, détermination des périodes de risque accru de collision aérienne, adaptation des périodes de chasse, suivi des pandémies aviaires… »

➜ Voir les cartes  : EURO BIRD PORTAL


Après avoir admiré les oiseaux, on ne peut qu’admirer le travail des observateurs de terrain qui collectent les informations, puis le travail des informaticiens qui les mettent en forme dans des bases de données avant de développer les requêtes et le code permettant de les afficher sur les sites internet pour leur donner de la pertinence !

Merlin, l’enchanteur ornithologue

Il existe de nombreuses applications pour aider les néophytes à identifier les oiseaux sauvages sur le terrain. Après en avoir testé plusieurs, MERLIN me semble être l’application idéale pour cette tâche ardue. Elle présente en effet de nombreux avantages : 

  • Elle est totalement gratuite
  • Elle est très ergonomique
  • Elle est disponible en français (avec les noms scientifiques) parmi d’autres langues
  • Elle est très riche (plus de 7500 espèces)
  • L’iconographie et les textes sont de qualité et didactiques
  • Elle est contextuelle et tient compte du lieu et de la date de l’observation pour faire ses propositions.

Ce n’est pas une encyclopédie. L’observateur qui souhaiterait aller plus avant dans la connaissance de « son oiseau » consultera avantageusement des guides plus étoffés comme le guide Ornitho, ou d’autres ouvrage proposés sur la page documentation de ce site.


IDENTIFICATION PAR QUESTIONNAIRE EN 3 ÉTAPES

Cette application, gratuite et en français (youpi tralala !) — je le répète, car c’est important — installera un assistant d’identification des oiseaux dans votre poche, qui procédera par étapes. Il suffira de répondre à trois questions simples concernant cet oiseau que vous essayez d’identifier pour que vous soit présentée, en un éclaire, une liste de candidats potentiels. Ces propositions tiennent compte de l’endroit où vous observez ainsi que de la saison. Il ne proposera pas, en décembre, oiseau migrateur absent depuis juillet, non plus que cet oiseau australien.


LES OISEAUX DU MONDE ENTIER

Si vous connaissez par cœur tous les oiseaux de votre pays, ou si vous partez en voyage aux Galapagos, en Chine ou en Australie, il suffira de télécharger les « packs d’oiseaux » ad hoc  (toujours gratuitement). Chaque pack d’oiseaux fournit un guide de terrain sur les oiseaux « de la région » (Amérique, d’Europe, d’Asie, d’Afrique et d’Océanie) avec des photos, des sons et un texte d’identification appropriés.


IDENTIFIER L’OISEAU CHANTEUR INVISIBLE

L’application permet également d’Identifier les oiseaux, volontiers timides et souvent volubiles, selon leurs chants et leurs cris. le module « Sound ID » écoute les oiseaux qui vous entourent et fait des suggestions en temps réel pour découvrir quel oiseau chante, la haut dans la canopée sans montrer la moindre plume ni le bout de son bec. Il est alors possible de comparer cet enregistrement pris sur le vif, aux chants et aux cris référencés dans l’application pour confirmer ou infirmer le diagnostic. Les premiers essais que j’ai effectués sur le terrain, sont étonnants ! Chaque fois, la suggestion d’oiseau faite par Merlin à la simple écoute du chant de l’oiseau a été confirmée par l’observation visuelle à la lunette ! Pour en savoir plus


IDENTIFIER LES OISEAUX « STARS » DE VOTRE PELLICULE

L’application permet d’identifier un oiseau sur une photographie, prise sur le vif, ou stockée dans sa pellicule; il suffit de choisir la photo, de la soumettre à Merlin et le module « Photo ID » vous proposera une courte liste de candidats possibles. Photo ID fonctionne entièrement hors ligne, ce qui vous permet d’identifier les oiseaux sur les photos où que vous soyez. Pour en savoir plus


LISTER VOS OBSERVATIONS

Enregistrez des oiseaux que vous avez identifiés dans votre « liste de vie ». Créez un album numérique de vos souvenirs d’ornithologie avec « Save My Bird ». Tapez sur « C’est mon oiseau ! » chaque fois que vous identifiez un oiseau, et Merlin l’ajoutera à votre liste. Voir ici comment faire

Merlin est alimenté par eBird, ce qui vous permet de créer des listes personnalisées d’oiseaux que vous êtes susceptible d’observer, où que vous soyez. Utilisez les options de filtrage pour explorer les oiseaux dans différents lieux ou à différentes périodes de l’année, ou pour afficher toutes les espèces des packs d’oiseaux téléchargés. 

