Quand la nature murmure…


Nous étions 15, ce matin, à nous élancer sur ce joli petit chemin de la rive droite du Frémur.
Le temps était beau, il faisait doux, la lumière était idéale, et les premiers paysages nous ravissaient déjà.
Nous entamions d’un pas alerte notre première randonnée furtive, curieux d’une expérience nouvelle.

Nous marchâmes deux heures durant, dans le plus complet silence, à l’affût des sons qui nous seraient offerts. La première impression ressentie fut celle de la singularité, pour ne pas dire de l’étrangeté, de la situation.

Tandis que nous avancions à pas de loup, nous perçûmes le clapotis de la mer sur les rochers en contrebas, le vent chuinter à nos oreilles, ou bruisser dans les grands arbres et les buissons. Quelques petits rus et le Frémur nous régalèrent de leurs gouleyants écoulements. Nous entendîmes, étonnés, le va-et-vient de notre souffle et le bruit cadencé de nos pas. Premiers étonnements. Un sentiment de sérénité et de bien-être.

Nous entendîmes les bourdonnements des premiers insectes volants de la saison, enjambâmes deux planquées silencieuses de chenilles processionnaires du pin sur le chemin, et nous nous délectâmes des concerts vocaux que nous offrirent les oiseaux. Les plus enthousiastes furent les pouillots véloces, les rouges-gorges, les mésanges et les troglodytes. Mais plus de 20 espèces de ces joyeux volatiles entonnèrent leurs mélodie au sein de l’orchestre symphonique, sous l’apparente direction, tout là-haut, de l’alouette des chants champs.

Le cliquetis des drisses sur les mâts des voiliers, puis la cloche de Lancieux qui nous rappela l’heure avec douceur et élégance, furent les premières notes de la partition de l’Homme. Espoir…
Las, ne lésinant pas sur les moyens, comme à son habitude,  Sapiens enchaîna avec conviction et opiniâtreté de ses instruments favoris: hélicoptère, avion, voitures, camions, camionnettes et outils de jardin nous firent un tonitruant tintamarre, manière polie de ne pas évoquer une abominable cacophonie. Nous n’en fûmes pas surpris…

Nous sûmes apprécier non seulement les magnifiques paysages que cette promenade nous offrit, mais également et pour la 1re fois sans doute, les paysages sonores qui nous furent généreusement offerts.

Cette expérience de marche en silence fut un vrai moment de joie, amplifiée par la présence silencieuse des autres marcheurs, une manière inédite de savourer l’instant présent avec une acuité rare, et surtout d’apprécier la nature mieux que nous ne le faisons jamais lors de nos balades habituelles, pendant lesquelles nos discussions nous égarent si loin de ce présent que nous ne goûtons que trop peu.

Ceux et celles d’entre vous qui marchèrent en silence au bord du Frémur ce matin sont chaleureusement invités à laisser leurs commentaires personnels ci-dessous afin de diversifier les témoignages.

Documentation

  1. Histoire naturelle du silence. Jérôme Sueur. Actes Sud
  2. Qui donc chante ici ? Article de ce blogue pour identifier les oiseaux qui chantent

Une randonnée furtive, dites-vous ?

© Michel Arnould- avec Dall-e

Le vendredi 15 mars, la section « randonnée » de l’association des Corsaires Malouins organisera une première randonnée furtive. C’est nouveau. C’est à ma connaissance inédit. C’est bigrement étrange. C’est à l’évidence expérimental.

Non, il ne s’agit pas de préparer les marcheurs à un quelconque stage commando non plus qu’à une improbable retraite dans un monastère. Mais alors, de quoi s’agit-il, se demandent les lecteurs intrigués?

C’est un livre —  Histoire naturelle du silence — qui inspira cette idée que d’aucuns ont trouvée saugrenue, idée résumée dans un article publié sur ce blogue le 11 janvier 2024 ➜ Silence, je marche !

En pratique, il s’agira de parcourir 8 km dans le plus grand silence, en ne parlant pas, certes, mais aussi en prenant garde aux bruits de ses vêtements et de son équipement (les bâtons de marche sont fort bruyants), avec l’idée de percevoir et d’apprécier les sons que le vent, la mer, les ruisseaux, les arbres, les insectes, les animaux… et les hommes distilleront sur notre parcours. Il s’agira, une fois n’est pas coutume, de savourer, en complément des paysages visuels, les paysages sonores que cette promenade nous offrira, autour de l’estuaire du Frémur, entre Lancieux et Saint-Briac.

Le parcours de la randonnée furtive

À l’issue de cette balade, les avis et les ressentis des participants seront analysés par les organisateurs avant qu’ils ne décident s’il convient de renouveler l’expérience ou s’il convient d’y renoncer.

