Pollution : revers des feuilles urbaines

© Michel Arnould avec Dall-e

Une équipe de chercheurs norvégiens [1] vient de montrer que les arbres ne réduisent que très modestement (0,8%) la pollution en milieu urbain; ils pourraient même l’aggraver dans certains quartiers.

L’hypothèse selon laquelle la végétation améliore la qualité de l’air est très répandue dans les discours scientifiques, populaires et politiques. Cependant, des études expérimentales et de modélisation montrent que l’effet des espaces verts sur les concentrations de polluants atmosphériques en milieu urbain est très variable et lié au contexte.

Le lien entre la végétation et la qualité de l’air a été réexaminé en analysant les changements d’espaces verts urbains et les concentrations de polluants atmosphériques provenant de 2 615 stations de surveillance établies en Europe et aux États-Unis.

Entre 2010 et 2019, les stations ont enregistré une baisse des concentrations ambiantes de NO2, particules PM10 et PM2.5 (moyenne de -3,14 % par an), mais pas de O3 (+0,5 % par an), ce qui indique le succès général des récentes interventions politiques visant à restreindre les émissions anthropiques. 

L’effet de l’ensemble des espaces verts sur la pollution atmosphérique est faible et très variable, en particulier à l’échelle de la rue (rayon de 15 à 60 m) où la végétation peut restreindre la ventilation. Cependant, en analysant séparément les changements dans le couvert végétal, nous avons trouvé une une majoration de la pollution de l’air à l’échelle de l’arrondissement et de la ville (120 à 16 000 m), en particulier pour l’O3 et les PM. 

L’effet des espaces verts était plus faible que les effets de dépôt et de dispersion des polluants des facteurs météorologiques, notamment les précipitations, l’humidité et la vitesse du vent. Lorsque l’on fait la moyenne des échelles spatiales, une augmentation d’une SD des espaces verts a entraîné une diminution de 0,8 % (IC à 95 % : -3,5 à 2 %) de la pollution de l’air. 

Ces résultats suggèrent que si la végétalisation urbaine peut améliorer la qualité de l’air à l’échelle d’un quartier ou d’une ville, l’impact est modéré et peut même avoir des effets néfastes au niveau de la rue en fonction de facteurs aérodynamiques tels que le type de végétation et l’architecture urbaine.

Il faudra sans doute repenser les modalités de la végétalisation des villes : des plantes plus basses que les arbres seraient probablement plus efficaces, d’après Zander Venter et son équipe. L’idéal serait de planter des haies denses et continues, au milieu des rues (et pas sur les bords) ce qui posera, à l’évidence, de délicats problèmes d’aménagement urbain…

Il ne faut pas, cependant, jeter l’arbre avec l’eau de la forêt. L’arbre réduit efficacement la chaleur urbaine; il absorbe une partie de l’eau des fortes pluies, et il est excellent pour le moral du citadin. [2]

Bibliographie

  1. Reassessing the role of urban green space in air pollution control Zander S. Venter, Amirhossein Hassani , Erik Stange, Núria Castell. PNAS. Vol. 121 | No. 6
  2. https://www.treecitiesoftheworld.org/benefits.cfm

Les infographies du GIEC

Les rapports du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat (GIEC) sont très volumineux et volontiers indigestes pour le grand public. Le rapport suivant ne fait pas exception à la règle !

Changement climatique 2022 : ce rapport du groupe de travail III fournit une évaluation mondiale actualisée des progrès et des engagements en matière d’atténuation du changement climatique et examine les sources d’émissions mondiales. Il explique l’évolution des efforts de réduction et d’atténuation des émissions et évalue l’impact des engagements nationaux en matière de climat par rapport aux objectifs d’émissions à long terme.

Heureusement, le GIEC publie, en parallèle de ses rapports, des fiches de synthèse thématiques donnant un aperçu des principales conclusions tirées de chaque chapitre de ce rapport.

Cette page fournit  ainsi 9 fiches thématiques, faciles à lire et très informatives.