Merlin affiche également les cartes de répartition de Birds of the World, le tout alimenté par des milliards d’observations d’oiseaux soumises à eBird.


QUI EST DONC L’EDITEUR DE CE LOGICIEL ?

Voici ce qui est dit sur son site (en anglais) :
Une partie de la mission du Cornell Lab of Ornithology est d’aider les gens à trouver la réponse à la question « Quel est cet oiseau ? ». Nous savons que la consultation d’un guide de terrain volumineux ou l’utilisation de moteurs de recherche et d’autres ressources peuvent rendre très difficile l’appréhension de ce que vous venez de voir – notre objectif est d’aider à relever ce défi.

Merlin est conçu pour être un coach ornithologique pour les observateurs d’oiseaux de tous niveaux. Il pose les questions qu’un ornithologue expert poserait pour vous aider à résoudre une observation d’oiseau mystérieuse. Notez que la date et le lieu sont les premières et les plus importantes questions de Merlin. Il faut des années d’expérience sur le terrain pour savoir quelles espèces sont attendues à un endroit et à une date donnés. Merlin partage avec vous ces connaissances basées sur plus de 800 millions d’observations soumises à eBird par des ornithologues du monde entier.

Le photographe « ornitho » de l’année 2022

Rock Ptarmigan at Tysfjord, Norway © Erlend Haarberg

Le photographe norvégien Erlend Haarberg a reçu cette année le grand prix du concours international « Bird Photographer of the Year » (BPOTY) pour cette image d’un Lagopède alpin (Lagopus muta) prenant son envol au-dessus des montagnes de Tysfjorden, en Norvège. Cette photo a également remporté la médaille d’or dans la catégorie «  Oiseaux dans leur environnement ». 

« En haut des montagnes, le vent, la neige et le froid nous écrasent d’une main de fer pendant de nombreux mois. C’est là que les Lagopèdes alpins prospèrent dans un paysage d’un blanc infini », explique M. Haarberg. « Ce jour-là, je marchais vers le sommet d’une montagne. J’avais presque atteint ce sommet lorsque j’ai repéré des traces de lagopèdes dans la neige. Rapidement, un oiseau a pris son envol; la toile de fond spectaculaire du paysage montre à quel point l’environnement est rude pour cet oiseau. »

Pour voir d’autres images, étonnantes, voire spectaculaires, réalisées et récompensées par ce concours, c’est ici qu’il faut cliquer.

Ne ratez, sous aucun prétexte, l’incroyable photo du Cormoran à aigrettes (Nannopterum auritum) prise à Espíritu Santo, Baja California Sur, Mexique par Henley Spiers.

Initiation à l’ornithologie

Baie du Mont Saint-Michel (photo personnelle)

Samedi 5 novembre 2022 a eu lieu la 1re journée du cycle 2022 d’initiation à l’ornithologie, journée organisée par l’association Bretagne Vivante, et intitulée
«  Reconnaître les oiseaux d’Ille-et-Vilaine ».
L’animation et l’expertise étaient assurées par deux naturalistes aussi sympathiques que compétents : Manon SIMONNEAU et Matthieu BEAUFILS. 


MATINEE

La matinée s’est déroulée dans le parc des Gayeulles, à Rennes. Il faisait beau mais frisquet. Nous avons déambulé dans le parc, dûment équipés de jumelles.