© Michel Arnould- avec Dall-e

Anthropophonie marine


Nous avons vu, dans un article précédent, que le randonneur curieux et avisé pouvait entendre 3 partitions dans un paysage sonore, pour peu qu’il se donne la peine de prêter l’oreille :

  1. la partition de la « géophonie », entonnée par la planète (le vent, la pluie, les ruisseaux, les vagues, les chutes de pierre)
  2. la partition de la « biophonie », chantée par les animaux (mammifères, oiseaux, insectes)
  3. et la partition de l’anthropophonie » jouée par Homo sapiens avec ses aéronefs, ses automobiles, ses tronçonneuses, ses tondeuses, ses cris, et ses chiens…). Source : Histoire naturelle du silence

Biophonie et géophonie sont volontiers inscrites dans le registre du silence de la nature et l’anthropophonie dans celui du bruit ou de la cacophonie.
Il est cependant des exceptions !
Le chant des hirondelles peut gêner l’endormissement du travailleur de nuit et le bruit de l’orage réveiller les dormeurs quand la musique et les chants, qu’ils soient d’un soliste ou d’un chœur, peuvent enchanter les oreilles et enflammer les esprits et les cœurs .

C’est ainsi qu’un soir de janvier, j’entendis un concert des musiciens et choristes du groupe vocal des Corsaires Malouins interprétant des chants de marins: j’en fus tout retourné  et voulus en savoir davantage!

C’est une grande chose pour un marin que de savoir bien chanter, car il s’attire ainsi la considération des officiers et une grande popularité parmi ses compagnons d’équipage écrivit Herman Melville.

Du temps de la marine à voile, rude était la vie des matelots, qu’ils soient embarqués sur des vaisseaux de guerre, des bâtiments de commerce ou de pêche. Longtemps éloignés de leur foyer, ils subissaient canicules et froids polaires, tempêtes et calmes plats, hiérarchie et discipline, et le travail était aussi éreintant que dangereux. La plupart de ces chants ont eu pour vocation de donner du cœur à l’ouvrage lors des innombrables manœuvres physiques, de rythmer et synchroniser ces manœuvres et de détendre les matelots lors des rares moments de repos, dans le gaillard d’avant ou au port. Ces chants s’inscrivent pour la plupart dans une tradition orale, aussi nombre d’entre eux auraient sombré dans l’oubli avec la fin de la marine à voile.

Pour arriver à recueillir, à reconstituer les survivantes des chansons de bord, les vraies, les pures – qui ne sont ni des chants de marins en bordée, ni des complaintes de la côte, ni de ces compositions où il est question de Neptune, de son trident et des flots en courroux, que l’on extrait de vieux ouvrages bien sages et qui firent toutes leurs campagnes par le travers d’un clavecin dans les calmes parages des salons du XVIIIe siècle – ma peine a été grande, je l’ai déjà dit, puisque je n’avais à compter que sur ma mémoire et sur celle de mes compagnons du long-cours, officiers et matelots. Armand Hayet.

Les chants de marins était entonnés par des matelots ayant peu ou pas de formation musicale. Leur structure est donc simple (une suite de couplets entrecoupés d’un refrain ou d’une phrase reprise en leitmotiv), la mélodie est facile à mémoriser et les paroles font explicitement référence au milieu maritime. L’instrument essentiel était la voix. Quelques instruments étaient utilisés pour les chants de détente : accordéon, violon, parfois accordéon.

La typologie des chants de marins est divisée en deux grands chapitres : les chants de travail et les chants de détente.

Chants de travail

  • Chants à hisser : pour rythmer la montée des voiles hissées à la force des bras par un jeu de drisses sur poulie
    • Les chants à hisser « à grands coups » sont utilisés notamment pour hisser le grand hunier volant, la plus lourde des voiles.
    • Les chants à hisser « à courir » servent pour l’envoi des cacatois, voiles plus légères que les autres. Le chant est rapide et saccadé et les refrains sont très courts.
    • Les chants à hisser « main sur main » permettent de hisser les voiles d’étai et les focs qui montent facilement. Les refrains sont courts et répétitifs, la chanson est rythmée et scandée.
  • Chants à virer
    • Les chants à virer au guindeau. Les chants à virer retentissent quand la force de l’homme doit être démultipliée par un treuil afin d’exercer une traction supplémentaire qui ralentit cependant les mouvements. Ils sont notamment utilisés pour virer l’ancre, mais aussi sur les baleiniers lors de la longue opération qu’est le dépeçage. C’est sur les terre-neuviers que ces chants ont été le plus utilisés. Le virage au guindeau « à brimbales » est utilisé fréquemment jusqu’en 1920. Les hommes appuient alternativement sur la barre horizontale du treuil à balancier. Le chant était scandé et très rythmé.
    • Les chants à virer au cabestan. C’est cette manœuvre qui a suscité le plus grand répertoire de chants de travail dans la marine française. Ici, l’axe du treuil vertical est actionné au moyen de barres sur lesquelles les matelots poussent tout en marchant. Dans la Royale aux XVIIIe et XIXe siècle, les marins poussent en marchant en cadence au son du fifre et du tambour. Le grand cabestan sert à hisser le grand hunier ou à déraper l’ancre. Ces chants ont un rythme de marche. Quand la chaîne est raide, afin d’arracher l’ancre du fond, la chanson s’arrête et des cris et exclamations prennent le relais afin d’impulser l’énergie suffisante à cette opération.
  • Chants à pomper : Pour rythmer le travail sur la pompe chargée d’évacuer l’eau de mer infiltrée au cours de la traversée.
  • Chants à relever les filets. Ils résonnent notamment sur les harenguiers naviguant en Manche ou en mer du Nord. La manœuvre se fait en halant le filet « main sur main ». Le travail est long et éreintant.
  • Chants à nager : Pour rythmer et coordonner le mouvement des avirons.
  • Chants à déhaler : Pour déplacer un navire en halant sur les amarres.
  • Chants à curer les runs : entonnés successivement par des équipes composées d’une dizaine de marins – les pelletas – creusant chaque nuit des tranchées (runs chez les marins bretons au moins) dans la cargaison de sel des bateaux morutiers en vue d’y ranger la pêche du lendemain.