  1. Agriculture, sylviculture et autres utilisations du sol. Voir l’infographie. Les sols constituent actuellement un puits de carbone, absorbant environ un tiers des émissions d’origine humaine. De nombreuses options d’atténuation sont disponibles et prêtes à être mises en œuvre, mais un effort concerté, rapide et soutenu de la part de toutes les parties prenantes est indispensable pour atteindre des niveaux élevés d’atténuation. L’atténuation dans ce secteur ne peut pas compenser l’inaction dans d’autres secteurs.
  2. Bâtiments. Voir l’infographie. Il est essentiel d’agir en 2020-2030 pour exploiter pleinement le potentiel d’atténuation des bâtiments existants et nouveaux. Dans les pays en développement, le potentiel le plus important se trouve dans les nouveaux bâtiments, tandis que dans les pays développés, le potentiel le plus élevé se trouve dans la rénovation des bâtiments existants.
  3. Elimination du dioxyde de carbone. Voir l’infographie. L’EDC fait référence aux technologies, pratiques et approches qui éliminent et stockent durablement le dioxyde de carbone (CO2) de l’atmosphère. La RDC est nécessaire pour atteindre les objectifs mondiaux et nationaux d’émissions nettes nulles de CO2 et de gaz à effet de serre (GES). La CDR ne peut se substituer à des réductions immédiates et profondes des émissions, mais elle fait partie de tous les scénarios modélisés qui limitent le réchauffement de la planète à 2° ou moins d’ici 2100. La mise en œuvre nécessitera des décisions concernant les méthodes CDR, l’échelle et le calendrier de déploiement, ainsi que la gestion des contraintes de durabilité et de faisabilité.
  4. Besoins et aspects sociétauxVoir l’infographie. Les réponses centrées sur la demande sont compatibles avec l’amélioration du bien-être de base pour tous. Une combinaison de politiques efficaces, d’accès à des infrastructures améliorées et à des technologies conduisant à un changement de comportement peut contribuer à la réduction des émissions.
  5. Energie. Voir l’infographie Le réchauffement ne peut être limité à un niveau nettement inférieur à 2°C sans une réduction rapide et importante des émissions du système énergétique et des changements substantiels au cours des 30 prochaines années. Cela impliquera une réduction significative de l’utilisation globale des combustibles fossiles, le recours au piégeage et au stockage du carbone,  des systèmes énergétiques à faible teneur en carbone ou sans carbone, l’électrification à grande échelle, l’utilisation de carburants alternatifs tels que l’hydrogène et les biocarburants durables et l’amélioration de l’efficacité énergétique.
  6. Finance et investissements. Voir l’infographie  Les progrès en matière d’alignement des flux financiers sur les filières à faibles émissions de gaz à effet de serre restent lents. Il existe un déficit de financement climatique qui reflète une mauvaise répartition persistante du capital mondial. Le volontarisme et l’intervention politiques restent essentiels pour lever l’incertitude, obstacle fondamental à la réorientation des flux financiers.
  7. Industrie. Voir l’infographie Il existe de nombreuses options pour réduire les émissions dans l’industrie, mais certaines pratiques et technologies sont très nouvelles, sous-utilisées ou nécessitent une attention politique pour atteindre leur plein potentiel.
  8. Transports. Voir l’infographie L’électrification jouera un rôle clé dans la réduction des émissions des transports terrestres, mais les biocarburants et l’hydrogène pourraient jouer un rôle dans la décarbonisation du transport de marchandises, en particulier dans les secteurs du transport maritime et aérien.
  9. Réseaux urbains. Voir l’infographie Tous les types de villes – qu’elles soient construites, en croissance rapide ou émergentes – peuvent contribuer à atténuer le changement climatique par une production et une consommation durables, des changements dans la demande, l’électrification, et en améliorant l’absorption et le stockage du carbone en milieu urbain.

Chapeau, les champignons !

Le 9 février, à Saint-Lunaire, une conférence fort intéressante fut proposée au grand public par la Communauté de Communes Côte d’Émeraude, qui avait pour thème : « Découverte des champignons et de leurs écosystèmes. » avec M. Pascal PEUCH, président de la Société Mycologique de Rennes.
Le sous-titre en était alléchant : « À la fin de cette présentation, vous ne direz plus « la faune et la flore », vous ajouterez en bonne place: « la fonge ».

Voici ce que j’ai retenu de cet exposé, didactique et humoristique !

L’être vivant le plus grand du monde est un champignon : Armillaria solidipes. Le spécimen le plus grand découvert mesurait 8,9 km2 et était situé dans l’Oregon aux États-Unis. Il a été estimé qu’il était vieux de 2400 ans. L’être vivant le plus lourd du monde est Pando : une colonie d’arbres située dans l’Utah, aux États-Unis. Elle est considérée comme l’organisme vivant le plus lourd et le plus âgé de la planète, avec un poids estimé à 6 000 tonnes et un âge de 80 000 ans.

Règnes animal, végétal… et fongique

Les champignons, ne sont ni des animaux, ni des végétaux !

