La grippe aviaire fait des ravages sur l’avifaune bretonne

Baie du Mont Saint-Michel

L’article a été rédigé par Bernard Cadiou, de l’association Bretagne Vivante, le 3 octobre 2022.

Durant la saison de reproduction 2022, une souche d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) a touché les colonies d’oiseaux marins en Europe et en Amérique du Nord : en Écosse notamment de nombreuses colonies ont été touchées (fou de Bassan, labbes, goélands, sternes, etc.)

Les oiseaux sauvages, comme les oiseaux marins sont des réservoirs naturels des souches d’influenza aviaire faiblement pathogènes À l’origine l’influenza aviaire hautement pathogène H5N1 est apparue dans un élevage d’oies en Chine en 1996 Depuis le début de l’année 2021, l’influenza aviaire hautement pathogène se propage chez les oiseaux, tant dans les élevages que dans la faune sauvage Fin 2021, une mortalité massive de grues cendrées a été constatée dans la réserve naturelle du lac Hula en Israël, lors de leur halte migratoire, avec plus de 5 000 cadavres dénombrés Toujours fin 2021, une mortalité massive de bernaches nonettes a été constatée dans la région de Solway Firth en Écosse, avec une estimation de 5 000 oiseaux morts En février 2022, une mortalité massive de pélicans frisés a été constatée dans le parc national de Prespa en Grèce, avec plus d’un millier de cadavres collectés, et seulement 32 nids dénombrés contre 1 370 nids à la même période en 2021 Au printemps 2022, les foyers se multiplient dans les colonies d’oiseaux marins en Europe, notamment en Écosse Comment s’est faite la contamination initiale des oiseaux marins ? Nous n’avons pas la réponse à l’heure actuelle… Ensuite la contamination se fait par contact entre les oiseaux et aussi par les fientes Cette épizootie est mondiale, et touche notamment l’Europe et l’Amérique du Nord, avec un nombre de foyers du virus variable selon les pays et les régions Cette vague d’IAHP H5N1 (2021-2022) est sans précédent de par sa propagation rapide et de la fréquence élevée des foyers à la fois chez les oiseaux domestiques et sauvages

Certaines espèces d’oiseaux marins ont été plus fortement touchées que d’autres : c’est notamment le cas des fous de Bassan La colonie des 7îles dans les Côtes d’Armor a été touchée à partir de début juillet ; c’est LA colonie française, avec 19 000 couples en 2021 (en 2012 c’était environ 3 % des effectifs européens), et des milliers d’oiseaux sont morts cet été C’est aussi le cas pour la colonie de fous de Bassan de Bass Rock, en Écosse (la plus importante colonie de l’espèce) qui comptait de l’ordre 150 000 adultes reproducteurs, et qui a été gravement décimée Les goélands ont eux aussi été fortement touchés, notamment le goéland argenté Mais des colonies d’autres espèces ont aussi été sérieusement impactées comme la colonie de sternes caugek du platier d’Oye dans le Pas-de-Calais : 7 000 adultes présents au printemps, puis forte mortalité, et seulement 500 adultes et 200 jeunes en fin de saison de reproduction Sue l’île de Texel au Pays-Bas 3 500 cadavres de sternes caugek ont été dénombrés sur la colonie en juin, soit environ 40 % des adultes nicheurs sur l’île, bilan minimum car des oiseaux sont très probablement morts en mer ou ailleurs que dans les principales zones de reproduction Les adultes meurent sur la colonie ou en mer, et leurs poussins meurent de faim ensuite…

Le bilan actuel fait état de plusieurs centaines d’oiseaux marins morts dénombrés en Bretagne, mais ce bilan est sous-estimé et la mortalité se compte en milliers d’oiseaux à l’échelle de la Bretagne, et en dizaines de milliers à l’échelle européenne L’ampleur de l’épizootie est dramatique pour les oiseaux, notamment marins dont le fou de Bassan et le goéland argenté, les deux espèces les plus touchées par la maladie en Europe Selon l’ONG Birdlife, près de 400 000 oiseaux sauvages en seraient morts dans le monde, un chiffre certainement sous-estimé.

Le réseau Sagir de l’OFB (Office français de la biodiversité), réseau de surveillance des maladies infectieuses des oiseaux et des mammifères sauvages terrestres en France, via le laboratoire de référence qui identifie les souches qui circulent, a mis en évidence des particularités : si toutes les souches qui circulent sont des H5N1, une souche s’est particulièrement adaptée aux laridés, une autre est exclusivement trouvée chez les fous de Bassan

Nous arrivons maintenant en période de migration et d’hivernage, avec l’arrivée d’oiseaux en provenance d’autres pays plus nordiques, et des cas de mortalité d’autres espèces touchées par la grippe aviaire ont été identifiés (anatidés et ardéidés par exemple… des rapaces sont également touchés, tout comme des faisans)

Et en hivernage, les oiseaux d’eau (canards, oies, limicoles) se regroupent et forment des grandes concentrations qui sont donc potentiellement plus à risque en termes de transmission, comme sur les colonies d’oiseaux marins.

C’est la première fois qu’une telle mortalité massive est enregistrée à une échelle géographique aussi vaste.

Une évaluation précise de la mortalité des oiseaux marins est pour le moment difficile Il faudra attendre la saison de reproduction pour mieux évaluer les impacts : les colonies sont recensées annuellement pour plusieurs espèces d’oiseaux marins, l’état des populations est connu, et les comptages au printemps 2023 permettront de mieux connaître le niveau de la mortalité et déterminer l’impact de l’épizootie

Tous les oiseaux survivants ne se reproduiront sans doute pas en 2023 car chez les oiseaux marins la formation des couples peut prendre quelques années et les oiseaux dont le partenaire est mort de la grippe aviaire devront trouver un nouveau partenaire et dans certains cas aussi un nouveau territoire pour y construire leur nid

Et certaines espèces d’oiseaux marins ont un statut de conservation défavorable, lié à divers impacts humains comme la surpêche et les changements climatiques qui affectent la disponibilité de leurs proies, ou encore les captures accidentelles dans les engins de pêche, le dérangement des colonies, les pollutions diverses, la prédation par des mammifères introduits, etc.

C’est donc sans précédent, et inquiétant, avec des craintes pour l’avenir des colonies bretonnes de certaines espèces d’oiseaux marins !

Il ne faut pas oublier que la cause d’origine est liée aux élevages intensifs, et que ce ne sont pas les oiseaux marins qui constituent une menace !


Bibliographie

  1. Agir pour la faune en détresse
  2. Bulletins hebdomadaires de veille sanitaire internationale Ici
  3. IAHP en France : une situation alarmante ! ici
  4. Influenza aviaire en France ici
  5. Réseau SAGIR
  6. Les oiseaux marin victimes d’une épidémie d’influenza inédite. Science et avenir
  7. An unprecedented wave of avian flu has been devastating bird populations across the northern hemisphere Ici
  8. Surveillance and monitoring responses to Highly Pathogenic Avian Influenza, a workshop at Cork Seabird Conference, August 2022  ici

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