Chants de détente

  • Chants de gaillard d’avant : C’est sur le gaillard d’avant que les bons chanteurs improvisent sur la vie à bord ou entonnent des complaintes évoquant un naufrage ou la triste vie de matelot. C’est l’occasion de créer de nouveaux chants.
  • Complaintes : Ces chants très anciens sont les témoins de la vie des matelots bien avant le XIXe. Certaines complaintes évoquent ainsi des combats de la guerre de Sept Ans (1756-1763) opposant la France à l’Angleterre, de hauts faits de corsaires, mais aussi des techniques de pêche ou de navigation.
  • Chants à danser : Certaines périodes d’inactivité (manque de vent, etc.) étaient propices aux querelles. Une des solutions pour occuper les marins consistait à les faire danser.
  • Chansons des ports
  • Charivari : Jadis, sur les vaisseaux du roi, le charivari consistait en un chant improvisé, stimulant  l’énergie des matelots durant un travail de force, principalement, virer au cabestan. Profitant de l’impunité que leur donne cette tâche décisive et urgente, ils moquent gaillardement leurs supérieurs selon un protocole bien établi.
    • A un moment quelconque, un homme, n’importe lequel,  crie « charivari ! » ;  les autres répondent « pour qui ? » ; suit alors le nom ou le grade de la victime, dont les manies, les travers et les excès sont raillés avec verdeur. Méchant, cocu, buveur, avare… tout y passe, à la rigueur on en rajoute un peu. Mais le travail se fait, et aucun officier ne se risquerait à l’interrompre. Pour faire durer le plaisir chaque énumération  rime avec la précédente et se termine par le mot « aussi ». Charivari pour le premier lieutenant ! Menteur, voleur, avare, aussi,Pouilleux, crasseux, morveux, aussi ! Ivrogne et paresseux aussi !…

Il faut avoir entendu ces chants de marin une fois dans sa vie, de préférence dans un port ou sur un bateau. Ils fleurent bon le sel, le goémon et la morue, ils nous font entendre le vent rugir dans les hunes et les vagues déferler sur les ponts, claquer les écoutes, hurler les boscos; ils nous font deviner les splendeurs des couchers de soleil des tropiques, les soleils de minuit et la Croix du Sud scintillant pendant le quart, sur la dunette. IIs transportent l’auditeur au bout du monde, sur le pont d’un brick, dans la cale d’une goélette ou au fond d’un troquet. Empreints d’une profonde humanité, de fraternité, de douleur et de nostalgie, ils nous rappellent crûment et inexorablement notre fragile condition et les valeurs essentielles de la vie.

Ce n’est pas rien !

Documentation

  1. Chants de marins : La redécouverte du répertoire français. Le Chasse-Marée
  2. Le collectage. Les cahiers du capitaine
  3. Les chants de marins : un patrimoine vivant en Bretagne. Patrimoine vivant de la France
  4. Liste de chants marins. Wikipedia

Cale sèche en bois

Une randonnée sur la commune du Minihic-sur-Rance nous mena devant une curiosité historique, fruit de l’alliance de la mer et du génie des hommes qui ne manqua pas de nous intéresser, car elle est, à l’évidence, chargée d’histoire !

Au siècle dernier, tout le littoral de l’anse de la Landriais au Minihic sur Rance était occupé par des chantiers navals, des hangars de construction et des concessions sur le domaine maritime servant à établir les parcs à bois. Les bois destinés à la construction navale doivent en effet, avant d’être mis en œuvre, perdre leur sève pendant plusieurs années dans l’eau de mer. À la Landriais, il ne se construisait pas de grands navires comme les terres-neuvas, mais une quantité de petits bateaux adaptés à la pêche ou au transport dans la Rance maritime : des gabares pour Pleudihen, des carrelets pour la Hisse, des chippes lançonnières pour Saint-Suliac ainsi que des petits canots et plus tard des doris en grand nombre. On y fit aussi des chalands pour le canal et des bisquines pour Cancale.