  • La paroi des champignons est constituée de chitine, molécule que l’on retrouve chez les insectes et les crustacés (constituant essentiel de leur carapace),  quand la paroi des végétaux est constituée de cellulose.
  • Les champignons stockent leur énergie sous forme de glycogène, comme les animaux (chez l’homme par exemple, le glycogène est la réserve de sucre « prête à l’emploi » de l’organisme, il est stocké dans le foie et les muscles squelettiques) ; les végétaux, quant à eux, stockent leur énergie sous forme d’amidon)
  • Les champignons sont des organismes hétérotrophes pour le carbone, c’est-à-dire qu’ils doivent se nourrir de matière organique puisée dans leur milieu, car ils ne savent pas la fabriquer eux-mêmes, contrairement aux végétaux qui, grâce à la photosynthèse, élaborent leur propre matière organique (sucres) à partir du dioxyde de carbone de l’air et de l’eau du sol.
  • Les champignons sont capables de dégrader des molécules complexes pour en tirer du carbone et de l’énergie, alors que les végétaux ne savent utiliser que des molécules simples.

Les champignons sont, en quelque sorte,  des tunneliers: leurs hyphes se développent, se multiplient et, ainsi leurs filaments microscopiques se développent en longueur, fusionnent avec d’autres entités de même espèce pour créer un réseau sous terrain très étendu. Ce qu’on appelle couramment « champignon » n’est en fait que la « fructification » temporaire et visible, le sporophore d’un organisme à caractère plus durable et plus discret, le macromycète, dont la structure habituellement filamenteuse constitue le mycélium, formé de filaments invisibles à l’œil nu lorsqu’ils sont isolés. 

Les champignons sont des chimistes très compétents, producteurs d’enzymes permettant de casser les molécules complexes (cellulose, lignite, etc) pour en extraire les sucres (hydrates de carbone), sources d’énergie. Ils sont également producteurs d’antibiotiques les protégeant ainsi que leurs hôtes symbiotiques des attaques bactériennes.

Ils peuvent être autonomes, parasites ou symbiotes.

Les champignons ne possèdent pas la capacité qu’ont les plantes de synthétiser leur propre nourriture grâce à l’énergie solaire. Ils sont dépourvus de cette chlorophylle, qui permet aux végétaux de capter l’énergie lumineuse produite par le soleil et de fabriquer des sucres à partir du carbone présent dans l’air (photosynthèse). Pour cette raison, les champignons ont dû développer des modes de vie particuliers : la symbiose, le saprophytisme et le parasitisme. 

  • La symbiose : Un grand nombre de champignons qui croissent sur le sol en forêt sont intimement liés aux arbres par symbiose. Cette association, nommée mycorhize, se fait entre les extrémités des racines d’un arbre et l’appareil végétatif d’un champignon. La mycorhize bénéficie aux deux organismes en cause : il s’agit d’un échange d’éléments nutritifs, l’un fournissant à l’autre ceux qu’il ne peut synthétiser ou extraire du sol par ses propres moyens. De façon générale, le champignon aide l’arbre à puiser des éléments minéraux et de l’eau dans le sol; en échange, l’arbre fournit des sucres au champignon.
  • Le saprophytisme : est un autre mode de vie important chez les champignons. C’est le cas des espèces qui croissent sur les pelouses, le bois pourri, les excréments, etc. Dans ce cas, le rôle joué par le champignon est la décomposition. Il digère la matière organique et permet ainsi aux éléments nutritifs de retourner à la terre.
  • Le parasitisme des champignons peut être de plusieurs types, allant de l’espèce qui attaque un hôte (arbre, plante, insecte…) en pleine santé, puis vit à ses dépens sans le tuer, jusqu’à celle qui ne cause du tort qu’à un hôte déjà malade et qui par conséquent, hâte la mort de ce dernier. Les espèces parasites sont surtout des champignons microscopiques.

Deux types de symbiose existent entre les champignons et les végétaux : 

  • Ectomycorhize : Symbiose de type mutualiste entre la racine d’une plante et une colonie de champignons, les hyphes de ces derniers s’infiltrant entre les cellules racinaires.
  • Endomycorhize : Symbiose entre la racine d’une plante et une colonie de champignons, les hyphes de ces dernierss’infiltrant à l’intérieur de la cellule végétale.

90% des végétaux ne pourraient se nourrir sans les champignons  qui donnent de l’eau, des sels minéraux et des nutriments aux végétaux, en échange de quoi les végétaux  fournissent des sucres aux champignons des sucres. Seuls les Brassicaceae (famille des choux) ont perdu cette capacité symbiotique et s’alimentent seuls dans un sol riche. 