  1. Les participants ont appris à se repérer sur une carte :
    • Pour bien utiliser une carte sur le terrain, on cherchera d’abord à l’orienter. En pratique, c’est assez simple puisque, sur une carte IGN, le Nord correspond aux bords droit ou gauche de la carte. Deux options ensuite : On dispose d’une boussole : on peut alors aligner un méridien (ligne noire sur la carte) avec l’aiguille de la boussole. 
    • Si on connaît sa position : il suffit alors de repérer sur la carte un point facilement identifiable du terrain (clocher, château d’eau, sommet…. On fait ensuite pivoter la carte en visant ce point. Si possible, on pense à contrôler l’orientation en visant au moins un autre point remarquable.  source IGN
  2. Les participants ont compris la notion de strates végétales (seules les 3 premières strates citées étant intéressantes en ornithologie)
    • strate arborée
    • strate arbustive
    • strate herbacée
    • strate bryo-lichénique, muscino-lichénique ou cryptogamique
    • strate hypogée ou infracryptogamique
  3. Les participants ont repéré les différents biotopes avec, l’instruction était claire, les yeux d’un oiseau. En appréhendant l’espace dans lequel il se trouve, et en tenant compte de la saison, l’observateur peut prévoir quelles espèces d’oiseaux il sera susceptible d’observer. En pratique nous avons évolué devant les espaces suivants :
    • Prairie (espace ouvert)
    • Plan d’eau (espace ouvert)
    • Forêt 
    • Haie
    • Taillis
    • Chemin creux
    • Route

      ➜ Pour les oiseaux d’Europe, l’habitat principal de nidification peut se ranger dans 6 domaines :
      • Agricole ou rural (cultures, plaine, montagne) ;
      • Eau douce (étang, lac, marais non salé, rivière) ;
      • Forestier (forêt) ;
      • Maritime (mer, rivage, marais salé) 
      • Rocheux non maritime (rocher, falaise) ;
      • Urbain (ville, village, parc, jardin). source wikipedia
  4. Quelques notions naturalistes ont été abordées au fil des discussions :
    • Le climax
    • La notion absurde de reforestation (Voir l’excellent article du n°2 de la revue Epsiloon sur le sujet). Laissons pousser les arbres et les haies, ne les plantons jamais, la nature est plus efficace que l’homme pour construire. Pour détruire, en revanche…
  5. Au cours de cette exploration, de nombreux oiseaux ont été entendus et observés, à la grande joie des apprentis ornithologues ! Figurez vous que les ornithologues compétents savent identifier les oiseaux sans les voir, mais en écoutant leur chant. Certains logiciels se prévalent de cette compétence, avec un talent, cependant, qui laisse à désirer ! Bref, nous avons croisé la route des oiseaux suivants :

Après-midi en classe

Bien au chaud, les présentations magistrales, rares et synthétiques, ont été précédées de jeux didactiques et instructifs.

  1. La place des oiseaux dans la classification phylogénétique du vivant a été expliquée. Ce domaine est manifestement aussi complexe que mouvant. Les apports de la génétique bouleversent les notions classiques et les classifications. Dans bien des champs, le consensus scientifique semble hors de portée.
    • L’ouvrage de référence sur le sujet, daté de 2017, en deux tomes, est disponible ici
    • On trouve une synthèse intéressante de la classification phylogénétique des êtres vivants sur Internet : Voir ici
    • Nous avons appris
      • que les crocodiles sont les animaux les plus proches des oiseaux (leurs ancêtres communs étaient les dinosaures), et que les reptiles n’existent plus. 
      • Que la mésange à longue queue (Aegithalos caudatus) n’est plus une vraie mésange.
    • Que les oiseaux sont identifiés par leur nom vernaculaire, parfois variable selon les régions, quand, pour les publications et travaux scientifiques ils sont identifiés par un nom scientifique en latin, avec le Genre (Capitale à la première lettre) et l’espèce (en lettres minuscules)
      • Exemple : la bergeronnette des ruisseaux (fort élégante avec son plastron jaune) se nomme Certhia brachydactyla, famille des Certhiidae, ordre des Passeriformes. Fort heureusement, les ouvrages d’aide à l’identification des oiseaux, dans leur grande bienveillance, donnent pour chaque espèce les deux noms, vernaculaire et scientifique.
  2. Puis, nous sommes entrés dans le vif du sujet  avec quelques exercices qui nous ont appris les critères d’identification des oiseaux

DOCUMENTATION

Pour découvrir les sites, les logiciels et les livres qui pourraient s’avérer utiles pendant cette formation, je vous propose de consulter la page dédiée de ce site. Les informations seront enrichies ou amendées au fur et à mesure de la formation.