La cale sèche, en bois, du chantier Lemarchand

Les constructions navales de la Landriais créées en 1850 par Louis Saubost prirent de l’importance à partir de 1880. Cette année là le constructeur abandonne son affaire à son gendre François Lemarchand, capitaine au long cours, homme intelligent et entreprenant qui modernisa l’outillage et les méthodes de travail. La grande pêche à Terre-Neuve crée alors une demande importance en matière de construction et de réparation de navires. Saint-Malo dispose de cales de construction en quantité suffisante mais n’a rien en matière de réparation. Lemarchand sait que l’ampleur de la marée lui permet d’amener presqu’en haut de grève, devant son chantier, un bateau de 4 mètres de tirant d’eau.

Il décide d’y construire une cale sèche qui fera 45 m de long, 10 m de large, 5 m de hauteur, fermée du côté du large par des portes similaires à celles d’une écluse. Commencée en 1905, la cale fut mise en service dès 1910 et fonctionna une trentaine d’année.

À marée haute, les hommes du chantier faisaient entrer le navire qui la mer baissant, venait reposer par sa quille sur la pile de tins, pendant qu’ils l’accoraient sur les parois de la cale. Les portes étaient alors fermées et calfatées et ils pouvaient travailler au sec sur le bateau.

La restauration de l’ouvrage d’art

Créée en 1990, l’Association des Amis de la Baie de la Landriais s’est donnée pour tâche prioritaire de restaurer la cale sèche afin que soit préservé le souvenir d’un ouvrage dont il n’existe plus aucun autre exemplaire sur nos côtes et peut être au monde. Les travaux de restauration ont débuté en 1996 et l’inauguration a eu lieu 12 années plus tard en 2008. Ces travaux ont été réalisés suivant les plans du professeur Jean Le Bot, avec l’aide financière de la fondation Langlois, de la direction Régionale des affaires culturelles (DRAC), du Conseil Général d’Ille et Vilaine, de la fondation du Patrimoine, du Mécénat privé et de tous les membres bénévoles de l’association.

DOCUMENTATION

  1. Les « cales sèches » ou formes de radoub 
  2. Histoire de la construction navale en Bretagne nord
  3. Les gabariers de la Rance.
  4. Les chalands de la Rance

Evitons les coups de foudre !

Image personnelle créée avec un logiciel d’intelligence artificielle


Au cours d’une randonnée, d’une sortie ornithologique, entomologique ou botanique, il peut arriver que l’on entende gronder l’orage. Quelles sont alors les consignes à suivre pour éviter d’être foudroyé ? Chaque année, la foudre tue 20 000 personnes sur la planète (source). La principale consigne est d’éviter de sortir lorsque la météo annonce des orages. Mais, si l’on est pris au dépourvu, il convient alors de suivre une démarche rigoureuse, dans le calme et en 3 étapes : 1. Quitter les lieux à risque. 2. Trouver, si possible, un abri. 3. En l’absence d’abri sûr, se mettre en position de sécurité.

Quitter les lieux à risque

  1. Quitter, si possible, les champs et zones ouvertes et ne porter aucun objet, en particulier métallique, qui émerge au dessus de la tête: (bâtons de marche, parapluie, trépied photo). Les abaisser ou les déposer au sol.
  2. S’écarter de toute structure métallique (pylônes, poteaux, clôtures) pour éviter l’électrocution par « tension de toucher ».
  3. S’écarter des autres personnes de 3 mètres, pour éviter « l’éclair latéral »
  4. Quitter les lieux élevés (descendre d’une vingtaine de mètres)
  5. S’éloigner du lit de la rivière, même à sec, susceptible de gonfler rapidement en cas de pluie
  6. Ne jamais s’abriter sous un arbre, surtout si cet arbre est isolé ou ne fait partie que d’un petit groupe d’arbres. Les risques de foudroiement sont 50 fois supérieur à celui d’un homme debout. En pleine forêt, s’écarter le plus possible des troncs et des branches basses.
  7. Ne jamais se mettre dans un fossé , le sol y est plus humide et donc plus conducteur

Trouver un abri

  1. Préférer les bâtiments fermés avec des murs et des toits solides. Ne pas s’abriter dans un hangar au toit de tôle supporté par des poutres de bois.
  2. Hutte de pierre
  3. Eglise ou chapelle
  4. Voitures fermée
  5. Grotte

➜ Ne jamais toucher les parois, les piliers ou les murs, et s’éloigner des fermetures

Se mettre en position de sécurité

  1. Ne jamais se tenir debout les jambes écartées, ni marcher à grandes enjambées : s’asseoir en position de squat, les pieds joints et les mains sur les genoux, sur un ciré ou toute autre pièce en matière isolante (par exemple en plastique) et en évitant le contact avec les parois, murs et branches.
  2. En l’absence de pièce isolante, la position couchée, jambes repliées sous soi, reste la position de moindre risque.

Pour en savoir plus

  1. Kéraunopathologie : tout savoir sur les mécanismes du foudroiement et ses conséquences
  2. Météorage : tout savoir sur les statistiques d’orages
  3. Reducing Lightning Injuries Worldwide. Springer Natural Hazards (2019. Cooper, M. A. & Holle, R. L.