Les champignons au service de l’Homme 

Le formidable équipement enzymatique des champignons les rend très importants pour l’homme qui  valorise ces organismes dans des domaines très variés : 

  • biodépollution, recyclage (matières plastiques,  colorants  industriels,  pesticides,  toxines, métaux lourds, hydrocarbures…),  
  • production  industrielle : biocatalyse de polymères, blanchiment non polluant de la pâte à papier, production de biocarburants, produits alimentaires comme les arômes, produits fermentés, métabolites primaires ou secondaires et médicaments (Cordoba & Rios, 2012 ; Hofrichter, 2010 ; Golan-Rozen et al., 2011 ; Prasad et al., 2010 ; Zhang et al., 2015). 
  • Dans l’alimentation, il ne faut pas oublier que sans champignon, on ne pourrait pas  consommer d’alcool et de bière (Chebli, 2016), de pain, de fromage  (Saccharomyces cerevisiae, Penicillium roqueforti, Aspergillus oryzae, Mucor fuscus…).  
  • Pour les médicaments,  de nombreux  principes actifs sont  issus des  champignons ou obtenus grâce à leur intervention sur un précurseur. Citons par exemple des antibiotiques (pénicilline G issue  de Penicillium notatum, céphalosporines issues de Cephalosporium acremonium, acide fusidique issu de Fusidium coccineum),  des antifongiques  (griséofulvine issue  de P.  griseofulvum),  des hypocholestérolémiants (simvastatine  issue d’Aspergillus terreus),  des immunosuppresseurs  (ciclosporine  issue de Tolypocladium inflatum), des anticancéreux (paclitaxel issu de l’association de l’if et d’un champignon endophyte), des alcaloïdes ergoliniques dérivés  de l’ergot de seigle (Claviceps purpurea), des stéroïdes dont l’ergostérol,  précurseur  de la  vitamine D2  (Bakhtiari  et al., 2003 ;  Barreira et al.,  2014 ; Demain  & Zhang,  1998  ;    Heinig et al., 2013).

Quelques champignons célèbres : 

  • Sir Alexander Fleming fut le premier à démontrer que la moisissure Penicillium notatum synthétisait une substance antibactérienne ; il fut le premier à concentrer cette substance qu’il appela « pénicilline ». Il ne fut pourtant pas celui qui conduisit le développement de la pénicilline, ni le premier à utiliser ses propriétés chez l’être humain. C’est un cas emblématique de découverte faite par sérendipité. Source wikipédia
  • Penicillium roqueforti est une espèce de champignons ascomycètes saprophytes, très répandue dans la nature. Son principal usage fermier, artisanal ou industriel est la transformation laitière attachée aux fromages à pâte persillée comme le roquefort, la fourme d’Ambert, la fourme de Montbrison, le bleu d’Auvergne, le bleu des Causses, le bleu du Vercors-Sassenage, le bleu d’Élisabeth, le Blue Stilton, etc.  Source wikipédia
  • Penicillium camemberti est une espèce de champignons ascomycètes. Il est utilisé pour la fabrication du camembert et du brie. C’est lui qui produit la croûte du fromage faite de filaments blancs (moisissure). Ce champignon est également utilisé pour la préparation de camembert végétal (végane). Il peut également produire de l’acide cyclopiazonique, une mycotoxine dangereuse pour la consommation humaine et animale. Source wikipédia
  • Saccharomyces cerevisiae est une espèce de levures employée notamment dans la fermentation de la bière. Elle occupe une place particulière parmi les ferments, levains et levures utilisés depuis la Haute Antiquité : de nombreux peuples, tels que les Égyptiens, Babyloniens ou Celtes, l’utilisaient pour la fabrication de boissons fermentées, du pain, du kéfir, du vin et de la bière de fermentation haute. Cette espèce a été découverte, isolée et identifiée au milieu du xixe siècle par des brasseurs hollandais à la demande de la corporation des boulangers parisiens qui commençaient à industrialiser leur production et cherchaient pour leur pain un procédé de fermentation plus fiable et plus rapide que leur levain traditionnel. Ainsi dans ces domaines, certains mélanges de ses différentes souches sont appelés « levure de boulanger » et « levure de bière ». Source wikipédia 

Et les lichens ?