Les oiseaux des jardins bretons

Après un an de travail, les équipes de Bretagne Vivante et du Géoca sont fières de vous présenter le site dédié aux résultats des comptages des oiseaux des jardins en Bretagne.

Cette plateforme, financée par l’Observatoire régional de l’avifaune (ORA), rassemble plus de 10 ans de données collectées grâce à vous, les milliers de participants de cette opération de science participative ! 

Le site vous permet de : 

  • Connaître en un coup d’oeil les résultats du comptage de l’année.
  • Visualiser les données régionales et départementales de la participation.
  • Connaître les résultats à l’échelle de votre commune.
  • Obtenir les bilans annuels des derniers comptages.
  • Visualiser les tendances évolutives d’une espèce ou de toutes les espèces confondues.
  • Découvrir les fiches espèces des oiseaux des jardins.

La grippe aviaire fait des ravages sur l’avifaune bretonne

Baie du Mont Saint-Michel

L’article a été rédigé par Bernard Cadiou, de l’association Bretagne Vivante, le 3 octobre 2022.

Durant la saison de reproduction 2022, une souche d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) a touché les colonies d’oiseaux marins en Europe et en Amérique du Nord : en Écosse notamment de nombreuses colonies ont été touchées (fou de Bassan, labbes, goélands, sternes, etc.)

Les oiseaux sauvages, comme les oiseaux marins sont des réservoirs naturels des souches d’influenza aviaire faiblement pathogènes À l’origine l’influenza aviaire hautement pathogène H5N1 est apparue dans un élevage d’oies en Chine en 1996 Depuis le début de l’année 2021, l’influenza aviaire hautement pathogène se propage chez les oiseaux, tant dans les élevages que dans la faune sauvage Fin 2021, une mortalité massive de grues cendrées a été constatée dans la réserve naturelle du lac Hula en Israël, lors de leur halte migratoire, avec plus de 5 000 cadavres dénombrés Toujours fin 2021, une mortalité massive de bernaches nonettes a été constatée dans la région de Solway Firth en Écosse, avec une estimation de 5 000 oiseaux morts En février 2022, une mortalité massive de pélicans frisés a été constatée dans le parc national de Prespa en Grèce, avec plus d’un millier de cadavres collectés, et seulement 32 nids dénombrés contre 1 370 nids à la même période en 2021 Au printemps 2022, les foyers se multiplient dans les colonies d’oiseaux marins en Europe, notamment en Écosse Comment s’est faite la contamination initiale des oiseaux marins ? Nous n’avons pas la réponse à l’heure actuelle… Ensuite la contamination se fait par contact entre les oiseaux et aussi par les fientes Cette épizootie est mondiale, et touche notamment l’Europe et l’Amérique du Nord, avec un nombre de foyers du virus variable selon les pays et les régions Cette vague d’IAHP H5N1 (2021-2022) est sans précédent de par sa propagation rapide et de la fréquence élevée des foyers à la fois chez les oiseaux domestiques et sauvages

Certaines espèces d’oiseaux marins ont été plus fortement touchées que d’autres : c’est notamment le cas des fous de Bassan La colonie des 7îles dans les Côtes d’Armor a été touchée à partir de début juillet ; c’est LA colonie française, avec 19 000 couples en 2021 (en 2012 c’était environ 3 % des effectifs européens), et des milliers d’oiseaux sont morts cet été C’est aussi le cas pour la colonie de fous de Bassan de Bass Rock, en Écosse (la plus importante colonie de l’espèce) qui comptait de l’ordre 150 000 adultes reproducteurs, et qui a été gravement décimée Les goélands ont eux aussi été fortement touchés, notamment le goéland argenté Mais des colonies d’autres espèces ont aussi été sérieusement impactées comme la colonie de sternes caugek du platier d’Oye dans le Pas-de-Calais : 7 000 adultes présents au printemps, puis forte mortalité, et seulement 500 adultes et 200 jeunes en fin de saison de reproduction Sue l’île de Texel au Pays-Bas 3 500 cadavres de sternes caugek ont été dénombrés sur la colonie en juin, soit environ 40 % des adultes nicheurs sur l’île, bilan minimum car des oiseaux sont très probablement morts en mer ou ailleurs que dans les principales zones de reproduction Les adultes meurent sur la colonie ou en mer, et leurs poussins meurent de faim ensuite…