18 km de nature et d’histoire


En ce mercredi de juin de l’an de grâce 2023, sous la houlette bienveillante et attentive de Marc, notre guide des Corsaires malouins, nous randonnâmes sur 18 km, par une journée de printemps chaude et ensoleillée. Au cours de cette randonnée, qui nous offrit des paysages magnifiques, pour ne pas dire luxuriants, nous admirâmes des oiseaux nombreux et variés (Bergeronnettes grises, Hérons garde-bœufs, Buses variables, et autres Rouge-gorges), nous entendîmes roucouler la belle Tourterelle des bois et les Troglodytes mignons, et nous humâmes les senteurs des églantiers et des aubépines. Mais l’intérêt de cette randonnée, comme souvent en Bretagne, ne fut pas que bucolique ou naturaliste ! Il fut également historique.

L’étang de Bétineuc fut le point de départ. de notre randonnée. 

Qui pourrait penser que étang était, il y a un siècle, une grande prairie où venaient paître les vaches ? Qui s’imaginerait qu’il a été un terrain d’aviation allemand durant la seconde guerre mondiale et qu’il fut l’un des plus grands hippodromes de Bretagne ? Et pourtant beaucoup de gens du village de Saint-André-des-Eaux se souviennent, lorsqu’ils étaient enfants, avoir conduit les « bêtes à corne » dans la prairie. Chaque personne avait sa petite parcelle qui ne mesurait pas plus de dix ares en moyenne. En tout, il y en avait 255 réparties sur 50 hectares. Le foin était coupé le 24 juin, occasion pour tout le village, le soir venu, de célébrer la Saint-Jean. La prairie ainsi fauchée, pouvait servir aussi bien de champ de courses que de terrain d’aviation.

Les journaux de l’époque ne tarissaient pas d’éloges à son sujet. Pendant les fêtes du 22 août 1926 , l’après-midi, vers 14 heures, avaient lieu des courses de chevaux sur le magnifique hippodrome de Bétineuc. Une assistance nombreuse, évaluée à près de cinq mille personnes, se pressait le long de la piste. Le vendredi 7 et le samedi 8 septembre 1926, selon l’Union Malouine et Dinannaise,

« Plus de 8 000 personnes ont suivi les courses. .. Le record des entrées, nous a-t-on dit, a été battu sur le magnifique hippodrome, un des plus beaux de Bretagne ». Le 18 septembre 1927 (Éclaireur Dinannais)

Un article de Ouest-France du 7 septembre 1949 relate « Le magnifique succès de la fête aérienne d’Evran ». On pouvait y voir un « R. A15 » « Norécrin », trois « Stamp », un « Piper ». Ce fut l’occasion pour beaucoup d’effectuer leur baptême de l’air. 

En 1967 des sondages révélèrent la présence de sable et de gravier. La prairie laissa place alors à une carrière nommée « la sablière » Après son abandon, le département la racheta en 1979, avec la participation de la fédération de pêche. L’étang, fut aménagé alors petit à petit pour, donner ce qu’il est aujourd’hui

Depuis, la faune et la flore ont reconquis les lieux. L’érable, le hêtre, le sycomore, le chêne ont été plantés. Le long des berges, on observe me grande diversité de fleurs sauvages telles que la vesce à épi, la consoude officinale, l’achillée millefeuille, la fumeterre officinale, la lysimaque commune. Le canard colvert qui passe l’hiver dans ses eaux, le héron cendré, le martin pêcheur, le chardonneret élégant, le tarin des aulnes sont des oiseaux familiers de l’étang. Il n’est pas rare de voir un ragondin nageant d’une rive à l’autre ou un vison d’Amérique pointant le bout de son nez derrière un buisson. 

Le château de Beaumanoir

À Évran, l’actuel château de Beaumanoir construit en 1628 à quelques centaines de mètres, au sud-est de l’ancien manoir fortifié des de Beaumanoir (aujourd’hui disparu), est l’un des plus beaux châteaux de style Louis XIII que l’on peut voir en Bretagne. Les tours aux toitures en carène encadrent la porte monumentale d’inspiration renaissance italienne. Wikipédia nous en apprend davantage sur ce château spectaculaire.

Un premier château est construit par la famille de Beaumanoir au XIIe siècle, non loin d’Évran, à l’emplacement du Clos du Petit Bois sur les hauteurs qui dominent la vallée de la Rance, à 150 mètres du château actuel et en direction du hameau de Beaumanoir. Les guerres de la Ligue, à partir de 1590, lui sont fatales : elles entrainent sa décrépitude, puis sa disparition.

François Peschart, gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi et conseiller au parlement de Bretagne construit le château actuel en 1628. Il semble qu’il ne soit pas dû, comme cela a été avancé, aux architectes Salomon de La Brosse et Thomas Poussin, mais qu’il soit l’œuvre de l’architecte lavallois Jacques Corbineau et de son fils Étienne.

La porte d’entrée et les deux tours carrées sont inscrits au titre des monuments historiques par arrêté du 21 novembre 1925 alors que les façades et toitures de l’ensemble des bâtiments sont classés par arrêté du 23 avril 1965.