Les lichens, également appelés champignons lichénisés ou champignons lichénisants, résultent d’une symbiose permanente entre au moins un champignon hétérotrophe appelé mycobionte, et des cellules microscopiques photoautotrophes, possédant de la chlorophylle, nommées photobiontes. Ce sont des organismes composites. Le mycobionte est prépondérant dans la plupart des genres. Le photobionte s’appelle phycobionte lorsque le partenaire est une algue verte, cyanobionte ou bactériobionte lorsqu’il est une cyanobactérie. Les lichens sont classés dans le phylum des Fungi. La symbiose résulte d’une association, appelée lichénification ou lichénisation. L’inverse, c’est-à-dire une algue macroscopique hébergeant un champignon microscopique, est une mycophycobiose.

Les lichens vitvent souvent dans des endroits extrêmes : en haut des montagnes, sur les rochers du bord de mer, sur la lave refroidie, sur les toits brûlants…Les lichens sont aplatis ou barbus, jaunes, oranges, ou noirs ! On en connaît plus de  20 000 espèces. Le champignon protège l’algue. Il lui donne de l’eau et des sels minéraux. L’algue fabrique, par photosynthèse des sucres et d’autres produits, qu’elle partage avec le champignon. C’est une symbiose.


Bibliographie

  1. Biodiversité et évolution du monde fongique – Jean-Christophe Guéguen et David Garon
  2. Les champignons redécouverts – Fabienne Malagnac, Philippe Silar
  3. Les goûts et les couleurs du monde – Marc-André Selosse
  4. Jamais seul – Marc-André Selosse
  5. L’origine du monde – Marc-André Selosse
  6. Positive citation bias and overinterpreted results lead to misinformation on common mycorrhizal networks in forests.

Rencontres inattendues en baie du Mont

© Michel Arnould

La nuit est encore bien noire. La mélodie fringante du réveil nous tire cruellement d’un profond sommeil. Il est temps de se lever, et de se préparer pour une journée fort inhabituelle : nous sommes en effet conviés à accompagner un ornithologue de renom dans la baie du Mont Saint-Michel, où la matinée sera consacrée au comptage des oiseaux d’eau dans le cadre des Wetlands International, opération coordonnée par l’ONG éponyme, qui se déroule, depuis plus de 30 ans, simultanément dans cinq régions du monde (Afrique-Eurasie, Asie-Pacifique, Caraïbes, Amérique centrale et Néotropique) à la mi-janvier. La LPO explique bien le cadre et les enjeux de ce projet de science participative.

Nous retrouvons nos guides sur la digue de la Duchesse Anne.

Premier émerveillement de la journée : tandis que caquètent les Bernaches cravant, nous regardons l’aurore éclairer le Mont Saint-Michel et sa baie. Le soleil levant semble, comme Johnny, y allumer le feu ! Ces herbus ou prés salés sont les plus grands d’Europe, ils s’étendent sur 4000 hectares, d’un seul tenant, et leur réputation est internationale : c’est en effet un site à haute valeur paysagère et écologique.

On nous a prévenus : il ne saurait être question de s’aventurer sur ces herbus sans un accompagnateur avisé, les pièges y abondent, surtout lors des grandes marées susceptibles de submerger le terrain. Pas question non plus de partir sans de bonnes bottes, bien hautes si on veut garder les pieds au sec.

Bottes, jumelles, yeux aux aguets, nous sommes parés, et partons pour une marche de 30 mn, vers notre point d’observation. Nous marchons sur le schorre, recouvert de cette végétation halophile si particulière (salicornes, spartines, plantain maritime, chiendent des vases salées, troscart maritime, atropis, lavandes de mers, armoise.). Nous comprenons bien vite que nous ne cheminerons pas en ligne droite; nous enjambons, contournons ou sautons, avec plus ou moins d’élégance ces fameuses « criches », mot local désignant les petits canaux naturellement créés sur les herbus où s’écoule préférentiellement l’eau lors de la montée et de la descente des marées. De nombreux poissons profitent de la marée montante pour venir s’y nourrir ; les criches en effet, abritent Orchestia, un petit crustacé se nourrissant de la matière en décomposition provenant essentiellement de l’Obione faux-pourpier. Orchestia est la source d’alimentation principale des poissons tels que les mulets et des gobies, ainsi que les juvéniles de bars pour lesquels cette source de nourriture contribue à 90% de la croissance de leur première année de vie. (On en apprend tous les jours !)

Des chasseurs à l’affût dans leurs gabions nous observent. Nous marchons d’un bon pas et nous les oublions. Nous n’entendrons pas un seul coup de feu. Les seuls chasseurs qui nous gêneront sont les 4 Rafale de l’armée qui nous survolerons à 2 reprises.