Le bilan actuel fait état de plusieurs centaines d’oiseaux marins morts dénombrés en Bretagne, mais ce bilan est sous-estimé et la mortalité se compte en milliers d’oiseaux à l’échelle de la Bretagne, et en dizaines de milliers à l’échelle européenne L’ampleur de l’épizootie est dramatique pour les oiseaux, notamment marins dont le fou de Bassan et le goéland argenté, les deux espèces les plus touchées par la maladie en Europe Selon l’ONG Birdlife, près de 400 000 oiseaux sauvages en seraient morts dans le monde, un chiffre certainement sous-estimé.

Le réseau Sagir de l’OFB (Office français de la biodiversité), réseau de surveillance des maladies infectieuses des oiseaux et des mammifères sauvages terrestres en France, via le laboratoire de référence qui identifie les souches qui circulent, a mis en évidence des particularités : si toutes les souches qui circulent sont des H5N1, une souche s’est particulièrement adaptée aux laridés, une autre est exclusivement trouvée chez les fous de Bassan

Nous arrivons maintenant en période de migration et d’hivernage, avec l’arrivée d’oiseaux en provenance d’autres pays plus nordiques, et des cas de mortalité d’autres espèces touchées par la grippe aviaire ont été identifiés (anatidés et ardéidés par exemple… des rapaces sont également touchés, tout comme des faisans)

Et en hivernage, les oiseaux d’eau (canards, oies, limicoles) se regroupent et forment des grandes concentrations qui sont donc potentiellement plus à risque en termes de transmission, comme sur les colonies d’oiseaux marins.

C’est la première fois qu’une telle mortalité massive est enregistrée à une échelle géographique aussi vaste.

Une évaluation précise de la mortalité des oiseaux marins est pour le moment difficile Il faudra attendre la saison de reproduction pour mieux évaluer les impacts : les colonies sont recensées annuellement pour plusieurs espèces d’oiseaux marins, l’état des populations est connu, et les comptages au printemps 2023 permettront de mieux connaître le niveau de la mortalité et déterminer l’impact de l’épizootie

Tous les oiseaux survivants ne se reproduiront sans doute pas en 2023 car chez les oiseaux marins la formation des couples peut prendre quelques années et les oiseaux dont le partenaire est mort de la grippe aviaire devront trouver un nouveau partenaire et dans certains cas aussi un nouveau territoire pour y construire leur nid

Et certaines espèces d’oiseaux marins ont un statut de conservation défavorable, lié à divers impacts humains comme la surpêche et les changements climatiques qui affectent la disponibilité de leurs proies, ou encore les captures accidentelles dans les engins de pêche, le dérangement des colonies, les pollutions diverses, la prédation par des mammifères introduits, etc.

C’est donc sans précédent, et inquiétant, avec des craintes pour l’avenir des colonies bretonnes de certaines espèces d’oiseaux marins !

Il ne faut pas oublier que la cause d’origine est liée aux élevages intensifs, et que ce ne sont pas les oiseaux marins qui constituent une menace !


Bibliographie

  1. Agir pour la faune en détresse
  2. Bulletins hebdomadaires de veille sanitaire internationale Ici
  3. IAHP en France : une situation alarmante ! ici
  4. Influenza aviaire en France ici
  5. Réseau SAGIR
  6. Les oiseaux marin victimes d’une épidémie d’influenza inédite. Science et avenir
  7. An unprecedented wave of avian flu has been devastating bird populations across the northern hemisphere Ici
  8. Surveillance and monitoring responses to Highly Pathogenic Avian Influenza, a workshop at Cork Seabird Conference, August 2022  ici