Le château est un bâtiment à quatre corps entourant une cour d’honneur rectangulaire et flanquée de deux ailes perpendiculaires à usage de commun.

Au sud, la cour d’honneur est fermée par un mur où court un chemin de ronde à balustres accessible par deux escaliers latéraux. Dans l’épaisseur du mur, s’ouvre une porte monumentale d’inspiration Renaissance italienne. Ce portail, entouré de pilastres à bossages aplatis, comporte, à sa partie supérieure, l’architrave et un fronton courbe amortie sphères, supportés par une console de mâchicoulis. Dominant l’ensemble, une statuette d’Éros et au tympan du fronton, les armoiries de la famille de Langle-Beaumanoir.

Des figures de chérubins sont sculptées sur l’architrave. Le chemin de ronde est flanqué de deux tours carrées à toitures en carènes surmontées de lanternons. Au niveau du chemin de ronde, ces tours prennent appui sur des figures de cariatides, martelées en partie par la propriétaire des lieux, au XIXe siècle, offusquée, dit-on, par la vue de leurs opulentes poitrines.

La chapelle, située dans la tour orientale, est de forme octogonale. Sa voûte est soutenue par huit colonnes ioniques concentriques, en pierre de jauge du Quiou. Elle comporte un autel en chêne et un retable du XVIIe siècle. L’autel et le retable, ornés de feuilles d’acanthe, de chêne et de laurier, réunies en un bouquet sculpté, sont typiques du style Louis XIII.

À la base de la tour, se trouvait la crypte où étaient enterrés les membres de la famille de Langle-Beaumanoir qui occupa le château pendant près de deux siècles et demi, jusqu’en 1947. Le conseil général des Côtes-du-Nord, s’en porta acquéreur en 1963, le restaura alors qu’il menaçait ruine.

L’if remarquable de Saint-André des Eaux

Un if (Taxus baccarat) vieux de de 450 ans. 4,5 m de circonférence, 15 m d’envergure, et 14 m de haut. Telles sont les mensurations de cet arbre remarquable*, au port tourmenté, qui fait écho à la chapelle en restauration, dont il est contemporain. C’est un témoin de la vie passée de ce parvis de cimetière aujourd’hui abandonné et reconverti en chemin de balade. 

Centenaires, parfois millénaires, les arbres remarquables des Côtes d’Armor constituent un patrimoine naturel original. En collaboration avec l’association Vivarmor Nature, le Département a recensé ces arbres d’exception et vous propose de les (re)découvrir. Historiques, témoins du passé, associés à des cultes religieux ou païens, parfois colossaux, ces végétaux ont en commun d’être hors du commun. 

La chapelle de la Pitié de Saint-André-des-eaux

Edifiée entre le X et le XIIIe siècle, l’ancienne église de Saint-André-des-Eaux fut abandonnée vers 1893) En effet, l’insalubrité des lieux ,très souvent inondés par les crues de la Rance, dégrada progressivement l’édifice. Un nouveau lieu de culte fut alors édifié à l’intérieur du bourg. Aujourd’hui il ne reste que des ruines car, suite à l’abandon, s’ajouta la vente des murs de l’église, cette dernière servant de carrière. Sa démolition fut interrompue au début du XXe siècle. De l’édifice rectangulaire d’origine ne subsiste que la façade sud. De la nef ne restent que les vestiges d’un arc triomphal, jadis orné de fresques, dont l’une datait de la fin du XI° siècle. Cette dernière disparait avec une partie de pierres utilisées pour la construction du mur du cimetière et un préau à l’école communale. Une copie de la scène de crucifixion de style byzantin a pu être relevée et est conservée au musée national des Monuments français à Paris. Son porche est du début du XVe siècle, on peut encore voir d’importants vestiges de peintures murales romanes. A l’intérieur de cette église se trouvait le bras reliquaire, dit « de saintAndré ». Il contient en réalité les reliques de deux saints, saint Magne et saint Gonnery, dont les fragments d’os sont visibles au travers d’une petite fenêtre, dans le logement aménagé à l’intérieur du bras métallique. Il était de tradition, lors des périodes de sécheresse, de transporter ce reliquaire, en une procession solennelle, jusqu’à une mare qui, dit-on, ne tarissait jamais. Le reliquaire y était immergé en grande cérémonie, tandis que les habitants invoquaient ces saints pour que la pluie exauce leurs vœux. Wikipédia nous en dit plus sur cette chapelle

Ce fut une bien belle journée, en vérité !

Le pont de la rivière Rance

Le pont-viaduc de Lessard. Photo personnelle

Quelle belle et intéressante randonnée que celle qui nous mena, hier, sur une dizaine de kilomètres, de la jolie bourgade de la Vicomté-sur-Rance, au port du Lyvet, et au Châtelier avant de nous ramener au bercail.

La randonnée fut belle par les paysages somptueux qui s’offrirent à nos yeux, les sous-bois luxuriants, les rives toujours éblouissantes de la Rance, les reflets d’argent sur l’eau en contrebas, les chants d’oiseaux innombrables, les luxuriantes couleurs des orchidées tachant les prairies, les fragrances des ajoncs et de l’aubépine, et les champs d’orge ondulant sous le vent.