Première rencontre avec un petit « campagnol» dont nous ne saurons jamais s’il s’agissait d’un Rat des moissons, d’une musaraigne ou d’une des 5 espèces de campagnols vivant dans la baie (Campagnol des champs, Campagnol agreste, Campagnol souterrain, Campagnol roussâtre, ou Campagnol amphibie). Paniqué, le petit mammifère ne nous a pas laissé de carte de visite.

Deuxième rencontre, fugace : un Hibou des marais vient de passer, identifié par notre expert sur son vol et son allure, nous l’avons vu sans avoir eu le temps, enfer et damnation, d’ajuster nos jumelles pour l’admirer plus en détail. C’est la première fois que j’entraperçois un hibou !

Troisième rencontre : une nuée de plus de 500 Linottes mélodieuses nous survole à belle allure ! Quel étonnant spectacle !

C’est alors que nous faisons notre 4e étonnante rencontre : deux hardes de sangliers, une dizaine d’individus, trottinent allègrement entre nous et les oiseaux, innombrables. Les ornithologues en sont fort marris pour ne pas dire affligés, car les ongulés courent sur la plage, entrent et sortent de l’eau, et effraient, maintes fois, les milliers d’oiseaux présents sur les plages qui s’envolent et se reposent, rendant leur comptage des plus délicats !

Sous les yeux émerveillés des observateurs, cependant, par milliers, Bernaches cravant, Tadornes de Belon, Courlis cendrés, Bécasseaux variables, Bécasseaux maubèches, Barges rousses, Huîtriers pie, Bécasseaux sanderling, Pluviers argentés dansent d’improbables sarabandes et illuminent le ciel de leurs féériques ballets ! C’est un ravissement pour les yeux comme pour l’esprit !

Les oiseaux ont été comptés, les fiches ont été remplies, la mission est accomplie. Sur le chemin du retour, nous avons le plaisir de croiser un Busard des roseaux puis un Busard Saint-Martin, au vol élégant et à l’allure majestueuse (panique dans les herbiers …) Nous écoutons le chant joyeux des Alouettes des champs, qui semblent nous dire au revoir, et, avant de retirer nos bottes et ranger nos jumelles, sur la haie, derrière les voitures, des Bruants zizi achèvent la représentation de cette matinée. Rideau, le spectacle est terminé. Terminé ? Mais non, pas du tout !

Les Bruants zizi n’étaient pas les acteurs du dernier acte de cette pièce mémorable. Il nous restait à faire une autre rencontre inattendue, ultime certes, mais exceptionnelle ! Une sorte de rappel comme l’aiment les acteurs ! Au cours du déjeuner, en effet, nous apprenons que des compteurs ont rencontré des Hiboux des marais, et qu’ils en ont recensé pas moins de 13 sur le même site. Sitôt réchauffés et rassasiés, nous retournons donc, le cœur battant la chamade, à l’endroit indiqué, pour assister non pas à un spectacle mais à un festival ! Le festival des Hiboux des marais, qui passent et repassent devant jumelles et lunettes, une fois de face, une autre de profil, et je me pose au sol, je décolle, je me pose sur un piquet, je vire, je plane, je plonge, je remonte. De véritables cabotins, mais élégants et majestueux. Nous les avons observés plus d’une heure, ces hiboux des marais. Il furent le clou de la journée. Voici un film de cet oiseau, dont je ne suis pas l’auteur hélas !

Quelle belle journée !

Bibliographie

  1. Pour en savoir plus sur les habitats de la Baie du Mont Saint-Michel
  2. Les hiboux des marais
  3. Le Bruant zizi

Les cycles de l’eau

Avez-vous entendu parler de pompe biotique, de rivière volante, de champignons qui font tomber la pluie, d’arbres fontaines, de plantes condensatrices ou, plus étonnant encore, saviez-vous que l’on peut cultiver l’eau ?

Je conseille chaleureusement la lecture de deux publications ayant trait au cycle de l’eau ou plutôt aux cycles de l’eau (au pluriel). La presse se fait l’écho d’épisodes climatiques aussi spectaculaires que dramatiques (cyclones, inondations, sécheresses et pénuries d’eau) et la guerre de l’eau pourrait même avoir commencé, chez nous en France.

1ere PUBLICATION 🇫🇷

Comprendre les cycles hydrologiques et cultiver l’eau pour restaurer la fécondité des sols et prendre soin du climat. Voir ici

Dans ce passionnant document nous apprendrons :

1. Qu’il n’existe pas un, mais de multiples cycles de l’eau jusque là trop peu étudiés, que les cycles du carbone et de l’eau sont liés, et que la connaissance de ces cycles permettrait de cultiver l’eau.

2. Que les sols peuvent être des éponges pour peu qu’y soit cultivée la vie dans sa diversité.

3. Que les forêts génèrent de la pluie sur les terres émergées et que le végétal crée de l’eau nouvelle.

4. Que le principal gaz à effet de serre n’est pas le CO2, mais la vapeur d’eau, et que restaurer les cycles de l’eau perturbés pourrait être un outil majeur à la portée de l’humanité pour lutter contre le réchauffement climatique.

5. Qu’il est possible de transformer des déserts en édens fertiles et féconds.


2e PUBLICATION 🇬🇧

Not Your Childhood Water Cycle. Voir ici

La plupart des gens se souviennent d’une scène de leur enfance : un dessin montrant le parcours de l’eau, des océans aux nuages en passant par les rivières. Des mots longs et délicieux comme « évapotranspiration » et « précipitation » viennent probablement à l’esprit à cette seule évocation..

Le diagramme du cycle de l’eau de l’U.S. Geological Survey (USGS) est toujours utilisé par des centaines de milliers d’élèves aux États-Unis et dans le monde entier. Il est également à l’origine de très nombreux diagrammes dérivés.

Aujourd’hui, l’agence a publié un nouveau diagramme pour la première fois en plus de 20 ans, cette fois avec les humains comme scénaristes. Ce changement reflète les 20 dernières années de recherche qui ont permis de découvrir le rôle central de l’humanité dans le cycle et la manière de le communiquer visuellement. « Nous devons changer notre façon de penser à ces choses pour pouvoir vivre et utiliser l’eau de manière durable pour notre avenir », a déclaré Cee Nell, spécialiste de la visualisation des données au VizLab de l’USGS, qui a conçu le diagramme.

Outre les processus naturels tels que l’évaporation des océans, les précipitations sur terre et le ruissellement, le nouveau diagramme présente le pâturage, le ruissellement urbain, l’utilisation domestique et industrielle de l’eau et d’autres activités humaines. Chaque étiquette du diagramme provient de données retraçant les chemins et les bassins d’eau importants dans le monde.

A quoi pourrait ressembler la fin de l’abondance ?

Hausses vertigineuses des prix de l’électricité et du gaz, sécheresse et pénuries d’eau annoncées dans certaines régions, le grand public s’inquiète : pourra-t-on encore se chauffer, se déplacer, s’éclairer ? Et les hommes politiques,  président de la République en tête, majorent cette anxiété. Ce dernier a pris la parole, mercredi 24 août, en ouverture du Conseil des ministres pour expliquer que la France vit une grande bascule, marquée par « la fin de l’abondance »

4 émissions de baladodiffusion (terme canadien que j’ai la faiblesse de préférer au vilain podcast anglo-saxon) diffusées sur France Culture, dans le cadre des émissions « Avec Philosophie », brillamment animées par Géraldine Muhlmann, permettent de réfléchir à cet intéressant sujet: « A quoi pourrait bien ressembler la fin de l’abondance ? » 

1er épisode : Que faire face à la finitude de nos ressources ? 
La réduction de la production marchande est-elle suffisante ? Ne faut-il pas repenser en profondeur nos façons de vivre pour qu’elles soient plus respectueuses du vivant ? 
Invités : 

  • Jacques Attali économiste et écrivain; 
  • Dominique Bourg Philosophe

2e épisodeLe plaisir peut-il ne pas être prédateur ?
Comment le plaisir se manifeste-t-il dans le capitalisme ? Peut-on penser le plaisir hors des dualismes induits par rationalité moderne ? Suffit-il alors de se “soucier des autres” pour repenser le plaisir en dehors d’un cadre de domination ?
Invités : 

  • Estelle Ferrarese (professeure de philosophie morale et politique à l’Université de Picardie Jules Verne), 
  • Jeanne Burgart Goutal (professeure de philosophie au lycée à Marseille).

3e épisode : La peur de la fin du monde est-elle utile pour réfléchir ?
Comment imaginer la fin du monde ? La peur est-elle un moteur nécessaire à la réflexion ? Comment repenser l’histoire en prenant en compte la finitude humaine et l’amenuisement des ressources ? 
Invités

  • Perrine Simon-Nahum (philosophe, directrice de recherches au CNRS, professeure attachée au département de philosophie de l’Ecole normale supérieure (ENS), directrice de collection aux éditions Odile Jacob), 
  • Bruno Villalba (Sociologue, maître de conférences en science politique à AgroParisTech, spécialiste des politiques publiques environnementales).