La randonnée fut intéressante car, sur le chemin, trois panneaux d’information nous firent, c’était inattendu, une véritable leçon d’histoire ! Permettez-moi de vous la bailler belle !

LE PONT DE LESSARD

Le viaduc de Lessard fut construit en 1879 pour relier Brest à Cherbourg par le train. Le tablier métallique initial, qui enjambait la Rance, chef d’oeuvre d’ingénierie, fut détruit par les bombardements allemands à la fin de la seconde guerre mondiale, le 2 août 1944. Il a été remplacé, en 1950, par une grande arche centrale en béton armé, très spectaculaire. L’originalité de l’ouvrage provient du maintien des anciennes piles et arches en granite, harmonieusement combinées avec la structure centrale en béton. 

La construction du pont, en 1879, a donné lieu à un passionnant article de l’hebdomadaire « Le Monde illustré » disponible en ligne sur la bibliothèque numérique Gallica (magie de l’internet). Cet article fut publié deux semaines après l’événement, le temps nécessaire, probablement, à la réalisation du magnifique dessin à la plume illustrant le texte. Le temps, décidément, ne s’écoulait par à l’époque comme il s’écoule aujourd’hui… Les photographes de presse n’existaient pas encore…   Source

Lançage du Viaduc de Lessard sur la ligne en construction du chemin de fer côtier de Cherbourg à Brest
Le viaduc de Lessard est établi sur la rivière de Rance, à 8 kilomètres environ au-dessous de Dinan, pour le passage du chemin de fer côtier de Cherbourg à Brest.  Il se compose à ses deux extrémités d’arches et de piles en maçonnerie reposant sur la pente escarpée des rives et au milieu d’une travée libre de 90 mètres, franchie par un tablier métallique élevé de 33 mètres au-dessus des sables de la Rance.  C’est ce tablier que l’on vient de lancer.
Le lançage consiste à faire glisser en grand, sur de forts galets , le pont monté de toutes pièces sur l’une des rives, jusqu’à ce qu’il ait atteint la place qu’il doit occuper. Plusieurs ponts métalliques remarquables ont été lancés de celle manière, mais tous avaient des piles intermédiaires qui, servant de point d’appui, permettaient de franchir facilement toutes les travées l’une après l’autre.
Le pont de Lessard a cela de particulier  que, n’ayant qu’une travée, il ne pouvait la franchir seul, puisque, arrivé au milieu de sa course, il eût nécessairement perdu l’équilibre et basculé. Aussi, les constructeurs ont-ils imaginé de jonctionner à son avant une certaine longueur de tablier d’un autre pont qui qui doit trouver trouver sa place plus loin, sur la même ligne, à la Fontaine-des-Eaux de Dinan. Ce pont auxiliaire, étant sensiblement plus faible que celui qu’il devait soutenir dans le vide, il y a eu là matière à de nombreux calculs à peu près rassurants, mais qui, néanmoins, laissaient assez d’indécision et d’imprévu pour exciter chez les constructeurs un vif désir de voir l’opération terminée. 
Le lançage a duré plusieurs jours, pendant lesquels de nombreux visiteurs, venus des pays avoisinants, ont afflué aux abords du chantier. Le dimanche 28 septembre surtout, jour ou l’avant du pont  a presque touché la rive opposée, la rivière de Rance et ses bords escarpés présentaient un spectacle très animé. Des milliers de spectateurs aux costumes les plus divers, venus par terre ou par eau, dans de jolies barques, égayaient le paysage et donnaient à la scène l’aspect d’une véritable fête.
Des ingénieurs, venus un peu de partout, ont suivi avec grand intérêt et dans tous ses détails l’opération du lançage. On a marché environ 170 mètres de longueur avec une vitesse moyenne, y compris les arrêts, de 6 mères à l’heure. 1 million 450.000 kilogrammes ont été halés ainsi sans efforts par 48 hommes menant 12 treuils. Il y avait 2 kilomètres 800 mètres de chaînes commandant 6 palans. Les 6 principaux galets de roulement pèsent chacun 6,000 kilogrammes; ils sont en fonte, montés sur une fusée en acier fondu de 35 centimètres de diamètre.
Le pont de Lessard seul pèse 1 million 200,000 kilogrammes; il se compose essentiellement de deux poutres de rive, longues de 98 mètres, hautes de 12 mètres à leur milieu et réunies entre elles par des treillis et des entre-toises, aussi bien en dessus qu’en dessous, ce qui fait de ce pont un véritable tunnel de fer sous lequel les trains passeront avec le bruit de la foudre.
C’est un magnifique travail qu’il faut ajouter à la liste, longue déjà, des travaux remarquables exécutés par la maison Jolly, d’Argenteuil.
Le projet du pont de Lessard a été fait par MM. les ingénieurs Pagès et Moïse, en collaboration avec les constructeurs, et M. l’ingénieur Mazellier en a dirigé l’installation.

Article paru le 10 octobre 1879, dans l’hebdomadaire Le monde illustré.

Sur l’illustration de cet article, on aperçoit un bateau à aubes et à vapeur, ainsi qu’un canot avec deux nageurs aux avirons. Mais, les bâtiments les plus étonnants qui naviguaient sur la Rance et donc sous ce pont, étaient les chalands. Ce fut la seconde découverte de notre randonnée !


LE CHALAND DE RANCE

Le  Chaland de Rance était la variante d’un robuste lougre de cabotage en mer qui fut adapté à la navigation en rivière et en canal pour emprunter les écluses et joindre Rennes. La présence de la quille limitant la charge transportée, il resta lié (à part quelques exemplaires envoyés en Basse Loire ) à La Manche, à La Rance et aux Canal d’Ille et Rance. Il fut plus tard  supplanté par le modèle de chaland Nantais qui pouvait porter davantage de frêt car il n’avait pas de quille. La concurrence de la voie ferrée devint aussi plus importante, et les chalands de Rance disparurent au cours de la première moitié du XXe siècle. Le dernier fut sans doute le LOUIS qui avait été motorisé pour  transporter du sable vers le port de Dinan.  Le LOUIS fut construit en 1917 par le chantier Tranchemer de La Richardais. De type bois ponté, il était constitué de 2 cales et servait à l’acheminement du sable pour les entreprises de construction, aux ponts et chaussées et aux  maraîchers rennais. Il mesurait 26,10 mètres de long, 4,6 m de large, son tirant d’eau était d’1,6 m, et il déplaçait 140 tonneaux.


L’ÉPERON BARRÉ DU CHÂTELIER

La troisième découverte, fut celle de l’Éperon barré du Châtelier que nous indiqua la pancarte du sentier de randonnée. Elle nous projette plus avant encore dans le temps passé. Nous marchâmes sur les pas de nos ancêtres les gaulois !

Repéré en 1977 lors d’une prospection aérienne, l’éperon barré du Châtelier est un promontoire de près de 6 hectares qui domine une courbe de la Rance à la limite des effets de marée. Côté terre, il est coupé par un profond fossé rectiligne de 300 mètres de longueur, de 15 mètres de largeur et de 8 mètres de profondeur. Il s’agit d’un système de défense ou de refuge typiquement gaulois, probablement édifié par les Coriosolites, avant la conquête de la Gaule par les romains. Un gué le reliait à Taden, et une voie romaine le longeait à sa partie sud. Aucun vestige n’y a jamais été découvert. 

Il est d’autres éperons barrés dans la région : la pointe de Cancaval en Pleurtuit et la pointe du Meinga en Saint-Coulomb. Pour ce dernier, il n’y a pas de fossé mais un talus en pierres sèches. 

Pour en savoir davantage sur les éperons barrés, voir cet article de Wikipédia


Ainsi, tandis que nous cheminions sur ces sentiers de randonnée, en pleine nature, admirant les paysages, la faune et la flore, l’Histoire vient à notre rencontre. Éblouissant !


Rien n’est charmant, à mon sens, comme cette façon de voyager. – A pied ! – On s’appartient, on est libre, on est joyeux ; on est tout entier et sans partage aux incidents de la route, à la ferme où l’on déjeune, à l’arbre où l’on s’abrite, à l’église où l’on se recueille. On part, on s’arrête, on repart ; rien ne gêne, rien ne retient. On va et on rêve devant soi. La marche berce la rêverie ; la rêverie voile la fatigue. La beauté du paysage cache la longueur du chemin. On ne voyage pas, on erre. à chaque pas qu’on fait, il vous vient une idée. Il semble qu’on sente des essaims éclore et bourdonner dans son cerveau. Bien des fois, assis à l’ombre au bord d’une grande route, à côté d’une petite source vive d’où sortaient avec l’eau la joie, la vie et la fraîcheur, sous un orme plein d’oiseaux, près d’un champ plein de faneuses, reposé, serein, heureux, doucement occupé de mille songes, j’ai regardé avec compassion passer devant moi, comme un tourbillon où roule la foudre, la chaise de poste, cette chose étincelante et rapide qui contient je ne sais quels voyageurs lents, lourds, ennuyés et assoupis ; cet éclair qui emporte des tortues. -oh ! Comme ces pauvres gens, qui sont souvent des gens d’esprit et de cœur, après tout, se jetteraient vite à bas de leur prison, où l’harmonie du paysage se résout en bruit, le soleil en chaleur et la route en poussière, s’ils savaient toutes les fleurs que trouve dans les broussailles, toutes les perles que ramasse dans les cailloux, toutes les houris que découvre parmi les paysannes l’imagination ailée, opulente et joyeuse d’un homme à pied ! Musa pedestris.
Et puis tout vient à l’homme qui marche. Il ne lui surgit pas seulement des idées, il lui échoit des aventures ; et, pour ma part, j’aime fort les aventures qui m’arrivent. S’il est amusant pour autrui d’inventer des aventures, il est amusant pour soi-même d’en avoir.   
 

Victor Hugo, Le Rhin, lettres à un ami, Lettre XX.