4e épisode : Privation, abstinence, ascèse… est-ce l’avenir ?
Que pouvons-nous faire face au réchauffement climatique et à l’accroissement des inégalités ? Un changement de système est-il suffisant pour mettre fin à notre mode de consommation démesuré ? De quelle façon peut-on limiter certaines pratiques qui pourtant nous procurent du plaisir ?
Invités : 

  • Etienne Helmer (Philosophe, spécialiste de philosophie ancienne.)
  • Isabelle Kalinowski (Germaniste, directeur de recherche au CNRS).

4 épisodes très intéressants dont je conseille vivement l’écoute. 

1er atlas des cartes de l’anthropocène

L’information vient de tomber : l’IGN publie, en septembre 2022, son 1er atlas des cartes de l’anthropocène. Les randonneurs sont habitués aux cartes IGN, qu’elles soient dans leurs sac à dosen format papier, mais aussi et surtout, dans leur GPS ou leur téléphones, en format électronique. Que diable sont donc ces cartes de l’anthropocène, et quelles informations nous apportent-elles ?

L’anthropocène
Qu’est-ce donc que l’anthropocène, me demanderez-vous, cher lecteur ? 
Comme à l’accoutumée, Wikipédia répondra avec aisance à cette pertinente question :  L’Anthropocène est une proposition d’époque géologique qui aurait débuté quand l’influence de l’être humain sur la géologie et les écosystèmes est devenue significative à l’échelle de l’histoire de la Terre.
Le terme Anthropocène, qui signifie « l’Ère de l’humain », a été popularisé à la fin du xxe siècle par le météorologue et chimiste de l’atmosphère Paul Josef Crutzen, prix Nobel de chimie en 1995 et par Eugene Stoermer, biologiste, pour désigner une nouvelle époque géologique, qui aurait débuté selon eux à la fin du xviiie siècle avec la révolution industrielle, et succéderait ainsi à l’Holocène. L’Anthropocène est toujours discuté par la communauté scientifique géologique – spécifiquement au sein de la commission internationale de stratigraphie (ICS) de l’Union internationale des sciences géologiques (UISG) – qui détermine les subdivisions de l’échelle des temps géologiques. Ce concept est de plus en plus utilisé dans les médias et la littérature scientifique et a provoqué de nombreux débats et recherches dans différents champs scientifiques

Le contexte
Comme nous l’explique le site de l’IGN, l’été 2022 a été marqué par l’intensité et la succession de records de chaleur, sécheresse, méga-feux de forêts, inondations et épisodes de vent violents. Face à ces bouleversements, l’IGN, dans sa mission d’appui aux politiques publiques, s’est engagé en 2021 à développer une capacité d’observation en continu. L’enjeu : produire des cartes thématiques sur un nombre limité d’enjeux écologiques majeurs qui rendent compte des changements rapides du territoire et des conséquences sur l’environnement. La carte, sous toutes ses formes, est un extraordinaire outil de médiation et de compréhension du monde. 

Les cartes de l’anthropocène permettront ainsi d’établir des diagnostics partagés et d’offrir des outils mobilisables par les acteurs pour parler un langage commun et relever les défis environnementaux. Par ce premier Atlas, qui a vocation à devenir un rendez-vous annuel, l’IGN présente ses cartes de l’anthropocène et décrit les enjeux technologiques pour les produire et cartographier les changements.

L’atlas de l’IGN
La première partie de cet Atlas présente 5 grandes thématiques : 

  1. l’évolution de l’artificialisation des sols 
  2. le suivi de l’état des forêts
  3. l’observation de l’érosion des reliefs et en particulier du trait de côte
  4. la cartographie prédictive des zones de biodiversité à protéger
  5. les épisodes naturels extrêmes où l’Institut peut jouer un rôle de vigie

La seconde partie de l’Atlas met en lumière les défis technologiques actuels et à venir qu’implique pour l’IGN l’observation en continu du territoire. Pour surveiller de façon plus fréquente l’évolution du territoire, pour obtenir des cartes dynamiques qui répondent aux nouveaux besoins de pilotage des politiques publiques, l’IGN investit pour réussir des virages technologiques majeurs dans l’acquisition, le traitement et la restitution des données (intelligence artificielle, LiDAR HD, croisement des sources, informatique en nuage, géovisualisation, jumeaux numériques…). L’Institut met en place un plan de recrutement et de formation inédit de 150 compétences nouvelles, en s’appuyant notamment sur son école d’ingénieurs l’ENSG-géomatique.


Le fichier
En téléchargement, cet atlas fait 9 Mo.
Un document étonnant, passionnant, et un zeste inquiétant !